lundi 25 août 2008

« L'aspect éthique négligé » par les opposants au cours d’ECR

La Tribune de Sherbrooke consacre un autre article aux seuls partisans du cours d’ECR, rien de bien neuf (faire peur aux parents d’un côté, d'un autre prétendre que le nouveau cours n’aura pas d'impact sur la foi des enfants, ce qui dans l'absolu est faux bien sûr). Rien de neuf, sauf ce paragraphe :
Selon Christian Provencher, [le préfet de discipline à la Commission scolaire des Sommets], les opposants au cours d'éthique et de culture religieuse oublient trop souvent l'aspect éthique du cours. « Les jeunes vont se pencher sur le respect, la justice et les différentes réalités sociales qui les entourent. C'est une plus-value dans le développement global des jeunes. »

« Mauvaise foi »

Cette critique n’est pas sans rappeler la critique au vitriol de Sylvain Fournier, enseignant en Éthique et culture religieuse à la Commission scolaire des Affluents et responsable de l'information à l’Association québécoise en éthique et culture religieuse (AQÉCR) parue dans la Voix de l'Est. Celui-ci reprochait à la Coalition pour la liberté en éducation (CLÉ) de mener une « campagne de désinformation », de discours « mensonger » et de « mauvaise foi » en citant pour preuve, si on peut dire, que la CLÉ ne parlait jamais du volet éthique du programme d'ECR. Rien de moins ! Le manque de modération des propos d’un enseignant en ECR et responsable de l’information à l’AQÉCR ne peut qu’inquiéter les parents soucieux de l’instruction de leurs enfants.

Les partisans du cours d’ECR qui s'expriment dans les médias, assez conformistes et dont tant semblent défendre étrangement leur gagne-pain, devraient se renseigner. Aidons-les.

Pas d’éthique, sans définition de vertus…elles dépendent de la foi

Pour des croyants, l’éthique ne peut se concevoir sans un cadre moral préalable : quels sont les vertus et les vices acceptés. Nommons, par exemple, une de ces vertus qui manque singulièrement aux architectes qui ont pondu ce cours pour les enfants du bon peuple québécois : la prudence. La prudence qui imposait de ne pas imposer ce cours, mais de le rendre au moins facultatif devant la réticence de nombreux parents et même des évêques catholiques, mollement résignés.

Citons Léon XIII dans son encyclique Affari Vos : « sans religion il ne peut y avoir aucune éducation digne de ce nom, ni quelque bien que ce soit, étant donné que la véritable nature et puissance de tous les devoirs origine des devoirs spéciaux qui lient l’homme à Dieu, qui commande, défend et détermine ce qui est bien et mal. »

Or, donc, la religion propose un cadre moral qui peut s’opposer, lors des discussions éthiques abordées, aux points de vue qui seront exposés en classe ou qui seraient majoritaires. On ne peut donc croire que le volet éthique est séparé de manière étanche du volet religieux pour des croyants comme le laissent penser ces fonctionnaires du MELS.

Notons que les points de vue présentés (« voici ce que pensent les catholiques, les scientifiques ») le seront peut-être de manière tronquée (il y aura si peu de temps avec tant de religions et le point de vue « scientifique » à aborder !) sans que les parents ne le sachent.

Sujets d’éthique prématurés, pression conformiste ou embarrassante

En octobre 2007, Mme Morse-Chevrier s’était inquiétée des questions relatives aux « types de famille » acceptables (homosexuelle, polygame par exemple ?) et avait souligné que ce sujet était trop délicat et controversé pour être abordée au premier cycle de l'école primaire. Qu’exigera-t-on de l’enfant dans une telle discussion ? L’enfant vivra une pression sociale si ses valeurs familiales ne vont pas dans le sens du programme ou du groupe. Rappelons que la plupart des religions partagent ces réserves par rapport aux modèles familiaux que le programme d’ECR dans sa partie « éthique » encourage à explorer. C’est aussi le fait de l’Église catholique, même si l’Église québécoise, timorée, ne dit mot de peur de paraître « radicale » ! Faut-il rappeler que le message christique est radical, que Dieu vomit les tièdes (Apocalypse 3:14-16) ou que Jésus réprouve ceux qui cachent Sa Lumière sous le boisseau (Matthieu 5:15) ? Et en quoi le silence des catholiques (ou des chrétiens en général), terrorisés de passer pour des extrémistes, a-t-il fait avancer leur cause ? Ils laissent, de la sorte, un boulevard à leurs détracteurs qui essaieront, sûrs de leur monopole de la parole, d'imposer aux enfants des croyants des valeurs que ces mêmes croyants réduits au silence récusent pourtant.

En février 2008, Mme Morse-Chevrier, psychologue et présidente de l’Association des parents catholiques du Québec, lors d’une grande réunion publique à Montréal à l'Oratoire Saint-Joseph s’était encore penchée sur le nouveau programme « Éthique et Culture religieuse » pour en signaler par des exemples concrets les dérives possibles : demande prématurée d'abstraction de la part des enfants (dès six ans !), confusion alors que l'enfant demande des repères, pression du groupe fréquente quand le programme demande aux enfants de « dialoguer » (avec quelles connaissances ?) et de voir comment ils sont parvenus à modifier ou non leurs points de vue. Tout cela sur de nombreux sujets délicats qui pourraient embarrasser ou blesser les enfants qui se trouveraient sans réponse ou en minorité.

Créer des enfants individualistes, pluralistes et critiques des préceptes moraux de leurs parents

En juin 2008, Douglas Farrow dans le National Post s’opposait à la philosophie individualiste sous-jacente au cours d’ECR : 
« C’est le même Québec qui en septembre [2008] commencera à enseigner un programme obligatoire d’Éthique et de culture religieuse – obligatoire dans toutes les écoles, publiques et privées – dont le but avoué est d’inculquer à chaque jeune Québécois une philosophie « individualiste ». En effet, l’objectif est de créer une distance critique (comme s’il en fallait davantage !) entre la jeune fille de Gatineau et les préceptes moraux et religieux de ses parents ou de son prêtre. » […]

Nous sommes désormais tous devenus les pupilles de l’État et il ne faut plus s’étonner quand nos juges et politiciens prennent des décisions qui nous poussent à demander où s’arrête l’autorité parentale et où commence celle de l’État. Dans le nouveau Canada, l’autorité de l’État, comme celle de Dieu, ne connaît plus ni début, ni fin. »
En mai 2008, dans la Gazette, Douglas Farrow écrivait :
« Je me dresse contre ce cours parce que — ne vous y trompez pas — ce cours vise à sevrer les enfants des religions traditionnelles et de leurs engagements moraux pour leur inculquer une idéologie antipathique à ces engagements, l’idéologie dite du pluralisme normatif ». Le but est de leur enseigner le principe de Sheerman selon lequel la foi est acceptable tant et aussi longtemps que les gens n’y croient pas trop. Ce qui est visé, en d’autres mots, c’est de les arracher de leur communauté de socialisation de base — leurs familles et leurs lieux de culte — pour les unir dans l’État, avec l’État et sous l’État, un État qui se considère foncièrement plus important que ces familles et ces églises. »

Créer un « Vivre ensemble »

Quant au vivre ensemble tant vanté du nouveau cours d’éthique, M. Antoine Malek, président de l'Association de la communauté copte orthodoxe du Grand Montréal, a adressé une lettre à la ministre de l'Éducation, reproduite dans l'édition du printemps 2008 de Famille-Québec :
« Madame la ministre, nous trouvons honteux [nous soulignons] que vous teniez ces propos qui peuvent laisser sous-entendre que les Québécois ne sont pas vraiment capables de bien vivre ensemble. Nous trouvons honteux [idem] que l'ensemble de votre argumentation puisse culpabiliser les Québécois. Non, madame la ministre, les Québécois méritent d'être félicités pour leur civisme, leur accueil chaleureux et leur savoir vivre ensemble. »
M. Gary Caldwell, dans le nº 20 de la revue Égards, reprend ce thème :
« En proclamant le besoin de « créer » un « vivre ensemble », on se trouve, par le fait même à escamoter et déprécier celui qui existe déjà. En fait, la société québécoise jouit d’un degré de civilité hors de l’ordinaire et d’un esprit d’égalité exceptionnel. […] Présumer qu’il faille rendre les jeunes Québécois plus tolérants et plus capables de « vivre ensemble » que la société civile ne le fait déjà constitue une attitude de mépris envers le « vivre ensemble » et « la culture publique commune » qui existent présentement. »

Dialoguisme et dialogue : à boire et à manger

Le nouveau cours insiste beaucoup dans sa composante éthique sur le dialogue. Or, s'il est bon d'étudier et d'apprendre les règles du respect, du discours argumenté, de la délibération et de détecter les erreurs de logique dans les discours, il n'est pas du tout certain que cela mérite un cours particulier répété chaque année de la scolarité obligatoire. Tout à coup, les compétences transversales disparaissent !

Il faut aussi distinguer le dialogue de l'acceptation des arguments d’autrui de la part d'élèves mis en minorité quand on aborde des sujets délicats, les échanges vains (il y a bien autre chose à faire avec un horaire surchargé !) ou encore l'affadissement de ses positions, par exemple « dialogue interreligieux ».

Pure spéculation ? Voyons ici ce qu'en disent les manuels approuvés au primaire : dialogue à l'issue « duquel tout le monde devrait êter gagnant" » (Modulo, 5e primaire, p. 6) quitte à faire l’appel au conformisme le plus béat lorsque, par exemple, les enfants d’une équipe doivent tous se mettre d’accord sur qui, parmi des personnages fictifs, aura le droit de s’asseoir dans un autobus bondé (Modulo, 2e cycle). On ne comprend pas très bien comment ces dialogues « au terme [desquels] tout le monde devrait être gagnant » formeront des citoyens autonomes tant vantés par le MELS. Coupés des valeurs de leurs parents, probablement, mais pas plus autonomes.




On notera au passage que ces critiques n’ont pas été reprises par la presse quotidienne francophone du Québec…

« Beaucoup de manuels critiqués sur ce site ne sont pas approuvés par le MELS »

Nous avons reçu ce commentaire d'une blogueuse Sonia qui nous accuse de critiquer de nombreux manuels non approuvés :
Après une simple vérification, on constate que beaucoup de manuels critiqués sur ce site ne sont pas approuvés par le MELS. Peu importe ce que l'on pense du programme, il faut vérifier ses sources pour ne pas faire de la désinformation...
D'une part, nous avons toujours demandé aux éditeurs de nous envoyer uniquement des livres qui peuvent être utilisés dans les écoles, d'autre part une simple vérification avec source montre que l'affirmation vague (« beaucoup de manuels ») de Sonia est non fondée. Rappelons que nous avons critiqué ici 7 livres : six manuels de Modulo et un cahier d'activités d'ERPI.

Voici une reproduction des deux pages du Bureau d'approbation du matériel didactique du MELS énumérant les manuels approuvés pour le cours d'ECR au primaire. Reproduction pour connaître la situation actuelle, on trouvera ici le PDF régulièrement mis à jour. On remarquera que les six manuels de Modulo pour le primaire que nous avons critiqués sont tous approuvés ! Pour ce qui est du livre du secondaire d'ERPI, il s'agit d'un cahier d'activités, et non d'un manuel, qui n'a pas à recevoir l'approbation du MELS pour pouvoir être utilisé en classe. Ce cahier fait toutefois plus de 220 pages. Merci Sonia.


manuels de Modulo approuvés
manuels de Modulo approuvés