Mathieu Bock-Côté sur le métier d’enseignant (moderne) :
Sa première année de travail, elle s’est fait mordre. Par une petite créature attachante comme tout, mais qui avait quelques troubles de comportement. On l’a aussi insultée. Souvent. C’est comme ça, apparemment. Je vous parle évidemment d’une enseignante, qui me parlait elle-même récemment de son boulot.
La deuxième année, elle a vite appris. Elle s’est fait respecter par ses élèves. Par quel miracle, lui ai-je demandé ? Parce qu’elle a cessé de croire à la grosse menterie de notre époque, qui veut qu’un enfant ait toujours besoin d’être cajolé, que jamais il ne doive frapper un mur, réfréner ses désirs, rencontrer l’autorité.
Ce qui me sauve, m’a-t-elle dit, c’est mon air de bœuf. Ah bon ? Oui. Souvent, les autres profs n’apprennent pas. Plus on les conteste, et plus ils câlinent les gamins. À force de sourires et de pitreries, peut-être sauront-elles enfin se faire aimer. C’est la pédagogie des Calinours, cette immense sottise.
Les enfants-rois
Erreur. Les petites bêtes féroces, enfants-rois à la maison, jouent souvent un parent contre l’autre, surtout lorsqu’ils sont séparés. On l’oublie, mais un gamin laissé à lui-même peut vite devenir un petit tyran. Les enfants ont besoin qu’on leur dise non. Ils ont besoin de rencontrer un adulte qui ne parle pas en bébé. C’est indispensable à la formation de leur personnalité.
Ce n’est pas que l’enseignante à qui je parlais n’aime pas ses élèves. Dieu que non. Mais elle a compris que ce n’est pas aimer un élève que de se coucher devant lui et de lui servir de tapis. L’école représente le monde adulte. Elle doit y élever l’enfant et non pas se transformer en garderie perpétuelle.
Je lui demandais si elle se sentait soutenue par sa direction. Plus ou moins, m’a-t-elle répondu. Non plus que par les parents, persuadés que leurs enfants sont des créatures absolument merveilleuses, incapables de faire quelque mal que ce soit. La vieille alliance du monde adulte entre la direction, les profs et les parents s’est rompue. L’enseignante en paie le prix.
Je ne livre pas ici un rapport scientifique. Mais d’une enseignante à l’autre, au fil des ans, j’entends les mêmes histoires, et souvent, je perçois un désespoir plus ou moins étouffé. D’ailleurs, une proportion considérable d’enseignantes décroche après cinq ans. L’école les pousse à bout.
Tâche impossible
On demande tout à l’école d’aujourd’hui. De remplacer une famille disloquée, de lutter contre les inégalités et l’intolérance, etc. C’est évidemment une tâche impossible. L’école a une mission simple : transmettre le savoir, les connaissances. Chaque fois qu’on l’encombre d’une mission supplémentaire, elle se dérègle un peu plus.
Je tire de mon échange avec cette enseignante une leçon. Vous souhaitez l’aventure pour salaire dérisoire ? Certes, il y a l’armée. Mais les guerres sont peu nombreuses, vous finirez par prendre du bide en vous encasernant. Allez enseigner. Voilà, aujourd’hui, la profession extrême. C’est là que notre société est en guerre contre la bêtise. Les enseignantes tiennent le fort malgré tout.
Sa première année de travail, elle s’est fait mordre. Par une petite créature attachante comme tout, mais qui avait quelques troubles de comportement. On l’a aussi insultée. Souvent. C’est comme ça, apparemment. Je vous parle évidemment d’une enseignante, qui me parlait elle-même récemment de son boulot.
La deuxième année, elle a vite appris. Elle s’est fait respecter par ses élèves. Par quel miracle, lui ai-je demandé ? Parce qu’elle a cessé de croire à la grosse menterie de notre époque, qui veut qu’un enfant ait toujours besoin d’être cajolé, que jamais il ne doive frapper un mur, réfréner ses désirs, rencontrer l’autorité.
Ce qui me sauve, m’a-t-elle dit, c’est mon air de bœuf. Ah bon ? Oui. Souvent, les autres profs n’apprennent pas. Plus on les conteste, et plus ils câlinent les gamins. À force de sourires et de pitreries, peut-être sauront-elles enfin se faire aimer. C’est la pédagogie des Calinours, cette immense sottise.
Les enfants-rois
Erreur. Les petites bêtes féroces, enfants-rois à la maison, jouent souvent un parent contre l’autre, surtout lorsqu’ils sont séparés. On l’oublie, mais un gamin laissé à lui-même peut vite devenir un petit tyran. Les enfants ont besoin qu’on leur dise non. Ils ont besoin de rencontrer un adulte qui ne parle pas en bébé. C’est indispensable à la formation de leur personnalité.
Ce n’est pas que l’enseignante à qui je parlais n’aime pas ses élèves. Dieu que non. Mais elle a compris que ce n’est pas aimer un élève que de se coucher devant lui et de lui servir de tapis. L’école représente le monde adulte. Elle doit y élever l’enfant et non pas se transformer en garderie perpétuelle.
Je lui demandais si elle se sentait soutenue par sa direction. Plus ou moins, m’a-t-elle répondu. Non plus que par les parents, persuadés que leurs enfants sont des créatures absolument merveilleuses, incapables de faire quelque mal que ce soit. La vieille alliance du monde adulte entre la direction, les profs et les parents s’est rompue. L’enseignante en paie le prix.
Je ne livre pas ici un rapport scientifique. Mais d’une enseignante à l’autre, au fil des ans, j’entends les mêmes histoires, et souvent, je perçois un désespoir plus ou moins étouffé. D’ailleurs, une proportion considérable d’enseignantes décroche après cinq ans. L’école les pousse à bout.
Tâche impossible
On demande tout à l’école d’aujourd’hui. De remplacer une famille disloquée, de lutter contre les inégalités et l’intolérance, etc. C’est évidemment une tâche impossible. L’école a une mission simple : transmettre le savoir, les connaissances. Chaque fois qu’on l’encombre d’une mission supplémentaire, elle se dérègle un peu plus.
Je tire de mon échange avec cette enseignante une leçon. Vous souhaitez l’aventure pour salaire dérisoire ? Certes, il y a l’armée. Mais les guerres sont peu nombreuses, vous finirez par prendre du bide en vous encasernant. Allez enseigner. Voilà, aujourd’hui, la profession extrême. C’est là que notre société est en guerre contre la bêtise. Les enseignantes tiennent le fort malgré tout.
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