dimanche 6 novembre 2011

Décentraliser et libéraliser l’école

Article paru dans l'hebdomadaire français Valeurs actuelles du jeudi 27 octobre 2011. Chantal Delsol est une philosophe, historienne des idées politiques, et romancière française. Elle fonde l’Institut de recherche Hannah Arendt en 1993 et devient membre de l'Académie des Sciences morales et politiques en 2007.

L’Éducation Nationale aujourd’hui ne remplit plus son rôle, qui est de promouvoir l’égalité des chances. Elle fonctionne comme une machine déployant les inégalités. La faute en est désormais moins à son idéologie qu’à son gigantisme centralisé, et à son corporatisme. À l’abri de l’énorme machine anonyme et rationnelle, toutes les combines et tous les gaspillages et toutes les injustices peuvent se déployer.

L’urgence consiste à décentraliser et à libéraliser. Il s’agit de limiter drastiquement le pouvoir de l’État et de le réduire à la solidarité, au contrôle et à la garantie.

C’est pourquoi je défends le système du chèque-scolaire. L’État dans ce cas continue à financer l’enseignement de tous, c’est son rôle s’il veut garantir l’égalité des chances et ne pas lier l’instruction à la classe sociale. Cependant, au lieu de dépenser l’argent à diriger lui-même des établissements sur tout le territoire, il distribue un bon scolaire aux familles, au prorata du nombre d’enfants. Les parents choisissent l’établissement qui leur convient. Un établissement plébiscité par nombre de familles est ainsi davantage financé par l’État, et un établissement peu demandé, finit par disparaître.

L’État s’occupe de vérifier que l’hygiène et les bonnes mœurs sont respectés dans les établissements autonomes. Il veille sur les compétences des enseignants – il peut maintenir un système de concours et imposer aux établissements de n’embaucher que les titulaires du grade. Il peut publier des programmes de matières à étudier. [Note du carnet: il n'est pas clair s'il s'agit pour Chantal Delsol de programmes facultatifs, s'ils étaient obligatoires nous sommes opposés à ce monopole.] Mais ce n’est pas lui qui dirige les établissements. Ceux-ci sont autonomes, ils embauchent leurs enseignants selon leurs besoins, payent les enseignants selon leurs mérites et peuvent les renvoyer en cas de négligence ou de fainéantise.

Ce système, dit du chèque-scolaire, est appliqué dans nombre de pays où il profite surtout aux familles les moins aisées – qui choisissent leurs écoles au lieu d’être envoyées dans des ghettos. Dans les sondages en France, il est plébiscité par les familles.

Les universités doivent elles aussi acquérir une véritable autonomie : celle qui leur permettrait de payer leurs enseignants au prorata de leurs mérites et de les débaucher au prorata de leurs démérites. Et qui leur permettrait de gérer leurs budgets librement et sans être inféodées au système étatique planifié, générateur de gaspillages et d’immobilisme. De plus, les universités ne pourront fonctionner convenablement que lorsque les étudiants seront sélectionnés à l’entrée – on peut choisir de donner le baccalauréat à tout le monde, mais on ne peut raisonnablement faire entrer tout le monde à l’université. Et elles ne fonctionneront convenablement que lorsque les étudiants paieront une partie de leurs études, soit de leur propre denier soit avec des bourses obtenues au mérite – un service gratuit est toujours négligé et méprisé.


Bref, le mérite et l’autonomie de gestion devraient être les maîtres-mots. L’État ne serait que le payeur et le garant, non plus le gestionnaire. À cette seule condition le système éducatif deviendrait adaptable et souple devant les évolutions multiples qui aujourd’hui nous laissent sans ressources.

Chantal Delsol,  27/X/2011


Dernier ouvrage paru : La Détresse du petit Pierre qui ne sait pas lire, Plon, 192 pages, 17 €.





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)