vendredi 18 janvier 2008

Heureusement ça n'arrive qu'en France : élèves sous influence


Alors que le ministère de l'Éducation nationale français se penche sur les manuels d'économie et leur penchant antilibéral, sera-t-il un jour contraint de se pencher sur les livres d'histoire et de géographie afin de vérifier qu'ils offrent un traitement équilibré de la période contemporaine ?

Certains enseignants, franchement troublés par la tonalité antilibérale et antiaméricaine de certains chapitres, ne sont plus loin de le penser. Sans aller aussi loin, André Kaspi, professeur d'histoire à Paris-I, affirmait récemment dans un colloque universitaire : «On peut se demander s'il ne conviendrait pas de réunir une commission d'historiens qui relèverait les erreurs, les préjugés et les maladresses des manuels.»

Certains thèmes qui ont longtemps fâché comme les périodes sombres de la Révolution française, les crimes du stalinisme, le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs ou bilan de la colonisation font depuis une dizaine d'années l'objet d'une approche plus équilibrée. Mais un survol des principaux manuels scolaires suffit à montrer que les enjeux de géopolitique actuels sont parfois traités sans nuances.

Dans un ouvrage conçu par l'éditeur Foucher à l'intention des classes de terminale technique, on peut ainsi lire : « Les altermondialistes défendent le droit à l'existence de toutes les cultures menacées par la logique libérale.» À l'intention des élèves de terminale générale, Magnard résume pour sa part, au début d'un chapitre consacré aux «fragilités de l'hyperpuissance » américaine : «Le libéralisme économique a des conséquences douloureuses : des fractures sociales et géographiques.» Pour expliquer le développement du terrorisme islamique, le manuel de troisième publié en 2003 par Magnard indique : « Les États-Unis sont devenus la cible d'États et de mouvements qui refusent l'hégémonie américaine sur le monde. » Comme pour enfoncer le clou, l'éditeur a choisi une photo de militant altermondialiste, prise lors d'une manifestation organisée en Belgique courant 2001, pour illustrer la couverture de cet ouvrage. Ailleurs, dans un manuel de troisième, on demande à l'élève d'expliquer pourquoi la démocratie a été sauvée en France en mai 2002, la question est illustrée à l'aide d'une photo montrant de jeunes étudiants qui manifestent avec leurs professeurs contre Le Pen entre les deux tours des élections présidentielles françaises.

Barbara Lefebvre et Ève Bonnivard sont allées explorer ce qu'en disent les manuels d'histoire de collège et lycée, qui restent le principal outil de travail des enseignants et des élèves. Soumis à diverses influences, médiatique, familiale, scolaire, ces derniers ont sans doute un bien meilleur accès à l'information que leurs aînés, mais la comprennent-ils pour autant ? L'école les aidera-t-elle à l'interpréter, l'analyser ? Les auteurs décryptent finement tous les messages et dérives idéologiques qui imposent aux élèves une certaine vision du monde actuel. Elles aboutissent à ce constat stupéfiant : les manuels ne sont-ils pas en train de fabriquer une génération anti-américaine ? Terrorisme, jihadisme, puissance américaine, alter-mondialisme, mutations de la société française, rôle de la France dans le monde, autant de thèmes traités par les manuels et dont le décryptage révèle une photographie de l'opinion française actuelle, inquiétante pour l'avenir.