mercredi 30 avril 2025

L’écologisme tue-t-il ?

L’écoanxiété semble être l’un des soubassements du geste criminel de l’adolescent de 16 ans qui, à Nantes, le 24 avril dernier, a poignardé plusieurs de ses condisciples de lycée dont l’un, une jeune fille, criblée de 57 coups de couteau, est décédée. Ce terrible fait divers doit, selon le politologue Guillaume Bernard, alerter sur le caractère mortifère de l’idéologie écologiste quand elle est instrumentalisée contre l’espèce humaine. 



Quand il est au pouvoir ou qu’il peut l’influencer, l’écologisme se révèle autoritaire et punitif. Avec les zones à faible émission dans les métropoles, il discrimine socialement et relègue spatialement les pauvres qui ne peuvent pas acheter de voitures électriques.

En préconisant l’installation d’éoliennes qui défigurent le paysage, l’écologisme apparaît de plus en plus comme une “escrologie” de “bobos” au détriment des “ploucs” de la campagne où, pourtant, une véritable écologie est pratiquée avec le recours à l’agriculture biologique et aux circuits courts de distribution.

L’écologisme tue les libertés

L’écologisme est intrinsèquement autoritaire : il porte en lui la propension à prétendre orienter les comportements non seulement individuels (comme pour la consommation alimentaire avec le véganisme), mais aussi collectifs. Il fait fi des intérêts nationaux en favorisant la mise en jachère de terres agricoles et en remettant en cause la production nucléaire d’électricité. Il justifie l’interdiction de certaines activités par le principe de précaution.

Sous prétexte d’incertitude et en raison de l’existence d’un risque — comme si elles n’étaient pas, toutes deux, permanentes et propres à toutes les activités humaines —, le principe de précaution conduit à l’abstention consentie par les uns (les gouvernés), à l’interdit prononcé par les autres (les gouvernants) et à l’intériorisation de la peur paralysante par tous. Contrairement aux apparences, ce principe est l’exact contraire de la prudence, qui suppose, malgré le doute, de trancher, qui appelle à exercer, en fonction des circonstances, un choix en pesant le pour et le contre. C’est ainsi que l’écologisme usurpe et travestit les préoccupations écologiques traditionnelles.

L’écologisme tue la civilisation

Dans une démarche philosophique classique, celles-ci rappelaient à l’homme qu’il s’inscrit dans un ordre cosmologique des choses qui le dépasse où règnent des lois qu’il ne peut violer impunément. Sa responsabilité implique une position de maître de la nature : encadrée et domestiquée, celle-ci est indissociable de la société et de sa culture. Mais l’écologisme est tout autre. S’il prend le masque souriant de la légitime lutte contre d’immoraux gaspillages et une pollution incontrôlée, son véritable visage est celui de la haine.

L’écologisme déteste la nature culturelle de l’être humain : il veut déconstruire l’homme enraciné pour le reconstruire, d’où sa défense du progressisme “sociétal”. L’écologisme ne prend pas la défense de l’ordre naturel : il a en haine la civilisation, d’où sa préconisation de la décroissance et sa promotion de l’immigrationnisme. Le cas de Noël Mamère est, à ce titre, emblématique : il s’est prononcé en faveur du port du voile islamique à l’école et il est celui qui, alors maire de Bègles, a célébré, en 2004, à l’époque en infraction à la loi, un « mariage » homosexuel.

L’écologisme tue l’humanité

Il n’est pas question de faire un procès d’intention à tous ceux qui — comme l’assez sympathique José Bové logiquement hostile tant à la PMA qu’aux OGM — affichent des préoccupations environnementales. Mais il est clair que, pour certains, l’écologie n’est que le cheval de Troie d’une idéologie masochiste et nihiliste. Sous prétexte que la technoscience (qui, effectivement, peut ne pas agir avec prudence et enfreindre les lois de l’ordre naturel) fait courir des risques à l’homme, l’écologisme en déduit que l’être humain n’est qu’un parasite de la nature. Cela le conduit à mêler malthusianisme et panthéisme.

La réduction de la population est devenue un objectif affiché, la taxe carbone devant être l’instrument fiscal rendant, pour les récalcitrants, les naissances financièrement insoutenables. Qu’importe que la nature, déifiée, puisse être hostile à l’homme quand elle est libre de toute entrave. Homo sapiens est ravalé au rang d’une espèce animale parmi les autres, toutes étant mises sur un pied d’égalité (antispécisme). La sauvegarde de la planète ainsi que des espèces animales et végétales finit par compter plus que la défense du bien-vivre de l’humanité.

Le jeune meurtrier de Nantes semble bien avoir été modelé par l’écologisme. Dans son manifeste envoyé quelques minutes avant son passage à l’acte, il en professait explicitement les principes idéologiques : « L’arbre n’est plus un esprit, c’est une matière première. L’animal n’est plus un frère, c’est une marchandise. » Et, plus loin : « Nous devons redevenir sauvages, […] retrouver la place que la Terre nous réservait avant que nous la trahissions. » Décidément, l’écologisme tue !
 

Source : Valeurs actuelles

Guillaume Bernard, docteur et habilité à diriger des recherches, est historien des institutions et des idées politiques ; il est notamment l’auteur de “La guerre à droite aura bien lieu, le mouvement dextrogyre” (Desclée de Brouwer).