jeudi 1 août 2024

Pour Montesquieu, la démocratie exige, pour fonctionner, la vertu (du stoïcisme antique ou surtout de la religion chrétienne)

L'auteur de l' Esprit des lois ne fut pas un pur libéral. Il savait que la démocratie exige, pour fonctionner, la vertu. Recension parue dans le Figaro Histoire ce la leçon de Jean Starobinski.

Montesquieu, c'est avant tout une langue. La clarté jointe à l'ironie, le pouvoir d'abstraction de la raison combiné à la puissance évocatrice de la littérature qui fondent l'esprit français. Son regard distancié et perçant, sa capacité foudroyante d'extraire de l'observation du réel des lois générales est à mille lieues du jargon ronronnant des spécialistes d'aujourd'hui. Que dirait ce fervent défenseur de la séparation des pouvoirs de l'hypertrophie du pouvoir judiciaire ? Cet apologiste du doux commerce du retour de la guerre au cœur de la mondialisation ? Ce théoricien des climats qui associait les empires tyranniques à la chaleur du midi lierait-il le réchauffement climatique aux penchants renouvelés pour l'autoritarisme ?

Pour comprendre ce que nous devons à Montesquieu et comment il nous aide encore à voir plus clair dans notre temps présent, il faut lire le magnifique essai que lui a consacré le fameux théoricien de la littérature Jean Starobinski , publié en 1994 et réédité ces jours-ci aux éditions Seuil. « Nous vivons dans une société aménagée en grande partie selon les vœux de Montesquieu : l'exécutif, le législatif et le judiciaire y sont séparés ; les peines y sont en principe proportionnées aux délits ; le libéralisme économique y est pratiqué avec quelques correctifs », écrit Starobinski. Mais si les grands principes de l'auteur de l' Esprit des lois nous régissent, son état d'esprit manque cruellement à notre époque. Héritier de Montaigne, préfigurateur de Tocqueville et de Raymond Aron, cet esprit libéral est « l'un des rares qui sachent occuper les mi-distances, sans se laisser gagner par la médiocrité ».

Avec Diderot, Voltaire, et Rousseau, il est l'un des membres du quatuor des « philosophes des Lumières » qu'on apprend au collège. Pourtant faut-il vraiment le mettre dans le même sac que les théoriciens de salon qui prétendirent démolir la France d'Ancien Régime pour la rebâtir sur de nouveaux fondements ? Cet aristocrate, enraciné dans sa vigne du Bordelais, avait vu avec consternation s'abîmer le règne de Louis XIV où les vieilles vertus d'honneur et d'héroïsme avaient été détournées par la guerre et la courtisanerie, où l'absolutisme royal avait noyé tous les anciens corps intermédiaires.

Montesquieu ou les Lumières conservatrices

Montesquieu est un homme de transition. Encore habité par l'esprit de la philosophie classique, il adopte le rationalisme de son temps pour jeter un regard critique sur les institutions. Il s'inspire de la loi de la gravitation de Newton pour concevoir sa théorie des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Mais il n'est pas du tout un adepte de la table rase et voudrait au contraire que la France retrouve ses racines féodales ignorées par l'arbitraire royal.

Selon lui, le plus haut degré des institutions humaines s'annonce le plus souvent en l'origine. L'histoire n'est pas une longue marche vers le Progrès, mais elle est faite de vicissitudes. Il faut le croire plus sincère que prudent lorsqu'il défend la foi chrétienne face aux spinozistes et aux athées. S'il souhaite séparer les lois religieuses des lois humaines, c'est parce qu'il se méfie de l'absolutisme en politique. En cela il diffère radicalement de Rousseau qui divinisera la volonté générale. Son optimisme rationaliste est tempéré par une sorte de pessimisme anthropologique : il rappelle, nous dit Starobinski, « aux hommes leur condition historique : ils ne peuvent être qu'en rapport variable avec l'absolu, malheureux s'ils l'oublient, peu certains de réussir s'ils veulent lui donner force de réalité dans toutes les relations qu'ils établissent entre eux ».

Montesquieu n'est pas un pur libéral. Il ne pense pas naïvement que les sociétés humaines peuvent s'organiser simplement par les règles du marché et du droit. Certes le commerce « adoucit les mœurs barbares » mais il « corrompt les mœurs pures » ; s'il unit les nations, il divise les particuliers en monnayant toutes les transactions humaines. Pouvait-il prévoir que sa critique des excès de l'Ancien Régime allait conduire à sa disparition ? Que ses propres principes déboucheraient sur la consécration d'un individualisme peu soucieux des exigences de la vie sociale ? Il avait prévenu que la démocratie ne saurait fonctionner sans la « vertu » des citoyens, et cette vertu ne se fabriquerait pas toute seule. Elle dépendait d'une vision du monde : le stoïcisme antique, et surtout la religion chrétienne qui forme un tribunal intérieur retenant par mille fils les excès des passions humaines.



 
Montesquieu
de Jean Starobinski 
Publié au Seuil,
à Paris,
le 31 mai 2024,
320 pp,
ISBN-10 ‏ : ‎ 2021226778
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2021226775

Trudeau — Augmenter le nombre d'immigrants admis soulagera le système d'accueil des réfugiés

Pour Justin Trudeau, l'augmentation du flux d'immigrants permanents légaux soulagera le système d'accueil des réfugiés. Car c'est au moment où nous voulons passer du statut de réfugié à celui de résident permanent que le système se trouve engorgé.

Il suffisait d'y penser : accepter tout de suite plus de gens (comme immigrés permanents) afin qu'ils ne prétendent plus être réfugiés. On ne voit pas pourquoi d'autres, refusés comme immigrés (ou faut-il comprendre que tout le monde sera accepté ?), ne se présenteront pas comme réfugiés. Bref, pourquoi cela ne créera pas un appel d'air supplémentaire et n'empirera pas les choses.

Traduction automatique en français