samedi 26 juin 2010

« On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d’orteils »


« On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d’orteils » répondait aux parents la ministre de l’Éducation du Québec, Mme Courchesne.
   
"Le cours de culture religieuse obligatoire", LE SOLEIL, 19 avril 2008.




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Le Devoir interroge un juriste et un philosophe, ils s'opposent au jugement Dugré

Le Devoir interroge ce samedi un juriste et un philosophe, ils s'opposent tous deux au jugement Dugré. Est-ce pour rassurer ses lecteurs que le quotidien de Bleury ne trouve pas opportun d'apporter une information équilibrée (voir les constitutionnalistes défendent le jugement Dugré) ?


Extraits de l'article (le texte du Devoir est précédé d'un liseré gris) :
Le concept d'équivalence

En substance, le juge s'attarde surtout à prouver que le gouvernement du Québec ne peut pas refuser de reconnaître le cours ÉCR « maison » proposé par l'école secondaire privée pour garçons comme un cours équivalent sous prétexte qu'il aborde l'enseignement dans une perspective confessionnelle. M. Dugré va jusqu'à remettre en cause le pouvoir discrétionnaire de la ministre et celui de ses fonctionnaires en alléguant qu'ils n'avaient pas le pouvoir de définir les critères d'« équivalence ».
Plus précisément que le fonctionnaire Jacques Pettigrew ne pouvait — en l'absence de critères d'équivalence précis établis légalement au préalable — établir de son propre chef des critères arbitraires d'équivalence et qu'il aurait donc dû utiliser le sens ordinaire d'équivalence, à savoir ici comparable.
Inscrite sur la première page de la décision, la locution latine Delegatus non potest delegare (Le délégué ne peut pas déléguer) donne le ton. Philosophe à l'Université Laval, Luc Bégin, qui est aussi conseiller du ministère de l'Éducation pour le cours ÉCR, détecte
« Détecte » et non pas « croit détecter », ce serait donc une anomalie avérée pour le Devoir ?
une anomalie dans le raisonnement du juge, qui préfère s'en remettre à la définition générale du dictionnaire du mot « équivalent », soit « qui a la même valeur ou fonction […] dont la portée est semblable ou identique ». « Je trouve ça étrange que [le juge] dise qu'il suffit que le cours proposé par Loyola soit similaire ou comparable [à celui proposé par le ministère de l'Éducation] alors qu'il ne revient pas du tout sur la question de la valeur et de la fonction, indique Luc Bégin.
C'est faux. Le juge se penche sur les objectifs des deux cours et trouvent qu'ils sont les mêmes ainsi que les compétences développées par ces deux programmes :
[185] Analysé à la lumière de critères d’équivalences appropriés, soit ceux découlant du sens ordinaire, le Tribunal estime que le programme de Loyola est équivalent à celui établi par la Ministre, tant à l’égard des objectifs (reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun) que des compétences (éthique, culture religieuse et dialogue).
Si on se fie à la logique du juge, c'est comme s'il suffisait d'aborder des éléments de contenu du cours, de quelque façon que ce soit. Autrement dit, c'est comme affirmer que la science peut être enseignée de façon créationniste pour autant qu'on retrouve l'ensemble des éléments de contenu à étudier. »
Des dires mêmes du philosophe Georges Leroux, défenseur du programme ministériel et témoin expert du gouvernement dans cette cause, il n'y a aucune raison de penser que la pédagogie jésuite de Loyola ne puisse pas permettre l'atteinte des deux objectifs du programme que sont la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun.
Rappel effectué dans le communiqué de presse du collège Loyola
Pour le professeur, cette façon de faire inquiétante n'est pas sans suggérer un retour à l'enseignement confessionnel.
Depuis quand les écoles confessionnelles privées ne peuvent-elles plus pratiquer un enseignement confessionnel ?
« Si c'est ce que le juge pense, alors on peut revoir la fonction des programmes quels qu'ils soient. Et on peut se demander si les anciens programmes confessionnels ne devraient pas être jugés équivalents au cours Éthique et culture religieuse »
Effectivement.  Et pourquoi pas ? Pourquoi pas un peu de souplesse, de tolérance ?
, fait remarquer M. Bégin. Le tribunal conclut ainsi que « le programme de Loyola est comparable au programme ÉCR établi par la ministre » et que « l'enseignement de ce programme suivant la confession catholique n'en change pas la nature et ne peut faire perdre le statut d'équivalent au programme de Loyola ».
Cette exigence de non-confessionnalité est bien sûr connue du juge Dugré, mais elle va pour lui à l'encontre la liberté de religion de Loyola (notamment la liberté d'expression de ses professeurs) alors qu'un cours confessionnel permet d'atteindre les mêmes visées et de développer les mêmes trois compétences.
[277] Il n’est pas contesté en l’espèce que le programme ÉCR empêche la réalisation de ce qui précède.  L’expert Farrow l’exprime ainsi : le programme ÉCR, dans ses deux objectifs que sont la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun, se trouve à refléter en quelque sorte l’énoncé tiré de Gravissimum Educationis, à ceci près que la référence à la fin suprême – Dieu – est exclue.  Plus particulièrement, dans son volet culture religieuse, le programme ÉCR empêche l’enseignant d’afficher quelque confession religieuse que ce soit.  En effet, sur les questions éthiques et le phénomène religieux, l’enseignant doit adopter une posture neutre.
Cette absence de distinction dans les postures étonne Luc Bégin, qui a participé à la conception du volet éthique du cours.  « Le programme ÉCR a une approche culturelle des religions, et non confessionnelle. C'est une différence fondamentale, insiste-t-il. Dans une approche culturelle, on vise à faire comprendre aux jeunes une manifestation du phénomène religieux. On le fait dans le but de former des citoyens éclairés.  La référence qu'auront les citoyens, c'est leur raison
À nouveau, Georges Leroux admet que la pédagogie de Loyola n'empêchera en rien d'atteindre les objectifs recherchés par le programme ECR : la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun. Deux termes flous d'ailleurs et jamais définis rigoureusement. David Mascré le soulignait déjà lors du procès de Drummondville : « Objection 4 : les valeurs que le programme d’éthique et de culture religieuse prétend ainsi mettre en avant ne sont à aucun moment définies de manière rigoureuse (c.-à-d. exhaustive et non redondante). »
alors que quand on est dans une approche confessionnelle, ce qu'on vise en définitive […], c'est la fonction croyante, pratiquante. »
L'un n'empêche pas l'autre.
Selon M. Bégin, il est très tôt évoqué dans le programme ÉCR que l'élève doit être capable de penser par lui-même, de développer sa raison critique et de se faire une idée de ses propres valeurs. « Dans une posture confessionnelle, on n'est plus dans une entreprise de rendre le jeune capable de comprendre par lui-même, on est dans une entreprise de moralisation.  On n'en fait pas un être bête et docile pour autant, mais la réflexion critique est nécessairement assujettie à un cadre de référence qui est celui de la confession religieuse »
Et alors ? Les parents qui inscrivent leurs enfants à Loyola veulent ce cadre de référence...
, a-t-il poursuivi. Dans sa défense, la ministre de l'Éducation invoque notamment l'absence de la compétence « pratique du dialogue » dans le cours que propose de donner le collège Loyola et insiste sur le rôle d'enseignant et son devoir de réserve. Là-dessus, le juge est sans équivoque : il s'agit de prétextes.  Luc Bégin y voit une nette exagération. « Ça m'a scié de lire ça parce que le rôle de l'enseignant, on le retrouve dans les premières pages du programme ÉCR  au primaire et au secondaire, au même titre qu'apparaissent les finalités du programme et les compétences. C'est dire à quel point c'est fondamental », croit-il.
Pour Loyola, son programme comporte une compétence de dialogue et le juge est d'accord :
[150] Dans le programme ÉCR, le dialogue est défini comme comportant deux dimensions interactives, à savoir la délibération intérieure et l’échange d’idées avec les autres.

[151] Une simple lecture de la pièce P-2, complétée par les pièces P-1 et P-4, confirme sans équivoque que le programme offert par Loyola comporte ces deux dimensions.  D’ailleurs, le témoignage du directeur Paul Donovan le confirme.


Atteinte à la liberté de religion

Enfin, le juge récuse sévèrement la défense de la ministre, qui plaide que l'école secondaire Loyola, comme personne morale, ne peut invoquer une atteinte à sa liberté de religion. Or cette école privée subventionnée a une personnalité juridique, statue le juge en reconnaissant que l'établissement « a donc droit à la protection de l'article 3 de la Charte québécoise puisque son droit fondamental [celui de la liberté de religion] est enfreint ». Le juriste Pierre Bosset reconnaît qu'il peut y avoir là une atteinte à la liberté religieuse des parents.
Et les enseignants qui sont obligés de ne pas dire ce qu'ils pensent en matière de foi ? 
Mais selon lui, d'importants critères ne sont pas abordés par le juge, comme le fait que l'objectif poursuivi pour limiter la liberté religieuse puisse être légitime et valable. « Le vivre ensemble, le développement d'une certaine culture religieuse chez tous les citoyens… Ces objectifs sont peut-être légitimes, mais le juge n'aborde pas certains de ces aspects », souligne M. Bosset.
Et pourtant ! le juge se penche sur le fait de savoir si des raisons légitimes pourraient expliquer cette limitation de liberté de conscience et d'expression :

[295] En outre, le Tribunal est d’avis que le critère de l’atteinte minimale n’est pas respecté en l’espèce.

[296] Plusieurs solutions s’offraient à la Ministre afin d’éviter d’enfreindre un droit protégé par la Charte québécoise. À titre d’exemple, le programme ÉCR aurait pu être scindé, la partie éthique étant obligatoire et la portion religion, protégée par la Charte québécoise, laissée optionnelle[137]
jusqu'à...
[307] L’atteinte minimale n’est pas satisfaite pour une raison bien simple : accorder l’exemption demandée par Loyola constitue manifestement une solution possible évitant de porter atteinte à la liberté de religion de Loyola.

[308] L’effet de la décision ne satisfait pas non plus au test établi dans l’arrêt Oakes précité.  En effet, les effets préjudiciables résultant du refus de la Ministre surpassent de loin ses effets bénéfiques.

[...]

M. Bosset ne verrait pas d'un mauvais œil que les deux causes — celle menée par des parents de Drummondville qui souhaitent dispenser du cours leurs enfants qui vont à l'école publique et celle de l'école secondaire privée Loyola — soient tranchées par la Cour suprême. « Pour aborder tous les aspects de fond, les questions de chartes plus que celles des droits administratifs », précise-t-il. Tenant d'une laïcité dite « ouverte », Pierre Bosset propose d'étendre cette réflexion collective au débat sur le financement des écoles privées.
Quelle ouverture d'esprit ! Un revers en justice, et hop ! il faut réfléchir au financement des écoles privées, euphémisme pour « étrangler financièrement les écoles privées qui seraient trop libres...» ? 
« Si on utilise l'argument du financement public versé aux écoles privées, il y aura peut-être là une légitimité supplémentaire pour imposer un cours. […] Si l'État tient à sa laïcité,
Quelle différence avec la laïcité fermée, le laïcisme ? 
il devra continuer à financer ces établissements, mais s'il doit respecter la liberté religieuse, ce serait cohérent pour lui de cesser le financement. » Voilà des controverses judiciaires qui promettent d'alimenter bien des débats.
En effet. Pourquoi cette lutte contre la liberté scolaire ?




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Les constitutionnalistes défendent le jugement Dugré

« Le juge Dugré rend son jugement conforme, selon la constitutionnaliste de Laval Pascale Fournier, à la jurisprudence dominante au Canada ».

Cité par Jean-François Lisée sur le site de l'Actualité, le 21 juin 2010

« Plusieurs experts partagent cet avis et disent que — s'il est confirmé en appel — ce jugement fera boule de neige dans plusieurs écoles privées de confessionnalités diverses. Le constitutionnaliste Henri Brun note que ce jugement s'inscrit dans l'air du temps et dans la voie tracée par la Cour suprême du Canada : « La Cour suprême du Canada a donné une définition extrêmement large de la liberté de religion. » À son avis, les parents déboutés récemment sur cette question pourraient exploiter le jugement Dugré pour défendre leur point de vue. »
Reportage de Radio Canada, lundi 21 juin 2010 à 17 h 01.





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Le nombre de cadres dans les commissions scolaires augmente pendant que le nombre d'élèves diminue

Alors que le nombre d'élèves diminue dans les commissions scolaires, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 692 cadres depuis 1999. Ceci alors que de plus en plus d'écoles ferment en régions.

Les commissions scolaires soutiennent que la croissance du nombre de gestionnaires est « normale », compte tenu « des obligations » qui leur sont imposées.

« Même s'il y a une baisse de clientèle, la charge administrative n'est pas moins grande », fait valoir Bernard Tremblay, de la Fédération des commissions scolaires. À son avis, plusieurs de ces postes de cadres ont été créés à l'intérieur des écoles, ce que nient les directeurs d'établissement.


Selon Bernard Tremblay, « Encore une fois, les directions d'école se plaignent du fait qu'il y a beaucoup de bureaucratie, mais cette bureaucratie-là n'est pas générée par la commission scolaire. C'est la commission scolaire qui répond à des commandes du Ministère, parce qu'on est dans une ère où la gestion doit être transparente. »

M. Tremblay donne l'exemple de la vérification des antécédents judiciaires, qui doit être effectuée depuis quelques années. « Ce sont 150 000 employés qu'on vérifie, dit-il. C'est sûr qu'il y a du personnel associé à ça. Tout le monde dit que c'est important, mais en même temps on se plaint de la bureaucratie. »

Source : TVA Nouvelles





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