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Manifestants contre le cours de « patriotisme » |
Le 8 septembre dernier, à la veille des élections renouvelant le Parlement local, le gouvernement de Hong Kong a renoncé à son projet d’imposer des cours de patriotisme obligatoires à l’école. Depuis de nombreuses semaines, de très nombreux jeunes Hongkongais et citoyens de la cité manifestaient contre ce projet.
Au lendemain d’une manifestation qui avait réuni plus de 100 000 personnes contre ce projet devant le siège du gouvernement, le chef de l’exécutif Leung Choun-ying a déclaré à la presse que son gouvernement « donnait autorité aux écoles de décider quand et comment elles souhaitaient introduire des cours de morale et d’instruction civique ». Ce faisant, il renonçait au caractère obligatoire de ces cours, cédant à la pression de la rue, devenue considérable ces jours-ci, à la veille du scrutin renouvelant les députés du Conseil législatif
[1].
Il y a plus d’un an, le Bureau pour l’éducation du gouvernement de Hong Kong avait ouvert une consultation au sujet de l’introduction de cours de morale à l’école. Après étude du projet, le diocèse catholique de Hong Kong, dont la présence au sein du secteur éducatif est très importante, avait fait savoir son rejet de cette initiative, estimant que les autorités cherchaient à privilégier l’attachement des petits Hong Kongais au Parti communiste et au gouvernement chinois plutôt qu’à la patrie. L’Église reprochait à l’État de chercher à promouvoir une éducation morale et patriotique, là où elle appelait de ses vœux une instruction civique et morale.
Malgré les avis négatifs émis lors de cette phase de consultation, le gouvernement de Hong Kong était passé outre et avait poursuivi son plan pour rendre obligatoires ces cours d'éducation morale et nationale dans les écoles à l’horizon 2016. Ces dernières semaines, l’opposition des enseignants et des élèves n’avait toutefois cessé de monter en puissance, les opposants au projet y voyant une tentative d’imposer une propagande pro-chinoise aux enfants de la région semi-autonome de Hong Kong. Pour le gouvernement de Hong Kong, il s’agissait de permettre au système éducatif de contribuer au sentiment d’identité nationale des quelque sept millions de Hongkongais
[2].
L’opposition au projet a culminé le 7 septembre lorsqu’une manifestation statique a réuni plus de 100 000 manifestants au pied des bâtiments abritant le gouvernement de Hong Kong. Dans les dix jours qui avaient précédé, un total de près de 300 000 personnes s’y étaient rassemblées, mettant une pression maximale sur le chef de l’exécutif à la veille d’échéances électorales importantes.
L’annonce du retrait du projet a donc été accueillie avec soulagement par ses opposants, mais ceux-ci soulignent que la partie est loin d’être gagnée. Le chef de l’exécutif a en effet exclu de renoncer au projet mais s’est dit ouvert au dialogue. Selon le P. Stephen Chan, conseiller ecclésiastique de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Hong Kong, Leung Chun-ying a opéré «
un retrait tactique » mais n’a pas renoncé à sa politique. Les cours de morale patriotique ne sont plus obligatoires, mais l’administration va s’efforcer de convaincre une par une les écoles et leurs organismes de tutelle, en recourant à des incitations ou à des menaces, pour les amener à adopter le projet gouvernemental. « Nous devons nous préparer à une longue campagne », a souligné le prêtre.
Quant au cardinal Zen Ze-kioun, évêque émérite du diocèse de Hong Kong, il a apporté son soutien aux 14 élèves qui avaient entamé une grève de la faim pour signifier leur refus du projet gouvernemental. Assis parmi les manifestants le 7 septembre au soir, le cardinal a déclaré qu’il espérait que la jeunesse de Hong Kong resterait calme et mesurée, tout en ajoutant : « Si le gouvernement use de méthodes dilatoires, alors nous n’aurons pas d’autre choix que d’agir [en manifestant]. »
À Hong Kong, la question scolaire reste un sujet sensible. Avant ce projet d’éducation patriotique, le gouvernement local s’était heurté aux Églises chrétiennes, à l’Église catholique notamment, qui refusaient – et refusent toujours – la mise en place d’un plan d’autonomisation des établissements scolaires qui aurait pour conséquence d’affaiblir la tutelle que le diocèse de Hong Kong et les congrégations religieuses exercent sur les établissements scolaires qu’ils animent.
Notes
(1) À l’issue du scrutin du 9 septembre, sans suspense tant Pékin garde la haute-main sur la politique à Hong Kong, mais important néanmoins pour établir l’état des forces en présence, l’opposition démocrate a fait relativement pâle figure. Il y a quatre ans, le Parti démocratique et le Parti civique avaient remporté 19 des 30 sièges soumis au suffrage universel direct. Cette fois-ci, sur 35 sièges soumis au suffrage direct, le camp pro-démocrate n’a conservé qu’une courte avance avec 18 élus contre 17 pour les pro-gouvernementaux. Au total, l’opposition garde 27 sièges contre 43 députés favorables au gouvernement. Elle obtient donc le nombre de sièges nécessaire pour exercer un droit de veto sur les amendements constitutionnels mais elle s’est montrée divisée. Deux des dirigeants du Parti civique, Audrey Eu et Tanya Chan, n’ont même pas été élus ; le Parti démocratique est passé de huit élus dans la Chambre sortante à six députés dans le nouveau Conseil législatif – son président Albert Ho a qualifié ce résultat de « désastreux » et a démissionné. En revanche, le DAB, le parti pro-Pékin, a progressé, récoltant les fruits d’une importante présence sur le terrain.
Divisée et désorganisée, l’opposition n’a donc pas su tirer avantage des nombreux sujets de mécontentement des Hongkongais. Elle devra se restructurer si elle veut peser sur la Chine afin que celle-ci respecte sa promesse initiale d’instaurer le suffrage universel direct en 2017 pour l’élection du chef de l’exécutif et en 2020 pour le Parlement local.
(2) Le manuel gouvernemental, intitulé Le Modèle chinois, fait le panégyrique du Parti communiste, qualifié de « progressiste, altruiste et solidaire », tout en passant sous silence des épisodes comme la répression du printemps de Pékin, à Tian’anmen en 1989, ou les errements du maoïsme. On peut aussi y lire un argumentaire en faveur du parti unique, face à la démocratie et au pluripartisme présentés comme étant facteurs de chaos.
Source
Voir aussi
Hong-Kong — gouvernement persiste dans son imposition d'une éducation morale et nationale
Hong Kong — fin de l'enseignement sous tutelle confessionnelle