« Bien que l’on observe parfois que la surmortalité correspond au nombre de décès attribuables à la COVID-19, les données révèlent que les répercussions indirectes de la pandémie ont également une incidence significative sur les décès en surnombre enregistrés au Canada, en particulier chez la population canadienne plus jeune. L’ensemble de données provisoires récemment mis à jour est publié aujourd’hui. Selon cet ensemble, tiré de la Base canadienne de données sur les décès de la Statistique de l’état civil, qui porte sur la période allant de la fin mars 2020 au début avril 2021, environ 62 203 décès ont été déclarés parmi la population canadienne de 0 à 64 ans. Cela représente 5 535 décès de plus par rapport au nombre auquel on aurait pu s’attendre s’il n’y avait pas eu de pandémie, après avoir tenu compte des changements dans la population, comme le vieillissement. Au cours de la même période, 1 380 décès attribuables à la COVID-19 ont déclarés chez les personnes de moins de 65 ans, ce qui laisse croire que les décès en surnombre sont [5535 - 1380 = 4155], en grande partie, liés à d’autres facteurs, comme l’augmentation du nombre de décès attribuables à la consommation d’alcool ou de drogues, dont les intoxications involontaires (accidentelles) ainsi que les maladies et les problèmes de santé liés à la consommation d’alcool.
[…]
Les décès causés par une intoxication accidentelle atteignent un nouveau sommet pendant la pandémie
Afin de mieux comprendre la surmortalité qui n’est pas directement attribuable à la COVID-19, on a examiné les tendances de la mortalité relativement à des causes de décès précises. Des préoccupations ont été soulevées quant au fait que le nombre de décès liés à certaines causes non attribuables à la COVID-19 aurait pu augmenter par rapport au nombre auquel on pouvait s’attendre s’il n’y avait pas eu pandémie. Les tendances de la mortalité liées à une intoxication accidentelle ont davantage attiré l’attention, car des données probantes ont révélé qu’en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, la consommation d’alcool et d’autres drogues a augmenté en 2020 par rapport aux années précédentes, à un moment où la disponibilité et l’accessibilité des programmes de réduction des méfaits, des services de consommation supervisée et des services de soutien en personne pour la consommation d’alcool et d’autres drogues peuvent avoir été perturbées pendant la pandémie. Les décès causés par une intoxication accidentelle peuvent survenir dans des circonstances différentes, par exemple les personnes qui consomment des substances dans un but récréatif, de même que celles qui ingèrent par erreur d’une trop grande quantité de médicaments sur ordonnance ou en vente libre.
Selon les données provisoires reçues à date des provinces et des territoires, il y a eu 3 770 décès causés par une intoxication accidentelle en 2020, par rapport à 3 240 en 2019. Des augmentations appréciables ont été observées en Ontario (2 235 par rapport à 1 550) et en Alberta (920 par rapport à 715). Les renseignements sur la cause de décès dans les données provisoires représentent moins de 70 décès par surdose en Colombie-Britannique, mais un rapport sur les décès liés à la toxicité des drogues illicites publié par le Service des coroners de la Colombie-Britannique a fait état d’une augmentation fulgurante des décès en 2020 par rapport à 2019.
À l’échelle nationale (à l’exclusion de la Colombie-Britannique et du Yukon), les taux de mortalité annuels pour les décès causés par une intoxication accidentelle de 2000 à 2020 ont généralement augmenté au fil du temps. En 2017, au plus fort de la crise des opioïdes, le taux de mortalité annuel était de 10,2 décès pour 100 000 personnes (3 230 décès). Il s’agit du taux le plus élevé observé avant 2020. Selon les données provisoires, le taux de mortalité en 2020 s’est établi à 11,3 décès pour 100 000 personnes (3 705 décès).
Les intoxications accidentelles comprennent les surdoses accidentelles de diverses drogues illégales, de médicaments sur ordonnance et en vente libre et d’alcool, ainsi que les intoxications par des solvants et des pesticides. La catégorie de substances la plus fréquente a affiché une augmentation du taux de mortalité, qui est passé de 4,7 décès pour 100 000 personnes (1 470 décès) en 2017 à 5,3 décès pour 100 000 personnes (1 745 décès) en 2020. Cette catégorie comprend les opioïdes, les stupéfiants et les hallucinogènes. De même, le taux de mortalité attribuable à la catégorie qui comprend les surdoses de médicaments non précisés et les surdoses liées à une combinaison de médicaments a augmenté pour passer de 3,9 décès pour 100 000 personnes (1 235 décès) en 2017 à 4,6 décès pour 100 000 personnes (1 510 décès) en 2020. Ensemble, ces deux catégories ont représenté 88 % des intoxications accidentelles en 2020.
Selon les données pour l’Ontario, le nombre provisoire de décès attribuables à des intoxications accidentelles a fortement augmenté par rapport aux nombres observés au cours des mois qui ont précédé la pandémie ; 605 décès sont survenus entre avril et juin 2020 par rapport à 475 entre janvier et mars 2020. Au cours des mêmes périodes en 2019, 475 décès ont été enregistrés pour chacune des périodes de trois mois. Pour le reste de l’année 2020, 1 155 décès ont été causés par des intoxications accidentelles par rapport à 600 pour la même période en 2019. Parmi les différents facteurs possibles ayant contribué à cette augmentation figure possiblement le fait que l’Ontario ait déclaré l’état d’urgence en réponse à la pandémie de COVID-19 le 17 mars 2020. Pendant la période où l’état d’urgence était en place, les installations et les services pour soutenir la réduction des méfaits liés à la consommation de substances, les services de [conseil] en personne et les services de soutien, comme les cliniques de traitement et les sites de consommation surveillés, ont dû réduire leur capacité ou fermer. Une tendance à la hausse similaire a été observée en Alberta.
L’augmentation des décès par surdose touche la population canadienne plus jeune
Parmi les personnes de 0 à 44 ans, le nombre de décès attribuables à des intoxications accidentelles en 2020 a augmenté pour passer de 1 605 (8,9 décès pour 100 000 personnes) en 2019 et de 1 830 (10,4 décès pour 100 000 personnes) en 2017 (au plus fort de la crise des opioïdes) à 2 125 (11,6 décès pour 100 000 personnes). De même, une augmentation du nombre de décès liés à des intoxications accidentelles a été enregistrée chez les personnes de 45 à 64 ans en 2020 (1 395 décès, ou 15,9 décès pour 100 000 personnes) par rapport à 2019 (1 145 décès, ou 13,1 décès pour 100 000 personnes) et à 2017 (1 195 décès, ou 13,6 décès pour 100 000 personnes).
Comme on l’observe dans la population en général, ces augmentations des intoxications accidentelles se caractérisent par une augmentation du nombre de décès liés à une intoxication accidentelle par des stupéfiants, des opioïdes et hallucinogènes, ainsi qu’aux intoxications accidentelles par de multiples drogues, autres médicaments et substances non précisés. Les taux de mortalité chez les hommes des deux groupes d’âge (0 à 44 ans et 45 à 64 ans) et chez les femmes de 0 à 44 ans ont dépassé les niveaux élevés de 2017. Selon les données provisoires, les taux de mortalité par intoxication accidentelle au sein de la population canadienne de 65 ans et plus ont diminué par rapport à ceux observés en 2019.
Les décès causés par l’alcool augmentent en 2020 [dans] la population canadienne plus jeune
En 2020, le nombre et le taux de décès causés par l’alcool ont augmenté chez les personnes de moins de 65 ans. Chez les personnes de 0 à 44 ans, le nombre de décès causés par l’alcool a augmenté pour passer de 325 (1,6 décès pour 100 000 personnes) en 2019 à 480 (2,3 décès pour 100 000 personnes) en 2020. Les personnes de 45 à 64 ans ont également affiché une augmentation du nombre de décès causés par l’alcool en 2020 (1 790, ou 17,7 décès pour 100 000 personnes) par rapport à 2019 (1 525, ou 15,0 décès pour 100 000 personnes). Les décès causés par l’alcool comprennent les décès attribuables à un certain nombre de maladies et de problèmes de santé liés à la consommation chronique d’alcool, mais ne comprennent pas les décès accidentels, comme les accidents de la route, où l’alcool est considéré comme un facteur contributif.
Ces augmentations sont observées tant chez les hommes que chez les femmes, et elles semblent être attribuables à l’augmentation du nombre de décès causés par la maladie alcoolique du foie ainsi qu’aux troubles mentaux et comportementaux liés à la consommation d’alcool (p. ex. l’abus d’alcool, le syndrome de dépendance alcoolique, le sevrage alcoolique, entre autres).
Comme dans le cas des décès attribuables à une intoxication accidentelle, les perturbations survenues à l’échelle des programmes de soutien et de services de réduction de la consommation d’alcool peuvent aussi avoir contribué à la hausse des décès causés par l’alcool pendant la pandémie. Par exemple, les possibilités d’avoir accès à des groupes de soutien en personne peuvent avoir diminué en raison des mesures de distanciation physique, tandis que les répercussions économiques, sociales et psychologiques de la pandémie et des mesures de santé publique connexes peuvent avoir eu une incidence négative sur la consommation d’alcool chez certaines personnes.
À mesure que la pandémie évolue et que le nombre d’infections à la COVID-19 diminue, la dynamique de la mortalité au Canada fera aussi l’objet de changement. Certaines causes de décès pourraient enregistrer une diminution en 2020 par rapport aux années précédentes. Par exemple, la baisse de la circulation routière, les changements dans les comportements habituels et la réduction de l’activité grippale à la suite des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus à l’origine de la COVID-19 peuvent avoir entraîné une diminution du nombre de décès en raison des ajustements apportés au mode de vie. En outre, il est possible que des fluctuations soient observées dans les tendances de mortalité relativement à certains problèmes de santé qui auraient pu être touchés par des changements perçus ou réels dans l’accès aux services de santé, en ce qui a trait à la prévention d’un diagnostic et de traitement de problèmes de santé critiques. Afin de mieux comprendre l’évolution des répercussions de la pandémie sur la mortalité au Canada, Statistique Canada continuera de collaborer avec les bureaux de l’état civil partout au Canada pour fournir régulièrement des renseignements opportuns sur la surmortalité, les causes de décès et les comorbidités, au fur et à mesure qu’ils seront accessibles.
Voir aussi
Faible utilité des restrictions pour juguler les vagues ?
Le taux d’incidence diminue depuis cinq jours au Royaume-Uni alors que toutes les mesures de restriction ont été levées le 19 juillet dernier, la généralisation du variant delta et que le taux de vaccination (69 %) n’y a pas sensiblement augmenté ces dernières semaines. Ces cloches, ces vagues, semblent se répéter avec ou sans restrictions sanitaires importantes.
Les vaccins anti-Covid fonctionnent-ils ? Si oui, jusqu’à quel point ?
Les confinements ont nettement réduit les capacités physiques et intellectuelles des enfants
Covid — Les enfants ne devraient pas être obligés de porter des masques, selon des chercheurs
États-Unis — Tentatives de suicide chez les filles baissent quand les écoles ferment (pendant la pandémie)
Gestion de la Covid-19 : Le nombre de décrocheurs a explosé dans la dernière année
Gestion de la pandémie : les élèves désertent les classes des cégeps
Québec — « Troisième vague » : pas de surmortalité pendant les quatre premiers mois de 2021
Nicholas Wade : L’hypothèse la plus plausible est que la Covid-19 soit sortie du labo de Wuhan
Le français écrit au primaire pâtit de la gestion de la COVID-19
Gestion de la pandémie — Hausse des tentatives de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes
Augmentation de 40 % des jeunes de 12 à 17 ans admis à l’hôpital pour des raisons de santé mentale
La pression médiatique de la Covid-19 en mars 2020 a connu un pic inédit depuis 1945 (on a jamais autant parlé d’un événement)
Le confinement aurait détruit plus d’années de vie qu’il n’en a épargné
La gestion du Covid ruine l’apprentissage de la lecture pour 100 millions d’enfants
La lutte contre la discrimination jusque dans les noms des variants