mardi 25 mars 2014

Les parents sont-ils capables de faire de bons choix ?

Chantal Delsol
Voici une tribune libre publiée par Chantal Delsol dans Le Figaro du 19 février 2014. Elle porte sur la question de l’aptitude des parents à faire des choix éducatifs pertinents pour leurs enfants. La philosophe y montre que « les systèmes politiques sont clivés à partir de la réponse à cette question, significative de toutes les autres. » Aucun parti politique démocratique n’ose prétendre que les parents, comme les autres citoyens, font globalement de mauvais choix électoraux.


Les parents sont-ils capables ?

Par Chantal Delsol, philosophe, historienne des idées politiques, et romancière française

Voilà la question : les parents sont-ils capables d’éduquer leurs enfants ? On peut dire que les systèmes politiques sont clivés à partir de la réponse à cette question, significative de toutes les autres. L’individu est-il capable, seul ou dans son groupe, de mener son propre destin (choisir son conjoint, éduquer ses enfants), et de mener le destin commun (choisir ses gouvernants) ? La démocratie parie que oui : qu’il est capable – car il ne s’agit pas de prétendre que tous sont également intelligents ou cultivés, mais que tous sont dotés de bon sens et de prudence, ce genre de décision n’étant pas une affaire de diplômes ! Les gouvernements autocratiques au contraire, jugeant les citoyens impropres et impuissants pour des tâches aussi complexes, se préoccupent de l’âge du mariage, du nombre d’enfants par famille, de l’éducation des enfants, et de tout ce qui chez les démocrates appartient à la sacro-sainte autonomie personnelle.

Aujourd’hui, ce principe essentiel se voit transgressé par un gouvernement qui hérite directement du socialisme réel. Cela se passe en France, pays de [17]93 [la Terreur révolutionnaire] et des échafauds. Si nos gouvernants pensent les familles incapables d’éduquer leurs propres enfants, c’est qu’ils les jugent trop conservatrices, trop peu avancées sur la voie du Progrès. Les enjeux de l’école sont spirituels, dit Vincent Peillon, et si on s’en désintéresse, « on laisse le monopole à l’Église, du côté de l’obscurantisme, de la conservation, voire de la réaction » (Cités 2012, n° 5). Nous avons rejoint le fil rouge de la grande Table rase : « N’imaginez pas de faire de bons républicains tant que vous isolerez dans leurs familles les enfants qui ne doivent appartenir qu’à la république », écrit Sade dans Français encore un effort si vous voulez être républicains. Comme l’a dit récemment une sénatrice, les enfants n’appartiennent pas à leur famille : comme cela est vrai ! les enfants n’« appartiennent » à personne, au sens propre du mot appartenir, au sens où ils ne sont la propriété d’aucun groupe, ni la famille, ni l’État, ni un autre, parce que ce sont des personnes libres dont nul n’a le droit de disposer. Cependant, ils sont confiés à la garde de leurs parents qui, après les avoir mis au monde, ont la charge de les aider à habiter le monde, ce qui est une tout autre affaire et ne se traite pas à coup de slogans.

Nous n’avons pas vécu nos siècles sous la férule des autocraties. Nous avons l’habitude, bon an mal an, de la liberté, et d’être considérés par nos gouvernants comme des gens capables. Pour ceux d’entre nous qui viennent d’ailleurs, ils trouvent en France cette idée de capacité plutôt joyeuse, en comparaison avec ce dont ils ont eu l’habitude ailleurs. C’est pourquoi la réaction de Farida Belghoul, quand elle regarde la gauche en face, est de dire : mais ces gens nous prennent pour des crétins ! Ils s’imaginent donc que nous ne sommes pas capables de savoir ce dont nos propres enfants ont besoin… Quand un paragraphe de la Ligne azur, conseillée aux jeunes adolescents, commence par « Dans une société où la norme est hétérosexuelle », croit-on que les familles sont assez stupides pour ne pas voir la manipulation des enfants, auxquels on veut faire croire que dans d’autres sociétés la norme serait homosexuelle, et que nous serions une sorte d’exception ?

Il y a une chose dont nous pouvons être sûrs. Un peuple peut accepter beaucoup de tracasseries et d’humiliations, et l’on n’a pas fini de se demander, depuis Tacite jusqu’à La Boétie et Simone Weil, pourquoi il semble si facilement se résigner à des oppressions ouvertes ou cachées. Mais ce qu’il accepte le moins, c’est de voir un Pouvoir prendre en main, à sa place, l’éducation de ses propres enfants. Et ce, d’autant plus lorsqu’il a été éduqué depuis longtemps à la démocratie, autrement dit, quand on l’a convaincu de sa propre capacité à s’occuper lui-même de ses propres affaires – à commencer par la transmission éducative. Un peuple de ce genre manifeste une lucidité certaine pour refuser de confondre la transmission avec le collectivisme, et si on vient lui raconter que l’enfant doit être éduqué par des circulaires ministérielles plutôt que par les conversations familiales autour du repas du soir, il prendra d’abord cela pour une (mauvaise) plaisanterie, puis, quand il verra que cela se trouve vraiment dans la tête du ministre, il retirera ses enfants de l’école en rétorquant : pourquoi pas les Balillas [jeunesses fascistes], tant que vous y êtes ? On peut être sûr que nombre de parents français sont prêts à se coucher sur les rails pour éviter cet affront qui consiste à voir les petits enfants réciter en chœur ce que les parents détestent au plus haut point….

Les écoles hors contrat fleuriront [La France a cette chance que ne connaît pas le Québec], et beaucoup préfèreront payer l’école deux fois, comme le font un certain nombre de musulmans à Montfermeil.

L’enfant n’a pas à être « arraché à tous les déterminismes, familial, éthique, social, intellectuel » : il ne pourra habiter le monde qu’à travers des déterminations (parce que les humains sont incarnés), et mieux vaut celles de sa famille que celles de l’État.

La Déclaration des droits de l’Homme stipule à l’article 26.3 : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». Il faut croire que les gouvernants français actuels se trouvent en grand décalage avec une Déclaration dont ils font par ailleurs un monument sacré. Bien davantage que ceux du socialisme réel, les Français sont les fils de la Déclaration.

Paru dans Le Figaro, 19 février 2014


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George Leroux (un des pères d'ECR) : L’État doit viser à déstabiliser les systèmes absolutistes de croyance des parents





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Loyola — Who owns our kids ?


In her 1991 lecture, “Who owns our kids?”, Canada’s Chief Justice Beverley McLachlin warned, “Despite the fact that we now have a constitutional guarantee of freedom of religion, the Canadian record offers no room for complacency. Our history underscores the ease with which the guarantee can be undermined in well-meaning efforts motivated by conflicting social goals.”

Her words ring true as much today as 23 years ago. On Monday, the Supreme Court of Canada will be asked to answer the very question McLachlin raised. The case before it exemplifies what she warned about: undermining religious freedom through social reconstruction by possibly well-meaning, though severely misguided, government bureaucracies.

The case is known as “the Loyola case.” Loyola is an independent “confessional Christian” Jesuit boys’ school in Montreal. In 2005, the Québec Ministry of Education introduced a new curriculum called Ethics and Religious Culture. In 2008, ERC became mandatory for all grades (except grade 9) in all public, private and even home schools.

The Québec ministry not only told all schools exactly what to teach (various types of religious clothing, different religious foods, etc.); the bureaucrats went much further. They insisted there is only one way to teach the program. It must be taught from a secular, “neutral” perspective. The confessional approach of the Jesuits was emphatically not allowed.

The stated purpose of ERC is to promote greater tolerance in Québec. In fact, the government of Québec has said that insisting on a secular approach was necessary because a confessional approach to a subject is not equivalent to a secular approach. In bureaucratic eyes, a confessional approach is inferior to a secular approach. The Court of Appeal affirmed this, declaring that because Loyola’s own World Religions course is confessionally Catholic, it could not be considered equivalent to the ERC program, which was designed to be religiously “neutral.”

Let’s not kid ourselves. Québec has its own religion: a secular humanism with a nationalist flare. Like all religions it also has commandments. Its first: thou shalt have no other gods before it. As a result, Québec demands other faiths be trivialized, sanitized, or eradicated.

We must understand the motivation of the state is not, and cannot be, neutral. It will always be religious. The question is not whether it will be religious or neutral, but which religion it will espouse.

So when the Court of Appeal found the ERC course was religiously “neutral”, and thus reasonable in its coercive approach, it chose to overrule the trial judge. He had ruled, based on extensive expert evidence, that “the obligation imposed on Loyola to teach the ERC course in a secular manner is totalitarian in nature.”

But the Court of Appeal favoured the ambitions of the Québec government, which stated that its program was better suited for promoting tolerance. Apparently, that tolerance goes only so far. Tolerance of the Roman Catholic or Christian world view seems … intolerable.

The state is becoming much more aggressive in assuming the role of parents. In B.C., Manitoba and Ontario, there are strong governmental pushes to usurp parental rights to educate and raise their own children. This struggle is by no means limited to la belle province.

Throughout Canada, education laws and policies are implemented yet parents aren’t consulted. They aren’t even mentioned in the laws. Parents who take time to make presentations to legislative committees are ignored. Perhaps, in the eyes of the state, parents just get in the way of progress, or worse, are just part of the problem.

It isn’t so. The state’s role in education is to ensure a certain quality of education is achieved. It ought to be interested in the ends (literacy, numeracy, civic competency, etc.), not the means parents choose. A comprehensive sociological study by Cardus, a Canadian think tank, found that independent religious schools are statistically a better means to the end: they produce graduates who are more invested in the common good, donating more, volunteering more and more civically engaged. Based on the social-scientific evidence, independent religious education contributes to and serves the common good. Québec’s pedagogical approach severely undercuts the very good work of independent religious education.

Continuing to recognize the legitimacy and integrity of confessional schools, as alternatives to state-run schools, is entirely appropriate — indeed necessary — within our pluralistic society. These schools have a right to exist. But their existence is undermined if they are then not permitted to teach from a confessional perspective in all courses.

No wonder so many parents are asking, “Who owns our kids?” Let’s pray the Supreme Court properly rebukes those state actors who think they do.

André Schutten, Hons. B. A., LL.B., LL.M., is a lawyer with the Association for Reformed Political Action (ARPA) Canada. ARPA built a coalition of 324 independent Christian schools from across the country, representing 70,000 students, 6,600 teachers and a broader supporting community of well over 250,000 Canadians. Together they are interveners at the Supreme Court of Canada in the Loyola case. Read the submission to the court at ARPACanada.ca













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Loyola High vs Minister of Education — Brian Liley is pessimistic


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