On apprend à tout âge. Y compris avant même d'être venu au monde ? Pour les chercheurs qui s'intéressent à l'acquisition du langage, les indices en ce sens se sont multipliés au cours des dernières années. On sait désormais que, grâce aux sons qui lui sont parvenus in utero, le nouveau-né a analysé et décrypté un certain nombre d'informations : il reconnaît (et préfère) la voix de sa mère, le générique du feuilleton qu'elle a regardé tout au long de sa grossesse, mais aussi, plus sérieusement, les inflexions de ce qui sera sa langue maternelle. Une équipe a d'ailleurs montré en 2009 que la douce mélodie des pleurs du nourrisson était façonnée par cette langue maternelle.
Tous ces indices laissent penser que le cerveau du fœtus est capable de commencer à décrypter le langage et d'en mémoriser certains éléments. Toute la difficulté consiste à confirmer cette hypothèse et c'est ce petit tour de force que vient de réaliser une équipe de chercheurs finlandais et néerlandais dans une étude publiée le 26 août dans les Actes de l'Académie des sciences américaine. Pour y parvenir, ils ont recruté une trentaine de couples en attente d'un heureux événement. A la moitié d'entre eux, ils ont confié un CD contenant un enregistrement de 8 minutes au cours duquel un mot inventé de trois syllabes (tatata) était répété des centaines de fois, avec deux variantes. La première était un changement de voyelle (tatota), la seconde une différence d'intonation sur la deuxième syllabe. Le tout était entrecoupé de plages musicales sans paroles.
Les futures mamans suivaient des consignes assez simples : depuis la 29e semaine de grossesse (à partir de laquelle le système auditif du fœtus est opérationnel) et jusqu'au terme, elles diffusaient le contenu du disque cinq à sept fois par semaine, de préférence toujours à la même heure de la journée. Elles ne devaient, pendant cette courte opération, pas parler ni chanter. En moyenne, le « tatata sous ses diverses formes a été entendu plus de 25 000 fois par les fœtus durant cet apprentissage. Il ne restait plus qu'à attendre les naissances. Dans les jours qui suivaient celles-ci, les chercheurs faisaient passer un électro-encéphalogramme (voir photo ci-dessus) aux nourrissons en surveillant la réaction de leur cerveau à l'écoute d'un enregistrement contenant les fameux "tatata". L'expérience a prouvé que les bébés ayant suivi l'entraînement reconnaissaient le mot inventé et ses variantes alors que les enfants du groupe témoin en étaient incapables.
Non seulement ce travail fournit un protocole solide pour détecter, immédiatement après leur naissance, les souvenirs qu'ont emmagasinés les bébés lors de leur vie intra-utérine mais il montre aussi que l'enfant commence à apprendre le langage dans le ventre de sa mère. Les auteurs de l'étude soulignent que la perméabilité du cerveau fœtal aux sons est à double tranchant : « Si un fœtus est exposé à des environnements bruyants ou des environnements dont le son n'est pas structuré, comme par exemple sur le lieu de travail de la mère enceinte, cette expérience peut entraîner chez le nourrisson une organisation aberrante des structures centrales de son système auditif, ce qui pourrait par la suite affecter sa perception et son apprentissage du langage. » Ces chercheurs préconisent donc de faire attention à l'environnement sonore de l'enfant et ce même lorsqu'il est invisible, avant sa naissance.
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