samedi 24 mai 2014

Examens du Ministère du Québec: les exigences à la baisse et effets de l'anglais intensif

Le Soleil de Québec du 23 mai 2014 nous apprend qu'il a consulté les documents que le Monopole de l'Éducation du Québec fournit aux enseignants pour corriger les examens de sixième année en mathématiques et en français.


Compter moins de fautes

Pour corriger un texte de français, le Ministère demande maintenant de ne compter qu'une seule erreur « lorsque tous les mots d'un groupe (y compris l'attribut) régis par la même règle d'accord ne sont pas accordés comme ils devraient l'être ». Par exemple, dans la phrase suivante, « Les chatte sont noire », les profs doivent compter une seule erreur plutôt que deux, puisqu'il s'agit de la même règle d'accord du pluriel qui n'est pas respectée.

« J'enseigne depuis 12 ans, presque toujours en sixième année. C'est nouveau que l'on me prescrive de diminuer ainsi le nombre de fautes. C'est du nivellement par le bas », affirme une enseignante, qui refuse toutefois d'être identifiée. [On la comprend.]

Le scénario est semblable en mathématiques. Par exemple, il est maintenant possible d'obtenir un A si l'élève commet « au plus deux erreurs mineures (imprécisions, oublis, etc.) » ou « certaines erreurs de transcription ». Une situation qui perdure depuis déjà quelques années, alors qu'avant, l'élève pouvait obtenir un A seulement si les calculs étaient « exacts », peut-on lire sur une grille de correction de 2007. Les critères ont aussi été assouplis pour l'obtention des autres cotes, B, C ou D.

« Ça n'a pas de sens! Les critères de correction diminuent d'année en année, on baisse les exigences », déplore une autre enseignante qui refuse d'être identifiée par crainte de représailles de la part de sa commission scolaire.

Un constat qui ne surprend vraiment pas Suzanne G.-Chartrand, didacticienne du français et professeure retraitée de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval. « À chaque année, le Ministère trouve des façons de diminuer le nombre d'erreurs [sanctionnées] », lance-t-elle.

Double discours

Les exemples sont nombreux, ajoute Mme Chartrand. En réaction aux nombreuses critiques entourant les programmes de la réforme, le ministère de l'Éducation a publié il y a quelques années une «progression des apprentissages» pour chacune des matières, un document qui détaille les connaissances à acquérir pour chaque année scolaire.

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[Mme Chartrand explique:] « Il y a un double discours. On a des programmes ambitieux et exigeants, ça paraît bien, mais l'évaluation ne suit pas »

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Du côté de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), on affirme avoir entendu « certains commentaires » concernant la baisse des exigences dans les grilles de correction, mais aucun bilan n'est disponible pour l'instant. « On a des vérifications à faire. Mais ça ne nous surprendrait pas si c'était le cas », affirme Josée Scalabrini, présidente de la FSE.

Effets de l'anglais intensif en 6e ?

L'anglais intensif, que le gouvernement Charest avait voulu rendre obligatoire pour tous les élèves de sixième année, pourrait expliquer en partie cette tendance, ajoute-t-elle.

Avec cette formule, la moitié de l'année scolaire est consacrée exclusivement à l'enseignement de la langue de Shakespeare. « En diminuant de 50 % le temps consacré aux autres matières, il faut baisser les exigences si on veut que tout le monde passe, ajoute Mme Scalabrini. Ça ne peut pas faire autrement. »

[Pour les élèves moyens ce n'est pas impossible. On a observé une chute des résultats en France quand on a fait repasser la même dictée à trente ans d'intervalle. Le test a été soumis à des élèves « mélangés » : en banlieue, en centre-ville, en province. En 1976, l'éducation des jeunes de 14/15 ans était déjà quasi universelle. L'exercice a été pioché dans les épreuves du brevet des collèges de 1976. Principale cause probable de cette dégringolade : le manque d'heures de français, les élèves français passent en effet 800 heures de moins (de 12 à 16 ans) à étudier le français qu'en 1976.]

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