lundi 27 février 2023

Espagne — une première fille trans repentie poursuit la Santé publique

Susana Domínguez (ci-contre) est à la une d’El Mundo. La jeune Galicienne, diagnostiquée alors qu’elle n’avait que 15 ans, s’est fait enlever les seins et l’utérus sans surveillance psychiatrique. Les spécialistes n’ont pas non plus détecté son autisme. « Et comment  répare-t-on ça maintenant ? » se lamente sa mère.

Susana Dominguez porte plainte contre la Santé publique. 

En 2020, Susana Domínguez, alors âgée de 21 ans, est retournée voir le psychologue qui six ans plus tôt avait donné le feu vert à son traitement de changement de sexe, et avait par la suite autorisé la santé publique à lui retirer son utérus. Elle voulait lui expliquer qu’ils avaient tous les deux fait une terrible erreur : elle était convaincue qu’il y a des années, dans ces conversations entre eux, ils s’étaient tous les deux trompés.

Elle n’était pas un garçon dans un corps de fille, comme elle le lui avait dit alors qu’elle n’avait que 15 ans. Les hormones et les opérations avaient été une énorme erreur. Il avait fallu six ans à Susana pour se rendre compte que peut-être ses problèmes mentaux, dont la dépression et les troubles schizoïdes, l’avaient rendue incapable de prendre la bonne décision.

En réalité, dit-elle au psychologue, elle était et avait toujours été une femme, mais une femme avec des troubles graves qui n’avaient rien à voir avec la transsexualité. Des troubles que lui, professionnel de la santé mentale, n’avait pas pu voir à temps. « Et puis le psychologue m’a dit : “On commence, on commence” », raconte Susana aujourd’hui. « Il avait l’air d’être gêné par mes ennuis… ! J’étais un adolescent troublé et il était mon thérapeute. »

Fonds de pension anglo-saxons appellent tous les jours les PDG pour leur imposer des valeurs « woke »

Dans Le management totalitaire, la journaliste Violaine des Courières s’en prend aux nouveaux modes de management dans certaines entreprises. Ils cumulent, selon elle, les archaïsmes de l’entreprise française et les dérives du capitalisme à l’anglo-saxonne. Extraits d’un entretien avec Violaine des Courières paru dans le Figaro.

— Votre livre entend décrypter les dysfonctionnements de l’entreprise moderne et démonter un type de management cumulant les archaïsmes de l’entreprise française et les dérives du capitalisme à l’anglo-saxonne. Comment se traduit cette nouvelle forme de management ?

Violaine des COURIÈRES. — C’est une enquête de cinq ans. J’ai interviewé des inspecteurs du travail, des grands PDG, des salariés, des gestionnaires, et tous ces témoignages vont dans le même sens. Ce qui est marquant, c’est que les patrons sont les plus virulents à l’égard de cette forme de « dérive totalitaire » dans les entreprises, Ils considèrent qu’il y a urgence. Cette dérive est avant tout liée à la financiarisation de l’entreprise ; les ex-PDG racontent comment, en l’espace de 30 ans, ils ont vu l’étau financier se resserrer dramatiquement.

Ces personnes ont une pression de la part des actionnaires, au point qu’ils ne peuvent plus avoir de vision à long terme et avoir une stratégie pour leur entreprise. Henri Lachmann, ex-PDG de Schneider Electric [entreprise « française », sic], me disait que progressivement, il est devenu myope. Ce brouillard imposé, inconsciemment ou non, par les actionnaires les interpelle. Un autre PDG racontait que des actionnaires, notamment des fonds de pension anglo-saxons, les appellent tous les jours pour leur imposer des valeurs « woke » contre leur gré. Les PDG deviennent des salariés.

— Peut-on vraiment parler de management « totalitaire » ? N’est-ce pas exagéré ?

 Lorsque j’ai eu l’idée, de ce livre, je m’attendais à cette remarque. Je me suis douté que le patronat allait me tomber dessus. Alors, un jour, lors d’un événement, j’ai rencontré le directeur général d’une multinationale française et lui ai posé votre question. Il m’a répondu, de façon claire : « Il y a bien une dérive totalitaire ». Si même un grand patron l’affirme, c’est qu’il y a un vrai problème. Le hic, c’est que ces dirigeants ne veulent pas parler publiquement.

Le problème n’est pas l’entreprise en soi. Cette gestion dite totalitaire est le poison qui vient du monde anglo-saxon et rend nos entreprises malades. Réfléchir à ce problème me semble salutaire. Surtout si cela peut permettre de (re) définir les valeurs d’un capitalisme alternatif.

— Ce nouveau mode de gestion est apparu selon vous avec la financiarisation des grandes entreprises. En quoi l’ère de la fusion-acquisition a-t-elle bousculé le management « à la papa » ?

 Un chiffre marquant : entre 1985 et 2017, le nombre de fusions-acquisitions dans les entreprises a été multiplié par 18. On a ainsi instauré une culture de l’instabilité, qui a été théorisée par des scientifiques, notamment Peter Kruze. Ce médecin allemand a développé la théorie de la « culture du changement » dans son ouvrage Change management. Selon elle, l’instabilité permet d’avoir une meilleure rentabilité, parce que le changement permanent pousse l’employé à se dépasser. Il n’a pas considéré le fait qu’à moyen et long terme, le changement finit par user, ce que l’on voit très nettement aujourd’hui avec l’explosion du nombre de surmenages.

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— Selon vous l’émission « Le Maillon faible », diffusée sur TF1 dans les années 2000, est le symbole de ce « management totalitaire »…

—  On peut, en effet, faire un parallèle intéressant entre les nouveaux modes de management et l’émission Le Maillon faible. Ce programme met en scène un mode de sélection qui est assez proche de celui des entreprises aujourd’hui. C’est-à-dire que la compétition n’est plus entre les bons et les mauvais, mais entre les forts et les faibles. Le plus étonnant est que, tout comme les joueurs acceptent de venir se faire humilier à la télévision, les salariés acceptent de rentrer dans la compétition et finissent par s’évincer les uns les autres. C’est une forme de servitude volontaire, d’intégration de l’humiliation. L’entreprise est devenue une forme d’arène, de système à part, dans laquelle tous les coups sont permis, comme si c’était un jeu télévisé.

— N’a-t-on pas une vision fantasmée de la « gestion à l’ancienne » ?

—  Effectivement, la gestion « à la papa » n’était pas toujours très tendre, mais ceux qui l’ont connu sont terrifiés par les nouveaux modes de gestion. Ce qui montre bien que, même si ce n’était pas parfait avant, le monde du travail est parti complètement à la dérive.

Ce qui était essentiel avant, c’était le lien de loyauté. Lorsqu’on restait dans une entreprise pendant 15 ans, on pouvait avoir un patron insupportable, certes, mais on ne pouvait pas être renvoyé du jour au lendemain. Chacun respectait son contrat moral envers l’autre. Aujourd’hui, le fait d’avoir un CDI et de l’ancienneté dans une entreprise n’est plus qu’une façade.

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— La question du management traduit-elle en creux une perte de sens du travail en lui-même qui contribue au mal-être des salariés ? L’apparition des « emplois à la con » dans les grandes entreprises est-elle une source de malaise et de frustration ?

 La Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (DARES), estimait dans une étude en 2021, que la perte de sens au travail était croissante lorsque les changements et réorganisations se multipliaient. Il y a donc un lien réel entre le mal-être des salariés et la culture de l’instabilité. Les changements permanents, les fusions-acquisitions, mais aussi l’introduction de nouveaux logiciels, de nouvelles équipes, ont un impact sur la psychologie du salarié et participent à dévaluer le sens du travail.

On observe également que les salariés qui trouvent le plus de sens dans leur travail sont ceux ayant le plus de liens avec leurs collègues, mais quand l’entreprise et les équipes changent constamment, comment établir des relations stables ?

— Le télétravail et le flex-office, qui créent une instabilité permanente, ne participent-ils pas au mal-être du salarié ?

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Il y a deux aspects ambivalents dans le télétravail. Certains salariés ont pu se rendre compte, grâce au travail à distance, qu’ils étaient bien trop dévoués à leur entreprise et qu’ils en avaient oublié leur famille, leurs passions… Le télétravail leur a donc permis de réinvestir leur vie personnelle. C’est cette prise de conscience qui a mené au phénomène de démissions massives en 2021/2022. Mais d’un autre côté, il y a aussi ceux qui sont bloqués dans leur travail, et qui, financièrement, ne peuvent pas se permettre de relâcher la pression. À ce moment, c’est la maison et la vie privée qui sont vampirisées par le travail, et non l’inverse. C’est l’entreprise qui vient s’installer chez eux, et l’abolition de la distinction travail/maison est à la source de beaucoup de surmenages et d’épuisements professionnels.

Un des points importants de cette enquête est la question de l’éducation des salariés. Aujourd’hui, l’entreprise « éduque » les collaborateurs, avec des programmes de mise au sport, des formations pour favoriser son « ouverture », l’injonction à devenir un leader. L’entreprise tente de nous éduquer à devenir un être exceptionnel, pour répondre aux exigences de production.

— Est-ce que cette nouvelle forme de management a eu pour conséquence (ou pour cause) un changement dans le rapport des salariés à l’autorité et à la hiérarchie ?

— Cette question est assez complexe. Je pense que les nouvelles générations ont un rapport différent à l’autorité. Ils s’approprient cette culture de l’instabilité, cette rupture du lien de confiance, et choisissent eux-mêmes quand partir, au lieu de se faire virer. Les jeunes ont une vision bien plus utilitariste de leur travail, et cela peut poser d’importants problèmes aux patrons, surtout aux PME. Nombre d’entre eux ont vu leur père tout sacrifier pour travail avant d’être licencié. Ils n’ont pas envie de cela, ils ne veulent plus sacrifier leur vie de famille. Ils l’ont compris et préfèrent tenter de tirer profiter de cette fluidité.

Violaine des Courières est journaliste au service société de Marianne. Son premier livre, Le management totalitaire paraît le jeudi 26 janvier 2023, aux éditions Albin Michel (224 p., 21,90 €).

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