lundi 28 juin 2010

Guy Durand. Le cours d’ECR. Au-delà des apparences

Le philosophe Jean Laberge aborde sur son carnet le jugement Loyola et le livre de son homologue Guy Durand sur le programmme ECR.

 L’« affaire ECR » — selon le mot consacré de Louis Cornellier — continue toujours de susciter la controverse. Le 18 juin dernier, en effet, le juge de la Cour supérieure, Gérard Dugré, reconnaissait le droit à l’école secondaire Loyola d’enseigner ECR dans une perspective catholique. Le jugement a évidemment suscité l’indignation des partisans d’ECR, dont la chef de l’opposition officielle, Pauline Marois, qui a déclaré que «¸ c’est un très grand recul ». Le gouvernement, lui, songe à porter en appel le jugement. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la teneur des propos du juge Dugré qui liait ECR à l’Inquisition : « L’obligation imposée à Loyola d’enseigner la matière ECR de façon laïque revêt un caractère totalitaire qui équivaut, essentiellement, à l’ordre donné à Galilée par l’Inquisition de renier la cosmologie de Copernic ».


Le moins qu’on puisse dire c’est que le juge Dugré n’y est pas allé de main morte. Est-ce vraiment le cas ? Le juge avait-il raison de comparer ECR à la sainte Inquisition ? À lire l’essai de Guy Durand, Le cours d’ECR. Au-delà des apparences (Guérin, 2009), on se prend à se réveiller d’un cauchemar digne de l'Inquisition. D’après l’auteur :

« La conception et l’imposition du cours ECR prend place à l’intérieur d’un processus de déconfessionnalisation des écoles publiques en marche depuis une vingtaine d’années, ainsi que dans le cadre d’une Réforme pédagogique elle-même en marche depuis plusieurs années. Quand on examine ce qui s’est passé, on ne peut que déplorer les atteintes à la démocratie et les dérives de raisonnement auxquelles cette histoire a donné lieu : population mal informée, voire trompée à plusieurs occasions, fausses justifications servies, processus d’implantation inadéquat, etc. » (chapitre II, p. 51).


Le lecteur aurait tout intérêt à lire (ou relire) ces pages du livre de Durand dans le contexte du jugement récent de la Cour supérieure. Il y apprendra bien des choses qui éclaireront la suite des événements et lui permettront de porter son propre jugement sur toute l’« affaire ECR ».

Au plan philosophique, le lecteur y trouvera aussi son compte. Critiquant la position « pluraliste » de Georges Leroux suivant laquelle «la vérité existe mais ne peut être que le fruit d’un consensus général», Durand écrit  :

« …selon moi, il y a une méprise entre le moyen, la poursuite de la vérité par la réflexion, le dialogue et la discussion, et la fin, soit la vérité elle-même. À mon sens, la Vérité existe et il faut toujours la rechercher en allant chacun au bout de ses efforts pour l’atteindre, établissant en cours de route des convictions personnelles, même si on ne peut jamais avoir la certitude absolue de l’avoir atteinte. » (p. 12)

La distinction entre le moyen (le dialogue réflexif) et la fin (la vérité), qu’évoque le théologien, est fort éclairante. L’adepte du pluralisme comme Leroux confond en effet le la fin et le moyen, car la vérité n’est autre, en bout de piste, que le consensus obtenu par le dialogue. Le pluralisme n’admet pas quelque chose comme une Vérité indépendante du processus de recherche.

Il n’y a rien de surprenant à cela puisque le pluralisme de Leroux est calquée sur celui du de Rawls. En effet, la justice résulte, selon Rawls, du moins dans le contexte d’une démocratie, de l’accord obtenu entre les participants discutant publiquement. La justice est procédurale : « …la justice procédurale pure s’exerce quand il n’y a pas de critère indépendant pour déterminer le résultat correct ; au lieu de cela, c’est une procédure correcte ou équitable qui détermine si un résultat est également correct ou équitable, quel qu’en soit le contenu, pourvu que la procédure ait été correctement appliquée. » (Théorie de la justice, p. 118) Pour bloquer la régression à l’infini qu’engendre la justice procédurale, Rawls en appel donc au consensus obtenu. On pourrait dire la même chose pour ce qui concerne la vérité : c’est essentiellement une affaire de consensus obtenu à l’aide d’une procédure « correcte ». Le problème, comme on le voit, c'est qu'on présuppose une procédure « correcte ». Il faut s'entendre là-dessuss, et ainsi de suite ad infinitum...

Dans la conception rawlsienne libérale de la vérité, celle-ci n’existe pas indépendamment des jugements des citoyens, telle une autorité suprême, un dictateur, Dieu, ou quoi que ce soit d’autre : la vérité résulte de la convergence des jugements, c’est-à-dire de l’accord de tous. Tous peuvent donc errer ; ce qui importe, toutefois, c’est le consensus. Voilà la conception de la vérité au cœur de ECR qui, on le constate, est parfaitement aberrante. Est-ce cela que mérite nos enfants ?

Nous sacrifions leur éducation sur l'autel du libéralisme. Dans La Duchesse de Langeais, Balzac fait dire à la duchesse, devant la cour par trop insistante du marquis de Montriveau: « Taisez-vous, ne parlez pas ainsi ; vous avez l’âme trop grande pour épouser les sottises du libéralisme, qui a la prétention de tuer Dieu ». Nietzsche annonça la mort de Dieu; le libéralisme l'avait déjà tué. La satanée liberté des modernes aura en effet coûté un prix élevé à l’humanité. C’est à son prix que la vérité sera sacrifiée pour celle de chacun et de tous. Le cours ECR coule depuis lors de source.

Jugement Loyola — Communiqué du président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec

28 juin 2010

Le juge Gérard Dugré, de la Cour supérieure du Québec, vient de donner raison au Collège Loyola, qui affirme respecter les exigences de la loi en donnant un programme équivalent au cours obligatoire d’Éthique et Culture religieuse mais dans une perspective confessionnelle qui s’inscrit dans le cadre de son projet éducatif catholique.

Ce jugement apporte un éclairage nouveau sur une question fort complexe et ouvre de nouvelles voies pour qui s’intéresse à la mise en place, dans nos écoles, d’une véritable formation au pluralisme et à la diversité religieuse.

Le développement d’un tel programme par Loyola fait valoir le point de vue que la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun — les deux grandes finalités du cours d’Éthique et Culture religieuse — ne sont pas menacées quand on y est initié dans un cadre confessionnel sérieux. Connaissance de soi et respect de l’autre vont de pair et nul n’est mieux préparé à accueillir la différence en matière de foi et de croyances que celui ou celle qui a appris à trouver dans sa propre identité spirituelle et religieuse les fondements de l’accueil, du respect et du dialogue.

Nous ne pouvons qu’accueillir avec satisfaction la reconnaissance par la Cour supérieure de la légitimité de cette approche.


Quand la création du programme d’Éthique et Culture religieuse avait été annoncée, en remplacement du régime d’option entre enseignement religieux et enseignement moral, nous nous étions engagés publiquement, malgré notre déception de voir disparaître la liberté de choix des parents, à maintenir « une attitude d’ouverture et de prudence..., critique et vigilante ».  C’est dans cette perspective qu’en septembre dernier, nous avions exprimé à la Ministre de vives inquiétudes sur les modalités concrètes d’application du nouveau programme au cours de sa première année. Nous avions en particulier mis en évidence les lacunes dans l’implication des parents, premiers responsables de l’éducation de leur enfant. Ils devront être mieux informés et écoutés, écrivions-nous.

Nous avions alors rappelé à la Ministre ce que nous avions dit dans notre déclaration du 17 mars 2008 : « L'Assemblée des évêques a toujours exprimé sa préférence pour le respect du choix des parents en matière d'éducation morale et religieuse. C'est pourquoi elle a favorisé l'établissement d'un régime d'options entre un enseignement confessionnel et un enseignement moral sans dimension religieuse. Cette liberté de choix disparaîtra avec l'implantation du nouveau programme. Cela représente à nos yeux une perte et nous estimons qu'il faudra demeurer très attentifs au respect intégral de la liberté de conscience dans le nouveau con-texte qui vient d'être créé. » 
 
+ Martin Veillette
évêque de Trois-Rivières
président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec




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Canada — Do We Still Have Religious Freedom ?

In this program, Radio Maria interviews Suzanne Lavallee from Drummondville, Quebec. Her family has been forced to go to the Supreme Court of Canada to rule on whether they have the constitutional right to exempt their children from the Ministry mandated secular course called, Ethics and Religious Culture. Suzanne's legal struggle to have her children taught the Catholic faith shows the present difficulties faced by families when the province imposes a moral and religious curriculum. This is a battle for religious freedom and to keep religion in the public square.
Listen: (28 minutes)




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