mardi 29 janvier 2008

L'État partage-t-il l'autorité parentale en matière d'éducation des enfants ?

Extraits du guide juridique sur l’objection de conscience concernant la matière scolaire d’« Éducation à la Citoyenneté » distribué à quatre millions de parents espagnols.

14 – L’État n’assure-t-il pas la tutelle des mineurs en matière d’éducation ?

Non. Du point de vue juridique, l’État n’exerce pas le droit de tutelle en ce qui a trait à l’éducation des enfants, car ce droit (qui est également un devoir) découle de l’inaliénable autorité parentale dont les parents ne peuvent être privés – comme nous l’avons dit plus haut – que par une décision de justice. Une fois que la raison invoquée pour cette suspension a disparu, l’autorité parentale revient à son propriétaire originel. C’est pourquoi l’article 170, § 2, du Code civil (espagnol) stipule que « le Tribunal pourra, dans l’intérêt et au bénéfice de l’enfant, restituer les droits parentaux quand la raison qui justifiait leur suspension ne s’appliquera plus. »

15 – Cela signifie-t-il que l’État n’a pas le droit d’intervenir dans l’éducation des mineurs ?

Le fait que l’État n’assure pas la tutelle du droit à l’éducation ne signifie pas qu’il ne puisse pas légitimement intervenir dans l’éducation des mineurs. Toutefois, cette intervention possède un caractère simplement :
  1. de promoteur, de fournisseur : l’État établit les conditions et mobilise les ressources nécessaires pour assurer un accès réel à l’éducation de manière égalitaire tout en respectant le choix d’établissement; il remédie aux inégalités dans le milieu scolaire, il assure la participation du corps enseignant et fournit une infrastructure éducative correcte qui permet un enseignement dans des conditions harmonieuses.
  2. de surveillant : l’article 12.2 de la Loi organique 1/1996 du 15 janvier, sur la protection juridique des mineurs, la modification d’une partie du Code civil et de la Loi de procédure civile permettent aux pouvoirs publics de veiller à ce que les parents, tuteurs et gardiens assument les responsabilités qui leur incombent tout en s’assurant de la collaboration du mineur et de sa famille sans ingérence dans sa vie scolaire, sociale ou professionnelle (article 15 de ladite Loi organique).
  3. d’assistance : l’État peut venir en aide aux parents quand ceux-ci ont besoin de celle-ci (article 154 du Code civil et de l'article 18.2 de la Convention de l'ONU sur les Droits de l'enfant). L’État doit également agir quand les parents n’assurent plus leurs devoirs parentaux et mettent ainsi le mineur à risque, ou dans les cas graves, dans un état de détresse. L’article 172.1 du Code civil nous renseigne sur ce qu’il faut comprendre par état de détresse (ou d’abandon) : « la situation qui résulte de l’inaccomplissement ou de l’impossibilité d’exercer pleinement le devoir de protection des mineurs stipulé par la Loi, quand ceux-ci sont privés de l'assistance morale ou matérielle nécessaire. Dans de tels cas, les pouvoirs publics compétents assumeront la tutelle du mineur abandonné en adoptant les mesures de protection adéquates tout en portant ce fait à la connaissance du Ministère public. » (article 18 de la Loi organique 1/1996, de du 15 janvier)
  4. d’organisateur/d’inspecteur /de sanction : l’État peut légitimement établir le cadre organisationnel de l’éducation en établissant la structure du système éducatif, le programme général d’enseignement (les matières, les secteurs de connaissance, la charge scolaire), le système d’évaluation, les conditions d’accès à chaque cycle, les qualifications minimales des enseignants, les équivalences de diplômes, les exonérations, le calendrier des cours, l’homologation des établissements privés et agréés, le système d’aides, de bourses et de subventions, le fonctionnement des cantines et des transports scolaires, etc. [Nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec cette série de pouvoirs concédés à l’État, car selon nous l’État ne doit ni avoir le monopole des programmes, ni ceux des diplômes ou des examens. L’État se cantonnant dans le rôle de surveillant : les enfants sont-ils visiblement éduqués et bien traités et un rôle d'assistant pour garantir les moyens, même aux plus pauvres, d'une éducation de qualité.]
Toutes ces compétences octroyées à l’État tirent leur légitimité dans la réalisation du bien public qui requiert, toutefois, le respect du droit fondamental des parents à éduquer leurs enfants. C'est pourquoi toute prétention qui consisterait à traiter l’État comme « cotuteur » dans l’éducation des mineurs sort du cadre constitutionnel. Il s'agit d'une proposition politique inacceptable qui nuit au droit fondamental des parents en matière d'éducation de leurs enfants.

Cette intrusion atteint son comble quand elle touche à l'éducation morale des enfants, droit inaliénable des parents explicitement reconnu dans l'article 27.3 de la Constitution et de manière unanime dans le Droit international (article 2 du Protocole à la Convention européenne des droits de l’Homme, l’article 14.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, l’article 13.3 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et de l’article 18.4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entre autres) qui ont force de loi en Espagne, car ceux-ci ont été transposés en droit espagnol.

16 – Que répondre quand on affirme que « les parents n'ont pas un droit absolu à choisir l'éducation de leurs enfants ? Est-ce que les droits des parents n'ont pas de limites ?

Il faut opérer une distinction entre le contour ou la portée d'un droit et les limites imposées à ce droit. Par définition les droits fondamentaux rentrent dans un certain cadre, c’est-à-dire un certain profil ou contour, qui détermine la nature et l’essence de leur contenu. Ainsi, quand nous parlons du droit de propriété, il est clair que la propriété doit prendre forme dans un bien concret et précis (ou du moins que l’on peut préciser) ce qui en l’occurrence délimite ce droit.

Dans certains cas, le contour (la portée) du droit peut se voir, en outre, restreint ou partiellement sacrifié pour autant qu’on respecte des conditions précises :
  1. qu’une loi autorise le pouvoir public à agir de la sorte;
  2. que les mesures restrictives soient nécessaires pour atteindre l’objectif stipulé;
  3. qu’il y ait proportionnalité entre toute perte de droit et la situation dans laquelle se trouve celui auquel on l’impose et que, dans tous les cas, on respecte l’essence du droit. On appelle cette restriction les limites d’un droit.
C’est ainsi que la liberté de circulation peut être limitée de façon temporaire dans une rue où se tient une manifestation. Cette limitation externe est légitime dans ce cas-ci, mais elle ne le serait plus si l’interdiction n’était pas justifiée ou si elle s’étendait au-delà du temps nécessaire.

Alors que la portée est naturelle en matière de lois, les limitations ont un caractère externe qu’il faut préciser explicitement. Elles doivent, en outre, être soumises à des conditions de légalité. Ceux qui affirment que les parents ne détiennent pas un droit absolu à l’éducation de leurs enfants, pour justifier un prétendu droit de l’État à l’éducation de ces enfants, confondent, de manière intéressée, la portée ou le cadre d’un droit et les restrictions qu’on lui impose. En effet, ils se fondent sur le fait – indéniable par définition – que le droit à l’éducation s’inscrit dans un cadre délimité pour en déduire des restrictions inacceptables et illégales qui supposent la cession de ce droit à l’État, lequel devient ainsi cotuteur du droit à l’éducation.

Les parents sont les seuls détenteurs du droit à l’éducation de leurs enfants, plus particulièrement dans le domaine de la morale et de la religion. Il revient, en revanche, à l’État de s’assurer que les parents aient les moyens d’exercer leur droit en toute liberté, comme le stipule l'article 9.2 de la Constitution : « Il incombe aux pouvoirs publics de créer les conditions pour que la liberté et l’égalité de la personne et des groupes dans lesquels elle s’intègre soient réelles et effectives, de supprimer les obstacles qui empêchent ou entravent leur plein épanouissement (...) »

C’est pourquoi il existe, par exemple, des accords entre l’État et les collèges privés dont l’objectif est de permettre le libre choix d’établissement par les parents et d’empêcher que des raisons économiques n’empêchent l’exercice de ladite liberté.

Le fait que l’État doive s’abstenir de tout endoctrinement (selon la jurisprudence du Tribunal constitutionnel et du Tribunal européen des droits de l’Homme) signifie, précisément, qu’il n'a aucune légitimité pour transmettre ou prendre toute action qui viserait à transmettre une idéologie particulière, alors qu’il en existe d’autres possibles et aussi légitimes en démocratie. C’est ainsi qu’il est légitime en démocratie de défendre le laïcisme (la séparation radicale de l’État et de l’Église et la relégation de la religion dans la sphère privée), mais une saine laïcité ne l’est pas moins (relation et coopération de l’Église et de l’État dans un respect mutuel des compétences propres de chacune des parties et la présence de la religion dans l'espace public en tant qu’expression de liberté sociale). De même, le droit espagnol dépénalise l’avortement sous trois conditions, mais c’est afficher un parti-pris idéologique que d’enseigner que l’avortement est moralement acceptable, y compris dans ces conditions.

Ce n’est que dans les cas extrêmes (refus patent de la part des parents d’éduquer leurs enfants, mauvais traitements, etc.) que l’État intervient, car alors il se peut que ces actes engagent de surcroît la responsabilité pénale des parents. Mais, encore une fois, l’État n’agit pas tant en vertu d’un droit, mais comme un auxiliaire qui assure le devoir de protection de l’enfant en état de détresse.

Petites excuses publiques de Radio Canada

Radio Canada a diffusé ce matin de courtes excuses publiques pour l'emploi inapproprié de l'expression « les plus intégristes » dans un reportage au cours duquel la radio d'État a qualifié de la sorte les catholiques en majorité opposés au nouveau cours d'Éthique et de culture religieuse imposé par le Monopole de l'Éducation.

Radio Canada ne s'est pas excusé pour le caractère partial du reste du reportage, préférant une nouvelle fois passer sous silence le fait qu'une forte majorité des Québécois veut un choix en matière d'enseignement de la morale (de l'éthique) ou de la religion (57 %).