vendredi 24 octobre 2014

L'art contemporain, son « discours » et sa mission « provocatrice »


Selon Radio-Canada qui se veut sarcastique :
« Ne vous fiez pas à son aspect rigolo, un plug anal, ça peut être très effrayant. En France, cette œuvre d’art représentant un de ces jouets [sic] sexuels géants a valu à son créateur de se faire attaquer dans la rue. Des gens s’en sont même pris directement au plug en lacérant ses câbles. Alors oui, un plug anal, ça génère des scènes dignes d’un film d’Hitchcock. »

« L’arbre », objet anal
Rappelons que « l’emploi du plug présente des risques, notamment celui de déchirure des tissus rectaux » et que « l’objet peut être vecteur d’infections sexuel­lement trans­mis­sibles » (Wikipédia).

La controverse est née de l’érection d’un « sapin » en forme de bonde anale sur une place prestigieuse de Paris en marge d’une autre foire de l’art contemporain mas­sive­ment sub­ven­tion­née. Nous connaissons au Québec ces mêmes manifestations subventionnées qu’il faut sans cesse financer « afin de faire découvrir l’art contemporain à un plus vaste public ». Alors que ce grand public ne veut tout simplement pas de cet « art comptant pour rien ». Plus à ce sujet, ci-dessous.

Mais d’abord, un court débat sur le « sapin anal » et puis quelques lignes sur l’art contemporain et enfin un entretien avec un artiste d’avant-garde roumano-franco-argentin des années 80.


Textes extraits du Suicide français d’Éric Zemmour :

Carré noir sur fond blanc de Malevitch
« L’art abstrait a depuis un siècle privilégié l’individualisme pictural, exalté la souveraineté de l’artiste, et contraint le nouveau public à suivre le parcours du créateur davantage que la beauté de son œuvre. Depuis Malevitch et son fameux Carré noir sur fond blanc, la beauté ne s’impose plus naturellement ; elle n’est plus, selon le beau mot de Nicolas Poussin, une « délectation » mais a besoin d’être accompagnée d’explications théoriques. L’art conceptuel cher à Daniel Buren doit incarner une idée avant de susciter une émotion. Dans les années 1980, [le ministre de la Culture français] Jack Lang a conduit cette révolution à son terme : la coquetterie iconoclaste de Pompidou est devenue religion d’État ; l’art subversif, art officiel ; les adversaires méprisants de l’art pompier du XIXe siècle se transmuent en « pompiers » de leur époque. L’académisme a changé de camp. Le slogan « L’art ne doit pas chercher à plaire » est modifié en « L’art, pour plaire, doit chercher à déplaire ». Le refus de l’esthétique du goût s’est mué en « esthétique du dégoût », selon la formule de Jean Clair. Il faut sans cesse provoquer, déranger, subvertir les esprits. L’art contemporain est pris dans une infinie surenchère de la laideur. Défigurer, c’est figurer.

Ce nihilisme éradicateur traduit en profondeur un refus d’hériter et de poursuivre ; l’hubris folle d’un créateur démiurge qui réinvente l’art dans chaque œuvre ; l’art comme ultime moyen de salir et saccager toute trace du passé. L’art comme quintessence du capitalisme et la « destruction créatrice » chère à Schumpeter. L’art comme fondamentale ligne de fracture entre classes sociales, les classes populaires rejetant un art contemporain qu’elles n’aiment ni ne comprennent, opposées à une microclasse d’« élites mondialisées » qui en ont fait l’étendard de leur nouvelle puissance.

[...]

Le peuple se rebelle, mais peut-être trop tard. Il lutte contre l’ultime destruction de sa civilisation, gréco-romaine et judéo-chrétienne, mais ses armes sont des épées de bois. Il se rue aux expositions sur les impressionnistes, et reste indifférent aux beautés cachées d’un art contemporain qui ne séduit que le snobisme des milliardaires. Il n’écoute que des reprises aseptisées des « tubes » des années 1960 et 1970. Il érige Les Tontons flingueurs en « film culte », et chante les louanges de Louis de Funès, dont la franchouillardise spasmodique se voit désormais rehaussée, aux yeux des critiques de gauche qui le méprisaient de son vivant, par ses origines espagnoles. Il dédaigne la plupart des films français, alourdis par un politiquement correct de plomb, mais fait un triomphe aux rares audacieux qui exaltent les valeurs aristocratiques d’hier (Les Visiteurs), le Paris d’hier (Amélie Poulain), l’école d’hier (Les Choristes), la classe ouvrière d’hier (Les Ch’tis), la solidarité d’hier (Intouchables) et l’intégration d’hier (Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) À chaque fois, la presse de gauche crie au scandale, à la ringardise, à la xénophobie, au racisme, à la France rance ; mais prêche dans le désert. À chaque fois, les salles sont remplies par des spectateurs enthousiastes qui viennent voir sur pellicule une France qui n’existe plus, la France d’avant.

Dans les années 1970, les films qui avaient un grand succès populaire dénonçaient, déconstruisaient, et détruisaient l’ordre établi ; ceux qui remplissent les salles quarante ans plus tard ont la nostalgie de cet ordre établi qui n’existe plus. Les œuvres des années 1970 étaient d’ailleurs d’une qualité bien supérieure à leurs lointaines rivales. Comme s’il fallait plus de talent pour détruire que pour se souvenir. Comme si le monde d’hier – avec ses rigidités et ses contraintes, son patriarcat et ses tabous – produisait une énergie et une vitalité, une créativité que le monde d’aujourd’hui, celui de l’extrême liberté individuelle et du divertissement, de l’indifférenciation féminisée, ne forge plus. Comme si la liberté débridée des années 1970 avait tourné au catéchisme étriqué des années 2000.

Il y a quarante ans, un ordre ancien, patriarcal, paysan et catholique n’était plus, tandis que le nouvel ordre n’était nouvel ordre, urbain, matriarcal, antiraciste, n’était pas encore. Profitant de l’intervalle, s’ébroua une révolte jubilatoire et iconoclaste, mais qui devint en quelques décennies un pouvoir pesant, suspicieux, moralisateur, totalitaire. Le jeune rebelle de L’Éducation sentimentale a vieilli en Monsieur Homais, cynique, pontifiant et vindicatif. »



Entretien avec l’artiste d’avant-garde des années 80 Juan Romano Chucalescu



Addendum:


L'art contemporain se moque-t-il de nous...?
Émission StarMag diffusée sur TPS Star le 29 janvier 2009.




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Éric Zemmour et le Suicide français vus par Mathieu Bock-Côté et un sondage

Mathieu Bock-Côté commente la polémique Éric Zemmour dans le Figaro :

On ne le sait peut-être pas, mais le passage d’Éric Zemmour à On n’est pas couché il y a deux semaines, a beaucoup fait réagir au Québec. Et cela non pas à cause de la polémique terriblement artificielle menée par Léa Salamé, qui a absurdement cherché à transformer Zemmour, le gaulliste incandescent, en pétainiste inavoué, non plus que celle d’Aymeric Caron qui fidèle à lui-même, confond l’injure et l’analyse, et cherche davantage lorsqu’il lit un livre à l’incriminer qu’à le comprendre. C’est plutôt la réaction de l’actrice Anne Dorval, épouvantée par sa rencontre avec Zemmour, au point de ne savoir que dire devant lui, sinon qu’elle était scandalisée, et qu’un propos comme le sien était inconcevable, qui a enthousiasmé les Québécois [Note du carnet : mal informés].

C’est la société du buzz. Une vidéo de trois minutes devenue virale sur le net peut suffire à abattre un homme. Des centaines de milliers de Québécois se sont donc imaginé qu’Éric Zemmour souhaitait « jeter les homosexuels blonds à la poubelle », selon la formule de l’actrice, même si Zemmour n’a jamais rien dit de tel. L’homme devenait du coup un monstre à abattre. Pour paraphraser Orwell, Zemmour a eu droit aux 48 heures de la haine, et contre lui, on s’est déchaîné. Les médias sont rapidement passés à autre chose. Mais l’homme est désormais marqué. On l’a transformé en ennemi public. Il suffira désormais d’évoquer son nom pour susciter une clameur négative, comme s’il était l’écho d’un « populisme nauséabond » dans la médiasphère. On dira Zemmour et on suscitera la haine.

[...]

Zemmour est passé d’écrivain à phénomène social. Il convient moins de répondre aux thèses qu’il développe que de contenir son expansion, comme s’il était le symptôme d’une pathologie française. Il serait le visage de la maladie politique de la France. Faudra-t-il le mettre à l’index ? Mais on se demandera plutôt à quoi sert aujourd’hui d’écrire un livre, puisqu’on en retiendra seulement quelques phrases, sans cesse répétées, simplifiées, dénaturées, qui serviront à disqualifier à jamais celui à qui on les prête. Une œuvre se verra réduite à quelques formules et citations qu’on répétera à l’infini, en suscitant inévitablement des indignations plus ou moins calculées. Dans un livre, on ne cherchera plus le travail de la pensée, quitte à critiquer profondément la démarche et les conclusions, mais des preuves pour incriminer.

C’est à cette lumière qu’on peut comprendre la référence aux fameux dérapages qu’on ne cesse de traquer : ils consistent à s’éloigner du couloir bien balisé de la respectabilité mondaine et des opinions généralement admises.

La diabolisation d’Éric Zemmour nous force à réfléchir à la fonction de l’étiquetage idéologique. On connait les étiquettes qu’on lui colle : xénophobe, homophobe, sexiste, raciste. Ce vocabulaire relève de la psychiatrisation de la dissidence politique. On nomme phobie le désaccord avec l’époque. Ces phobies sont appelées à se multiplier, comme on l’a vu récemment avec l’invention de l’europhobie, désignant les partisans de l’État-nation en opposition à l’entreprise européenne. C’est ainsi qu’on garde pour soi la référence à la rationalité et qu’on transforme le désaccord en maladie. Si on préfère, on trace le cercle de la raison, et on s’assure que seuls les individus en conformité avec l’idéologie dominante, ou se contentant d’y apporter des nuances pourront y entrer à la manière d’interlocuteurs légitimes.

[...]
Le suicide français est un livre d’histoire. Ou si on préfère, il s’agit de la chronique d’une décadence. Zemmour cherche à comprendre ce qu’on pourrait appeler l’inversion de la légitimité politique et culturelle en France depuis cinquante ans. Comment les choses absolument désirables, comme l’indépendance nationale ou l’école méritocratique, sont-elles devenues des archaïsmes empêchant de moderniser et de mondialiser en rond ? Comment la France du général de Gaulle est-elle devenue radicalement étrangère à elle-même, même si on garde artificiellement vivante la mémoire du grand homme (tout en la nettoyant de toute aspérité idéologique) pour masquer le changement de civilisation dont nous avons été témoins, comme si nous n’assistions à rien d’autre qu’à la marche du progrès ?

[...]

Zemmour n’a pas tort d’identifier mai 68 comme le point de départ de cette révolution. Cette distinction, il l’emprunte aux thuriféraires de l’époque. On nous explique sans cesse que depuis mai 68 le monde a progressé, qu’il s’est transformé radicalement, et pour le mieux. Partout en Occident, d’ailleurs, les radical sixties [note du carnet : la Révolution tranquille au Québec] sont célébrées et commémorées. Elles cassent l’histoire en deux. Avant, l’oppression des minorités, l’écrasement des marges, l’étouffement des mœurs. Après, la libération des opprimés, la contestation des normes dominantes et l’éclosion des libertés. Avant, la France engoncée dans sa souveraineté et frileusement crispée sur son identité. Après, la France mondialisée et multiculturelle, enfin libérée d’elle-même.

Sommes-nous obligés d’embrasser cette vision ? Si la thèse du progrès est admise, celle du déclin ne devrait-elle pas être considérée paisiblement, quitte ensuite à la rejeter, parce qu’on l’aura démontée ? N’est-ce pas une règle élémentaire de la vie démocratique, la diversité des interprétations du passé alimentant un perpétuel renouvellement de la conscience historique ? Mais justement, les gardiens de la révolution soixante-huitarde ne tolèrent pas qu’on la discute. Il fallait s’y attendre : le progressisme mondialisé et multiculturel, prétendant accoucher d’un homme nouveau sans préjugés ni discriminations, est une religion politique. Ses adversaires sont considérés naturellement comme des hérétiques.

[...]

C’est ici que l’entreprise de Zemmour a un caractère explosif : il ouvre un conflit de légitimité avec le régime soixante-huitard en refusant de souscrire à sa légende. Il a ainsi décidé de marquer son désaccord le plus complet avec l’époque [...]. Il révèle surtout un clivage politique authentique, recouvert par la fausse alternative entre libéraux-sociaux et sociaux-libéral : faut-il poursuivre « l’émancipation » soixante-huitarde ou faut-il engager le réenracinement de l’homme ? Il faudrait réussir à mettre en scène ce débat sans manichéisme.

[...]


Entretemps, les Français plébiscitent la vision d’Éric Zemmour si l’on en croit un sondage récent.

Tenu à distance, comme sentant le soufre, par la plupart des politiques, de droite comme de gauche, Éric Zemmour bénéficie dans le même temps d’une large approbation des Français. Et ce avec une très forte notoriété (72 %) et malgré une image qui reste clivante (deux fois plus de « bonnes opinions » à droite qu’à gauche). « On ne saurait mieux résumer que par notre sondage, le premier à lui être consacré, le gigantesque fossé qui s’est creusé entre les Français et leurs représentants sur toute une série de sujets », décrypte Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP.

Alors qu’à droite, à l’exception du FN, on se montre si frileux sur ces questions, il se trouve respectivement 80, 87 et 93 % des sympathisants MoDem, UMP et UDI à penser, comme Zemmour, qu’« on ne peut plus rien dire sans se faire traiter de raciste ». Idem, alors que leurs partis se situent aux antipodes, pour plus de la moitié des électeurs écolos (53 %), PS (58 %) et jusqu’à… 67 % des électeurs de Mélenchon en 2012 !

Autre plébiscite pour Zemmour : comme lui, 62 % des Français estiment que « la nation française se dissout dans l’Europe, la mondialisation, l’immigration et le multiculturalisme » (plus des deux tiers à droite et près de la moitié à gauche, dont… 53 % chez les écolos). Sur l’incompatibilité de l’islam avec la République, ils sont encore près de 6 Français sur 10 (dont 38 % à gauche) à l’approuver.

À noter que, en toute circonstance et à l’instar du FN, dont les sympathisants sont les plus « zemmouristes », le polémiste « bénéficie, relève Jérôme Fourquet, d’une adhésion nettement supérieure parmi les classes populaires qu’au sein des classes aisées ». Un autre révélateur du profond décalage entre France d’en bas et France d’en haut.

« La plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est un fait » est la seule citation à ne pas obtenir une majorité d’approbations, avec quand même 45 % affirmant être « d’accord ». Dont 56 % à l’UMP, 44 % chez les électeurs de Bayrou en 2012 et 25 % — un quart — parmi ceux de Hollande.

Tous hors-la-loi ! Pour avoir prononcé cette phrase le 6 mars 2010 sur Canal +, Zemmour avait en effet été condamné le 18 février 2011 pour… incitation à la discrimination raciale alors que c’est un état de fait. Mais l’on sait qu’à notre époque la vérité n’est plus une défense (même au Canada, voir l’arrêt Whatcott).

Immigration au Québec comparée au reste de l'Amérique du Nord

Chiffres sur les taux annuels d’immigration du Québec comparés à ceux du reste de l’Amérique du Nord. En 2012, le Québec se situe en 9e position sur les 64 provinces/territoires/États, avec un taux de 6,8/1000, alors que la moyenne nord-américaine est de 3,6/1000. Parmi les États américains, seul celui de New York a un taux supérieur à celui du Québec. Notez que pour 2012 spécifiquement, le chiffre pour la Saskatchewan est environ 2 fois plus élevé que celui des années précédentes et n’est donc pas vraiment représentatif de la norme de la province.




Source : Guillaume Marois




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