Le directeur de Loyola, une école secondaire privée anglophone de Montréal impliquée dans une bataille juridique que la Cour suprême entendra le 24 mars 2014, a récemment effectué une tournée à travers le Canada. Objectif de cette tournée : discuter du laïcisme crispé croissant au Québec qui, selon lui, forcera les chrétiens à taire leurs opinions religieuses dans l’espace public et même, dans le cas du programme d’éthique et de culture religieuse (ECR), dans les écoles privées.
« Le Québec se dirige maintenant vers une « laïcité fermée » où le gouvernement se dit non seulement laïc, mais où la société elle-même doit aussi être laïque. La religion doit alors se cantonner à la maison et à l’église et totalement disparaître de l’espace public », a déclaré Paul Donovan (ci-dessus), directeur de l'école secondaire Loyola, dans un entretien avec le National Post.
Le collège Loyola se bat depuis cinq ans devant les prétoires contre le gouvernement du Québec afin de conserver le droit d'enseigner un cours obligatoire provincial sur les religions du monde et la morale appelé éthique et culture religieuse (ECR) d'un point de vue conforme à son identité catholique.
La Cour d’appel du Québec a récemment confirmé que l'école devait enseigner le programme ECR dans sa version « laïque » gouvernementale. Elle a aussi statué que le gouvernement était dans son droit quand il a refusé de déclarer équivalent au programme ECR le cours de religions du monde et de morale du collège catholique.
Le gouvernement du Québec prescrit que le programme ECR doit s’enseigner de manière « neutre » tant dans le domaine de la religion que de la morale. L’enseignant n’a plus qu’un rôle d’animateur « objectif » impartial qui ne peut intervenir que dans de rares cas où les limites de la civilité ou du politiquement correct seraient dépassées. Dans son volet éthique, par exemple, le cours devra aborder l'homosexualité en la présentant comme un choix parfaitement normal. Même dans une école catholique. Le programme ECR est obligatoire pour toutes les écoles primaires et secondaires, publiques et privées, et — en théorie — pour les enfants qui sont scolarisés par leurs parents à la maison.
Loyola a fait appel à la plus haute cour du Canada en février après la décision de la Cour d'appel du Québec.
Le directeur Paul Donovan a déclaré dans une vidéo YouTube que la décision de justice qui interdit à son école d'enseigner un programme équivalent signifie que le gouvernement prétend qu’une école confessionnelle est « incapable d'enseigner la reconnaissance de l’autrui – la tolérance et la compréhension – et la recherche du bien commun. » Le ministère du Québec pour sa part dit que son programme doit être enseigné de manière laïque dans toutes les écoles, mais que rien n'empêche que Loyola revoie des thèmes dans une perspective catholique, mais dans un cours séparé.
« Du point de vue du ministère de l’Éducation, confirmée par la Cour d'appel, nous ne pouvons [enseigner ces choses] qu’en tant que laïcs, que dans une perspective laïque », a ajouté M. Donovan.
Dans sa tournée pancanadienne, Donovan parle de la situation dans laquelle se trouve Loyola et insiste sur la pertinence de son cas pour tous les Canadiens qui croient que la liberté religieuse est un droit assuré, protégé et irrévocable.
Apparaissant lors d'un colloque organisé par l'Université McGill à Montréal, Donovan a déclaré à ses auditeurs que l'action de Loyola devant la Cour suprême est un dernier recours devant le refus persistant du gouvernement de permettre à son école de fonctionner en conformité avec son caractère, ses valeurs et sa mission catholiques.
« Le Québec veut exclure toute explication lors [d’un cours ECR sur] les raisons pour lesquelles les gens croient ce qu'ils croient », a déclaré Donovan au National Post.
« Vous êtes censé dire voilà ce que les gens croient et c'est tout. Le gouvernement exige que, lorsqu’on discute d’autres religions en classe, l'enseignant se désolidarise complètement de toute perspective religieuse ou de toute valeur religieuse. On ne peut donc jamais dire: "En tant que catholiques, nous voyons cela comme ceci..." »
« Le gouvernement veut que les enseignants présentent les croyances religieuses de façon absolue. Il ne faut pas en discuter, les remettre en question. Il ne faut pas les considérer comme rationnelles. Pourtant, dans la tradition catholique, saint Thomas d'Aquin dit que la raison est la première étape de la foi. Nous ne sommes donc pas autorisés à être qui nous sommes. »
Pour le gouvernement, « si vous avez une vision religieuse, vous ne pouvez pas servir le bien commun. En tant que catholique vous êtes donc incapables d’informer vos élèves au sujet des autres religions », de déclarer le directeur de Loyola.
« Je pense qu’on est en réalité plus objectif quand on avoue honnêtement ses a priori ou son point de vue que lorsqu’on prétend ne pas en avoir », a-t-il précisé.
La possibilité d’être neutre est une chose, l’opportunité de l’être en est une autre d’ajouter Donovan. « Ne pas être neutre ne signifie pas que vous n'êtes pas juste. Aucun être humain ne vit de manière neutre, mais l’on peut être équitable dans nos échanges. Vous pouvez tout à fait être en désaccord avec quelqu'un, tout en le respectant et en le traitant équitablement. »
Loyola ne s’oppose pas au cadre conceptuel du programme ECR dont l’objectif, selon Paul Donovan, est de fournir un minimum de culture religieuse, de prendre en compte l'histoire religieuse du Québec et de garantir le respect et la tolérance entre les religions. Mais il s’oppose à l’insistance du programme ERC qui impose que les enseignants soient « neutres » et muets quant à leurs opinions.
Pour le directeur de Loyola, cette façon de faire dans un domaine moral ou religieux reviendrait en classe de mathématiques à lancer un tas de nombres en l'air et à demander aux élèves de les trier tout seuls.
L'école Loyola enseigne depuis 35 ans un programme de religions du monde. La province prétend que le « seul moyen d’atteindre le cadre conceptuel est de le faire est à la manière imposée par ECR », de déclarer Donovan. « Si le concept est celui du pluralisme, il existe un problème quand on souhaite promouvoir le pluralisme tout en insistant que tout le monde doit penser et agir d’une manière précise. »
« Ce que nous enseignons déjà présente une vision d’ensemble plus complète [que le programme ECR] de ce que sont les religions », précise le professeur montréalais. Ce que Loyola enseigne sur le bouddhisme ou le judaïsme serait considéré comme un portrait objectif par un moine bouddhiste ou un rabbin », ajoute-t-il.
Le programme ECR entend enseigner les différentes religions en comparant de petites « facettes » de celles-ci, telles que les vêtements religieux, les rituels ou les jours fériés, sans les mettre en contexte, et « beaucoup des éléments religieux finissent de la sorte par avoir l’air idiot. »
Même quelque chose comme l'Eucharistie peut paraître ridicule si, comme dans le cours ERC, on ne parle que de personnes qui reçoivent une hostie ou un morceau de pain sans expliquer la nature des sacrements ou l'importance de l'Eucharistie dans la vie de Jésus, d’expliquer Donovan.
Selon le procureur général du Québec, ces arguments ne sont pas pertinents puisque Loyola serait une entreprise et qu’elle ne jouirait donc pas de liberté religieuse.
Pour Paul Donovan, l'affaire Loyola pourrait aboutir sur une décision de la Cour suprême qui établit que des institutions bénéficient également de liberté religieuse ou, au contraire, que seuls les particuliers en jouissent.
« Depuis le début, le procureur général du Québec a fait valoir que Loyola n'a pas droit à la protection constitutionnelle sur la liberté religieuse parce que notre école est une personne morale et que seules les personnes physiques jouissent de ce droit ou de cette liberté », de rappeler le directeur de l’école.
L'issue de cette affaire pourrait avoir des conséquences importantes à travers le Canada pour la liberté religieuse des écoles, églises, synagogues, mosquées, organismes de bienfaisance ou autres institutions religieuses constituées en entreprise, en personne morale, d’avertir Paul Donovan. L'archidiocèse de Montréal, par exemple, une personne morale, pourrait très bien être considéré comme ne bénéficiant d’aucune liberté religieuse en tant que telle.
« C’est important pour notre pays », a constaté le directeur de Loyola.
Historiquement, la liberté religieuse est un droit collectif ainsi qu'un droit individuel, affirme-t-il. La Cour suprême du Canada n’a toutefois jamais statué directement sur ce sujet. Cette décision pourrait affecter la place des religions dans la société.
Considérer la liberté religieuse comme un droit qui ne s’applique qu’aux particuliers consisterait à émasculer ce droit, opine Donovan.
Sept cent quarante garçons de la 7e à la 11e année fréquentent Loyola. Sur les 100 employés de l’école, 60 sont des enseignants.
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« Le Québec se dirige maintenant vers une « laïcité fermée » où le gouvernement se dit non seulement laïc, mais où la société elle-même doit aussi être laïque. La religion doit alors se cantonner à la maison et à l’église et totalement disparaître de l’espace public », a déclaré Paul Donovan (ci-dessus), directeur de l'école secondaire Loyola, dans un entretien avec le National Post.
Le collège Loyola se bat depuis cinq ans devant les prétoires contre le gouvernement du Québec afin de conserver le droit d'enseigner un cours obligatoire provincial sur les religions du monde et la morale appelé éthique et culture religieuse (ECR) d'un point de vue conforme à son identité catholique.
La Cour d’appel du Québec a récemment confirmé que l'école devait enseigner le programme ECR dans sa version « laïque » gouvernementale. Elle a aussi statué que le gouvernement était dans son droit quand il a refusé de déclarer équivalent au programme ECR le cours de religions du monde et de morale du collège catholique.
Le gouvernement du Québec prescrit que le programme ECR doit s’enseigner de manière « neutre » tant dans le domaine de la religion que de la morale. L’enseignant n’a plus qu’un rôle d’animateur « objectif » impartial qui ne peut intervenir que dans de rares cas où les limites de la civilité ou du politiquement correct seraient dépassées. Dans son volet éthique, par exemple, le cours devra aborder l'homosexualité en la présentant comme un choix parfaitement normal. Même dans une école catholique. Le programme ECR est obligatoire pour toutes les écoles primaires et secondaires, publiques et privées, et — en théorie — pour les enfants qui sont scolarisés par leurs parents à la maison.
Loyola a fait appel à la plus haute cour du Canada en février après la décision de la Cour d'appel du Québec.
Le directeur Paul Donovan a déclaré dans une vidéo YouTube que la décision de justice qui interdit à son école d'enseigner un programme équivalent signifie que le gouvernement prétend qu’une école confessionnelle est « incapable d'enseigner la reconnaissance de l’autrui – la tolérance et la compréhension – et la recherche du bien commun. » Le ministère du Québec pour sa part dit que son programme doit être enseigné de manière laïque dans toutes les écoles, mais que rien n'empêche que Loyola revoie des thèmes dans une perspective catholique, mais dans un cours séparé.
« Du point de vue du ministère de l’Éducation, confirmée par la Cour d'appel, nous ne pouvons [enseigner ces choses] qu’en tant que laïcs, que dans une perspective laïque », a ajouté M. Donovan.
Dans sa tournée pancanadienne, Donovan parle de la situation dans laquelle se trouve Loyola et insiste sur la pertinence de son cas pour tous les Canadiens qui croient que la liberté religieuse est un droit assuré, protégé et irrévocable.
Apparaissant lors d'un colloque organisé par l'Université McGill à Montréal, Donovan a déclaré à ses auditeurs que l'action de Loyola devant la Cour suprême est un dernier recours devant le refus persistant du gouvernement de permettre à son école de fonctionner en conformité avec son caractère, ses valeurs et sa mission catholiques.
« Le Québec veut exclure toute explication lors [d’un cours ECR sur] les raisons pour lesquelles les gens croient ce qu'ils croient », a déclaré Donovan au National Post.
« Vous êtes censé dire voilà ce que les gens croient et c'est tout. Le gouvernement exige que, lorsqu’on discute d’autres religions en classe, l'enseignant se désolidarise complètement de toute perspective religieuse ou de toute valeur religieuse. On ne peut donc jamais dire: "En tant que catholiques, nous voyons cela comme ceci..." »
« Le gouvernement veut que les enseignants présentent les croyances religieuses de façon absolue. Il ne faut pas en discuter, les remettre en question. Il ne faut pas les considérer comme rationnelles. Pourtant, dans la tradition catholique, saint Thomas d'Aquin dit que la raison est la première étape de la foi. Nous ne sommes donc pas autorisés à être qui nous sommes. »
Pour le gouvernement, « si vous avez une vision religieuse, vous ne pouvez pas servir le bien commun. En tant que catholique vous êtes donc incapables d’informer vos élèves au sujet des autres religions », de déclarer le directeur de Loyola.
« Je pense qu’on est en réalité plus objectif quand on avoue honnêtement ses a priori ou son point de vue que lorsqu’on prétend ne pas en avoir », a-t-il précisé.
La possibilité d’être neutre est une chose, l’opportunité de l’être en est une autre d’ajouter Donovan. « Ne pas être neutre ne signifie pas que vous n'êtes pas juste. Aucun être humain ne vit de manière neutre, mais l’on peut être équitable dans nos échanges. Vous pouvez tout à fait être en désaccord avec quelqu'un, tout en le respectant et en le traitant équitablement. »
Loyola ne s’oppose pas au cadre conceptuel du programme ECR dont l’objectif, selon Paul Donovan, est de fournir un minimum de culture religieuse, de prendre en compte l'histoire religieuse du Québec et de garantir le respect et la tolérance entre les religions. Mais il s’oppose à l’insistance du programme ERC qui impose que les enseignants soient « neutres » et muets quant à leurs opinions.
Pour le directeur de Loyola, cette façon de faire dans un domaine moral ou religieux reviendrait en classe de mathématiques à lancer un tas de nombres en l'air et à demander aux élèves de les trier tout seuls.
L'école Loyola enseigne depuis 35 ans un programme de religions du monde. La province prétend que le « seul moyen d’atteindre le cadre conceptuel est de le faire est à la manière imposée par ECR », de déclarer Donovan. « Si le concept est celui du pluralisme, il existe un problème quand on souhaite promouvoir le pluralisme tout en insistant que tout le monde doit penser et agir d’une manière précise. »
« Ce que nous enseignons déjà présente une vision d’ensemble plus complète [que le programme ECR] de ce que sont les religions », précise le professeur montréalais. Ce que Loyola enseigne sur le bouddhisme ou le judaïsme serait considéré comme un portrait objectif par un moine bouddhiste ou un rabbin », ajoute-t-il.
Le programme ECR entend enseigner les différentes religions en comparant de petites « facettes » de celles-ci, telles que les vêtements religieux, les rituels ou les jours fériés, sans les mettre en contexte, et « beaucoup des éléments religieux finissent de la sorte par avoir l’air idiot. »
Même quelque chose comme l'Eucharistie peut paraître ridicule si, comme dans le cours ERC, on ne parle que de personnes qui reçoivent une hostie ou un morceau de pain sans expliquer la nature des sacrements ou l'importance de l'Eucharistie dans la vie de Jésus, d’expliquer Donovan.
Selon le procureur général du Québec, ces arguments ne sont pas pertinents puisque Loyola serait une entreprise et qu’elle ne jouirait donc pas de liberté religieuse.
Pour Paul Donovan, l'affaire Loyola pourrait aboutir sur une décision de la Cour suprême qui établit que des institutions bénéficient également de liberté religieuse ou, au contraire, que seuls les particuliers en jouissent.
« Depuis le début, le procureur général du Québec a fait valoir que Loyola n'a pas droit à la protection constitutionnelle sur la liberté religieuse parce que notre école est une personne morale et que seules les personnes physiques jouissent de ce droit ou de cette liberté », de rappeler le directeur de l’école.
L'issue de cette affaire pourrait avoir des conséquences importantes à travers le Canada pour la liberté religieuse des écoles, églises, synagogues, mosquées, organismes de bienfaisance ou autres institutions religieuses constituées en entreprise, en personne morale, d’avertir Paul Donovan. L'archidiocèse de Montréal, par exemple, une personne morale, pourrait très bien être considéré comme ne bénéficiant d’aucune liberté religieuse en tant que telle.
« C’est important pour notre pays », a constaté le directeur de Loyola.
Historiquement, la liberté religieuse est un droit collectif ainsi qu'un droit individuel, affirme-t-il. La Cour suprême du Canada n’a toutefois jamais statué directement sur ce sujet. Cette décision pourrait affecter la place des religions dans la société.
Considérer la liberté religieuse comme un droit qui ne s’applique qu’aux particuliers consisterait à émasculer ce droit, opine Donovan.
Sept cent quarante garçons de la 7e à la 11e année fréquentent Loyola. Sur les 100 employés de l’école, 60 sont des enseignants.
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