jeudi 9 avril 2015

Où est le problème ?


L’opinion de Solange Lefebvre, titulaire de la Chaire religion, culture et société à la faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal, sur la victoire de Loyola en Cour suprême.  

Mme Lefebvre rappelle quelques faits importants ci-dessous. C’est bien. Toutefois, nous n’avons pas souvenir que Mme Lefevre ait pris publiquement la défense de Loyola ces dernières années. Ici, elle semble surtout vouloir s’assurer que la victoire de Loyola sera limitée et ne s’appliquera pas à d’autres écoles qu’elle décrit comme sectaires. Qui décidera de ce qui est sectaire ? Une école traditionaliste catholique est-elle une école sectaire ? Nos notes en italique.

Devant une immigration diversifiée de plus en plus présente, il est normal que notre société s’interroge sur les valeurs et la vie communes. L’ambitieux programme d’éthique et de culture religieuse (ÉCR), instauré [euphémisme : imposé, car il n’y a pas de choix] dans toutes les écoles (primaires et secondaires) du Québec en 2008, se veut un moyen de répondre aux impératifs du vivre ensemble. [On attend d’ailleurs toujours une évaluation de ce programme, permet-il vraiment aux étudiants de mieux vivre-ensemble ?]
 
Le collège catholique Loyola a revendiqué son droit de donner une partie de ce cours dans une perspective catholique, tout en poursuivant les mêmes objectifs, droit que vient de lui reconnaître la Cour suprême du Canada, contre l’avis de la ministre de l’Éducation.

Le groupe de juges majoritaires estime qu’il est normal que ce collège confessionnel, dont l’identité catholique est claire et affirmée, puisse enseigner la religion catholique selon une perspective confessionnelle. [Tous les juges de la Cour suprême l’estiment, les juges minoritaires voulaient aller plus loin et ne voulaient pas forcer Loyola à redemander une équivalence au Monopole de l’Éducation.]

Néanmoins, le cours doit présenter les autres religions et courants éthiques de manière impartiale.

Le ministère considérait que l’enseignement dans une perspective catholique, plutôt que neutre et impartiale, “ne pouvait réaliser les objectifs étatiques de promotion du respect de l’autre et d’ouverture à la diversité”. [Ouverture à quelle diversité ? Religieuse ? Pourquoi l’État veut-il que les enfants soient ouverts à une diversité de religions ? Faut-il en passer par là (et risquer un certain relativisme) pour assurer une société paisible ?]

Le débat concerne en grande partie cet enjeu : une école offrant une perspective confessionnelle – mais dans ce cas très limitée – peut-elle préparer des citoyens à vivre dans des sociétés pluralistes de manière ouverte et respectueuse ? Les faits historiques démontrent que oui. Des milliers d’écoles catholiques dans le monde sont fréquentées par des clientèles pluralistes. Des parents de diverses religions les recherchent, les prisent même, pour la qualité de leur éducation. Pour la qualité de leur éducation, mais aussi pour leur respect fondamental de la religion. Les parents des quelques élèves non catholiques fréquentant Loyola aiment bien ce climat respectueux de la religion. Dans le débat actuel sur la citoyenneté commune au Québec, le principe suivant paraîtrait aller de soi : une vie commune harmonieuse ne serait satisfaite que par une transmission forte de valeurs communes à tous, en distinguant clairement l’éducation scolaire de l’éducation religieuse, cette dernière devant être confiée aux seuls groupes religieux, en dehors du milieu scolaire ou du curriculum obligatoire. Par conséquent, plusieurs estiment que les écoles offrant des projets confessionnels forts sont incapables de former des citoyens ouverts. C’est oublier que l’on peut poursuivre l’objectif du vivre ensemble de plusieurs manières (s’il est vrai que l’on valorise la diversité !), l’une d’entre elles étant d’ancrer ses enfants dans une éducation confessionnelle cohérente, qui contribue à forger une identité claire et des convictions fortes. Toutes les études sur l’identité s’accordent pour dire que l’ouverture à autrui se fonde sur un rapport d’abord clarifié à soi-même.

Si la valeur du pluralisme et l’importance de vivre dans une société diversifiée de manière respectueuse sont reconnues dans ces écoles, où est le problème ? Loyola ne dresse pas des autres religions ou convictions un tableau négatif. Il tient simplement à affirmer une perspective catholique, selon ses orientations éducatives jésuites reconnues partout dans le monde. Si on avait affaire à des écoles sectaires, l’enjeu serait différent. La Cour suprême souligne d’ailleurs le caractère contextuel de son jugement, qui ne peut s’appliquer à tous les cas. Le Québécois moyen, lorsqu’on lui parle de sa religion, a tôt fait d’affirmer qu’il “croit, mais...”, ou qu’il est plutôt agnostique. Ce consensus large et cette religion culturelle vont tout à fait dans le sens du programme ÉCR. [En effet, un vague attachement à sa tradition religieuse sans trop y croire, c’est l’idéal pour ECR.]

Des parents plus engagés sur le plan religieux miseront sur leurs groupes religieux respectifs pour la transmission. [Et sur leur école “sectaire” ?] D’autres souhaiteront que le meilleur des héritages religieux, soit pour eux la culture, soit transmis aux générations montantes. Bref, ce programme peut rallier plusieurs types de groupes. Mais pourquoi refuser à certaines écoles le droit de se fonder sur des convictions plus fortes, appréciées de parents attachés aux convictions religieuses affirmées, et offrant un chemin différent de citoyenneté ?
Qui s’oppose vraiment à cela pour Loyola aujourd’hui ? On n’entend personne remettre en question le jugement de la Cour suprême. Mme Lefebvre ferait-elle ici preuve d'un courage facile, une fois la polémique passée et la chose jugée, pour enfoncer des portes ouvertes et se donner une certaine prestance tolérante ?




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Ministre : il n'y a qu'un don fait par les contribuables pour l'éducation


Pour le ministre de l'Éducation, François Blais, il n'y a pas de « droit à l'éducation »; il n'y a qu'un don fait par les contribuables pour l'éducation. Par conséquent, il y a ceux et celles qui refusent ce don, et ceux qui veulent en bénéficier. Ceux qui le refusent ne peuvent empêcher les autres d'en bénéficier.

Les journalistes semblent pourtant interroger le ministre à répétition sur un prétendu droit « de grève » des étudiants. Le site de Radio-Canada opposait aussi au recteur de l'UQAM des votes de "grève étudiante" ce matin : « Robert Proulx réitère que l'UQAM est tenue de donner ses cours, malgré les votes de grève pris par certaines associations étudiantes. »