lundi 1 avril 2024

Les études de McKinsey sur la relation entre la diversité et la performance des entreprises ne sont pas reproductibles

Au cours des dernières années, la célèbre firme de conseil McKinsey a publié au moins 4 études affirmant une relation positive entre l’équité la diversité et l’inclusion (EDI) et la performance des entreprises.

Un nouvel article publié aujourd’hui dans l’Econ Journal Watch constate que ces résultats ne peuvent être reproduits.

« Notre incapacité à [reproduire] leurs résultats suggère qu’il ne faut pas s’y fier pour soutenir l’idée que les entreprises américaines cotées en bourse peuvent s’attendre à améliorer leurs performances financières si elles augmentent la diversité raciale/ethnique de leurs cadres. »

Résumé de l’article fourni par les auteurs

Dans une série d’études très influentes, McKinsey (2015 ; 2018 ; 2020 ; 2023) rapporte avoir constaté des relations positives statistiquement significatives entre les marges de bénéfices avant intérêts et impôts ajustées parmi les grandes entreprises mondiales publiques choisies par McKinsey et la diversité raciale/ethnique de leurs dirigeants.

Toutefois, lorsque nous réexaminons les tests de McKinsey en utilisant les données des entreprises du S&P 500® observable publiquement au 31 décembre 2019, nous ne trouvons pas de relations statistiquement significatives entre les mesures Herfindahl-Hirschman inversement normalisées de McKinsey de la diversité raciale/ethnique des cadres à la mi-2020 et la marge des bénéfices avant intérêts et impôts ajustée au secteur ou la croissance des ventes, la marge brute, le rendement des actifs, le rendement des capitaux propres et le rendement total des actionnaires ajustés au secteur au cours des cinq années précédentes (2015-2019). 

Outre la nature erronée de la causalité inverse des tests de McKinsey, notre incapacité à quasi reproduire leurs résultats suggère que, malgré l’imprimatur donné aux études de McKinsey, il ne faut pas s’y fier pour étayer l’idée que les entreprises américaines cotées en bourse peuvent s’attendre à améliorer leurs performances financières si elles augmentent la diversité raciale/ethnique de leurs cadres.


Anciens Combattants Canada : « Joyeuses célébrations de mars » !



(Ces célébrations ont d'ailleurs le plus souvent lieu en avril, elles s'appellent Pâques)

Histoire — 1er avril 1918 à Québec : « Shoot to kill ! »

« Shoot to kill! ! » L’ordre, donné en anglais, était clair.

Le 1er avril 1918, à Québec, les soldats canadiens tuent quatre civils en marge d'une manifestation contre la participation obligatoire à la Première Guerre mondiale. Des anglophones vont jusqu’à réclamer la suppression d’un quotidien opposé à la conscription, Le Devoir, et souhaitent voir son directeur, Henri Bourassa, exécuté. C’est comme si la guerre s’étendait ici entre deux langues, deux nations.


L’édition de La Presse du 2 avril 1918. La une faisait mention de cinq morts, alors qu’il y en avait quatre.

À l’occasion du centenaire du conflit mondial, la réédition du récit palpitant Québec sous la Loi des mesures de guerre (1918) de l’historien Jean Provencher s’imposait, d’autant plus que le livre, publié en 1971, était depuis longtemps introuvable. Dans sa préface de l’époque, reprise aujourd’hui avec un avant-propos inédit de l’auteur, Fernand Dumont soulignait déjà l’importance de ce document construit à partir d’archives.

« Ce qui frappe avant tout dans ce livre », écrit Fernand Dumont en préface, « ce sont ces déferlements de foules –  15 000 personnes certains jours – sans chefs, sans orga­nisation, sans stratégie un peu définie. Protestation qui venait du fond d’une pénible vie quotidienne, d’une ran­cœur entretenue au fil des ans, mais jamais vraiment dite, d’une servitude qu’il était impossible de traduire dans un mouvement proprement politique. »

Les quatre tués du 1er avril 1918. Alexandre Bussières, Joseph-Édouard Tremblay, Honoré Bergeron et Georges Demeule. Archives de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

En juillet 1917, voyant l’hécatombe se prolonger en Europe et sous la pression de l’Empire britannique, le Premier ministre Borden vote la conscription. De nombreux Canadiens français refusent de s’y soumettre : l’armée canadienne est majoritairement anglophone et l’on sait de source sûre que les francophones, éparpillés, y endurent diverses brimades. Mais cette rébellion prend une tournure dramatique : elle vaut aux réfractaires l’intervention de l’armée fédérale, des perquisitions, des arrestations, la loi martiale.

Ce livre raconte les cinq jours d’émeutes du printemps 1918, cinq jours dont l’issue a été funeste pour quatre Québécois. L’ironie de l’Histoire est parfois violente : pour s’être opposés à la guerre, des Québécois sont morts de la guerre, dans les rues mêmes de Québec.

Québec, ville tranquille

Un monument est érigé en l’honneur
des quatre victimes à l’endroit où 
elles tombèrent sous les balles,
à l’intersection des rues Saint-Joseph,
Saint-Vallier et Bagot.
Réputée pour sa tranquillité, Québec sombre dans le chaos au printemps 1918. Durant la Semaine sainte, cinq soirées d’émeutes sans précédent frappent la capitale. Des violences provoquées par des opposants à la conscription qui se soldent par les salves d’une mitrailleuse de l’armée canadienne dans le quartier Saint-Sauveur, le 1er avril.

« L’utilisation d’une vraie mitrailleuse [par l’armée], c’était la première et je l’espère, la dernière fois que ça se produisait à Québec », raconte l’historien Jean Provencher, auteur d’un livre sur ces événements méconnus.

Les balles ont tué quatre résidents de ce quartier ouvrier, dont un adolescent de 14 ans et deux jeunes au tournant de la vingtaine.

Comment en est-on arrivé là ?

La Première Guerre mondiale révèle que les Canadiens anglophones, surtout les colons arrivés récemment au Canada réagissent comme les fidèles sujets de l’Empire britannique.

Ils favorisent, en majorité, la participation militaire de leur pays. Quant aux Canadiens français fiers d'être catholiques et séparés de la France républicaine et laïque depuis plus d’un siècle en subissant l’hégémonie britannique, leur désir de combattre l’Allemagne, pour aider l’une ou l’autre des grandes puissances belligérantes, est beaucoup moins ardent.

En 1917, le gouvernement canadien du conservateur Robert Laird Borden établit l’enrôlement obligatoire. La police fédérale poursuit les déserteurs. La réaction québécoise est hostile. Dans la frange libérale autonomiste, on évoque même l’idée d’un retrait du Québec de la Confédération.

Comment une telle escalade de violence a pu se produire dans une ville traditionnellement pacifique qui s’apprêtait pourtant à célébrer Pâques ?

Manifestation anticonscription organisée au Square Victoria, à Montréal, en 1917

« En mars 1918, ça brasse politiquement. Parce que d’abord un an avant, le Premier ministre du Canada [Robert Borden], en mai 1917, s’en va à Londres et il se fait demander d’amener d’autres soldats en Europe. C’est la guerre depuis trois ans. Une guerre sale, les tranchées, les gaz », explique Jean Provencher.

Une majorité de Québécois ne souhaitent donc pas « aller mourir en Europe » et certainement pas pour l'Empire britannique. Le Québec vote à 83 % contre la conscription qui oblige les hommes célibataires, sans enfant, de 20 à 35 ans, à s'enrôler dans l'armée.

Ottawa engagea à l'époque des « repéreurs » (des spotters), des agents fédéraux chargés de mettre la main au collet des conscrits qui ne se présentent pas aux bureaux de recrutement.

Ils sont une vingtaine à sévir à Québec et sont détestés.
Des familles ont appris que leur gars qui n’était pas rentré coucher avait été amené à Halifax, embarqué sur un bateau pour s’en aller à la guerre. Lentement, ça se transmet, ce genre d’informations. On trouve que c’est odieux.
Jean Provencher, historien

C’est dans ce contexte que des manifestations populaires contre la conscription se succèdent dans la ville de Québec au printemps 1918. Ottawa constate qu’agents de police et militaires canadiens-français se montrent, en général, solidaires de la foule, essentiellement de la même origine qu’eux. On fait donc venir des soldats anglophones du reste du Canada pour mater les protestataires.

Début des émeutes

La première émeute éclate à Québec le 28 mars 1918, quand Joseph Mercier, 23 ans, est interpellé par trois repéreurs. Il se trouvait avec un ami à la salle de quilles du Cercle Frontenac, située au coin des rues Saint-Vallier et Charest.

Joseph Mercier jure qu’il a des papiers d’exemption. Les repéreurs ne le croient pas. « Ils vont le traîner de force jusqu’au poste de police. Les gens sortant de la messe du Jeudi saint assistent à la scène. Ils veulent que le jeune soit libéré. Ils vont casser les vitres du poste de police. La foule prend en main l’événement. »

Des journaux estiment qu’ils sont de 2000 à 3000 émeutiers, la police de Québec parle de 5000. Joseph Mercier est finalement libéré. Il a effectivement droit à l’exemption. Trop peu trop tard, la foule veut la tête des repéreurs. Un repéreur qui tente de s’enfuir dans un tramway est reconnu. Le tram est renversé par les manifestants. L’homme est grièvement blessé. L’intervention d’un curé empêche la foule de le lyncher.

« Je pense que ça aurait été un bon coup du maire Lavigueur de demander le congédiement immédiat des spotters, les détestables », analyse Jean Provencher aujourd’hui.

Vendredi saint, le 29 mars


Malgré une journée tranquille, les émeutiers n’en ont pas fini. Les troubles reprennent le Vendredi saint en soirée. Les manifestants se rendent cette fois en Haute-Ville et visent les symboles de la conscription. Certaines sources avancent le chiffre de 15 000 insurgés.

Les bureaux de deux journaux en faveur de l’enrôlement obligatoire sont notamment saccagés : L’Événement et le Chronicle. On s’en prend ensuite à l’Auditorium, le futur Capitole de Québec, où un incendie est allumé.
On a réussi à monter à l’étage pour brûler les registres du registraire de l’armée, celui qui tenait le nom des conscrits sur fichiers.
Jean Provencher, historien

« Tant qu’à mourir au front, aussi bien mourir à Québec », pensent les hommes, accompagnés de femmes et enfants. Bouleversé, le maire de Québec ne lit pas l’acte d’émeute qui permettrait aux soldats dirigés par le général Joseph-Philippe Landry de faire feu.

Samedi et Dimanche de Pâques

Le lendemain, le Manège militaire est visé. La foule est toutefois accueillie par la cavalerie et des fantassins. L’affrontement fait quelques blessés. Des résidences et commerces sont vandalisés.

Le dimanche, 1200 soldats de l’armée canadienne débarquent à la gare du Palais en soirée à la demande du Premier ministre du Canada, Robert Borden. L’armée prend en charge les opérations, alors que les troubles se poursuivent.

« On a tassé le général [Philippe-Joseph] Landry, responsable des militaires de la région de Québec, et on a dépêché François-Louis Lessard, d’Halifax, par train. Et ils ont amené 1200 soldats du Manitoba et de l’Ontario. Par train. Et le lundi, ils ont dit : “C’est terminé” », commente Jean Provencher.

François-Louis Lessard, le Canadien français le plus haut gradé de l’armée, répond à l’avocat anticonscriptionniste Armand La Vergne, qui défend les manifestants : « J’ai la force et je m’en sers ! » Ces mots, mis en évidence par Provencher, l’excellent narrateur.

Le Devoir commet la même erreur que La Presse. Il n’y aura finalement que quatre morts.

Lundi de Pâques, le 1er avril

Des affiches sont placardées à Québec : « Défense d’être plus que trois, de protester et défiler ». Le général François-Louis Lessard est un partisan de la ligne dure.

Un nouveau rassemblement est observé lundi soir à la place Jacques-Cartier. Un acte d’émeute est lu en anglais seulement. Le tramway ne circule plus.

Des soldats à cheval refoulent aussitôt les émeutiers vers le quartier Saint-Sauveur. Un brouillard se met également de la partie.

« On a entendu des coups de feu qui ne venaient pas des militaires. Mais on ne sait pas trop d’où ça venait. Les militaires commençaient à être sur les nerfs. Ils ont installé une mitrailleuse en plein milieu du carrefour. Plusieurs se sont sauvés dans les trois directions possibles », affirme Jean Provencher.

Puis, les soldats ont fait feu. Deux salves de mitrailleuse ont été tirées.

Parlez français !

Sur la foule, où l’on entendait crier « Parlez français ! », les soldats ont tiré, profitant après coup des mesures de guerre adoptées rétroactivement qui leur assureront l’impunité.

Le nombre de blessés est incertain. Des médias parlent d’au moins 70. Le nombre d’arrestations est aussi sujet à débat. Des journaux énumèrent l’identité de prisonniers et leur adresse civique.

Pour le coroner responsable de l’enquête, il est prouvé que les quatre victimes étaient des curieux qui ne participaient pas à l’émeute. Honoré Bergeron, un menuisier de 49 ans qui a perdu la vie, rentrait chez lui à 22 h 40. Le jeune Georges Demeule se trouvait aussi à la mauvaise place au mauvais moment.

Le petit gars, il était curieux aussi. Il avait 14 ans. Il avait envie de savoir. Pour une fois que ça brasse à Québec.
Jean Provencher, historien

Pas d’indemnisation

Au terme de son enquête, le coroner a demandé en vain une indemnisation pour les familles des victimes. Au lendemain de la fusillade, le climat est étrange à Québec. La loi martiale est décrétée.

« Si on te reconnaît en ville, on peut te faire comparaître. Il y a de la crainte dans l’air », ajoute l’historien.

Puis, la guerre prend fin en Europe. L’événement tombe progressivement dans l’oubli. « Pendant très longtemps, on n’a jamais parlé des émeutes de Québec. Jamais. Ni dans les manuels scolaires ni lorsque le 1er avril arrive. Même moi, j’ai suivi des cours d’histoire et on n’en parlait pas. Je suis resté tellement surpris quand je suis tombé sur l’enquête de 487 pages du coroner », conclut Jean Provencher.



Québec sous la Loi des mesures de guerre 1918
par Jean Provencher
paru chez Lux
à Montréal,
en 2014,
166 pages

Prix pour la meilleure étude sur les chameaux

Une académie des sciences offre un prix pour la meilleure étude sur les chameaux.

L'érudit français se rend au Jardin des Plantes, s'assoit sur un banc à côté des chameaux, observe les animaux pendant un après-midi et, ce soir-là, écrit un essai de réflexion intitulé « Le Chameau et moi ».

Une scientifique anglaise passe six mois à voyager à travers l'Arabie, où elle recueille d'abondantes
données et publications, dans Nature, "The Camel in Numbers" (« Le Chameau en chiffres »).

Pour sa part, un savant allemand a consacré deux années entouré d'une bibliothèque pour présenter l'étude de 400 pages « Der Begriff des Kamels » (« Le concept du chameau »).

Un universitaire américain, qui n'a jamais vu un vrai chameau de sa vie et qui n'a utilisé que des études de seconde main exclusivement écrites en anglais au cours des deux dernières décennies, a présenté un essai intitulé "Re-thinking and negociating the camel identity" (Repenser et négocier l'identité du chameau), expliquant que seuls les chameaux sont légitimes pour disserter sur le fait d'être un chameau.

Le gagnant devrait être annoncé le 1er avril l'année prochaine.