jeudi 18 décembre 2025

Histoire vraie de l'ère woke : l'affaire Yi-Fen Chou

En 2015, une controverse inattendue secoue le milieu littéraire américain et relance le débat sur les préjudices raciaux, conscients ou non, qui traversent les institutions culturelles. Au cœur de cette affaire se trouve Michael Derrick Hudson, poète américain blanc originaire de Fort Wayne, dans l’Indiana, et son poème au titre foisonnant : The Bees, the Flowers, Jesus, Ancient Tigers, Poseidon, Adam and Eve.

Un poème rejeté… puis accepté sous pseudonyme

Avant d’être remarqué, le poème de Hudson avait essuyé environ quarante refus de la part de revues littéraires lorsqu’il était soumis sous son véritable nom. Lassé par ces échecs répétés, l’auteur décide d’adopter un pseudonyme à consonance asiatique, Yi-Fen Chou, inspiré du prénom d’une connaissance d’origine chinoise.
Michael Derrick Hudson alias Yi-Fen Chou

Soumis sous cette nouvelle identité, le même poème est accepté par la prestigieuse revue Prairie Schooner, publication reconnue dans le paysage poétique américain. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais elle prend une dimension nationale lorsque le texte est ensuite sélectionné par Sherman Alexie, écrivain amérindien de renom, pour figurer dans l’anthologie The Best American Poetry 2015.

La révélation et le scandale

C’est Hudson lui-même qui révèla la supercherie. Dans une note adressée aux contributeurs de l’anthologie, il expliqua avoir utilisé ce pseudonyme pour contourner ce qu’il percevait comme une série de rejets injustifiés. Cette révélation déclencha immédiatement une vive polémique.

Sherman Alexie reconnut publiquement que le nom asiatique de l’auteur ait pu jouer un rôle dans sa perception initiale du poème. Il précisa toutefois que son choix reposait aussi sur la qualité littéraire du texte. Cette admission, loin d’apaiser les tensions, alimenta un débat plus large sur la place de l’ethnie ou de l'identité raciale dans les processus de sélection artistique.

Une condamnation quasi unanime

La réaction dominante du monde littéraire est sévère à l’égard de Hudson. Celui-ci est accusé de manipulation, de tromperie et d’appropriation identitaire. En revanche, peu de voix institutionnelles s’élèvent pour interroger de manière approfondie les biais potentiels des comités éditoriaux ou les critères implicites qui auraient pu favoriser un texte en fonction du nom de son auteur.

Ce déséquilibre dans les réactions est souligné par plusieurs observateurs : l’auteur est largement blâmé, tandis que le système de sélection lui-même fait l’objet de peu d’autocritique officielle.

Des conséquences durables pour l’auteur

Après cet épisode, Michael Derrick Hudson disparaît pratiquement de la scène littéraire dominante. Il est ostracisé par une partie du milieu et ne retrouve pas la visibilité qu’il avait brièvement obtenue. Aucune réforme notable des pratiques éditoriales n’est annoncée à la suite de l’affaire, et aucun mea culpa institutionnel majeur n’émerge du scandale.

L’affaire Hudson est solidement documentée. Elle a été couverte par des médias de référence, notamment le New York Times en septembre 2015, et figure dans les archives publiques, y compris sur Wikipédia, dont la page consacrée à l’auteur est régulièrement mise à jour. Les éléments clés — les nombreux rejets initiaux, l’acceptation sous pseudonyme et la sélection dans Best American Poetry 2015 — sont confirmés par des sources concordantes.

En revanche, les interprétations qui en découlent varient fortement. Certains y voient la preuve de politiques implicites de discrimination positive ou de quotas identitaires dans le monde littéraire ; d’autres estiment qu’il s’agit d’un cas isolé, instrumentalisé à des fins idéologiques. Ces lectures relèvent du commentaire social et politique, non du fait brut.

Une affaire révélatrice

Dix ans plus tard, l’affaire Michael Derrick Hudson demeure un symbole des tensions qui traversent les institutions culturelles contemporaines : entre quête de diversité, exigences d’équité et soupçons de biais inversés. Si les opinions restent profondément polarisées, un point fait consensus : l’épisode est réel, documenté et révélateur des fragilités d’un système où l’identité de l’auteur peut parfois peser aussi lourd que son œuvre.
 
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Les contes de Noël publiés aujourd’hui diluent voire effacent les valeurs chrétiennes

Pourquoi est-il important de lire des contes aux enfants ?

Les contes véhiculent un imaginaire qui permet de structurer leur intelligence et leur apprend à construire leur univers intérieur. Parce qu’ils placent d’emblée le récit hors du temps, hors de la réalité, les contes ont la vertu de stimuler l’imagination de l’enfant, de lui montrer que le champ des possibles est ouvert devant lui, et de le pousser ainsi à grandir, à devenir adulte. On voit malheureusement se développer toute une littérature destinée aux enfants qui consiste essentiellement à explorer des problèmes psychologiques auxquels ils peuvent être confrontés. C’est un dévoiement de la lecture, parce qu’on les prive dans ces livres de la dimension imaginaire, si structurante à leur âge.

Quels sont les ingrédients d’un bon conte de Noël ?

Comme dans tous les contes, il faut qu’il délivre une morale qui élève l’enfant. Pour Noël, cette morale est par essence chrétienne. Et il faut de belles illustrations, car l’image est pour les enfants une porte d’entrée dans la lecture. À Noël, cette nécessité de créer une ambiance qui fasse rêver et donne envie de lire est plus importante encore, car c’est une période de l’année où la vue est très sollicitée, on le voit bien avec les illuminations dans les rues, les vitrines de Noël… C’est le moment par excellence où l’on peut toucher les enfants par de beaux livres illustrés.


Les contes de Noël sont-ils en voie de disparition ?

De nombreux contes liés à Noël continuent d’être publiés chaque année. Ce qui, en revanche, est en voie de disparition, c’est le conte de Noël traditionnel, celui qui est pétri de traditions chrétiennes. Dans les contes de Noël publiés aujourd’hui, ces valeurs chrétiennes sont très souvent diluées, voire effacées. Seule persiste la connotation positive de Noël. On continue d’y trouver l’idée du don de soi, souvent d’ailleurs à travers les cadeaux qui sont une tradition païenne, l’idée de convivialité, de rassemblement, d’esprit de famille qui disent quelque chose de ce qu’est l’amour.

La génération sacrifiée à la « diversité »

Dans The Lost Generation, Jacob Savage analyse comment les politiques de diversité, équité et inclusion (DEI) ont profondément transformé les carrières des hommes blancs millénariaux (nés entre 1981 et 1996) dans les élites professionnelles américaines — en particulier dans les médias, le milieu universitaire et Hollywood — à partir d’environ 2014

Selon Savage, ces politiques n’ont pas simplement rééquilibré les chances d’avancement : elles ont, de manière systématique, bloqué l’accès aux postes de prestige pour une génération entière d’hommes blancs, créant ce qu’il appelle une « génération sacrifiée ». Contrairement aux baby-boomers et à la génération X qui avaient déjà consolidé leurs carrières, les millénariaux blancs se sont heurtés à des barrières croissantes au moment où ils cherchaient à s’établir professionnellement.

Savage situe un tournant décisif en 2014, lorsque la DEI est devenue institutionnalisée dans de nombreuses industries. Alors que les hommes blancs plus âgés, déjà en place, ont été relativement préservés du changement, les jeunes hommes blancs ont vu les portes se fermer autour d’eux.

Des chiffres frappants dans plusieurs secteurs

Médias et télévision
  • En 2011, les hommes blancs représentaient 48 % des scénaristes télé à Los Angeles, mais ce chiffre est tombé à 11,9 % en 2024.
  • À The Atlantic, le personnel éditorial est passé de 89 % blanc et 53 % masculin en 2013 à 66 % blanc et 36 % masculin en 2024.
  • Depuis 2020, seuls 7,7 % des stagiaires au Los Angeles Times sont des hommes blancs.
Universités
  • À Harvard, la proportion d’hommes blancs dans les postes menant à la titularisation en sciences humaines est passée de 39 % en 2014 à 18 % en 2023.
  • À Brown, parmi 45 embauches récentes en sciences humaines et sociales, seuls 3 étaient des hommes blancs américains (6,7 %).
  • À Yale, parmi les 76 professeurs en voie de titularisation, seuls 6 (7,9 %) sont des hommes blancs.
Industrie du divertissement

Savage note aussi que, sur une décennie, les nominations aux Oscars comme scénaristes ont largement favorisé les hommes blancs de la génération X (plus de 50 nominations de 2014 à 2023) contre seulement 6 pour les millénariaux blancs. 

Témoignages personnels qui illustrent le phénomène

Certaines expériences individuelles mises en avant par Savage montrent l’impact humain de ces tendances :
  • Ethan, un chercheur progressiste, a eu du mal à décrocher un poste universitaire malgré un solide CV. Partout, on lui a demandé des déclarations DEI et d’orienter ses recherches autour de la race pour être considéré.
  • Andrew, dans les médias, raconte qu’il s’était vu promettre un poste important, puis qu’il a vu ce poste attribué à une personne plus jeune et « diversifiée », laissant entendre une préférence institutionnelle.
  • Matt à Hollywood, attribue la situation à des hommes blancs plus âgés qui ont consolidé leurs réseaux, empêchant l’émergence de jeunes talents de la même origine.
Savage raconte son propre parcours à Hollywood : après des années à écrire des scénarios tout en survivant grâce à des petits boulots, il a vu sa seule véritable opportunité lui échapper parce que les cadres de l’industrie estimaient qu’un groupe de scénaristes « trop blanc » risquait de nuire à l’image de diversité recherchée par les studios.

Certaines figures publiques ont dénoncé ces pratiques comme potentiellement illégales. Andrea Lucas, présidente de la EEOC (Commission pour l’égalité des chances en emploi), a qualifié ces politiques de discrimination, appelant ceux qui s’estiment lésés à se manifester. De même, Harmeet Dhillon, aide-procureur générale, a encouragé les plaintes formelles contre des pratiques d’embauche biaisées.

Des études externes, comme celle de ResumeBuilder.com en 2022, montrent qu’environ 1 recruteur sur 6 a été encouragé à déprioriser systématiquement les hommes blancs, ce qui alimente l’argument selon lequel certains processus de recrutement privilégient l’identité au détriment des qualifications. 

The Lost Generation présente le récit d’une génération d’hommes blancs millénariaux éloignée de l’accès aux professions les plus influentes, non pas à cause d’un manque de compétences ou d’efforts, mais parce que des politiques de DEI, devenues omniprésentes après 2014, ont réorienté de manière décisive la distribution des opportunités.

Savage conclut que cette exclusion, combinée à une culture qui stigmatise toute critique du système, a créé un profond ressentiment silencieux, qui pourrait contribuer à certaines évolutions sociales et politiques récentes observées parmi les jeunes hommes blancs aux États-Unis.