lundi 27 juin 2016

Québec — Le nouveau programme d'éducation sexuelle prônerait l'exploration sexuelle...?

Comme le dit le site du Monopole de l’éducation du Québec :

« Les enfants et les adolescents québécois reçoivent déjà de l’éducation à la sexualité à l’école. Ce qu’ils apprennent varie toutefois d’une école à l’autre. »

Cette diversité étant intolérable, le site gouvernemental monopolistique affirme :

« Pour offrir [sic] à tous les élèves de l’éducation à la sexualité sur chacun des sujets importants, le Ministère souhaite accorder une place plus formelle à celle-ci dans leur cheminement scolaire. »

Rappelons qu’il ne s’agit pas d’offrir (comme un cadeau), mais bien d’imposer. Voir Ne dites plus... parlez pédagogiste...

Ajoutons que cette « offre » ne pourra même pas être refusée, pas de diversité ici, hein ?

Comme le rapportait la Presse canadienne, « La connaissance des choses du sexe est trop importante pour être facultative, aux yeux du ministère de l’Éducation. Au même titre que le français et les mathématiques, l’éducation sexuelle sera donc obligatoire pour tous, de la maternelle à la cinquième secondaire dans les écoles du Québec, sans égard aux convictions religieuses et valeurs des parents issus de différentes communautés. »

Mais quels sont ces « connaissances », ces faits qui doivent s’apprendre dès 6 ans ?

Un coup d’œil rapide (nous espérons pouvoir y revenir plus en détail par la suite) révèle tout de suite la charge non pas scientifique ni factuelle du programme imposé par le Monopole de l’Éducation, mais ses visées idéologiques.

Voici les catégories utilisées dans le programme gouvernemental qui permettent de classer les compétences qui devront être inculquées (« offertes ») aux élèves captifs :


La première catégorie consiste à « lutter contre l’homophobie » comme si cela devait être une priorité dans un cours d’éducation à la sexualité. Il s’agit dans les faits de lutter contre l’« hétérosexisme » (la simple idée que l’hétérosexualité est plus normale que l’homosexualité) et de normaliser l’homosexualité auprès des plus jeunes impressionnables et parfois mal dans leur peau.

La dernière catégorie de cette liste est celle qui servait pourtant encore naguère à justifier les programmes d’éducation à la sexualité : la prévention des maladies sexuellement transmissibles et la prévention des grossesses précoces. Voir Danemark — Imposition de l’éducation sexuelle (historique), affaire Kjeldsen et autres c. Danemark en 1976.

La seconde catégorie, la promotion des rapports égalitaires, est à nouveau souvent un euphémisme pour « lutter contre les stéréotypes » de notre société, la changer donc. Qui a donné ce mandat à l’État ? Cela n’a rien à voir avec les aspects médicaux comme la lutte contre les maladies vénériennes ou la prévention des grossesses prématurées (bien que même ici on déplore habituellement dans les programmes d’éducation à la sexualité l’absence d’insistance sur l’abstinence pendant l’adolescence)...

Certains intitulés semblent innocents comme « Sexualisation de l’espace public », pourtant ils semblent vouloir permettre l’« exploration de nouvelles valeurs et normes en matière de sexualité, au-delà de celles de la famille » :


Le programme du Monopole se lamente également que les jeunes qui sont ouverts et « flexibles » au niveau de l’identité sexuelle sont ramenés par la pression sociale « grandissante » à des rôles et identités stéréotypées « traditionnels » et « nuisibles » (voir ci-dessous). Tout ceci ressemble très fort à des jugements de valeur en fonction d’une certaine conception de l’homme, à de l’idéologie. La lecture du programme gouvernemental donne parfois l’impression de lire un programme concocté par des officines militantes...






Rappelons qu’en 1992, les parents du Québec avaient réussi à obtenir la dispense du cours tant que l’enfant dispensé recevrait de l’information équivalente (voir la lettre reproduite ci-dessous). Gageons que ce ne sera plus le cas aujourd’hui. Encore, un grand progrès « diversitaire » et « tolérant ». Il semble que l’État doive de plus en plus faire la chasse, sans exception aucune, aux parents conservateurs sociaux pour complaire à des groupes d’intérêts de groupes sexuels ultraminoritaires.




À ce sujet, rappelons cette remarque faite le 10 janvier 2011 par Benoît XVI sur les cours d’éducation sexuelle obligatoires :
 « Je ne puis passer sous silence une autre atteinte à la liberté religieuse des familles dans certains pays européens, là où est imposée la participation à des cours d’éducation sexuelle ou civique véhiculant des conceptions de la personne et de la vie prétendument neutres, mais qui en réalité reflètent une anthropologie contraire à la foi et à la juste raison. »

Voir aussi

Québec — éducation sexuelle : dispense en 1992, aucune exemption en 2015.

Détourner la lutte contre l’intimidation et intimider les hétérosexistes


Élu allemand énumère 60 genres lors d'un vote sur un projet de loi sur la « diversité »

Afin de tourner en ridicule un projet de loi sur « le respect de la diversité sexuelle », un membre du parlement de l’État fédéral de Brandebourg (Allemagne) a énuméré lors de son intervention à l’assemblée pas moins de 60 genres.

Steffen Königer, élu du parti conservateur et eurosceptique Alternative pour l’Allemagne (AfD), a choisi la voie de l’humour pour manifester son opposition à un projet de loi régional déposé par ses homologues écologistes, ayant pour objet d’améliorer « l’acceptation de la diversité des genres et des sexes » et de lutter « contre l’homophobie et la transphobie ».



Montant à la tribune du parlement de Brandebourg pour s’exprimer à ce sujet, l’élu a commencé son intervention par : « Cher Monsieur le Président [de l’assemblée], Mesdames, Messieurs »... avant de saluer — dans un souci ironique de ne discriminer personne — toutes les minorités sexuelles possibles : « Chers homosexuels, chères lesbiennes, chers androgynes, chers bigenres (...) chers genres neutres, chers asexuels, chers non-binaires (...) chers pansexuels,(...) chers cisgenres, chers bispirituels (...) ».

Après une minute et douze secondes de salutations de ce type, le président du l’assemblée a tenté d’interrompre Steffen Königer, en lui demandant de « passer au vif du sujet ». Déclinant la proposition, l’élu de l’AfD a assuré qu’il « n’avait pas terminé son introduction » — provoquant des rires dans la salle — avant de poursuivre son énumération.

Près d’une minute de déclinaison de genres et d’orientations sexuelles plus tard, l’homme politique allemand a finalement annoncé — sans grande surprise — que son parti rejetait le texte des écologistes.

Voir aussi
Allemagne — Ne plus interdire l’inceste ?

Canada — La pédophilie : une orientation sexuelle comme l’hétérosexualité pour des experts

France — Enseignants pédophiles, on n’en parle que depuis récemment


Les écologistes allemands militaient dans les années 70-80 pour la décriminalisation de la pédophilie :




vendredi 24 juin 2016

Près d'un tiers des enfants nés au Québec ont au moins un parent originaire d’un autre pays

Près du tiers des nouveau-nés québécois ont au moins un parent né à l’étranger, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec.

En 2015, on comptait 30 % de bébés qui étaient dans cette situation, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans (environ 16 %). Une situation qui change le visage du Québec et des célébrations de la fête nationale.

La tendance est particulièrement vraie à Montréal où 23 576 enfants sont nés l’an dernier, mais elle s’étend aussi à l’extérieur de la métropole.


Dans certaines classes de première et deuxième année, elle a vu entre 30 % et 40 % d’élèves dont les parents venaient de l’extérieur du pays, une chose impensable il y a 10 ans à peine.

Source

mardi 21 juin 2016

Les réseaux sociaux se sont déchaînés contre la présence de l'écrivain Anatole France au sujet du Bac français

« “Mais tu es qui toi, Anatole France, pour venir t’incruster au bac ?” Cet insolent gazouilleur n’a pas tort. Qui est Anatole France ? Une station de métro ? De tramway ? Une enseigne d’optique ? Une compagnie de gaz ? », ironise Éric Zemmour. « Ces jeunes gens furieux s’offusquent légitimement : on leur demande de commenter Anatole-France alors que le match n’a pas encore commencé », moque-t-il encore.

Renseignements pris, Anatole France serait un écrivain. « Mais que vient faire un écrivain au Bac, et au Bac français de surcroît ? », interroge narquoisement le journaliste. « Anatole France avait-il vraiment sa place au Bac ? », interroge Éric Zemmour, qui fait remarquer que l’homme de lettres n’était « ni une femme ni un représentant de la diversité », qu’il a défendu le capitaine Dreyfus et qu’il a écrit le roman d’amour superbe Les lys rouges qui ne parle pas d’homosexualité.





Mohammed Aïssaoui écrit, pour sa part, dans le Figaro Étudiant :

Les réseaux sociaux se sont déchaînés contre la présence de l’écrivain au sujet du bac S et ES. « Anatole France ? Une station de tram !». On revendique son ignorance et on peste contre l’Éducation nationale.

Incompréhensible ! Cette polémique sur Anatole France qui fait tourner la tête aux réseaux sociaux est vraiment incompréhensible. L’écrivain français (1844-1924) figurait au sujet du bac français pour les séries ES et S : « La question de l’homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours » Se trouvait avec lui, dans le corpus proposé aux lycéens, Victor Hugo, Émile Zola et Paul Eluard. La twittosphère s’est déchaînée. Extraits : « Mais tu es qui toi, Anatole France, pour venir t’incruster au bac ? » « Anatole France je croyais c’était un arrêt de tram moi, qu’est-ce que c’est, un écrivain ? » « Anatole France jsavais même pas si c’était un homme ou une femme déjà. » Dépassé, ringard, inconnu, sont les adjectifs qui reviennent le plus.

L’un de nos rares Prix Nobel de littérature

Est-ce un signe de notre époque ? Désormais, on revendique son ignorance au lieu d’attiser sa curiosité et d’essayer d’en savoir plus. Qui est Anatole France ? Tout simplement l’un de nos plus grands écrivains, l’un de nos rares Prix Nobel de littérature, récompense qui lui fut décernée en 1921. Il est entré dans La Pléiade, la plus prestigieuse des collections de littérature, le Panthéon des lettres, avec quatre volumes, ce qui est tout simplement rarissime. Et, surtout, il a touché à tous les genres, poésie, roman, théâtre, avec un talent qui a traversé les années.

François-Anatole Thibault, de son vrai nom, est le fils d’un libraire. Ses parents l’ont élevé dans le culte de la poésie qu’il publie dès son plus jeune âge. Ses premiers romans sont remarqués, et l’on admire déjà son style, notamment dans Le Crime de Sylvestre Bonnard ou Les Désirs de Jean Servien. Il a été élu à l’Académie française dès le premier tour. Autre preuve de son importance : il figure dans tous les dictionnaires des grands auteurs et ceux qui ont contribué à la littérature, notamment L’Encyclopédie de la littérature (La Pochothèque, au Livre de Poche).

Un écrivain engagé pour Dreyfus et pour la laïcité

Peut-être souffre-t-il (comme d’autres auteurs classiques) d’une image désuète et d’un certain classicisme. D’ailleurs, les fougueux surréalistes n’ont cessé de le critiquer déjà à leur époque. Et, pourtant, en plus de son apport inestimable à la littérature, l’homme a pris parti dans les luttes politiques qui ont divisé la France à la fin du XIXe siècle et au commencement du XXe siècle ; il a publié des articles dans les journaux et prononcé des discours à l’occasion de ces événements, notamment à l’enterrement d’Émile Zola (l’un des plus beaux éloges de la littérature, et en cela sa présence est largement justifiée) et à l’inauguration de la statue d’Ernest Renan. Les lycéens d’aujourd’hui auraient bien apprécié un tel leader. Oui, vraiment, drôle de polémique, d’autant qu’il a tout pour être aimé par la jeunesse actuelle car dans ses textes transparaît un humanisme souriant. Comme tous les grands, il s’est attaqué au roman de mœurs avec Le Lys rouge, aux forts accents autobiographiques, ce récit est le reflet de la liaison entre l’écrivain et madame de Cavaillet, c’est le livre de la passion et de la jalousie qui déchirent les deux amants. Il n’a pas pris une ride.

Comme Zola, Anatole France a également voulu raconter la société française. Il a entrepris une vaste fresque sociale en quatre volumes qui dit beaucoup de la France républicaine, celle de la IIIe.

Ringard, Anatole France ? Durant l’affaire Dreyfus, il s’est engagé aux côtés de Zola, et a milité avec une conviction sans failles pour la révision du procès, il a milité pour la laïcité, il s’est opposé aux nationalistes. Il était passé maître dans l’art de la satire et de la fable. Il adorait le roman historique, et l’un de ses meilleurs titres est consacré à la Terreur, Les Dieux ont soif (publié une dizaine d’années avant sa mort), critiquant de manière acerbe tous les fanatismes, et Robespierre en premier lieu. Politiquement, il s’est rapproché des communistes. C’est un formidable styliste que l’Éducation nationale a bien eu raison de faire (re) découvrir.

[Note du carnet : gageons que très peu d’écoliers ou de cégépiens québécois ont lu quoi que ce soit d’Anatole France. Voir Pas de classiques de la littérature, mais la lutte contre l’hétérosexisme en classe de français, d’anglais, d’histoire et de mathématiques]

jeudi 16 juin 2016

La tragédie de l'État-providence aux États-Unis par Charles Murray (2 sur 5)

Ci-dessous, la deuxième partie de la série consacrée aux effets de l’État-providence sur le tissu social et moral aux États-Unis selon Charles Murray (voir le premier volet).

Dans la seconde partie de Losing ground, Charles Murray examine quelques-uns des principaux indicateurs permettant d’évaluer la condition des défavorisées durant la période 1950-1980.

Dans la plupart des cas, les statistiques présentées par Charles Murray portent sur la partie noire de la population américaine. Il n’existe pas, en effet, de statistiques officielles portant sur « les défavorisés ». Il existe certes des statistiques par niveau de revenu, mais avoir un faible niveau de revenu — être « pauvre » — n’est qu’un élément parmi d’autres dans le fait d’être « défavorisé ». De plus les statistiques ventilées par niveau de revenu ne permettent pas de suivre une même population sur une période de trente ans comme le fait Murray.

Charles Murray, à l’instar de nombre de ses collègues, se sert donc des statistiques ethniques, disponibles aux États-Unis, pour observer l’évolution sur longue période de la condition des défavorisés. Il fait l’hypothèse que la situation des Noirs est un bon indicateur de la situation des défavorisés en général. Cette hypothèse est vraisemblable, car il est incontestable que les Noirs sont représentés de manière tout à fait disproportionnée parmi les pauvres, les personnes à faible niveau d’études, les familles dites monoparentales, etc.

Bien entendu, cette hypothèse n’est qu’une approximation de la réalité. Il existe des Noirs qui ne sont pas défavorisés, il existe des Blancs qui sont défavorisés, et elle fait l’impasse sur la question des différences raciales. Mais elle est sans doute la meilleure approximation disponible et par ailleurs, aux États-Unis, les dispositifs de la Grande Société étaient essentiellement destinés à la population noire, même si ce n’était pas tout à fait dit comme cela. Examiner sur longue période les indicateurs relatifs à cette partie de la population américaine est donc, selon Charles Murray, une bonne manière d’estimer l’effet des dispositifs en question.

La première statistique est bien entendu celle de la pauvreté, une statistique qui en l’occurrence ne distingue pas entre les Noirs et les autres.

Le paradoxe est que le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté cessa de décliner précisément au moment où les budgets consacrés à la lutte contre la pauvreté étaient les plus élevés. Cela est d’autant plus surprenant que, théoriquement, la pauvreté est un problème très simple à régler : puisqu’il s’agit uniquement d’une question de revenu, il suffit d’envoyer suffisamment d’argent à suffisamment de personnes pour le faire disparaitre.


La croissance économique ne peut pas lever ce paradoxe. La croissance annuelle moyenne du PIB fut de 2,7 % entre 1953 et 1959, période de déclin rapide de la pauvreté, et de 3,2 % entre 1970 et 1979. Même en tenant compte de l’inflation et de l’accroissement de la population, le PIB par habitant progressa plus rapidement durant les années 1970 que durant les années 1950. Les États-Unis continuaient à s’enrichir, mais les pauvres ne bénéficiaient plus de cet enrichissement global, comme ils l’avaient fait dans les périodes précédentes.

La situation est encore plus paradoxale, et encore moins satisfaisante, si l’on examine non plus la pauvreté officielle, mais la pauvreté latente. En effet, un certain nombre de personnes ne sont au-dessus du seuil officiel de pauvreté qu’en vertu des aides qu’elles reçoivent du gouvernement. Mesurer la pauvreté latente revient à mesurer le nombre de pauvres avant tout transfert de la part de la puissance publique. Elle inclut les pauvres « officiels » et ceux qui seraient pauvres s’ils ne recevaient pas des aides publiques tous les mois. Or la pauvreté latente a augmenté entre 1968 et 1980, passant de 18,2 % à 22 %.


La principale raison pour laquelle la croissance économique cessa de réduire la pauvreté dans les années 1970 est qu’un grand nombre de pauvres étaient sans emploi.

Pourtant les années 1960 virent la mise en place de nombreux programmes gouvernementaux destinés précisément à aider les plus défavorisés à trouver du travail. Entre 1965 et 1980, le gouvernement fédéral dépensa à peu près autant d’argent dans ces programmes d’aide qu’il en dépensa pour l’exploration spatiale entre 1958 et 1969 (date à laquelle Neil Armstrong posa le pied sur la lune). Un effort tout à fait considérable donc, et même d’autant plus considérable qu’il était concentré sur une petite partie de la population défavorisée, en gros les 16-24 ans.

Et cependant les statistiques ne cessèrent de se détériorer précisément pour cette tranche d’âge.

Les statistiques sont encore plus étonnantes lorsque l’on examine non plus le taux de chômage, mais la population active, c’est-à-dire les personnes en âge de travailler qui sont disponibles sur le marché du travail. En 1954, si le taux de chômage chez les hommes noirs était supérieur au taux de chômage chez les hommes blancs, les taux d’activité (proportion de ceux qui ont ou qui recherchent un emploi) étaient quasiment identiques. Puis à partir de 1965-1966 le taux d’activité des hommes noirs commença à décliner, relativement à celui des Blancs, et plus particulièrement le taux d’activité des jeunes hommes noirs.


Une analyse plus fine du phénomène révèle que le déclin de la population active noire des 16-24 ans n’était pas dû à une sortie permanente du marché du travail d’une partie de cette population, mais au fait que de plus en plus de jeunes noirs n’étaient sur le marché du travail que par intermittence. Ils alternent les périodes d’emploi et de chômage, précisément à cette période de leur existence où il importait le plus pour eux d’acquérir des compétences professionnelles et de saines habitudes de travail.

En matière d’éducation également l’effort du gouvernement fédéral fut tout à fait substantiel. Entre 1965 et 1980, plus de 60 milliards de dollars (valeur 1980) supplémentaires furent dépensés par le gouvernement fédéral pour améliorer l’éducation primaire et secondaire, sans compter 25 milliards supplémentaires en bourses et en prêts pour les étudiants.

Pourtant, durant cette même période, l’inquiétude grandissait parmi la population américaine au sujet de la qualité de l’enseignement primaire et secondaire. Une inquiétude alimentée, d’une part, par les récits de plus en plus nombreux de l’état de dégradation, parfois proprement hallucinant, de certaines écoles de centre-ville, et, d’autre part, par le sentiment confus que les exigences en matière d’apprentissage scolaire baissaient continuellement. Un sentiment corroboré par le déclin spectaculaire des résultats du SAT (Scolastic Aptitude Test : un test standardisé qui est passé par les écoliers du secondaire désirant entrer au collège/début de l’université).


Toutefois, l’évolution la plus immédiatement préoccupante pour le grand public fut celle de la criminalité. Durant les années 1950, le taux de criminalité, tous crimes confondus, était resté constant et relativement bas. Les taux de certains crimes étaient même en diminution, comme le taux d’homicide. Puis, à partir de 1964, toutes les catégories de crime commencèrent à augmenter spectaculairement.


L’augmentation la plus spectaculaire fut celle du taux d’homicide parmi la population noire. Alors que le taux d’homicide des hommes noirs avait décliné de 22 % entre 1950 et 1960 — période où la population urbaine noire augmentait rapidement ce qui, toutes choses égales par ailleurs, aurait dû faire grimper ce taux — il augmenta brutalement et continuellement pendant une dizaine d’années, avant de se stabiliser à un niveau élevé.

En 1970, une personne vivant dans l’une des grandes villes américaines courait, en moyenne, plus de risques d’être assassinée qu’un soldat américain ne courait de risques d’être tué au combat durant la Seconde Guerre mondiale. Encore ne s’agissait-il que d’une moyenne. Pour les Blancs le risque d’être assassiné n’avait pas beaucoup augmenté, en revanche il s’était énormément accru pour les Noirs. Et, dans un nombre tout à fait disproportionné de cas, les assassins étaient eux-mêmes de jeunes hommes noirs.


Les derniers indicateurs sur lesquels se penche Charles Murray portent sur la vie familiale, et plus précisément sur les naissances hors mariage et sur les familles dites monoparentales, c’est-à-dire en pratique les femmes vivant seules avec leurs enfants.

Depuis que des statistiques existent pour mesurer ces deux phénomènes, les Noirs américains ont présenté des taux de naissance hors mariage et de famille monoparentales supérieurs à ceux des Blancs. À partir du début des années 1960, ces deux indicateurs commencèrent à grimper à la fois parmi les Noirs et parmi les Blancs, mais pas de manière uniforme pour l’ensemble de la population. Les plus pauvres et les plus jeunes furent les principaux concernés, aussi bien pour les Blancs que pour les Noirs.

Le chiffre le plus spectaculaire et le plus inquiétant est certainement celui des naissances hors mariage chez les très jeunes femmes noires : en 1980, pour la tranche d’âge 15-19 ans, 82 % des naissances étaient hors mariage. Un tel chiffre a une résonance presque tragique, car chacun comprend, sans qu’on ait besoin de longues démonstrations, les conséquences qui peuvent en découler, à la fois pour les jeunes femmes concernées et pour leurs enfants. Donner naissance à un enfant alors que l’on est une adolescente pauvre est presque toujours un aller simple pour une vie de pauvreté et de dépendance à l’égard des aides publiques. Naitre d’une mère adolescente pauvre est presque toujours un aller simple pour une vie en bas de l’échelle sociale et, lorsque l’on est une fille, pour répéter l’expérience de sa mère.

Ce chiffre des naissances hors mariage chez les très jeunes femmes ne signifie rien d’autre que la création d’un quart-monde héréditaire au sein de la nation la plus riche que la Terre ait jamais portée.


Le second chiffre, qui recouvre en partie le premier sans lui être identique, est celui des familles dites monoparentales. La proportion de ces familles a très peu augmenté chez les Blancs appartenant aux classes moyennes ou supérieures, un peu plus chez les Noirs appartenant aux mêmes catégories, et elle s’est envolée chez les Noirs pauvres à partir du milieu des années 1960.


Ces statistiques sont elles aussi de première importance, car le fait pour une femme de devoir élever seule ses enfants est une cause majeure de pauvreté et, chez ses enfants, de comportements sociaux indésirables. Une femme (ou un homme) qui se situe un peu au-dessus du seuil de pauvreté, tant qu’elle est mariée, tombe le plus souvent en dessous de ce seuil après avoir divorcé. Les enfants élevés dans les familles monoparentales présentent — toutes choses égales par ailleurs — des risques bien plus grands de devenir délinquants, de développer des dépendances, de quitter prématurément le circuit scolaire, pour les filles de tomber enceintes alors qu’elles sont encore adolescentes, etc.

Suite : La tragédie de l'État-providence aux États-Unis par Charles Murray (3 sur 5)


samedi 11 juin 2016

France — L'entretien de la ministre socialiste qui restreint la liberté scolaire, annoté par Anne Coffinier

Entretien de Mme Najat Belkacem paru dans le Monde le 9/VI/2016, commenté dans le corps du texte [en italique entre crochets], par Anne Coffinier, Fondation pour l’école, le 10/VI/2106

Titre du Monde :

Contrôle des écoles privées hors contrat [non subventionnée] : « L’État ne peut être ni aveugle ni naïf »


La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, annonce, jeudi 9 juin, un contrôle renforcé des écoles privées hors contrat — un millier d’établissements, dont 300 confessionnels — ainsi que de l’instruction à domicile qui concerne 25 000 jeunes. Elle s’explique sur ces mesures dans un entretien au Monde. Elle indique qu’« un contrôle plus clair et mieux organisé constitue une garantie pour les familles et les établissements concernés contre l’arbitraire ».

Le Monde — Pourquoi s’emparer de ce sujet maintenant ? Ne prenez-vous pas le risque de raviver une guerre scolaire public-privé ?

Najat Belkacem — Il n’y a aucune raison de réveiller des querelles anciennes : la protection du droit à l’éducation des enfants n’est en rien contraire à la liberté de l’enseignement. Depuis plusieurs années, les signalements — d’élus, d’inspecteurs, d’établissements, d’associations — se multiplient. Et les travaux que j’ai engagés depuis plus d’un an ont révélé une hausse des effectifs dans l’enseignement privé hors contrat comme à domicile.

[Anne Coffinier : Le ministre devrait quand même se demander pourquoi les systèmes concurrents à l’Éducation nationale se développent. Il est évident que c’est parce que de nombreuses familles ont perdu confiance en l’école publique et donc qu’elles veulent en préserver leurs enfants. La calamiteuse réforme du collège et des programmes de Mme Najat Vallaud-Belkacem n’y est pas pour rien ! Les parents veulent pouvoir choisir librement l’école de leurs enfants, une école qui puisse être vraiment différente de l’école publique, dans le respect des lois bien sûr. C’est une aspiration profonde de la société.]

L’État ne peut être ni aveugle ni naïf : on voit parfois se développer des enseignements trop lacunaires, ne garantissant aucunement un socle minimal de connaissances aux enfants, voire attentatoires aux valeurs républicaines.

[Anne Coffinier : Oui, mais le premier lieu où des enfants, en masse, reçoivent un enseignement qui échoue à leur faire maîtriser le socle de connaissances est l’Éducation nationale. Les statistiques nationales le montrent puisque 40 % des enfants en CM2 ne maîtrisent pas ou très mal la lecture, l’écriture et le calcul. Les études PISA de l’OCDE montrent aussi que l’Éducation nationale échoue à remplir sa mission puisque la France est très mal classée. Elles montrent aussi que l’école publique française est le système le plus inégalitaire de toute l’OCDE. Comment ne pas reconnaître que la vraie priorité, c’est de sauver les 40 % d’enfants de l’école publique qui sont laissés dans une telle détresse éducative ? S’agissant des écoles hors contrat, il peut bien sûr y en avoir d’insatisfaisantes, car on peut toujours faire un mauvais usage de la liberté, même si en général les parents sont très vigilants. Mais comment est-ce possible, alors que le Code de l’Éducation donne mission à l’Éducation nationale d’inspecter les écoles régulièrement, que le Rectorat n’ait pas inspecté plus tôt les écoles qui poseraient problème, selon le ministre ? L’école musulmane Montessori de Roubaix, que l’Éducation nationale va fermer en urgence, avait-elle été inspectée avant les attentats terroristes ? Si elle l’a été, pourquoi l’État n’a-t-il pas sévi plus tôt et, si elle ne l’a pas été, pourquoi une telle omission ?]

Un peu partout, on réclame plus de responsabilité de la part de l’État sur ces sujets. Et c’est justement ce que l’on s’apprête à faire.

[Anne Coffinier : L’État doit assumer sa fonction de contrôle et garantir effectivement la qualité du service scolaire rendu, mais pas s’ériger en juge du droit qu’a la société civile d’ouvrir une école et de fixer librement les programmes d’études et donc les connaissances transmises, dès lors que ces dernières conduisent au respect du socle commun de connaissances à 16 ans. Les écoles libres ont le droit et le devoir d’éviter à un maximum d’enfants de subir l’enseignement de l’histoire reformaté idéologiquement par la dernière réforme. Il est d’intérêt général de continuer à proposer des classes bi-langues ou à enseigner le latin et le grec de manière conséquente à tous les enfants qui le désirent.]

Le Monde — La scolarisation hors des sentiers battus est à la hausse. Défiance à l’égard du système, symptôme d’un échec de notre école. Comment analysez-vous cette progression ?

Najat Belkacem — Je ne veux pas m’ériger en juge des choix des parents, que je respecte. Les familles sont de plus en plus nombreuses à aspirer à une plus grande autonomie, une plus grande diversité pédagogique. Et cette tendance-là est mondiale : au Canada, le nombre d’enfants scolarisés à la maison a été multiplié par trois depuis 2012, pour atteindre 60 000 ; aux États-Unis, il est passé en une décennie de 850 000 à 1,8 million.

Cela se double parfois, en France comme ailleurs, d’un repli identitaire. Quand on constate un accroissement de 30 % des enfants instruits à domicile, comme c’est le cas chez nous ces quatre dernières années, l’État a le devoir de s’en saisir.

[Anne Coffinier : Les propos du ministre sont contradictoires. Il est clair que le Ministère de l’Éducation est juge et partie. Il est temps de créer une instance d’évaluation indépendante pour vérifier la qualité des écoles privées ou de l’enseignement délivré à domicile. Aujourd’hui, c’est l’Éducation nationale (qui a de moins bons résultats scolaires que l’école privée, et par laquelle sont passés tous les responsables des récents attentats terroristes hélas) qui contrôle la qualité académique et politique des offres scolaires alternatives à l’école publique. C’est une situation ubuesque.]

Le Monde — Vous évoquiez, en avril, un « contexte de radicalisation ». Y a-t-il, concrètement, des motivations idéologiques ou communautaristes dans les structures ou chez les familles inspectées ? Que sait-on, d’ailleurs, de leurs motivations ?

Najat Belkacem — Ma politique n’est pas guidée par la seule lutte contre la radicalisation, mais par la nécessité de garantir le droit à l’éducation de tous les enfants.

[Anne Coffinier : On déplore en effet que rien de ce qui est proposé dans cette réforme Vallaud-Belkacem n’ait trait à la lutte contre la radicalisation. C’était pourtant, de l’avis de tous, LA VRAIE URGENCE. Les autres préoccupations ne justifient pas de recourir à la procédure d’urgence de l’article 38 (vote par ordonnance d’une réforme relevant normalement de la loi et donc nécessitant l’intervention du Parlement).]

Reste que, jusqu’à présent, ces deux pans de l’instruction étaient quasiment des angles morts du système éducatif.

[Anne Coffinier : Ce n’est pas sérieux ! Il suffit de regarder le Code de l’éducation pour s’en convaincre. L’école à la maison et l’école libre existent depuis Charlemagne. L’État n’a pas attendu Mme Vallaud-Belkacem pour organiser juridiquement l’instruction à domicile et le régime d’ouverture et de contrôle des écoles privées hors contrat ! L’expression « angles morts » est manifestement outrancière et relève de la communication politique, pas d’une analyse rigoureuse du droit en vigueur.]

Faire toute la transparence, c’est aussi combattre les fantasmes et les raccourcis trompeurs. J’ai renforcé les contrôles et diligenté en ce sens — et nous continuerons à le faire — des inspections renforcées et inopinées d’établissements qui suscitaient des inquiétudes.

[Anne Coffinier : Ces dernières semaines, des dizaines et des dizaines d’établissements, en grande majorité de confession catholique, ont été soudainement inspectés, souvent par des brigades de 10 personnes, alors qu’il s’agit de toutes petites écoles. Les inspecteurs ne se sont en général pas du tout intéressés au sérieux de l’enseignement délivré pour les matières fondamentales (alors que c’est leur mission) et ont fait porter leur attention sur le contenu des casiers personnels des élèves (qu’ils ont fouillés et photographiés sans demander l’avis de qui que ce soit), les cours d’éducation morale, les cours de SVT, les livres de la bibliothèque, les manuels… Ils n’ont pas hésité dans certains cas, à prendre à part les élèves, hors de la présence des adultes responsables, pour les interroger et leur demander « si ce que leur professeur ou directeur disait était vrai » ! Ce sont des procédés manifestement disproportionnés, voire nettement abusifs, qui vont être portés à la connaissance du Défenseur des droits et de la justice.]

Elles ont permis d’identifier non pas des situations de radicalisation, mais de vraies failles pédagogiques. Au moins cinq de ces écoles vont faire l’objet d’un signalement à la justice en vue d’une fermeture.

[Anne Coffinier : Si ces fermetures sont justifiées, il convient de rechercher la responsabilité de l’Education nationale qui n’a pas fait le nécessaire jusque là pour que ces enfants bénéficient d’une instruction conforme à l’obligation scolaire.]

Le Monde — Ces situations, minoritaires, justifient-elles de modifier le droit et d’accroître le contrôle de l’Etat sur ces structures, ces familles ?

Najat Belkacem — Pensez-vous normal, dans le contexte actuel, qu’une école soit ouverte du simple fait d’une déclaration, autrement dit plus facilement qu’un café ou un restaurant ?

[Anne Coffinier : c’est jouer sur les mots avec mauvaise foi ! Le régime juridique de déclaration est la modalité juridique normale en matière de libertés publiques, le régime d’autorisation – restrictif des libertés par nature — étant l’exception. Ainsi, l’ouverture d’un journal se fait elle par exemple par déclaration dans les pays où la presse est libre, non par autorisation. Et pourtant, il est évident qu’il est facile de faire mauvais usage de la liberté de presse. Mais, là aussi, c’est le contrôle a posteriori qui est considéré par tous comme la solution la plus adéquate et la plus réaliste. Ainsi on contrôle des faits, pas des intentions, ce qui évite de faire des procès d’intention justement ; en outre, il est normal que l’ouverture d’un bar, qui reste un débit de boissons, nécessite une autorisation administrative ; et en pratique, l’ouverture d’une école n’est vraiment pas à la portée du premier venu, notamment en raison des ressources humaines et financières mobilisées, mais aussi de la nécessité de respecter les règles d’hygiène et de sécurité des locaux propres aux établissements recevant du public ainsi que les règles de l’urbanisme (permis de construire, pour changement d’affectation de destination des locaux…)]

Passer à un régime d’autorisation préalable est une démarche pragmatique réclamée à gauche comme à droite, et récemment encore par l’Association des maires de France.

[Anne Coffinier : il y a beaucoup de choses que des centaines de milliers de citoyens réclament et que le gouvernement ne fait pas pour autant. La situation politique actuelle en est la parfaite illustration avec les manifestations en tous sens.]

Cette évolution s’inscrit dans une démarche plus large. Nous nous sommes dotés de nouveaux outils — circulaire, mission élargie d’inspections générales, guide opérationnel — et les visites d’inspecteur se font plus fréquentes : de trois cents à quatre cents par an dans le hors-contrat, outre une cinquantaine d’inspections inopinées. Une par an dans les familles.

[Anne Coffinier : ces chiffres sont incohérents. Il y a environ 700 établissements scolaires relevant de l’obligation d’instruction donc des inspections de l’Éducation nationale. Si cette dernière dit en inspecter 300 à 400 par an, c’est qu’elle inspecte chaque année environ la moitié des établissements existants, alors que les professeurs de l’école publique sont inspectés une fois tous les 7 ans en moyenne. Ce n’est pas crédible.]

Le Monde — Nombre de familles dénoncent des contrôles arbitraires. Reconnaissez-vous des failles dans ces inspections ?

Najat Belkacem — Un contrôle plus clair et mieux organisé constitue une garantie pour les familles et les établissements concernés contre l’arbitraire. Des manquements existent bien, y compris du côté de l’éducation nationale.

[Anne Coffinier : C’est bien que le ministre le reconnaisse. Ces manquements consistent déjà à ne pas inspecter certaines écoles, contrairement à l’obligation constitutionnelle qu’a l’État de garantir à tous une instruction de qualité. Mais les manquements consistent surtout en des inspections illégales dans leurs modalités et tendant à pousser les écoles à s’aligner sur les méthodes, les programmes et voire l’obligation de laïcité de l’Éducation nationale.]

Aujourd’hui, un tiers des élèves instruits à domicile ne sont pas inspectés. Nous allons mobiliser des moyens humains, en faisant appel à des enseignants volontaires en appui des inspecteurs. Les modalités et le lieu des contrôles vont être clarifiés pour éviter les contentieux avec les parents et permettre une vérification sereine de la progressivité des apprentissages, y compris en introduisant des exercices à l’écrit ou à l’oral en référence au « socle commun » de connaissances et de compétences.

Il ne faut pas y voir une obligation de résultat, simplement un outil de dialogue pédagogique avec la famille.

[Anne Coffinier : La loi oblige d’ores et déjà les écoles et les familles faisant l’école à la maison à organiser les apprentissages de manière à atteindre en fin de période d’instruction obligatoire le niveau fixé par le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Ce cadre est suffisant (d’autant que, réforme après réforme, ledit socle ne cesse de s’alourdir !)

Il n’est en revanche pas acceptable de décliner ce socle en cycles pluriannuels ou paliers annuels pour chaque pôle de formation, qui devraient être impérativement respectés, car cela revient à rendre l’exercice de la liberté pédagogique rigoureusement impossible. Si vous êtes libre d’aller de Marseille à Paris par l’itinéraire que vous voulez, mais que vous devez obligatoirement passer par une série de villes imposées, ce n’est plus de la liberté !]

Le Monde — On se souvient, en 2014, de la campagne de désinformation — parfois de calomnie — lancée dans les milieux traditionalistes, catholiques comme musulmans, contre l’enseignement d’une prétendue « théorie du genre »… Les appels au « retrait de l’école » ont-ils été suivis d’effets ?

[Anne Coffinier : la question est sans rapport avec le sujet présent ; elle ne sera pas commentée.]

Najat Belkacem — On peut sans doute trouver la trace de ces campagnes calomnieuses, mais leur impact est marginal. L’instruction à domicile n’est pas concentrée dans les seuls quartiers populaires et ne concerne pas, comme certains ont voulu le laisser croire, les filles plus que les garçons. Évitons d’alimenter les caricatures.

Le Monde — Beaucoup de familles, et même la majorité des écoles hors contrat, se démarquent de toute référence confessionnelle, pour revendiquer leur droit à la liberté d’instruction qu’elles estiment en danger. Que leur répondez-vous ?

Najat Belkacem — Qu’un contrôle plus sécurisant et plus clair est de fait le meilleur allié de la liberté d’enseignement.

[Anne Coffinier : : Je me demande si ce n’est pas une citation d’Orwell dans 1984 !]



Conférence de presse de la socialiste Najat Belkacem où elle annonce de nouvelles restrictions aux droits parentaux tout en parlant de respect de la liberté...


La liberté moderne vue par Rémi Brague


« La liberté de l’homme moderne a trop souvent la même signification que dans le cas d’un taxi. Un taxi est libre quand il possède trois caractéristiques : il est vide, il ne va nulle part (“en maraude” comme on dit) et il peut être pris d’assaut par le premier venu, qui lui demandera d’aller où il voudra. »

C’est bien dit et c’est terriblement juste : je connais des modernes vraiment paumés d’être modernes, perdus, vides, et cela se traduit dans leurs choix très concrets, une vie dissolue, sans boussole, sans durée, sans profondeur. Mais, à la différence de ce qui se passait avant (des paumés, il y en a toujours eu), ce ne sont pas des marginaux, mais au contraire des individus ordinaires.

Chesterton l’avait dit aussi : « Quand on se déclare incroyant, ce n’est pas qu’on ne croit plus en rien, mais qu’on croit en n’importe quoi ».

Vaclav Havel a dit que le problème de l’homme moderne n’était pas qu’il ignore le sens de la vie, mais que cette question le préoccupe de moins en moins.

Mais ce n’est pas parce que la préoccupation est évacuée que le manque ne resurgit pas quand même. Notre société est folle et le fond de cette folie, c’est la vie sans transcendance. On retombe sur l’éternelle question de Socrate : « Si l’homme est la mesure de toutes choses, qu’est-ce qui mesurera l’homme ? »

jeudi 9 juin 2016

Les étudiants américains et leur lutte contre les « auteurs blancs décédés » (suite et non fin)

Une pétition lancée par des élèves de la prestigieuse université américaine veut « décoloniser » le programme de littérature anglaise qui ne ferait étudier que des auteurs blancs, morts de surcroît.

Étudier Shakespeare serait-il une forme de discrimination ? C’est ce que suggère une pétition lancée par des étudiants de la très prestigieuse université américaine de Yale. Ils veulent « décoloniser » les programmes universitaires. En cause, le cours d’« introduction aux « grands poètes de la langue anglaise », obligatoire en première année de littérature anglaise, qui ne met au programme que des auteurs blancs. Au menu, on trouve en effet les plus grands noms du corpus canonique de la langue anglaise : Geoffrey Chaucer, Edmund Spenser, William Shakespeare, John Donne, John Milton, Alexander Pope, William Wordsworth, et T.S. Eliot.

W. Shakespeare, son étude obligatoire sera préjudiciable
pour tous les étudiants en littérature anglaise de Yale

« Il est temps pour la licence de littérature anglaise de décoloniser — et non pas diversifier — ses cours. Il est inadmissible qu’un étudiant de Yale voulant étudier la littérature anglaise ne lise que des auteurs blancs » écrivent les pétitionnaires. [Note : ceci est faux. Il existe des cours optionnels où l’on étudie des auteurs de couleur, voir par exemple ENGL 306 (Afro-américains), ENGL 352 (Asiatico-américains), etc.] Les élèves demandent l’abolition de l’étude des principaux auteurs anglais, pour « inclure des littératures en rapport avec le genre, la race, le capacitisme [Note : discrimination liée au handicap] et l’ethnicité ». « Une année passée autour d’une table de séminaire où les contributions littéraires des femmes, des personnes de couleur, des queer sont absentes sont néfastes pour tous les étudiants, peu importe leur identité », arguent les pétitionnaires qui parlent un peu vite pour tous les étudiants. S’ils insistent sur le fait que ce programme créerait « une culture spécialement hostile aux personnes de couleur », ils déclarent bien que le programme est nocif, néfaste (harmful) envers tous les étudiants. On aimerait bien en savoir plus sur les étranges raisons qui permettent aux pétiionnaires d’affirmer cela.

La pétition, qui aurait recueilli 160 signatures (la liste est anonyme), n’est pas du goût de tout le monde. « Je suis trop las de commenter de telles sottises », soupire Harold Bloom, un prestigieux professeur d’Humanités de Yale dans le Daily Beast. Kim Holmes, auteur conservateur a, quant à lui déclaré, dans le Washington Times : « Ce n’est pas seulement une offense au savoir, mais à l’idée même d’une éducation libérale. » « Ces gens ne sont pas intéressés par la diversité, mais par la conformité », déplore-t-il. « C’est un mouvement idéologique qui a pour but de fermer les gens à la grande richesse de savoir et de sagesse de la civilisation occidentale. »

Ironie du sort, les étudiants qui réclament un Yale plus « inclusif » intellectuellement ne semblent avoir aucun problème avec le manque patent de diversité politique à l’université Yale. Selon un article écrit en 2012 dans le Yale Daily News, 97 pour cent des contributions politiques des employés de Yale sont allées au Parti démocrate.

Chasse aux « mâles blancs européens morts »

La chasse aux « mâles blancs européens décédés » ne date pas d’hier. C’est une polémique qui revient régulièrement sur le tapis aux États-Unis, en particulier sur les campus américains où le « politiquement correct » règne en maître. L’impératif de « décolonisation » des savoirs universitaires ou de la culture tire ses origines des études dites « postcoloniales ». Née aux États-Unis dans les années 80 sous l’influence notable d’Edward Saïd, cette branche de la sociologie prétend déconstruire l’héritage culturel laissé par la colonisation pour donner une part plus visible aux minorités. En 1992 déjà, le professeur de littérature Bernard Knox avait pris la défense des « Plus anciens mâles blancs européens décédés » dans un livre du même nom où il plaidait pour la préservation des grands classiques.

Yale est à la pointe de ce combat censément antiraciste qui s’apparente à la police de la pensée. En décembre 2015, une professeur avait dû démissionner après avoir envoyé un courriel critiquant la position de l’université sur les déguisements d’Halloweeen.

Les petits Robespierre de Yale


Comme c’est le cas depuis des années, le comité des affaires interculturelles de Yale avait auparavant envoyé un courriel appelant les étudiants à faire preuve de discernement pour les costumes d’Halloween. Il est désormais de mauvais ton aux États-Unis d’arborer un visage noirci au charbon pour incarner un loup-garou, car cela pourrait être interprété comme un dénigrement des Noirs ; ou il est peu recommandé pour les blondes de se déguiser en Mulan ou de porter une coiffe à plumes, car les étudiants indiens américains ou chinois pourraient percevoir ces choix comme « l’appropriation d’une autre culture ». C’est dans ce contexte miné qu’Ericka Christakis a appelé dans son mail les étudiants « à juste détourner la tête » si quelque chose ne leur plaît pas, ou à exprimer leur désaccord. « Les universités américaines… deviennent de plus en plus des lieux de censure… Sommes-nous d’accord ? » écrit-elle. Des mots qui vont déclencher la tempête.

« Sentiment d’invisibilité »

Du coup, son mari est venu à la rencontre des « indignés » de Yale. Mais l’entretien dégénère. « Vous devez vous excuser ! » lance une étudiante qui hurle de plus en plus fort. « Non, je ne suis pas d’accord », répond Christakis, qui écoute avec une patience infinie. Il répète qu’il comprend « la souffrance » des étudiants de couleur, mais qu’il ne s’excusera pas. « Alors, qu’est-ce que vous foutez à ce poste ? » continue l’étudiante afro-américaine, perdant son sang-froid. « Votre boulot ne consiste pas à créer un débat intellectuel… Comment faites-vous pour dormir la nuit ? Vous êtes répugnant », conclut-elle. Scène stupéfiante. Est-on vraiment à l’université de Yale, ce haut lieu de culture ? L’étudiante ne sera ni renvoyée ni réprimandée. Des manifestations vont au contraire démarrer, pour demander la démission… des Christakis.




Quand Le Figaro s’est rendu sur place quelques jours plus tard, un calme trompeur plane sur Yale. En face de la bibliothèque Sterling, véritable cathédrale d’architecture néogothique, les étudiants s’attardent sur les bancs. Mais la plupart restent silencieux sur la fronde qui couve. Les rares qui parlent ne donnent pas leur nom et s’empressent de souligner à quel point ils se sentent « en phase » avec les revendications des « insurgés ». Ce qui frappe, c’est que leur langage est idéologique et codé. Ils parlent « racisme institutionnel », « privilèges blancs », « sentiment d’invisibilité ». Mais ils restent vagues sur tout exemple concret de racisme. Seul incident évoqué, en dehors du courriel : le fait qu’une étudiante noire aurait été laissée à la porte d’une soirée organisée par la fraternité Sigma Alpha Epsilon. Le videur aurait déclaré que seules « les filles blanches » étaient acceptées. La Fraternité a nié catégoriquement l’incident et rappelé que nombre de ses membres sont noirs. Mais le doute, véhiculé par les réseaux sociaux, persiste. Les étudiants sont également nombreux à penser que les Christakis devraient quitter Silliman, parce qu’ils n’ont pas « protégé » les sensibilités des jeunes dont ils ont la charge. « Ils ont profité de leur position de pouvoir », répètent-ils.

Zachary Young, 20 ans, qui préside une association dédiée à la libre parole, a recueilli 800 signatures pour défendre le couple. Membre du collège Silliman, cet étudiant se dit indigné de la manière dont Nicholas Christakis, « un libéral, très à l’écoute », a été traité : « Les étudiants disent être déstabilisés de le croiser à la salle de gym ! C’est puéril ! » « S’ils veulent se battre pour la justice sociale, qu’ils aillent voir les discriminations qui persistent dans les ghettos noirs de New Haven, à quelques kilomètres. Ils parlent du “privilège blanc”, mais ne voient-ils pas qu’ils font aussi partie des privilégiés ? » renchérit une étudiante étrangère qui taira son nom de peur d’être « lynchée » par ses pairs…

« Règne du politiquement correct »

Ces deux jeunes conservateurs — une rareté sur les campus — disent aussi « ne pas être surpris par la révolte » vu « le règne du politiquement correct ». Zach Young mentionne la vague récente d’annulations d’invitations de conférenciers jugés « non conformes », comme la musulmane laïque Ayaan Hirsi Ali ou la directrice du FMI, Christine Lagarde, au nom « du droit à ne pas être offensé ». « Je ne suis pas d’accord avec l’idée qu’il existe ici une oppression raciale systémique vis-à-vis des minorités. Cette université est certainement l’une des plus inclusives du pays », dit-il, notant en riant que les conservateurs sont peut-être les plus discriminés. L’avocat Floyd Abrams, ancien de Yale et spécialiste du premier amendement, estime qu’« il faut répondre au malaise des étudiants de couleur ». Mais il met en garde « contre la tendance grandissante à exiger des limitations à la liberté de parole, notamment dans les salles de classe ». « Exiger de mettre au rancart des œuvres intellectuelles majeures sous prétexte qu’elles pourraient offenser certains, c’est très dangereux. Si les Christakis étaient poussés à partir, ce serait un signe terrible envoyé par l’université. »

Yale cède et embauche davantage de professeurs afro-américains,

Après avoir pris son temps, Yale a finalement refusé l’ultimatum étudiant et conforté les Christakis à leur poste. Acceptant en revanche d’autres revendications, comme l’embauche de davantage de professeurs afro-américains, la mise en place d’un soutien psychologique plus actif et de formations des enseignants aux questions de discrimination.

Cette navigation prudente traduit l’inquiétude des autorités, alors que les protestations se sont répandues comme une traînée de poudre à travers d’autres universités du pays, touchant plus d’une centaine de campus. Le président de l’université du Missouri a dû par exemple démissionner sous la pression d’associations étudiantes noires et de l’équipe de football universitaire, pour ne pas avoir eu une politique d’inclusion des minorités suffisamment « active » après les émeutes de Ferguson. La grève de la faim d’un étudiant inspiré par ces événements a visiblement joué un rôle déclencheur. Mais ce qui frappe, comme à Yale, c’est qu’aucun fait précis de discrimination n’a motivé la « révolte », juste des sentiments diffus d’isolement et la découverte d’une croix gammée dessinée avec des excréments dans des toilettes…


« Déconstruction du modèle occidental »

Signe du vent révolutionnaire qui souffle, un professeur « coupable » de ne pas avoir annulé un examen pendant les manifestations a failli être forcé à la démission pour avoir manqué d’« empathie »…

Rapporter à a police tout « discours haineux »  

L’administration évoque désormais la création de règles enjoignant aux étudiants de rapporter à la police tout « discours de haine » qu’ils pourraient entendre en classe. « Une mesure très dangereuse », dit l’avocat Floyd Abrams. À Claremont McKenna College, en Californie, la doyenne a dû quitter son poste parce qu’elle avait proposé de faire plus pour intégrer « ceux qui ne sont pas dans le moule CMC », une formule jugée… raciste ! Au prestigieux collège Amherst, les étudiants exigent de débaptiser l’établissement — qui doit son nom à un général britannique de l’époque prérévolutionnaire — au motif qu’il avait suggéré de combattre les Indiens avec des couvertures infectées. Ils ont aussi réclamé des « excuses de la direction » pour « l’héritage institutionnel de la suprématie blanche » ainsi que pour « l’hétérosexisme, le cissexisme, la xénophobie » et autres discriminations. À Princeton, un débat féroce a surgi à propos d’un panneau mural mettant en scène l’ancien président Woodrow Wilson, soudain décrété infréquentable en raison de son passé esclavagiste…

Nombre de voix conservatrices comme libérales soulignent en revanche que les griefs des étudiants semblent largement nourris de la revanche identitaire véhiculée par le corps enseignant « progressiste » qui a fait main basse sur les humanités dans les facultés, faisant des études critiques et de la « déconstruction du modèle occidental » sa doxa.

Des universités de moins en moins blanches 
 
Ce mouvement s’étend en même temps que la clientèle des universités américaines devient de moins en moins blanche. Les blancs sont ainsi désormais minoritaires à Yale (voir ci-dessous) alors qu’ils formaient encore 77,4 % de la population américaine en 2014. Et pourtant Yale n’est classé que n° 124 au palmarès de la diversité ethnique des universités américaines.

Diversité ethnique de Yale (étudiants, 1er degré)


« Les héritiers postmodernes des marxistes ont ressuscité le prisme dominant-dominé en remplaçant simplement les ouvriers par les minorités sexuelles ou raciales. Le but est resté le même : lire le monde comme une éternelle bataille entre l’homme blanc, colonialiste et machiste, et ceux qu’il aurait toujours et seulement opprimés », regrettait ce printemps le professeur de théorie politique de l’université de Georgetown Joshua Mitchell. En écho à sa préoccupation, d’autres intellectuels s’inquiètent d’une révolution « culturelle » si préoccupée de diversité qu’elle annihile tout espoir de créer un socle commun entre communautés. Ainsi le New York Times rapporte-t-il la contre-attaque des anciens d’Amherst, qui se sont vigoureusement opposés en interne au changement de nom de leur alma mater. « Nous stérilisons l’histoire en éliminant les anciennes mascottes, a noté William Scott, diplômé de 1979, sur un site internet des anciens étudiants. C’est comme de brûler les livres. »

Nous assistons à la révolte de « petits Robespierre », avertit le Wall Street Journal. Clairement, la révolution culturelle des plus jeunes et leur tendance à la victimisation systématique commence à inquiéter les aînés.

Voir aussi

Des universités politiquement correctes qui doivent « protéger » leurs étudiants


Canada — Liberté d’expression et d’opinion menacée dans les universités

« Le multiculturalisme fragmente la société : c'est le contraire du prétendu vivre-ensemble »


Mathieu Bock-Côté, né en 1980, était déjà une figure intellectuelle du Québec alors qu’il n’avait pas 30 ans. Sociologue, chargé de cours dans plusieurs universités, il s’est d’abord intéressé au nationalisme québécois et à son destin après le rejet par référendum, en 1980 et en 1995, du projet de « Québec libre ». Mais il a ensuite élargi sa réflexion aux évolutions des démocraties occidentales face aux ruptures sociales et culturelles provoquées par la mondialisation.


Comment définissez-vous le multiculturalisme ?

Mathieu Bock-Côté — Traditionnellement, la vocation de l’immigré était de prendre le pli de la société d’accueil, d’apprendre à dire « nous » avec elle, de s’approprier son histoire et de s’y inscrire. Le multiculturalisme inverse le devoir d’intégration. Désormais, c’est la société d’accueil qui doit transformer ses institutions et sa culture afin de s’adapter à la diversité. Dans cette perspective, la société d’accueil doit multiplier les démarches destinées à favoriser l’inclusion du nouvel arrivant, qui lui-même définira les termes à travers lesquels il participera à la société d’accueil. Ce qui était autrefois considéré comme la culture nationale n’est plus qu’une culture parmi d’autres, dans une société autoproclamée inclusive qui ne sera plus régulée que par les droits de l’homme revisités par le droit à la différence. En fait, cette culture nationale ne conserve qu’un seul privilège, tout négatif, celui de faire pénitence pour avoir supposément persécuté les minorités. Afin d’expier ses péchés d’hier, la culture nationale doit par conséquent travailler à sa propre déconstruction. On arrive ainsi à un monde où les pays conservent leur nom — la France, la Grande-Bretagne, le Québec, etc. —, mais où l’expérience historique qui les caractérisait est appelée à se dissoudre.

Est-ce que le multiculturalisme se confond avec le modèle des États-Unis ?

Non, pas du tout. On en a parfois l’impression, parce qu’en comparaison des vieilles nations européennes, les États-Unis sont un pays jeune, né d’apports de populations diverses. Mais en réalité, le multiculturalisme trouve en partie ses origines dans la question noire, qui représente pour l’Amérique un authentique péché originel. Le multiculturalisme, qui s’érigera en doctrine à partir des années 1980, incitera chaque minorité à calquer son attitude sur la communauté noire. Chacune devrait dénoncer la discrimination que lui imposerait la société dominante en réclamant un statut de victime valant des droits spécifiques. Chaque groupe minoritaire en viendra à prendre la posture victimaire – s’ouvre alors la logique de la concurrence victimaire. Le multiculturalisme a donc poussé en Europe, au Canada comme aux États-Unis, même si le phénomène a revêtu des noms différents.

C’est un phénomène occidental…

Oui. Au Canada, il est officialisé par la Constitution. A l’origine du multiculturalisme canadien se trouve la volonté de désamorcer les revendications historiques du Québec, pour faire en sorte que le Québec ne soit plus une nation, mais une communauté ethnique parmi d’autres au sein du Canada pluriel. Dans le cas des États-Unis, le point de départ du multiculturalisme réside dans les radical sixties, on dirait en France les années 68, cette espèce de désagrégation de la conscience occidentale, cette réécriture de l’Histoire à l’encre de la culpabilité. En Europe, le multiculturalisme naît du constat d’échec du marxisme. Le communisme ayant échoué, le projet révolutionnaire n’est pas abandonné, mais connaît un transfert : on passe de la critique du capitalisme à la dénonciation de la civilisation occidentale. Dans le rôle de la figure honnie, le bourgeois est remplacé par l’héritier de la culture majoritaire, et à l’inverse le héros n’est-il plus le prolétaire, mais l’exclu, l’immigré, le minoritaire. Les questions économiques s’effacent devant les questions sociétales. En vérité, comprendre le multiculturalisme suppose de le considérer dans l’histoire plus large du progressisme, dans l’histoire des mutations de la gauche à partir des années 1960.

Mais la droite n’a-t-elle pas une part de responsabilité dans ce processus ?

Si, mais au départ, le multiculturalisme s’ancre à gauche. Il est l’enfant de théoriciens marxistes qui ont abandonné le paradigme économique, mais en s’accrochant à une vision qui remplace la lutte des classes par la lutte des identités. Intellectuellement, le courant vient de la gauche radicale. Dans les années 1980, toutefois, il devient le projet politique de la gauche dominante. Le meilleur exemple est la third way, la troisième voie de Tony Blair. Une interprétation superficielle a jugé cette politique comme un passage des travaillistes de la gauche à la droite, parce qu’ils ont accepté l’économie de marché. Mais en même temps, Blair embrassait un tout autre programme sur les questions sociétales et identitaires, s’attachant par exemple à convertir la Grande-Bretagne au multiculturalisme. Analogiquement, les socialistes français, lors du premier mandat de Mitterrand, se sont convertis au marché, mais ont fait de l’antiracisme un enjeu politique. En 2012, Terra Nova fera même du multiculturalisme une stratégie électorale, conseillant au PS de chercher ses électeurs parmi les représentants de la diversité. Né comme une utopie au croisement du marxisme en crise et de la contre-culture, utilisé comme arme politique, le multiculturalisme s’est institutionnalisé : il est devenu un langage d’État, une pratique administrative, une pratique dans les entreprises. La droite, vis-à-vis du phénomène, affiche une attitude terriblement timorée. Spontanément, elle résiste au multiculturalisme parce qu’elle se sent gardienne d’un certain héritage. Mais partout, en Occident, la droite a entrepris, au début des années 1990, de faire concurrence à la gauche dans le progressisme, comme si elle n’assumait plus sa part conservatrice. Quel est le progressisme propre à la droite ? C’est la sacralisation de l’économie de marché et de l’individu hors-sol. Inversement, elle a abandonné progressivement tout ce qui était une politique des ancrages, une politique de l’enracinement. S’emparant à sa manière de la nouvelle époque — l’euphorie de la mondialisation heureuse — la droite a occulté les questions culturelles, identitaires, les laissant à ceux qui sauront s’en saisir.

Le populisme est donc une conséquence du multiculturalisme ?

Inévitablement. Une partie de la population occidentale n’apprécie pas le déclassement qu’on lui fait subir. Vous étiez la nation d’accueil, vous voilà le principal obstacle à la création d’une société nouvelle parce que, refusant de n’être qu’une communauté parmi d’autres dans votre pays, vous persistez à considérer votre culture comme une culture de convergence, mais on vous l’interdit. A un moment ou à un autre s’exprime alors une protestation, souvent maladroite, souvent canalisée par des partis discutables. Ce qu’on appelle le populisme, c’est la politisation de la dissidence populaire devant le multiculturalisme édifié par les élites. Soulignons à ce propos que la notion de peuple n’existe plus aujourd’hui que sous forme négative : on ne mentionne celui-ci que pour exprimer sa méfiance à son égard. Le peuple du populisme, c’est le peuple historique des vieilles nations occidentales, le peuple d’hier, tandis que le peuple du multiculturalisme, c’est le peuple de la diversité. Dès lors que la droite a abandonné la nation, l’autorité, la transmission, la mémoire, l’enracinement, et la gauche, la protection sociale et le travailleur ordinaire, les mouvements populistes s’en emparent. Et, comme ces sujets sont stigmatisés sur le plan médiatique, les partis de gouvernement n’osent plus les aborder. Pire encore : dans la mesure où les populistes s’en sont un temps emparés, on les juge contaminés. Ainsi, lorsque la droite cherche à renouer avec son héritage conservateur, on l’accuse de dérive réactionnaire. On aboutit donc à ce paradoxe : les préoccupations du peuple ne sont plus les bienvenues dans l’espace démocratique.

Un des effets du multiculturalisme, auquel vous consacrez un chapitre de votre livre, c’est le rapport au passé : on veut réécrire l’Histoire.

C’est par le récit de sa propre histoire qu’une communauté fait l’expérience du monde. A partir du moment où le passé est raconté comme une série de persécutions manifestant les phobies et les systèmes discriminatoires mis en place par la majorité, à partir du moment où les minorités consacrent toutes un nouveau méchant, le fameux « homme blanc hétérosexuel », l’Histoire apparaît comme un champ d’horreurs. Pourquoi, alors, s’approprier celle-ci ? Il convient plutôt de s’extraire de l’Histoire, notamment à l’école. Ainsi ne cherche-t-on plus à inscrire les jeunes générations dans un monde qui les précède et leur survivra, selon la formule d’Alain Finkielkraut. Au contraire, il faut imperméabiliser les enfants contre cet héritage susceptible de les contaminer. Ce rapport idéologique au passé est fondateur de la nouvelle légitimité multiculturaliste. Ceux pour qui l’Histoire demeure le lieu d’une mémoire positive seront de plus en plus considérés comme d’infréquentables nostalgiques : ils cherchent à faire survivre un héritage dont on devrait se débarrasser. Ils n’auront plus droit de cité dans l’espace public, parce qu’ils seront accusés de répandre des légendes étrangères à la conscience hypercritique qui est la norme médiatique et même universitaire.

Quels sont les autres effets du multiculturalisme sur la cohésion de la société ?

En premier lieu, une fragmentation sociale. Lorsque la norme commune passe pour l’expression de la tyrannie de la majorité sur les minorités, lorsque la norme commune apparaît exclusivement comme un rapport de pouvoir et de domination sur les marges, aucune intégration n’est possible. C’est le contraire du prétendu vivre-ensemble. On le voit avec les politiques qui essaient d’institutionnaliser le droit à la différence ou la discrimination positive. Laquelle, dans les faits, injecte le facteur racial dans la politique. On le voit de même quand certaines communautés ne sont pas intégrées à la nation. Le fait est attribué non pas à des pratiques culturelles trop éloignées de la société d’accueil, et donc du travail que ces communautés devraient faire sur elles-mêmes afin de s’intégrer, mais au système discriminatoire dont la société d’accueil serait porteuse, ce qui lui vaut d’être mise en accusation. Racisme d’État, racisme systémique : on connaît ce vocabulaire qui relève de l’intimidation idéologique bien qu’il se maquille en langage scientifique. Ajoutons que, puisqu’il n’y a plus de culture nationale et que toutes les cultures peuvent cohabiter librement, le multiculturalisme encourage l’immigration massive, prétendant que celle-ci ne provoquera jamais de tensions. Jusqu’à ce que se pointe cette chose inattendue qui est le réel… Les campagnes de sensibilisation du type « Tous unis contre la haine » se multiplient dans les pays occidentaux, qui traitent leur population comme une population malade, étouffée par ses préjugés. Le politiquement correct est l’expression de cette volonté de rééducation du peuple. Mentionnons encore qu’afin de préserver les tabous de chaque communauté, de respecter sa définition du blasphème, on réduit la liberté d’expression. On a tendance à vouloir corseter la parole publique et à voir derrière n’importe quelle critique de la « diversité » un appel à la discrimination qu’on voudra censurer. Notre société, en dernière instance, voit la liberté régresser.

Selon vous, le courant peut-il être inversé ?

Certains pourraient penser que le multiculturalisme correspond au mouvement de l’Histoire. Je ne suis pas d’accord. Le phénomène résulte d’un projet politique qui a pris forme au cours d’une lutte idéologique d’une quarantaine d’années. Nous sommes face à un courant qui prétend définir la démocratie, et ceux qui ne sont pas d’accord avec cette définition sont délégitimés dans l’espace public. Un système socioculturel s’est institué, accordé à une vision du monde. Ce système s’appuie sur un État qui, à l’aide d’un appareil administratif, pilote les comportements sociaux. C’est une action politique. Or cette action politique, il est possible de la contester et de la contrer politiquement. Il est possible de restaurer la souveraineté parlementaire ou la souveraineté populaire devant la judiciarisation exagérée du politique au nom d’une conception falsifiée des droits de l’homme. Il est possible de reconstruire les frontières nationales. Il est possible de décider que l’école transmette à nouveau une culture véritable. Il est possible de définir la citoyenneté de telle manière qu’elle ne soit pas vidée de toute signification. Il est possible d’abolir les politiques qui institutionnalisent le communautarisme au nom du droit à la différence. Puisque tout cela est possible, c’est un programme qu’on peut se donner.

Source : Figaro Magazine, vendredi 27 mai 2016.

Le multiculturalisme comme religion politique,
de Mathieu Bock-Côté,
paru aux éditions du Cerf,
à Paris,
le 15 avril 2016,
368 pages
à 34,95 $
ISBN : 9 782 204 110 914


Voir aussi

« Le multiculturalisme tue toute identité commune enracinée dans une histoire » (m-à-j entretien)

vendredi 3 juin 2016

France — Réforme socialiste des écoles libres...revient à éliminer leur liberté pédagogique

Dans la série « ne perdons jamais une occasion et profitons des crises » (la radicalisation de jeunes musulmans) « pour imposer nos petits projets liberticides et jacobins », nous présentons ce communiqué de presse de la Fondation pour l’école qui s’insurge contre un projet de loi qui vise à limiter sévèrement les libertés des écoles hors contrats (surtout laïques et chrétiennes) sans que le gouvernement socialiste ne se pose de questions sur les écoles publiques dont est issue l’immense majorité des terroristes récents.





La réforme envisagée revient à vider de sa substance la liberté pédagogique des écoles hors contrat. La Fondation pour l’école appelle le ministère à retirer son projet ou à en lever toutes les ambigüités.

Le Ministère de l’Éducation nationale projette de modifier le régime d’ouverture des établissements hors contrat (en passant d’un régime de déclaration d’intention à un régime d’autorisation préalable) et d’imposer désormais à ces établissements, ainsi qu’aux enfants pratiquant l’école à la maison, le respect des programmes de l’école publique, à chaque fin de cycle soit en CE2, 6e et 3e. La Fondation pour l’école a été consultée. Elle est tout à fait opposée aux réformes prévues au regard des projets de textes qui lui ont été transmis par le ministère. En effet, les réformes envisagées réduisent de façon draconienne la liberté d’enseignement comme la liberté d’association, deux principes de rang constitutionnel qui sont au fondement de notre État de droit, sans que les motifs de telles restrictions puissent être saisis avec certitude.

1 ° Projet de réforme du régime d’ouverture des écoles hors contrat

Le ministre de l’Éducation nationale a justifié ses projets de réforme par des objectifs contradictoires d’une déclaration à l’autre : tantôt il s’agissait de prévenir le développement d’écoles radicalisantes, tantôt était invoquée la nécessité de mettre un terme à l’indigence scolaire d’une poignée d’écoles. A noter que la rue de Grenelle a refusé de publier la liste des écoles hors contrat posant problème et servant d’élément déclencheur de cette réforme, et n’a pas davantage expliqué pourquoi elle ne fermait pas ces écoles alors que l’article 227-17-1 du Code pénal lui en donne tout à fait le pouvoir.

Instaurer un régime d’autorisation n’a rien d’un toilettage technique des textes ; c’est une révolution contraire au principe même de liberté d’ouverture qui découle du caractère constitutionnel de la liberté d’enseignement.

Cela conduira mécaniquement à la raréfaction du nombre d’écoles hors contrat ouvertes chaque année. C’est contraire à l’intérêt général, dans la mesure où 40 % des élèves de l’école publique sont en échec scolaire dans l’école publique à la fin du CM2 et donc que notre pays a particulièrement besoin de disposer d’écoles alternatives. Du principe d’un droit de la société civile à ouvrir des écoles privées, on passerait avec ce projet de réforme à celui de la restriction des ouvertures par l’État, conformément à la volonté affichée par Najat Belkacem de rendre plus difficiles les créations d’écoles privées.

Si ce régime était mis en place, les porteurs de projet d’école devraient faire des démarches administratives nettement plus lourdes, ce qui augmenterait le coût de lancement et conduirait à une raréfaction radicale des ouvertures d’école. L’administration aurait en pratique toute latitude de rallonger les délais, en ne cessant de demander des pièces administratives supplémentaires pour empêcher de voir le jour aux projets qui ne lui plairaient pas.

Alors que la réforme subordonne l’exercice de libertés fondamentales à un régime d’autorisation administrative préalable, le gouvernement veut procéder en toute hâte par ordonnance (en faisant adopter un amendement dans le cadre de la Loi Égalité et Citoyenneté habilitant le gouvernement à procéder par ordonnance législative). Il s’agirait, selon la formule du directeur de cabinet adjoint du ministre de l’Éducation, O. Noblecourt, d’éviter de livrer le projet de réforme au « ball-trap parlementaire » [Le ball-trap est un appareil à ressort qui lance des disques d’argile pour l’exercice du tir au pigeon]. Formule que les parlementaires apprécieront.

S’il ne s’agit que d’un toilettage juridique, pourquoi une telle hâte et un tel contournement des élus de la République ? Si le but est de lutter contre la radicalisation de la jeunesse, les mesures sont particulièrement inadaptées : il vaudrait mieux, pour ce qui est des écoles privées sous ou hors contrat, imposer la transparence sur l’origine des financements des écoles, contrôler le respect de l’égalité homme/femme dans l’établissement, et, s’agissant des écoles publiques, veiller à la qualité de l’enseignement et à sa contribution à la concorde sociale et à l’unité nationale.

Nous exercerons à l’égard des projets de textes en cours d’élaboration toutes les voies de recours possibles. Nous appelons en outre les parlementaires à refuser de se dessaisir de leurs responsabilités sur un sujet qui touche gravement aux libertés fondamentales et à rejeter en conséquence l’amendement habilitant le gouvernement à procéder par ordonnance.

2 ° Projet de réforme du contrôle du contenu des connaissances acquises par les enfants

Ce qui fait que les écoles hors contrat représentent un apport précieux dans le paysage éducatif français, c’est leur liberté pédagogique. Pouvoir choisir librement les progressions pédagogiques constitue un des éléments, si ce n’est l’élément essentiel, de la liberté qui caractérise les écoles hors contrat. C’est notamment cette liberté qui permet à certaines de ces écoles d’accueillir des enfants à besoin pédagogique particulier tels les enfants à haut potentiel ou les enfants « dys — ». Les écoles sous contrat sont financées par l’État dans la mesure justement où elles ont accepté d’enseigner selon les programmes de l’État. Appliquer au hors-contrat la même obligation de conformité des programmes revient à exiger de lui les mêmes contraintes que le sous-contrat sans pour autant le financer ! [Cette situation absurde est celle qui prévaut au Québec, pays du monopole éducatif.]

Si les inspecteurs évaluent désormais le niveau des élèves à chaque fin de cycle, en vérifiant qu’ils maîtrisent les mêmes connaissances et compétences que les élèves suivant le programme de l’éducation nationale, cela conduira les écoles hors contrat à s’aligner sur les programmes de l’école publique (qui sont définis par cycle). Ainsi, des écoles comme les écoles Steiner ou Montessori, les écoles démocratiques ou les écoles Espérance banlieues ne parviendront pas à se conformer à cette loi, tant leurs progressions peuvent diverger de celles de l’Éducation nationale — divergence qui ne les empêche pas d’atteindre le niveau exigé par le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture en fin de période d’instruction obligatoire. C’est d’ailleurs cette liberté de progression pédagogique qui fait la spécificité et l’intérêt des écoles indépendantes.

Nous dénonçons le caractère illégal d’un tel projet de décret au regard des dispositions législatives pertinentes du Code de l’éducation et du caractère constitutionnel de la liberté d’enseignement, laquelle comprend à l’évidence la liberté des programmes (cf. l’article L442-3 du Code de l’éducation, par exemple pour le primaire). Par conséquent, s’il devait être pris, nous contesterions la légalité du décret devant le Conseil d’État et nous en demanderons la suspension immédiate de l’exécution.

Nous déplorons que le Ministère prenne l’initiative de rouvrir la guerre scolaire. Alors que 40 % des enfants sont en échec scolaire en fin CM2, nous ne voyons pas ce que la France gagnerait à supprimer les alternatives pédagogiques qu’offrent les écoles indépendantes à ses enfants.

Nous invitons donc le gouvernement à renoncer à ses projets de réforme.

TEXTES DE RÉFORME :

Textes fournis par le gouvernement premièrement sur le projet de changement du régime d’ouverture des écoles hors contrat et deuxièmement sur le projet de changement du contrôle des connaissances des élèves des écoles hors contrat :

http://creer-son-ecole.com/fichiers/projet-reforme-gouvernemental-hors-contrat.pdf

Anne Coffinier,
Directeur général de la Fondation

anne.coffinier@fondationpourlecole.org