lundi 11 mai 2015

Réforme du collège en France — les travaux interdisciplinaires collectifs dénoncés

Texte de Jean-Luc Neulat, professeur agrégé de mathématiques, paru sur Causeur :


Les détracteurs du projet de réforme [du collège (secondaire inférieure) en France] ont peut-être trop mis l’accent sur leurs critiques vis-à-vis de l’enseignement des langues vivantes ou mortes. Si pertinentes qu’elles soient, ces objections font perdre de vue le plus dangereux de la réforme : son inspiration générale. Le principe sous-jacent est qu’en multipliant les activités transversales, si possible ludiques, au détriment des savoirs fondamentaux et en saupoudrant les enseignements d’heures de soutien, on va parvenir à faire réussir tous les élèves. Derrière un discours prétendument moderne et audacieux, la ministre ne propose que de vieilles recettes coûteuses qui ont déjà montré leur inefficacité et aboutissent inéluctablement à un abaissement général du niveau. L’une des principales mesures prévues est la mise en place des E.P.I. (Enseignements pratiques interdisciplinaires) qui vont absorber avec l’accompagnement personnalisé 20 % du travail des élèves. Leur objectif est, d’après le ministère, de permettre « aux élèves de comprendre le sens de leurs apprentissages en les croisant, en les contextualisant et en les utilisant pour réaliser des projets collectifs concrets ». Ces enseignements par projets, présentés comme une nouveauté, mais expérimentés de longue date au lycée sous des formes légèrement différentes, a priori séduisants, posent de nombreux problèmes. L’expérience montre en effet que le profit qu’en tirent les élèves est dérisoire au regard du temps qu’ils consomment. Les compétences auxquelles ils font appel sont très disparates suivant les disciplines et souvent non adaptées au niveau de l’élève, soit parce qu’elles sont trop compliquées soit parce qu’elles sont trop simples. L’enseignement disciplinaire y est difficilement maîtrisable et il en résulte pour les élèves une formation molle et imprécise, alors que les jeunes d’aujourd’hui ont plus que jamais besoin d’être encadrés.


Les pédagogies rétrogrades (pendant la « Grande Noirceur ») et en groupe de petits génies (aujourd’hui au Québec, demain encore plus en France ?) selon un cahier d’activités d’ECR...


Protégé par le groupe, assuré d’être bien rémunéré pour un travail sans difficulté et en fait non évaluable et donc toujours noté complaisamment, l’élève ne sent pas tenu de faire de réels efforts et il n’en retient pratiquement rien. Ce qui est déjà vrai au lycée le sera davantage au collège et on peut déjà mesurer la gabegie que cela provoquera. Mais, dans le politiquement correct ambiant, on attribue au travail en groupe des élèves, comme d’ailleurs à celui des enseignants, des qualités miraculeuses auxquelles tout le monde fait semblant de croire tout en sachant qu’il est mal adapté à des élèves qui manquent de maturité et de connaissances de base solides. Quoi qu’il en soit, l’élève en échec scolaire ne trouvera pas là le moyen de s’en sortir, on l’aura artificiellement distrait et pendant ce temps privé d’une réelle formation. Une autre mesure phare est l’accompagnement personnalisé ouvert à tous les élèves que l’on pratique déjà depuis trois ans en lycée où il s’est montré coûteux et particulièrement inefficace.


Les syndicats de gauche prétendent que c’est parce les moyens alloués sont insuffisants, le ministère parce ce que ce sont les professeurs qui ne savent pas mettre à profit les quelques heures qui lui sont réservées. Tous évitent de le remettre en cause parce que cela fait partie des nouveaux tabous dont il est de mauvais goût de contester la pertinence. Pourtant, il suffit d’un peu de bon sens pour se rendre compte qu’il faudrait, pour avoir quelques chances d’être efficace, des moyens financiers et intellectuels inaccessibles.


Au lycée, ce n’est pas avec deux heures par semaine à partager entre toutes les matières, ce qui laisse au mieux par matière un groupe de 15 élèves tous les 15 jours, soit 3 minutes et 40 secondes par élève, que l’on peut sérieusement se pencher sur les difficultés particulières de chacun d’eux. Et, même si les moyens étaient deux, trois, quatre fois plus importants, cela resterait encore très insuffisant. Et, quand bien même les aurait-on, serait-on capable de comprendre le fonctionnement du cerveau de chaque élève et de trouver pour chacun d’eux un remède approprié ? Et, quand bien même, il ne resterait plus suffisamment de temps pour l’enseignement de base. Et, quand bien même arriverait-on à tout caser dans l’emploi du temps, il y aurait un perpétuel décalage entre les lacunes que l’on tenterait de combler d’un côté et celles qui apparaîtraient de l’autre côté dans la suite du programme.


On est face à une nouvelle utopie à laquelle les psychopédagogues et les prétendus experts en science de l’éducation s’accrochent éperdument pour éviter que l’on s’attaque au plus précieux de leur tabou et pourtant la principale cause de la faillite du système éducatif français, le principe du collège unique. De réforme en réforme, ils imposent aux ministres successifs une politique dont ils ont de plus en plus de mal à dissimuler le cuisant échec. Comment peut-on honnêtement croire qu’après avoir trimbalé dans un même sac des boules de pétanque et des boules de ping-pong, il suffira pour raccommoder ces dernières nécessairement abîmées de les prendre collectivement et de souffler un peu dessus ? Fondre tout le monde dans un même moule est une violence faite au genre humain. Il y a plusieurs formes d’intelligence, de talents et des personnalités diverses, c’est ce qui en fait sa grande richesse. L’intérêt général est de permettre à chacun de s‘épanouir dans un environnement qui lui convient et de trouver son chemin. Certains ont une intelligence concrète, d’autres abstraite et entre ces eux extrêmes il y a toute une panoplie de nuances. Dans cette machine à broyer, certains élèves font des choix précoces, ce n’est pas nécessairement par manque d’ouverture d’esprit, cela est parfois l’affirmation d’une personnalité qui ne veut pas se laisser embarquer dans un paquebot qu’elle n’a pas choisi. C’est aussi souvent une forme d’autodéfense devant une épreuve que l’on ne sent pas capable, à tort ou à raison, d’affronter. Alors, la porte se ferme et plus rien ne rentre. Insister devient contre-productif. Quelle folie de croire que c’est à coup d’heures de soutien supplémentaires que l’on va régler le problème !

Cette manière de procéder conduit à une forme de harcèlement moral, particulièrement pervers, car on fait croire à l’élève que l’on agit pour son bien et il se sent encore plus dévalorisé s’il n’arrive pas à en tirer profit. Pour défendre la suppression des classes européennes et bilingues, la ministre déclare qu’elle est contre ce qu’elle appelle « l’élitisme dynastique » qui, toujours selon elle, « reproduit des avantages sociaux de certains en leur offrant, toujours aux mêmes, des classes de contournement, des filières sélectives, des offres de choix qui ne sont réservés qu’à eux ». Elle se fait ici clairement la porte-parole d’une certaine gauche excessive qui devant l’impossibilité de faire suivre à certains un parcours d’excellence veut l’interdire à tous. Les classes européennes, comme les anciennes classes à option, sont ouvertes à tout élève, quelle que soit sa condition, pourvu qu’il ait le goût et les moyens de les suivre. Elles ne sont nullement réservées à une hypothétique dynastie qui n’existe que dans la tête de la ministre, à moins de considérer que les « bons élèves » constituent une caste à part que l’on doit au nom d’un égalitarisme fanatique rabaisser. C’était sans doute ce même état d’esprit qui inspirait le projet, auquel elle a apparemment renoncé, de noyer l’enseignement du grec et du latin dans un vaporeux E.P.I. intitulé « Langues et cultures de l’Antiquité ». C’est ainsi qu’en voulant la réussite pour tous que l’on va une nouvelle fois organiser, par aveuglement idéologique, l’échec pour tous.




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La Russie et sa relation apaisée avec la religion


À comparer avec la volonté laïciste au Québec et au Canada de chasser le religieux de l’espace public : en Russie un ministre de la Défense bouddhiste est le premier à se signer avant de passer sous l’icône d’un Christ sauveur.

Défilé du 9 mai 2015, à 9 minutes 56 secondes, le ministre de la Défense se signe

Le 9 mai 2015, la Russie a célébré avec pompe le 70e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Pendant ce conflit, l’URSS a perdu quelque 25 millions de ses citoyens, alors que l’Allemagne perdait 5,38 millions de soldats sur le front de l’Est, contre « seulement » 0,6 sur le front de l’Ouest.

Le défilé du 9 mai comprenait pour la première fois un détachement de l’Inde et un autre de Chine. On notera d’ailleurs que, lors de ce défilé, les symboles de la Russie tsariste et soviétique se côtoyaient en commençant par les drapeaux, le ruban de Saint-Georges, les aigles tsaristes ou l'étoile soviétique. La Russie commémore toute son histoire.

Mais une autre chose, non moins étonnante, s’est également produite : le ministre de la Défense Choïgou a fait le signe de la croix avant le début des célébrations.

Jamais, depuis la Révolution d’Octobre 1917, aucun ministre russe de la Défense n’avait fait un tel geste. Certes, une vieille tradition veut qu'on fasse le signe de croix quand on passe sous la Tour du Saint-Sauveur du Kremlin parce qu’une icône du Sauveur orne le haut du portail.

Comme le note le journaliste russe Victor Baranets : « À ce moment-là, j’ai senti que par son geste simple Choïgou a galvanisé toute la Russie. Il y avait tant de bonté, tant d’espoir, tant de notre sens russe du sacré [dans ce geste] ». Voir un bouddhiste touvain faire le signe de la Croix à la manière orthodoxe a envoyé un électrochoc à travers la blogosphère russe : tout le monde sentait que quelque chose d’incroyable venait de survenir.



Les commentateurs russes s’accordent pour dire que Choïgou n’a pas fait ce signe « pour la frime ». L’homme a un immense capital de popularité et de crédibilité en Russie et il n’a nul besoin de jouer au Tartuffe. En tant que bouddhiste, Choïgou vit facilement la diversité religieuse et la domination symbolique de l'orthodoxie russe. En outre, plusieurs commentateurs soulignent que Choïgou était très concentré, très solennel, quand il a fait ce signe. 

Un des commentateurs croit que « Choïgou a littéralement demandé l’aide de Dieu dans un des moments les plus dangereux de l’histoire russe contemporaine alors que — en tant que ministre russe de la Défense — il pourrait être appelé à prendre des décisions capitales dont l’avenir de la planète pourrait dépendre. »

L’icône du Saint-Sauveur est restée cachée pendant près de 80 ans. L’icône était considérée comme perdue avant qu’elle ne fût redécouverte en 2010 au-dessus de la Porte du Sauveur. La sainte image avait été murée dans les années 1930. Le pouvoir soviétique athée ne pouvait tolérer que tous ceux qui entraient au Kremlin par la porte principale vénérassent l’icône. L’ordre fut alors donné de supprimer l’image. Mais au lieu de détruire l’icône, on la recouvrit d’un crépi. Et sous la couche de crépi se dissimulaient un grillage et un treillis métalliques qu’environ 10 cm séparaient de la couche chromatique de l’icône. (Plus de détails.)

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France — Réforme du collège : « Une véritable déconstruction de notre culture »


Pour l’historien Dimitri Casali, « des aspects fondateurs de la République française » sont placés au second plan par la réforme du collège portée par Najat Belkacem. Il estime que la ministre de l’Éducation nationale est influencée par « des idéologues empreints d’idées soixante-huitardes ».

La ministre de l’Éducation nationale Najat Belkacem s’attire les foudres des enseignants et des historiens par sa réforme du collège, notamment avec ses propositions de modifications des programmes d’histoire.

« Là, vraiment, c’est grave, estime l’historien Dimitri Casali, invité de Sud Radio. Nous assistons à une véritable déconstruction de notre culture en rendant certains thèmes obligatoires et d’autres facultatifs. Il faut être aveugle pour ne pas constater que la part belle est faite à l’islam, l’esclavage, la traite négrière et la colonisation au détriment de valeurs constitutives que sont l’humanisme de Montaigne ou l’esprit des Lumières. Que serait la France sans ces valeurs essentielles de notre République ? »


« La ministre est aveuglée par une garde rapprochée de pédagogues avec leurs idées d’arrière-garde »

Pour le spécialiste de l’enseignement, notamment auteur de Qui a gagné Waterloo ? (Editions Flammarion), « la rue de Grenelle est occupée par des idéologues, d’anciens marxistes empreints d’idées soixante-huitardes. Ils ne voient pas qu’ils creusent la fracture entre Français qui n’ont jamais été aussi divisés. Ils sèment la honte et la détestation de soi au sein de chaque Français. Ce n’est pas comme ça que nous construirons l’avenir. »

« La ministre est aveuglée par une garde rapprochée de pédagogues avec leurs idées d’arrière-garde, poursuit Dimitri Casali. Il faut rendre obligatoires les thèmes fondateurs de la nation française que sont l’humanisme de Montaigne et les Lumières. Il faut insister sur les belles pages de l’histoire de France et non pas seulement sur les pages noires et sombres. Il y aussi une vue d’économie [le budget de l'Éducation nationale étant le plus important], mais il y a sans doute beaucoup d’idéologie derrière. Selon eux, il faut faire des enfants des citoyens du monde avant d’en faire des citoyens français. Là, je pense qu’ils ont totalement faux. En faisant cela, en rendant l’Islam obligatoire et l’Église chrétienne au Moyen-Âge optionnelle, ils font le jeu du Front National. »

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Pourquoi l'absence du père serait néfaste pour les garçons

Dans le monde actuel, un enfant a plus de chance d’avoir un téléviseur dans sa chambre, qu’un père à la maison à la fin de son enfance. Pour chaque demi-heure qu’un garçon britannique parle avec son père, il passe 44 heures devant son écran. Un constat qui met en péril son évolution en tant qu’homme. C’est ce qui ressort du livre « Man (dis)connected : How technology has sabotaged what it means to be male. Why do boys need fathers? » du psychologue américain et professeur à l’université de Standford, Philip Zimbardo.

Le psychologue précise que chaque enfant a besoin d’un père et d’une mère, car chacun donne une forme d’amour différente. L’amour d’un père n’est pas inconditionnel comme celui d’une mère. Exister ne suffit pas. En tant que fils, on se doit de faire quelque chose pour que notre père soit fier de nous. C’est le contrat tacite passé entre un père et un fils. Or cette source de motivation intrinsèque est en train de s’atténuer peu à peu. Au point que celle-ci a disparu pour un enfant sur deux.

On remarquerait particulièrement ce phénomène dans les familles afro-américaines, ou entre 60 et 70 % des jeunes garçons auraient été élevés dans un environnement féminin. Le phénomène s’étend aussi aux autres communautés. Aux États-Unis, on estime qu’un tiers des garçons a été élevé dans un foyer où le père est absent. Au Royaume-Uni, c’est un quart des enfants qui sont élevés par des mères célibataires. C’est trois fois plus qu’en 1971. Si l’on combine cela avec une mère qui s'investit de plus en plus au travail, cela donne de jeunes hommes qui vont de plus en plus chercher la sécurité et les encouragements sur internet. Cette fuite fait que les jeunes ont plus de mal à apprendre la communication sociale élémentaire et ne savent plus comment réagir au rejet.

On constate que l’effet est cependant moins néfaste sur les filles que sur les garçons. Les garçons se concentrent sur l’action et négligent plus facilement la réflexion. Les garçons, confinés dans leur chambre, vont perdre leur intérêt et leur motivation et se déliter dans un monde virtuel. Les filles, elles, ont plus de ressort et sont plus axées sur l’être et les sentiments. Elles vont, au contraire, se battre encore davantage pour s’en sortir dans le vrai monde. Zimbardo en veut pour preuve qu’il y a entre 5 et 10 % en plus de femmes que d’hommes dans de nombreuses universités aux États-Unis et en Angleterre.


L’homme herbivore

Ces garçons, engoncés dans un monde virtuel où la pornographie est la norme et où la communication de base n’est jamais acquise ou éprouvée, souffrent d’une nouvelle forme de timidité sociale. La peur du rejet et le manque de pratique de ce dernier rendent toute communication difficile et vont encore encourager le jeune à se réfugier dans la bulle virtuelle. Un homme qui n’est plus intéressé par rien qui ne vienne du monde réel, ce qu'on nomme au Japon un homme herbivore.

La solution pour reconnecter ces garçons à la réalité serait, selon le professeur, de les entourer de plus d’hommes. Des professeurs hommes, d’autres garçons ou même des cercles d’homme afin de leur réinsuffler une « attitude mâle » qui est en passe de s’étioler.



Man (Dis)Connected : How Technology Has Sabotaged What it Means to be Male, and What Can be Done
par Philip Zimbardo et Nikita D. Coulombe
Paru le 7 mai 2015
chez Rider and Co
à Londres, Royaume-Uni
352 pages
ISBN-10 : 1846044847



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