jeudi 6 novembre 2014

École clandestine « où 22 jeunes filles y recevraient l'enseignement de travaux ménagers »

Agnès Maltais
Propos ahurissants de Mme Agnès Maltais (Parti québécois) qui accusait ce matin à l’Assemblée nationale le gouvernement de complaisance envers une école « illégale » qui apprend « le ménage, le lavage, le tissage, à l’école, au lieu d’apprendre les sciences, les mathématiques, le français ». L’Agence QMI (Québécor) parle d’école « clandestine ».

Reprenons ses paroles tirées du Journal des débats :

Mme Maltais : Au moins une école illégale utilise déjà l’échappatoire du ministre de l’Éducation [Note du carnet : l'école à la maison] pour ne pas enseigner le programme obligatoire du Québec. Dans La Presse du 11 juin dernier, concernant l’école mennonite de Roxton Falls, on peut lire ceci : « Ignorant notre métier de journaliste, l’un des enseignants nous a informés que 22 [jeunes filles] fréquentaient l’école et qu’auprès du ministère ils étaient en fait enregistrés comme faisant l’école à la maison. [...] Selon nos informations, l’école privilégierait l’enseignement des travaux ménagers. »

La ministre de la Condition féminine peut-elle nous dire si elle savait que ces 22 jeunes filles apprennent le ménage, le lavage, le tissage, à l’école, au lieu d’apprendre les sciences, les mathématiques, le français ? Va-t-elle intervenir ? Est-ce que l’obscurantisme et le sexisme sont maintenant la formation de base dans nos écoles du Québec ? Puisque l’avenir de ces 22 jeunes filles n’est pas important pour le ministre de l’Éducation, est-ce que la ministre de la Condition féminine va se lever ? Qu’est-ce qu’elle va faire pour arrêter cela ?

[Réponse langue de bois du ministre Bolduc : un « comité interministériel » a été mis en place « pour arriver avec des solutions structurantes ».]

Mme Maltais : C’est parce que maintenant que le gouvernement libéral a créé un précédent et légalise les écoles illégales c’est un bar ouvert en éducation pour les extrémistes religieux.

Si le ministre de l’Éducation refuse de protéger les garçons de l’école Yeshiva Torath [sic] Moishe [sic], est-ce que la ministre de l’Éducation... la ministre de la Condition féminine va protéger les jeunes filles de l’école mennonite ? C’est ça, la question. Maintenant que la recette est connue et avalisée par le gouvernement, est-ce qu’on ne réalise pas qu’on ouvre la porte aux écoles intégristes ?

[Réponse du ministre M. Bolduc : soyez tolérante Mme Maltais, un comité interministériel a été mis en place, etc.]

Mme Maltais : M. le Président, le ministre a accepté de rendre légal le fait que le jour à l’école les garçons et les filles n’apprennent pas les notions de base, mais qu’on apprenne des concepts qui sont liés au sexisme et à l’obscurantisme. C’est de ça dont [sic] je parle. Et on se fie que le soir, à la maison, des parents qui parlent seulement anglais vont enseigner le français, que des parents qui croient au créationnisme vont aller enseigner les sciences. C’est ça qui est le problème, ce n’est pas : On est contre, contre...

Tout tourne autour de cette affirmation : « La ministre de la Condition féminine peut-elle nous dire si elle savait que ces 22 jeunes filles apprennent le ménage, le lavage, le tissage, à l’école, au lieu d’apprendre les sciences, les mathématiques, le français ? »

Or :
  • Il n’y a pas 22 jeunes filles, mais 22 élèves (l’an passé) ;
  • les jeunes filles (comme les jeunes garçons) mennonites apprennent notamment l’anglais, les sciences, les mathématiques, l’histoire et un peu de français (c’est principalement une école primaire) ;
  • les élèves de l’école mennonite de Roxton Falls passent chaque année plusieurs jours à effectuer des examens à la commission scolaire pour vérifier leur acquis scolaire ;
  • les jeunes filles n’y apprennent que fort peu le ménage et à notre connaissance pas du tout le tissage, ces activités d’économie ménagère sont données en fin de journée (après les classes !) les vendredis pendant quelques semaines de l’année en alternance avec des classes d’artisanat (pour garçons et filles) ;
  • la journaliste d’où est tirée cette rumeur aurait dû demander ouvertement ce qu’apprenaient les enfants ou assister à des classes plutôt que de se fonder elle-même sur un racontar (« Selon nos informations, ») ;
  • l’intrépide journaliste avait feint d’avoir récemment déménagé dans le village pour entamer sa dangereuse enquête auprès de ces scrupuleux pacifistes que sont les mennonites, lesquels n’avaient rien à cacher, elle aurait mieux fait de se renseigner ouvertement ;
  • l’école n’est pas clandestine, les mennonites ont même invité le ministre Bolduc à leur rendre visite pour justement abattre certains préjugés ;
  • reste une chose vraie : des enfants mennonites reçoivent des cours dans des matières de base du programme de la part de tuteurs dans un bâtiment qui leur sert de centre d’étude. 

On est loin des fantasmes et des préjugés hystériques de Mme Agnès Maltais qui devrait vérifier les rumeurs des journalistes avant de les prendre pour argent comptant et de s’insurger ainsi en pleine chambre sur la base d’on-dit. Et cela de la part d'une ancienne ministre à trois reprises !

Quant à cette objection : « Et on se fie que [...] des parents qui parlent seulement anglais vont enseigner le français, que des parents qui croient au créationnisme vont aller enseigner les sciences. C’est ça qui est le problème, ce n’est pas : On est contre, contre... » Cette objection s’applique à tous les parents qui font « l’école à la maison ». D’une part, les sciences c’est nettement plus que la théorie de l’évolution : c’est la chimie, la physique, la biologie, la mécanique, l’électricité, l’optique, la génétique, etc. D’autre part, doit-on comprendre que Mme Maltais voudrait limiter le droit de tous les parents à éduquer leurs enfants à la maison ou que ces parents doivent affirmer ne pas être créationnistes pour pouvoir le faire ?

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