Texte de Mathieu Bock-Côté paru dans Le Figaro du 20 avril 2024 sous le titre : « Transphobie » : quand les progressistes transforment leurs contradicteurs en délinquants idéologiques.
La tentative de censure du colloque des nationaux-conservateurs, à Bruxelles, auquel devait participer Éric Zemmour, et des conférences de Jean-Luc Mélenchon, a placé la question de la liberté d’expression au coeur du débat public, au point où Emmanuel Macron a cru devoir rappeler qu’en démocratie, mieux vaut combattre politiquement une idée que l’interdire. Ce qui relève du simple bon sens, mais ce qui est bien peu, pour peu qu’on scrute l’actualité.
C’était le cas d’Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie, qui a tweeté : « La transphobie est un délit. La haine de l’autre n’a pas sa place dans notre ville. Paris n’est pas la vitrine de cette haine crasse. » Il annonçait vouloir saisir l’entreprise exposant cette affiche «pour demander le retrait de cette publicité ». Il en rajoutait le lendemain. « Invoquer la liberté d’expression pour justifier les discours haineux, c’est la spécialité de l’extrême droite et c’est toujours aussi détestable et ridicule. Paris est et restera une ville refuge pour tous et toutes. Ne laissons pas gagner les diffuseurs de haine. »
David Belliard, autre figure de la mairie de Paris, n’était pas en reste : « (…) Cette publicité pour un bouquin transphobe participe à la normalisation de la haine envers les personnes trans. Une idéologie mortifère, à mille lieues des valeurs de Paris. Cette publicité doit être retirée. »
Le panneau publicitaire a été retiré. La campagne pour censurer la publicité du livre a fonctionné. On y trouvait tous les éléments justifiant aujourd’hui l’extension du domaine de la censure. D’abord l’assimilation de la critique du progressisme à un propos haineux, la haine consistant à ne pas souscrire au grand récit de la diversité heureuse. Dans le cas présent, c’est la théorie du genre et l’idéologie trans qu’il faut sanctuariser en expliquant que leur critique ne relève pas de l’opinion mais du délit et de la haine de l’autre : on parle alors de transphobie. On pourrait aussi dire que la critique de la théorie du genre relève désormais du délit d’opinion, même du délit de blasphème, que le régime diversitaire a sécularisé.
On en appelle alors à l’interdiction de tels propos. Elle peut passer par un appel classique à l’invisibilisation de celui qui est transformé en déviant idéologique, en délinquant de la pensée. Elle peut aussi passer par des poursuites judiciaires, menées par des associations militantes, souvent publiquement financées, pratiquant le harcèlement judiciaire contre ceux qui s’entêtent à mal penser.
L’objectif est toujours le même : associer une épithète calomnieuse à un adversaire politique, généralement en le faisant condamner par une justice elle-même idéologisée, et réduire désormais ce contradicteur à cette condamnation, en le transformant en délinquant idéologique, et en délinquant multirécidiviste, si les condamnations s’accumulent. Le récit médiatique permettra de présenter le condamné en paria. Dès lors qu’un individu est associé à «l’extrême droite», au «racisme», à la «transphobie», ou à d’autres termes semblables, il sera considéré comme radioactif. Tous comprendront qu’il vaut mieux ne pas s’y associer, sous peine d’être soi-même contaminé par ces mêmes étiquettes.
Transmania
par Dora Moutot et Marguerite Stern,
paru le 11 avril 2024,
chez Magnus,
398 pp.,
ISBN-10 : 2384220403
ISBN-13 : 978-2384220403.
Voir aussi
Sur l'interdiction d'une réunion politique à Bruxelles par un bourgmestre belgo-turc lié aux Loups Gris :