mercredi 11 mars 2020

Aller au cégep anglais pour apprendre l'anglais ? Vraiment ?

Frédéric Lacroix est un chercheur essentiel sur les questions qui touchent à la démographie et à l’avenir linguistique du Québec. Dans un contexte politique où la question du cégep français, je l’ai interviewé pour mieux comprendre les motivations des jeunes Québécois francophones qui passent à l’anglais. Comment l’expliquer ? De quoi est-elle symptomatique ? Entretien avec Mathieu Bock-Côté.

Mathieu Bock-Côté : Pour la première fois depuis des années, on a beaucoup parlé, ces derniers jours, de la place de plus en plus compromise du français au niveau collégial, au point même où certains veulent y appliquer la loi 101, une idée qui était disparue du radar depuis plusieurs années. Mais il faut néanmoins poser la question correctement : qu’est-ce qui explique le désir de plus en plus fort des jeunes francophones et allophones de passer à l’anglais au cégep ? Est-ce, comme on l’entend souvent, parce qu’ils veulent parfaire leur anglais ? Ou doit-on repérer d’autres motivations derrière cette tendance ?

Frédéric Lacroix : La tendance qui ressort des statistiques d’inscription au collégial est en effet très claire : de 1995 à 2018, le nombre de francophones (langue maternelle) qui étudie en anglais au collégial au Québec est passé de 4150 étudiants à 7686, soit une augmentation de 3536 (85 % d’augmentation). Et cette tendance à la hausse s’accélère nettement depuis 2007. L’augmentation du nombre d’allophones dans les cégeps anglais depuis 1995 est aussi nette : ils sont passés de 6383 en 1995 à 8820 en 2018, soit une augmentation de 2437 (ou 38 %). L’augmentation du contingent francophone et allophone au collégial anglais représente donc 5973 étudiants depuis 1995. Ce n’est pas négligeable : ceci est presque équivalent de la taille de John Abbott College (parmi les plus gros cégeps au Québec), par exemple.

Et ceci, soit l’effectif collégial, ne recense que les étudiants qui ont la moyenne générale requise pour entrer dans un cégep anglais. Comme les cégeps anglais sont en mesure d’écrémer seulement les meilleurs étudiants, les statistiques d’effectif collégial ne donnent pas une idée juste du désir d’études en anglais parmi les jeunes.

Nous apprenions il y a quelques semaines que Dawson College acceptait seulement 30 % des demandes d’admission qui lui sont adressées. Ce qui signifie que Dawson reçoit grosso modo 10 000 demandes d’admission par année et refuse environ 6000 étudiants qui auraient aimé s’y inscrire. Ce chiffre, absolument renversant, donne une bonne idée de la situation du français au collégial. Le désir d’études en anglais est absolument massif.

La question que l’on peut se poser est la suivante : pourquoi, après 11 années de cours d’anglais à chaque année de la première année du primaire à la fin du secondaire, un francophone ressent-il le besoin d’aller dans un cégep anglophone pour apprendre une langue qu’il devrait déjà savoir ? Les cours d’anglais au Québec seraient-ils si mauvais, si catastrophiques, qu’il faille absolument passer par des études en anglais (et non seulement des cours d’anglais) pour maîtriser cette langue ?

Un lecteur perspicace, Akos Verboczy, me fait remarquer que la chose peut aussi être vue à rebours : plutôt qu’un déficit de maîtrise, n’est-ce pas plutôt la maîtrise grandissante de l’anglais chez les jeunes francophones (et allophones scolarisés en français) qui les incite à poursuivre leurs études postsecondaires en anglais ?

Il faut « inverser, toujours inverser » disait Charlie Munger, le partenaire d’affaires de Warren Buffet dans le conglomérat multimilliardaire Berkshire Hathaway, qui affirmait que cette technique était son outil de travail le plus important pour résoudre des problèmes. Ceci permettait souvent, selon lui, en changeant complètement de perspective, de voir et de comprendre les choses sous un éclairage nouveau.

Derek Sloan s'insurge contre projets de loi qui criminalisent l’affirmation positive de son corps

Le gouvernement de Justin Trudeau (ci-contre) a déposé un projet de loi en chambre (C-8) qui vise à criminaliser ce qu’il appelle les «  thérapies de conversion » et leur publicité. Le Sénat a proposé un projet de loi similaire, mais plus bref (S-202).

Extrait de C-8 :
Thérapie de conversion
Définition de thérapie de conversion

320 ‍101 Aux articles 320.‍102 à 320 ‍106, thérapie de conversion s’entend d’une pratique, d’un traitement ou d’un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels. Il est entendu que la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent :
a) à la transition de genre d’une personne ;
b) à l’exploration ou à la construction de son identité.

Thérapie de conversion forcée
320.‍102 Quiconque, sciemment, fait suivre une thérapie de conversion à une personne contre son gré est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Thérapie de conversion : enfant
320.‍103 (1) Quiconque, sciemment, fait suivre une thérapie de conversion à une personne âgée de moins de dix-huit ans est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

[...]

Publicité de thérapie de conversion
320.‍104 Quiconque fait sciemment de la publicité pour offrir de la thérapie de conversion est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Avantage matériel
320 ‍105 Quiconque bénéficie d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, qu’il sait provenir ou avoir été obtenu, directement ou indirectement, de la prestation de thérapies de conversion est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Ces projets de loi ont suscité une réaction de Derek Sloan, un jeune député ontarien, unilingue, avocat de formation qui brigue la présidence du Parti dit conservateur du Canada (PCC).  Il est considéré comme un des chefs de file des conservateurs sociaux. Richard Décarie, éliminé par une camarilla non élue du PCC, a demandé à ses partisans de le soutenir. Nous avons traduit son communiqué puisqu’il ne semble pas l’avoir publié en français (...).
Une astuce courante de la gauche progressiste [« liberal » en anglais] consiste à changer le sens des mots afin de masquer la vérité.

La « thérapie de conversion » en est le dernier exemple orwellien.

La gauche condamne sous le nom de « thérapie de conversion » l’idée que les parents puissent aider un enfant à se sentir bien dans sa peau et heureux du corps avec lequel il est né, alors qu’elle se félicite qu’on donne à un enfant des hormones et qu’on lui fasse subir une chirurgie plastique irréversible en appelant cela de l’« affirmation de genre ».

Si ces termes vous paraissent inversés, c’est parce que c’est le cas. En fait, pour les adolescents souffrant de dysphorie de genre, cela peut être un cauchemar.

Les idéologues du genre enseignent aux enfants dans les écoles publiques (ou partout ailleurs où ils peuvent les atteindre) que leur « genre » est fluide et qu’ils peuvent ne pas être des « garçons » ou des « filles » contrairement à ce que leurs familles leur ont dit.

Ensuite, les idéologues du genre attirent les enfants désorientés qui développent une dysphorie de genre pour leur faire prendre des hormones afin de modifier leur corps encore en croissance.

Mais, lorsque cette « conversion » de garçon en fille ou de fille en garçon n’est pas tout à fait terminée, et que les enfants demandent de l’aide, ou que leurs parents demandent de l’aide en leur nom pour arrêter cette « conversion », les idéologues du genre crient « comment osez-vous essayer d’arrêter ça ? » Et puis les idéologues du genre condamnent les efforts en matière de conseil en les nommant une « thérapie de conversion ».

Cette semaine, le gouvernement libéral de Trudeau a annoncé un projet de loi, le projet de loi C-8, il vise à interdire tout ce que les idéologues du genre considèrent comme une « thérapie de conversion ».

Il fait suite à la législation en vigueur à l’Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au fameux « projet de loi 77 » de l’Ontario, présenté par les libéraux de Kathleen Wynne en 2015.

Maintenant, les idéologues de genre du Parti libéral fédéral veulent entraîner le reste du Canada dans un monde chamboulé, cul par-dessus tête, qui élimine les droits parentaux dans ce domaine. Bien plus : l’interdiction de ces « thérapies de conversion » empêche en fait les mineurs souffrant de dysphorie de genre d’obtenir une aide psychologique, même s’ils la sollicitent.

C’est de la folie.

Des études montrent que, pour la grande majorité des enfants qui s’identifient comme « trans », il ne s’agit qu’une phase et que, à l’âge adulte, ils finissent par s’identifier avec bonheur au corps avec lequel ils sont nés, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Les « interdictions » prônées sont beaucoup trop vastes et représentent une atteinte dangereuse aux libertés individuelles et aux droits parentaux.

Bien sûr, chaque député responsable devrait soutenir les mesures visant à empêcher des conseils coercitifs qui nuisent aux patients. Mais cette nouvelle loi, le projet de loi C-8, empêchera les Canadiens d’un océan à l’autre de s’engager librement dans des conversations et des conseils privés, à l’instar de la situation à laquelle nous sommes actuellement aux prises en Ontario.

Au début de l’hiver, je me suis entretenu avec l’animateur de CTV Power Play Evan Solomon sur ce sujet :




Après la diffusion de cet entretien, j’ai reçu de nombreux messages de soutien, y compris certains de la part des membres de la communauté LGBT qui reconnaissent que la vie des enfants est sacrifiée au nom de l’« idéologie du genre » destructrice.

Pour ma part, je voterai contre le projet de loi C-8.

J’espère et je prie que d’autres députés — en particulier mes collègues conservateurs — se joindront à moi pour vaincre cette nouvelle tentative d’imposer une idéologie de genre aux enfants du Canada.

Un de nos contacts s’était insurgé dans les commentaires du site de la société d’État contre ces projets de loi qui visent à interdire des séances de « conseil en affirmation corporelle » (dans les termes de Derek Sloan) alors que le gouvernement n’interdit pas les thérapies de conversion pro-LGBTQ qui modifient de façon permanente l’anatomie des enfants par l’utilisation d’hormones. La société gouvernementale de diffusion a censuré son message. Plus d’un milliard de dollars de subventions à l’œuvre.



Rappelons aussi que les juges et les associations militantes LGBT en Colombie-Britannique empêchent un père de s’opposer aux traitements hormonaux imposés par le tribunal à sa fille et d’en parler à quiconque (voir vidéo ci-dessous enregistrée aux États-Unis).



Voir aussi

Colombie-Britannique : Cour suprême interdit aux parents de s’opposer au traitement hormonal de transition de leur fille de 14 ans

Trans — Médecins inquiets que des enfants s’exposent à des « dégâts à long terme » en raison de groupes de pression et de parents agressifs

Endocrinologues mettent en garde contre le traitement hormonal de la dysphorie sexuelle chez l’enfant

Grande-Bretagne — enfants autistes poussés à s’identifier comme transgenres ?

Fonctionnaires contre père : qui décide si un enfant mineur peut subir une thérapie de transition de genre ? (le cas en Cour d’appel)