mercredi 31 août 2022

La population mondiale pourrait (peut-être) diminuer de moitié d'ici à 2100

Au rythme actuel de baisse du taux de fécondité, la population mondiale pourrait être diminuée de moitié à la fin du siècle à un peu plus de 4 milliards d’habitants. Le pic pourrait être atteint au milieu du siècle avant un déclin certain. L’Europe se verrait amputer de 400 millions d’habitants en quelque 80 années.

Le nombre d’êtres humains en passe d’atteindre les 8 milliards à l’automne prochain, selon les dernières prévisions des Nations unies, risque de s’effondrer avant la fin du siècle. C’est du moins la thèse défendue par James Pomeroy, économiste chez HSBC, dans une étude parue le 22 août. « La probabilité que la taille de la population mondiale commence à se réduire dans les vingt prochaines années est bien plus élevée que ce que nous avions prévu initialement », avance-t-il.


À ses yeux, les prédictions des Nations unies selon lesquelles la population mondiale devrait atteindre un pic vers les années 2080 ne collent pas à la réalité. Le pic pourrait être atteint bien avant. Aux alentours de 2043. Pourquoi ? Parce que le taux de fécondité, en net recul, réduit significativement le nombre de naissances dans le contexte d’une population déjà vieillissante.

Chute de la fertilité

En juillet dernier, l’ONU constatait qu’en 2021, la fécondité moyenne de la population mondiale était de 2,3 naissances par femme au cours de sa vie. Elle était de 5 dans les années 1950. Pour l’ONU, elle devrait encore baisser d’ici à 2050 pour atteindre 2,1, soit le taux qui permet de stabiliser la population. Mais selon la tendance récente observée, le recul pourrait être plus important et plus rapide.


 

Le déclin de la population mondiale arrive à grands pas

Une première alerte avait été donnée en 2019 par deux auteurs canadiens, Darrell Bricker et John Ibbitson, dans leur ouvrage « Empty Planet: the shock of global population decline ». Ils y soutenaient que le vieillissement et la faible fécondité entraîneraient des changements massifs dans la population humaine, et plus tôt que nous ne le pensons. James Pomeroy les rejoint.

Pour lui, la population mondiale pourrait comptabiliser seulement un peu plus de 4 milliards d’êtres humains d’ici à la fin du siècle.

De multiples raisons expliquent la baisse du taux de fécondité. L’intégration des femmes dans le marché de l’emploi retarde l’âge auquel elles ont leur premier enfant. La hausse des prix de l’immobilier dans les pays riches limite d’autant le développement d’une famille nombreuse pour des raisons de coûts trop élevés. Le développement de l’éducation et le meilleur accès aux soins et aux pratiques contraceptives jouent également un rôle dans le fait que les familles font moins d’enfants, souligne l’étude de HSBC. La crise du Covid-19 n’a fait qu’accentuer la tendance à la baisse du nombre de naissances.


 

Dynamisme africain

Bien évidemment, tous les pays ne logent pas à la même enseigne. « Le recul du taux de fécondité est global mais pour certains pays, à l’instar de ceux d’Afrique subsaharienne et d’Asie [du Sud], le niveau, bien qu’en recul, permet une poursuite de la croissance de la population », précise James Pomeroy.

En clair, la part de l’Afrique dans la population mondiale va se renforcer avec un nombre élevé de jeunes qu’il va falloir intégrer dans le monde du travail, sur place ou dans les pays développés ou émergents en manque de main-d’œuvre. Les pays développés et certains pays émergents sont loin d’être dans le même cas. À Hong Kong, à Singapour, en Corée du Sud et à Taïwan, l’actuel taux de fécondité permet de prédire une division par deux de leur population d’ici à la fin du siècle. La Chine n’est pas loin de les rejoindre.

L’Europe réduite de moitié

En Europe, « au rythme où vont les choses, la population aura diminué de moitié avant 2070, le continent risquant de perdre 400 millions d’habitants d’ici à 2100 ». De même, en prolongeant la tendance actuelle, la population indienne grimperait à 1,54 milliard d’habitants en 2050 tandis que la Chine verrait la sienne reculer à 1,17 milliard. La France compterait alors 62,3 millions d’habitants et l’Allemagne 70,3 millions.

Si certains gouvernements ont mis en place des politiques visant à relever la fécondité du pays, James Pomeroy croit qu’elles sont « inefficaces ». On peut juste évoquer, selon lui, dans certains cas comme dans les pays scandinaves, un frein à la baisse du taux de fécondité. Le recul du nombre d’habitants pourrait-il être inéluctable ? Rien n’est inscrit dans le marbre.

Source : Les Échos


mardi 30 août 2022

Rome ou Babel : pour un christianisme universel et enraciné

À l'heure des migrations de masse, des pandémies mondiales, du réchauffement planétaire et des multinationales omnipotentes, la notion d'enracinement semble vouée à la ringardise. Pour beaucoup de chrétiens, elle paraît s'opposer de plus en plus à l'impératif de fraternité universelle. L'idée s'impose qu'il faudrait choisir entre la patrie du ciel et la patrie terrestre, qu'il serait urgent de dépasser les frontières pour réaliser l'unité du genre humain. L'universalisme semble n'être plus qu'un autre nom du mondialisme.

Pour Laurent Dandrieu, cette vision est en contradiction avec l'essence même du catholicisme, religion de l'incarnation. Une contradiction aussi avec l'idée même d'universalisme chrétien, unité spirituelle qui a toujours marché main dans la main avec l'attachement de l'Église à la diversité des peuples et des cultures.

À contre-courant des oppositions binaires, l'auteur renouvelle de fond en comble le sujet, appuyé sur un imposant travail de recherche et une analyse précise des textes catholiques. Ouvrant un débat vital pour l'avenir du christianisme, il défend l'idée qu'en oubliant l'esprit de la Pentecôte au profit de son exact contraire qu'est la tentation de Babel, l'Église prêterait la main à son pire ennemi, ce mondialisme qui vise à arracher l'homme à tous ses liens, culturels, historiques, humains et religieux.

Appel vibrant à un renouveau catholique, Rome ou Babel trace une ligne de crête exigeante : la voie étroite qui mène à Dieu passe par une contribution singulière et enracinée à la civilisation chrétienne.

« Un ouvrage essentiel, d'une exceptionnelle richesse. » (Mathieu Bock-Côté)

Laurent Dandrieu est essayiste et journaliste. Il est l'auteur d'une dizaine de livres sur les questions religieuses, le cinéma ou l'histoire de l'art.

Rome ou Babel
Pour un christianisme universaliste et enraciné
par Laurent Dandrieu
préface de Mathieu Bock-Côté (Préface)
aux éditions Artège
à Perpignan
Date de parution : 14/IX/2022
400 pp.
EAN : 9791033612971


dimanche 28 août 2022

Rebond de la natalité juive en Israël

L’hebdomadaire britannique « The Economist » a publié une explication en chiffres sur les changements survenus dans le taux de natalité en Israël pour les Arabes et les Juifs, et l’effet de cela sur la nature démographique du pays.

Si une Israélienne a moins de trois enfants, elle a l’impression qu’elle doit une explication à tout le monde, ou des excuses. C’est en tout cas le point de vue d’un grand démographe israélien. Lorsqu’elle visite Londres, elle est frappée par la pénurie de magasins de jouets. Les Israéliens ont beaucoup plus d’enfants que leurs homologues ailleurs dans le monde riche. Alors que la femme israélienne moyenne en a 2,9, ses homologues britanniques et françaises en ont respectivement 1,6 et 1,8.

La natalité des Juifs israéliens est élevée, pourquoi ?

Les données incluses dans le rapport indiquent une similitude dans les taux de natalité des Juifs et des Arabes après la baisse du taux de natalité arabe au cours des dernières décennies.

Le magazine indique que chaque femme israélienne a en moyenne 2,9 enfants, ce qui est supérieur à des pays comme la France (1,8) et la Grande-Bretagne (1,6).

Il y a actuellement 9,5 millions de personnes vivant en Israël, avec les Arabes, dont la plupart sont musulmans, environ 21 % et les Juifs environ 74 %. Si les habitants de Gaza et de Judée Samarie sont également pris en compte, alors le rapport entre Juifs et Arabes sera presque moitié-moitié.

Les projections démographiques indiquaient que le nombre d’Arabes vivant entre le Jourdain et la mer Méditerranée finirait par dépasser le nombre de Juifs, ce qui inquiétait Benjamin Netanyahou avant qu’il ne devienne Premier ministre. En 2003, Netanyahou a déploré que le taux de natalité chez les Arabes israéliens, qui était beaucoup plus élevé, menace la communauté juive israélienne, quelle que soit la tendance en Cisjordanie et à Gaza.

À cette époque, il y avait déjà un grand écart démographique : en Israël même, les femmes arabes donnaient naissance à près de deux fois plus d’enfants en moyenne que les femmes juives.

Mais cet écart a disparu au cours des dernières décennies, lorsque le taux de natalité des Arabes israéliens a diminué, tandis que le taux de natalité des Juifs israéliens a augmenté.

En 1960, le taux de fécondité des Arabes israéliens était de 9,3 et au cours des 35 années suivantes, il a chuté de près de moitié, à 4,7, avant de tomber maintenant à 3,0. Le taux de natalité des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie a également diminué, passant de 4,6 en 2003. à 3,8 en 2019.

Entre 1960 et 1990, le taux de fécondité parmi les Juifs israéliens est passé de 3,4 à 2,6, mais la tendance a commencé à s’inverser et le taux de natalité est passé au niveau actuel de 3,1.

La raison de cette augmentation provient presque entièrement du nombre croissant de Haredim (orthodoxes) en Israël, dont le taux de fécondité est de 6,6, plus du double de la moyenne nationale et trois fois le taux des Juifs laïcs.

En conséquence, la proportion d’ultra-orthodoxes dans la population israélienne double plus ou moins à chaque génération, selon Dan Ben David, économiste à l’Université de Tel-Aviv.

Bien que les ultra-orthodoxes ne représentent que 13 % de la population, leurs descendants représentent 19 % du nombre d’enfants israéliens de moins de 14 ans et 24 % des enfants de moins de quatre ans.

Le Bureau israélien des statistiques estime que compte tenu des tendances actuelles, la moitié des enfants israéliens seront ultra-orthodoxes d’ici 2065. The Economist dit que la convergence des taux de natalité, entre Juifs israéliens et Arabes, indique que la démographie « sera beaucoup moins critique » que ne le craignaient les Israéliens et les nationalistes palestiniens, puisqu’aucune communauté ne devrait surpasser l’autre.

Voir aussi 

Les plus religieux hériteront-ils de la Terre ?

La population amish a augmenté de 110 % depuis 2000

 

vendredi 26 août 2022

Le grand bouleversement démographique allemand

En 2021, 22,3 millions de personnes et donc 27,2 % de la population allemande étaient issues de l’immigration. Cela correspond à une augmentation de 2,0 % par rapport à l’année précédente (2020 : 21,9 millions). Selon la définition utilisée ici, une personne est issue de l’immigration si elle-même ou au moins un parent n’est pas né avec la nationalité allemande.

En 2021, 53 % de la population issue de l’immigration (près de 11,8 millions de personnes) avaient la nationalité allemande et un bon 47 % avait la nationalité étrangère (près de 10,6 millions de personnes). L’écrasante majorité de la population étrangère issue de l’immigration a elle-même immigré (84 %), parmi les Allemands issus de l’immigration, elle n’était que de 43 %.

Plus de la moitié des 11,8 millions d’Allemands issus de l’immigration ont la nationalité allemande depuis leur naissance (54 %). On peut être issu de l’immigration parce qu’au moins un de ses parents est étranger, naturalisé, allemand par adoption ou rapatrié (tardivement) principalement de Russie. 23 % sont venus eux-mêmes en Allemagne en tant que réinstallés (tardifs), 22 % sont naturalisés et environ 1 % ont la nationalité allemande par adoption.

Migrants principalement issus d’Europe

Près des deux tiers (62 %) de toutes les personnes issues de l’immigration sont des immigrés d’un autre pays européen ou leurs descendants. Cela équivaut à 13,9 millions de personnes, dont 7,5 millions ont des racines dans d’autres États membres de l’Union européenne. La deuxième région d’origine la plus importante est l’Asie. Les 5,1 millions de migrants venus d’Asie et leurs descendants représentent 23 % des personnes issues de l’immigration, dont 3,5 millions ayant des liens avec le Moyen-Orient. Près de 1,1 million de personnes (5 %) ont des racines en Afrique. Un autre 0,7 million de personnes (3 %) sont des immigrants et leurs descendants d’Amérique du Nord, centrale et du Sud et d’Australie.

Les principaux pays d’origine sont la Turquie (12 %), suivie de la Pologne (10 %), de la Fédération de Russie (6 %), du Kazakhstan (6 %) — souvent des Allemands ethniques rapatriées dans les années 1990-2000  - et de la Syrie (5 %). Seul 1 % ou 308 000 des personnes issues de l’immigration vivant en Allemagne en 2021 étaient originaires d’Ukraine, la grande majorité (82 %) ayant immigré elles-mêmes et ayant vécu en Allemagne pendant 19 ans en moyenne. En raison de la récente immigration de réfugiés, le nombre de personnes issues de l’immigration ukrainienne pourrait augmenter considérablement à l’avenir.

Près de la moitié des personnes issues de l’immigration parlent principalement l’allemand à la maison

Sur les 22,3 millions de personnes issues de l’immigration, 7,2 millions (32 %) parlent exclusivement l’allemand à la maison et 3,1 millions (14 %) principalement. Cela correspond à près de la moitié (46 %) de toutes les personnes issues de l’immigration. Outre l’allemand, les langues les plus parlées sont le turc (8 %), suivi du russe (7 %) et de l’arabe (5 %).

Près de la moitié (49 %) de toutes les personnes issues de l’immigration sont multilingues et parlent à la fois l’allemand et (au moins) une autre langue à la maison. Cela ne s’applique qu’à 2 % des personnes non issues de l’immigration.

 
AnnéePopulation
totale
De souche Issu de
l’immigration
2005 80 52 8 66 10 6 14 421
200 9 79 66 3 64 66 4 14 999
201 3 79 68 3 63 13 7 16 546
201 7 81 74 0 61 44 3 20 297
201 8 81 61 3 60 81 4 20 799
201 9 81 84 8 60 60 3 21 246
202 0 81 86 1 59 97 6 21 885
202 1 81 87 5 59 56 5 22 311

Source : DeStatis

jeudi 25 août 2022

Canular ? Une collégienne australienne s'identifierait à un chat, l'école la soutiendrait

Une école secondaire privée de Melbourne soutient le choix d’une élève « non verbale » de s’identifier à un chat, aurait révélé une source proche de la famille. Un élève non verbal ne parle pas ou a des difficultés à se faire comprendre ou à percevoir les intentions des autres. C’est le cas notamment des enfants autistes ou atteints de déficience intellectuelle.

Le Herald Sun rapporte que l’enfant « phénoménalement brillant » a été autorisé à assumer l’identité et le comportement lié à la sous-culture « des animaux à fourrure » adoptée par certains cercles d’adolescents.


 

« Personne ne semble avoir de protocole pour les élèves s’identifiant comme des animaux, mais l’approche a été que si cela ne perturbe pas l’école, tout le monde est solidaire », a déclaré une source proche de la famille.

« Le comportement est en train de se normaliser. Maintenant, de plus en plus de gens s’identifient à tout ce à quoi ils veulent s’identifier, y compris les chats ou les chiens. »

Bien que l’école n’ait pas confirmé la présence de la jeune fille, elle a déclaré que sa stratégie de santé mentale « s’adapte toujours à l’élève et prendra en compte les conseils professionnels et le bien-être de l’élève ».

Plus tôt cette année, dans le Michigan, un État du Midwest américain, une école a été forcée de démentir les affirmations selon lesquelles elle avait mis en place une « litière pour les enfants qui s’identifient comme des chats ». Ceci en réponse à un parent inquiet qui avait fustigé l’école lors d’un forum scolaire.

« Je suis tout à fait pour la créativité et l’imagination, mais quand quelqu’un vit dans un monde imaginaire et s’attend à ce que les autres l’acceptent, j’ai un problème avec ça », a déclaré un parent inquiet à l’époque, qui définissait les « animaux à fourrure » comme quelqu’un qui s’identifie comme un « chat ou un chien, peu importe ».

En réponse, le surintendant des Midland Public Schools, près de Detroit, Michael E. Sharrow avait déclaré qu’il n’y avait « aucune once de vérité à cette fausse déclaration/accusation ! ».

Les incidents ci-dessus surviennent alors que certains adolescents de la génération Z ont adopté la sous-culture des animaux à fourrure. Les membres de cette sous-culture anthropomorphisent les animaux et leur attribuent des caractéristiques humaines.


mardi 23 août 2022

Novlangue — « diversité linguistique »

Diversité linguistique [croissante] : déclin du français au Québec.

Exemples :  « La diversité linguistique ne doit pas être assimilée au déclin du français » (The Gazette of Montreal)

« Alors que le français et l'anglais demeurent les principales langues parlées au Canada, la diversité linguistique continue de s'accroître au pays » (Statistiques Canada) [Selon les chiffres mêmes de Statistiques Canada : l'anglais a augmenté de 74,8 % en 2016 à 75,5 % en 2021 alors que le français a diminué de 2016 (22,2 %) à 2021 (21,4 %).

Voir aussi

Orwell dans l’Allemagne de 2022 : L’obligation aboutit au volontariat   
  
 

Le charabia de la Fédération des femmes du Québec

Humour — Manuela retourne à l’école

Ne dites plus… parlez pédagogiste…

Novlangue du jour : « fragilité blanche »

Novlangue : « dialoguer », « appropriation culturelle » et « ouvrir une discussion sur le privilège blanc »

Novlangue : « offrir » à tous les élèves et « avoir droit » à la place de « imposer » et « être obligé »

Novlangue : « Interruption volontaire de vie, sans demande du patient »

Novlangue — « migrant » le mot amalgame

Remplacement du mot « principes » par celui de « valeurs »

Novlangue — Exit les immigrants illégaux, fini les sans-papiers, désormais c’est migrant au statut précaire

Novlangue : « implanter des mesures d’appui au vivre ensemble »

Novlangue — « au centre d’une confrontation » 

Novlangue : afrodescendant Parlez-vous le français socialiste ?

Sélection novlangue de la semaine (en construction)

Sélection novlangue de la semaine (2)

Novlangue au Monopole : le mot athée désormais tabou

Ne dites plus… parlez pédagogiste…

Lexique du Plateau

Novlangue — OQLF prescrit « action positive » plutôt que « discrimination positive »

  
 
 
 
 

Campagne publicitaire (subventionnée) de l'homme « enceint » dénoncée par des féministes

Le planning familial, une association féministe française (publiquement subventionnée), met de l’avant cette publicité, qui suscite une vive controverse.

Dans une lettre ouverte adressée à la Première ministre française, Élisabeth Borne, Marguerite Stern, militante féministe à l’origine du mouvement « Collages féminicides », et Dora Moutot, auteure, analysent la dérive idéologique de cette association.  Elles écrivent « Nous voulons néanmoins attirer votre attention sur les dérives de cette institution. La polémique récente au sujet du Planning familial se base sur le visuel ci-dessous, sur lequel on peut voir un “homme enceint”, c’est-à-dire une femme (femelle) transidentifié.  Cette affiche n’est pas un hasard. Elle reprend un vocabulaire utilisé par les militants transactivistes. Sa publication est donc l’occasion de vous alerter sur les problématiques que soulève l’idéologie transactiviste qui est en train de parasiter cette institution. »

Réagissant à la campagne de communication du Planning familial mettant en scène un « homme enceint », l’historienne et féministe Marie-Jo Bonnet dénonce une destruction des combats féministes par une « idéologie transhumaniste ».

 

Dans un communiqué, le Planning associe ensuite sans surprise ses critiques à… « l’extrême droite ».

Voir aussi 

BBC : six hommes blancs d’Oxford ne peuvent-ils plus faire un spectacle comique ? (rediff) [« Je ne veux plus être un mâle blanc, je ne veux plus qu’on me reproche tout ce qui ne tourne pas rond dans le monde : maintenant, je dis aux gens que je suis une lesbienne noire. Je m’appelle Loretta (voir vidéo ci-dessous), je suis une LNT, une lesbienne noire en transition. »] 

La couleur du pouce en l’air (était L’Homme enceint d’Unicode et Apple)

Émojis : le drapeau trans (mais pas de drapeau du Québec), un Père Noël asexué 

Transsexuelle « homme aujourd’hui » allaite en public et est « enceint »  

Universités : après le mot « nègre » devenu tabou, le bannissement de « femme » et « homme » pour transphobie ? 

Explosion de jeunes ados qui se disent « transgenres » à l’école… Épidémie psychologique à la mode ? 

Garçon gardé par un couple de lesbiennes subit un traitement hormonal pour bloquer sa puberté  

Théorie du genre — les fauteurs de trouble de la gauche woke

Norvège — féministe risque 3 ans de prison pour avoir dit qu’un homme ne peut être lesbienne

lundi 22 août 2022

BBC : six hommes blancs d’Oxford ne peuvent-ils plus faire un spectacle comique ? (rediff)

Suite à Actrice noire joue Marguerite d’Anjou : nécessaire diversité, chants d’esclaves chantés par une blanche : horrible appropriation culturelle

Les questions liées à la représentation de la diversité à l’écran agitent un peu plus chaque jour le monde occidental. Au risque d’agacer certains artistes… comme Terry Gilliam.

Parmi les membres les plus illustres des Monty Pythons, Terry Gilliam, qui a fraîchement réalisé L’Homme qui tua Don Quichotte, est en outre devenu un cinéaste émérite et adulé. Pour autant, il vit l’importance actuelle prise par les questions de représentativité comme une souffrance.

Ainsi, la BBC a annoncé durant le mois de juin qu’elle allait commander un tout nouveau programme comique à l’artiste. Une nouvelle qui réjouira les amateurs de son humour déjanté et gentiment absurde. Sauf que parallèlement, l’employé de la BBC en charge du contrôle des comédies, Shane Allen, s’est fendu d’un commentaire assez malvenu.

[...]

Si vous rassemblez une équipe aujourd’hui, ce ne sera pas six types blancs d’Oxford. Ce sera une collection de gens variés qui représentent le monde actuel.

Alors en conférence de presse du côté du Festival de Karlovy Vary (Carlsbad), Terry Gilliam ne s’est pas fait attendre et a répondu, avec humour et émotion.
J’en ai pleuré : l’idée que… six hommes blancs d’Oxford ne puissent plus faire un spectacle comique. À présent il nous faut un peu de ceci, un peu de cela, représenter tout le monde… C’est de la connerie.

Je ne veux plus être un mâle blanc, je ne veux plus qu’on me reproche tout ce qui ne tourne pas rond dans le monde : maintenant, je dis aux gens que je suis une lesbienne noire. Je m’appelle Loretta (voir vidéo ci-dessous), je suis une LNT, une lesbienne noire en transition.

Les Monty Pythons avaient prophétiquement prévu en 1979 ce qui agiterait notre époque (les « droits » LGBTQQIP2SAA+, ici le droit des hommes qui se disent femmes à avoir des enfants et à nier la réalité biologique) :






Source : Écran large

dimanche 21 août 2022

21 août 1758 — Ordre anglais de tout détruire dans la Baie de Gaspé

Le 21 août 1758, James Wolfe reçoit l’ordre de se rendre dans la Baie de Gaspé et de tout détruire. Le 11 septembre, c’est chose faite. Désertée par la plupart de ses habitants, Gaspé est réduite en cendre. Tous les bateaux, entrepôts, filets et poissons séchés sont brûlés par Wolfe et ses hommes. Désireux d’en finir une fois pour toute avec les Canadiens, Wolfe aurait voulu que l’armée britannique attaque Québec dès 1758.

En route vers Québec le printemps suivant, James Wolfe ne cache pas son aversion pour les Français établis en Nouvelle-France. « J’aurai plaisir, je l’avoue, à voir la vermine canadienne saccagée, pillée et justement rétribuée de ses cruautés inouïes », écrit-il à un correspondant. Il fait référence aux victoires franco-canadiennes des années précédentes, insupportables pour ce Britannique convaincu de la supériorité de sa civilisation. « Si nous jugions peu probable que Québec tombe entre nos mains, écrit-il à Amherst le 6 mars 1759, je propose que nos canons mettent le feu à la ville, qu’ils détruisent les récoltes, les maisons et le bétail, tant en haut qu’en bas, et je propose d’expédier en Europe le plus grand nombre possible de Canadiens en ne laissant derrière moi que famine et désolation ».


vendredi 19 août 2022

Le poids du français baisse au Québec, celui de l'anglais remonte

Les données du Recensement de 2021 révèlent que le français continue de reculer au Canada comme au Québec, tandis que le nombre de personnes dont l’anglais est la première langue officielle dans la province dépasse maintenant le million de locuteurs, du jamais-vu.

 

Charles Castonguay dit que la sous-natalité des francophones est une fausse piste comme source du déclin du français. Il est vrai que les anglophones (de naissance) ont une fécondité aussi désastreuse que les francophones. Mais, dans un contexte de minorité continentale et au sein du Canada, une meilleure natalité francophone au Québec serait une des pistes de solution. Si, depuis que les indépendantistes pensent que l’indépendance est la seule solution (ce qui n’est pas peut-être faux à moyenne ou longue échéance), si depuis plus de 50 ans donc, la natalité des francophones avait été meilleure, le Québec serait nettement plus français et homogène. Mais voilà, l’indépendance c’est toujours pour bientôt, une loi 101 draconienne est pour demain, entretemps, depuis 50 ans, faisons très peu d’enfants car augmenter la natalité serait une fausse piste selon les experts... Ajoutons que plus de jeunes francophones, c'est aussi renforcer les institutions francophones y compris l'école et y faciliter l'assimilation des immigrés.

 

Poids démographique du français et de l’anglais, langues maternelles, au Québec après répartition égale des réponses multiples (pour permettre le suivi dans le temps) :

Poids démographique du français et de l’anglais, langues parlées le plus souvent à la maison, au Québec, après répartition égale des réponses multiples (pour permettre le suivi dans le temps) :

Pour la première fois en 50 ans, la proportion des transferts linguistiques effectués par les allophones vers le français est en baisse.

L’assimilation des francophones à Montréal (oui, au Québec) a augmenté très fortement entre 2016 et 2021, passant de 30 000 à 41 000, soit un bond de 37 %.

Marc Termote avait prédit la chute du pourcentage de francophones au Québec à 77 % dans ce livre en 2003 (voir ci-dessous). Cependant, il prévoyait que ce seuil serait atteint vers 2040 et non au début des années 2020 comme le révèle le recensement publié ce mercredi. La chute est donc beaucoup plus rapide que prévu…

Sources : Frédéric Lacroix et Guillaume Rousseau, selon recensement du Canada 2021.


jeudi 18 août 2022

La mort de Rodney Stark, le sociologue agnostique qui appréciait la religion

Rodney Stark, éminent sociologue des religions, est décédé le 21 juillet 2022. En tant qu’agnostique, il a fait voler en éclats de nombreux lieux communs et préjugés, notamment anticatholiques. Selon Stark, la religion n’est en aucun cas « l’opium du peuple » et la société du troisième millénaire sera encore une société religieuse, malgré les prophéties positivistes. Avec un avenir jusqu’en Chine.

La lecture de l’œuvre de Rodney Stark permet de dépasser la vision de la religion comme « opium du peuple », selon la vulgate marxiste, à celle d’un facteur de civilisation et de progrès. Le plus grand sociologue des religions s’est éteint à l’âge de 88 ans, laissant derrière lui des pages extrêmement importantes qui allient rigueur scientifique et prose vulgarisatrice, permettant même aux non-initiés d’aborder son œuvre et de démystifier de nombreux lieux communs, démasquant ce subtil complexe d’infériorité dont souffrent de nombreux catholiques intimidés par les défauts qu’on leur prête avant même de les vérifier.

La religion serait moribonde, la religion ne causerait que le mal et l’existence de multiples religions ferait en sorte que l’on ne croie en aucune. Tels seraient certains des « dogmes » répandus parmi notamment les gens ordinaires. Idées reçues même parmi ses collègues, ces sociologues de la religion — dont Stark se moquait — qui, pourtant, méprisaient a priori leur « objet » d’étude. Avec Discovering God (Découvrir Dieu), le regretté sociologue « a voulu répondre aux universitaires spécialistes des religions, dont beaucoup — assez curieusement — ne sont pas religieux, détestent les religions et considèrent les personnes religieuses comme des arriérés incurables qui souffrent souvent d’une maladie qu’il faut guérir », comme le rapporte le sociologue Massimo Introvigne, directeur du Cesnur et co-auteur de plusieurs titres avec Stark qui n’avait aucun parti pris…

« Je ne suis pas catholique et je n’ai pas écrit ce livre pour défendre l’Église. Je l’ai écrit pour défendre l’histoire » : ainsi Stark dans Faux Témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques. Un titre que l’on attendrait d’un apologiste, pas d’un agnostique issu d’une famille luthérienne. Stark a, par ailleurs, enseigné à l’université de Washington et à l’université Baylor (une université baptiste) et est l’auteur de dizaines de publications. Outre les titres déjà mentionnés, on trouve, par exemple, The Triumph of Christianity (Le Triomphe du christianisme), dans lequel il renverse l’étiquette des « âges sombres » médiévaux, qui étaient au contraire denses en ferveur culturelle et en innovations technologiques (évidemment avec les moyens de l’époque). Ou Le Triomphe de la raison, où Stark ose une opération considérée comme « blasphématoire » par le correctivisme politique, à savoir combiner raison et religion. Et encore One true God (Un seul vrai Dieu), sous-titré Les conséquences historiques du monothéisme.

La religion a aussi des implications notamment historiques et sociales : celui d’une religion stérile ou non pertinente (pour ne pas dire négative) est l’un des premiers mythes à s’effondrer grâce à la lecture de Rodney Stark. Elle joue un rôle dans l’histoire, ce qui constitue en soi un fait historique tout sauf marginal. Après tout, il est curieux que le préjugé antireligieux très répandu (à une époque qui s’enfonce dans le respect relativiste de toute croyance) se concentre de manière obsessionnelle sur le christianisme, en particulier le catholicisme, et donc avec une singulière obstination sur le Moyen Âge. Au lieu de cela, Stark cite le philosophe et mathématicien anglais Alfred North Whitehead, selon lequel « la science ne s’est développée que dans l’Europe chrétienne parce que seule l’Europe médiévale croyait que la science était possible et souhaitable » parce qu’elle croyait que l’univers avait été créé par un Dieu rationnel [« Le Verbe », le logos].

Selon Stark, certains athées modernes sont nettement moins rationnels quand ils « ne comprennent pas que la science se limite au monde naturel, empirique, et ne peut rien dire d’un monde spirituel, non empirique — sauf nier son existence », bien sûr a priori, avec un flair dogmatique pour éviter les professions de foi de laïcité. Ils sont en outre minoritaires, puisque malgré la disparition de la religion prophétisée par le positivisme, « 74 % de la population mondiale considère que la religion est une partie importante de leur vie et que les athées s’ils existent sont peu nombreux ». Par ailleurs, le christianisme continue de croître : ce n’est pas un « phénomène linéaire et continu » et il pourrait ralentir en Afrique, où il y a déjà eu beaucoup de conversions, et « continuera en Asie, surtout dans les pays économiquement plus développés », déclarait-il en 2015 lors d’une interview dans Cristianità.

Stark n’a pas seulement étudié le rôle passé de la religion, mais aussi le présent. Et même là, il a été capable de proposer une lecture originale par rapport au courant dominant, comme dans ces lignes rapportées par Tempi : « Je ne crois pas que l’Occident chrétien devienne intolérant. Je crois que l’Occident non chrétien devient intolérant : dans certains pays européens, il existe des lois contre les prétendus discours de haine qui interdisent la lecture en public de certains passages de la Bible ». [Au Canada, l’affichage de simples versets condamnant la sodomie a été puni par des commissions des droits de l’homme et sévèrement limité par les tribunaux. voir Cour suprême du Canada — limites aux propos chrétiens « haineux » « homophobes » ?, Cour suprême — « toutes les déclarations véridiques » ne doivent pas « être à l’abri de toute restriction » et Professeur de cégep suspendu pour prétendue « homophobie », la haine est peut-être ailleurs]

Mais même le rôle historique de la religion finit par contenir des références à l’actualité. Dans L’Essor du christianisme, qui décrit — sur un plan sociologique — les débuts de la foi chrétienne, Stark inclut, parmi les facteurs qui ont contribué à sa diffusion, la réponse concrète — inspirée par un élément religieux, comme l’amour chrétien — à une situation dramatique : l’épidémie de variole qui a frappé l’empire sous le règne de Marc Aurèle. Là où le fatalisme des païens les poussait à fuir et à abandonner les pestiférés, les chrétiens leur venaient en aide. [Autre facteur du succès : l’aide aux enfants « exposés » condamnés à la mort, la lutte à l’infanticide fréquent chez les païens]. En bref, il ressort des écrits du grand sociologue tardif que le christianisme était (et est) tout sauf stérile et tout sauf moribond. Il a résisté à la modernité (réfutant les prophéties positivistes selon lesquelles la science prendrait sa place) et même à la concurrence. Rodney Stark est connu pour sa théorie de « l’économie religieuse », fondée sur une analogie entre la dynamique déclenchée par le libre marché dans la sphère économique et la dynamique correspondante dans la sphère religieuse, comme le montre la situation aux États-Unis, où la multiplicité des religions n’a nullement conduit à leur extinction.

Bref, le troisième millénaire ne sera pas celui de l’irréligion. Et la religion jouera un rôle même là où elle semble la plus étouffée : même en Chine, où le communisme a poussé les chrétiens non seulement à se faire tuer, mais aussi à s’organiser pour survivre. Les chrétiens chinois, a-t-il déclaré au Compass en 2014, sont 5 % : une minorité, mais destinée à croître, notamment parmi les plus éduqués, et donc à influencer : « il faut tenir compte du fait qu’ils constituent l’élite de la nation, avec une possibilité d’influence culturelle bien plus grande que les simples données numériques ne le laissent supposer ». Pour Stark, tout cela dément le mythe de la religion de « l’opium du peuple », ou plutôt — en s’adressant à ses collègues — « le mythe de la Chine communiste comme société athée et post-religieuse est devenu l’opium des sociologues ».

Source

Voir aussi 

Livre de Rodney Stark : Faux Témoignages. Pour en finir avec les préjugés anticatholiques 

Les plus religieux hériteront-ils de la Terre ? 

Grande Noirceur — Non, l’Église n’était pas de connivence avec le gouvernement et les élites

 

Français: il faut agir avant qu'il ne soit trop tard

Un texte de Mathieu Bock-Côté. Ce carnet ne voit qu’une alternative pour sauver le français au Canada : soit l’indépendance du Québec, soit l’imposition au sein d’un Canada nettement plus fédéralisé de l’unilinguisme territorial au Québec (et peut-être ce qui peut encore être sauvé de l’Acadie, des régions limitrophes au Québec majoritairement francophones). 

Nous aimerions également que Mathieu Bock-Coté, sans enfant, et le commentariat francophone en général parlent de la natalité et de la valorisation de celle-ci dans la société (alors qu’on ne semble plus parler que de plans de carrière, de confier ses rares enfants à des tiers le plus vite possible, du droit fondamental à tuer les fœtus, des droits des trans et autres LGBT2QAI+, de la culpabilité des blancs, de l’apocalypse climatique ou pandémique, etc.).

Tout le monde sait que le français régresse au Québec. Il suffit de se promener un peu à Montréal et Laval pour le savoir.

Mais de temps en temps, nos impressions quotidiennes sont confirmées par des études. Le recensement est la plus importante d’entre elles, évidemment.

Et les résultats du recensement dévoilés hier, même s’ils sont traficotés par la bureaucratie fédérale, confirment cette tendance.

Résumons la chose ainsi : le français s’effondre non seulement au Canada, mais aussi au Québec.

 Régression

Le poids des francophones de langue maternelle continue de baisser : ils ne représentent plus que 76,3 % de la population, alors qu’ils étaient autour de 81,5 % en 1995.

Cela veut dire que la majorité historique francophone continue de fondre démographiquement, et que son rapport de force politique continuera de diminuer. La tendance s’accélérera.

Cela veut dire que notre capacité d’intégration des immigrants sera complètement anéantie.

Honnêtement, devant de tels résultats, l’effroi est une réaction bien plus rationnelle que la fausse mesure de ceux qui, comme Dominique Anglade, ne se disent en rien inquiétés.

Nous sommes en droit d’y voir une forme de déloyauté grave à l’endroit du peuple québécois, comme si le PLQ le reniait officiellement.

Ne soyons pas surpris : le PLQ a tout avantage à ce que le Québec se défrancise. Car moins le Québec sera français, et plus le PLQ pourra s’y imposer comme le parti naturel de gouvernement. Je veux croire, toutefois, que la grande majorité des Québécois ne contemplent pas avec joie leur disparition comme peuple. 

L’ancien Premier ministre Duplessis au début des années 1940 :  « Ce n’est pas compliqué quand on a signé la Confédération on était la moitié de la population du Canada, là on n’est même pas le tiers, et bientôt en bas du quart ». En 2021, c’est moins d’un cinquième. [Incidemment, la proportion des francophones remontera pendant la 2e GM grâce à l’arrêt de la politique d’immigration encouragée par Ottawa.]

 

Et ne nous laissons pas bluffer par ceux qui se contentent du français langue commune comme indicateur. S’il n’a pas d’ancrage sociologique, lui aussi s’effondrera.

Ceux qui se disent nationalistes ont de vraies questions à se poser. Le français pèse pour moins de 20 % comme langue parlée à la maison dans le Canada. Croient-ils sérieusement qu’il peut faire valoir ses droits dans un tel environnement démographique, linguistique et politique ?

À quel moment ceux qui se disent ailleurs et qui ont déserté la question nationale reprendront-ils la question de l’indépendance au sérieux ?

Depuis quelques années, déjà, le Canada anglais prend tous les prétextes pour se libérer du bilinguisme officiel, qui n’était finalement qu’une concession temporaire faite aux francophones pour calmer leurs ardeurs indépendantistes. Maintenant qu’il les croit vaincus, il veut s’en délivrer, quitte à s’appuyer sur les autochtones pour le liquider au nom de raisons vertueuses.

Le Canada, plus que jamais, deviendra un pays bilingue de langue anglaise.

Loi 96 insuffisante

On voit, plus que jamais, à quel point la loi 96 sera insuffisante pour stopper ce déclin.

Le Canada sera le tombeau de la langue française et du peuple québécois. Il ne peut qu’y contempler sa décroissance, jusqu’à l’extinction.

La question du déclin du français, c’est-à-dire celle des raisons de son déclin, sera au cœur de l’élection. Autrement dit, on ne pourra plus esquiver celle de l’immigration massive.

Il nous faut agir avant qu’il ne soit trop tard. S’il ne l’est pas déjà.

Voir aussi

Le poids du français baisse au Québec, celui de l’anglais remonte 

« Le français hors Québec ? C’est terminé. » Sauvons les meubles…  

Les entrées illégales par Roxham atteignent un sommet historique, Ottawa reste de marbre  

Français, que fait l’école québécoise ?  

Le mépris du français parlé au Québec par les allophones et anglophones du Québec

Le bilinguisme, l’apanage des francophones

Le bilinguisme, l'apanage des francophones

Le bilinguisme anglais-français est l’apanage des francophones. Ce n’est pas le signe d’une supériorité intellectuelle, mais de l’inutilité structurelle du français au Canada pour avoir un emploi. 

Les zones majoritairement francophones au Nouveau-Brunswick correspondent aux zones avec le plus haut taux de bilinguisme.

De même c’est au Québec que la proportion des bilingues augmente alors qu’elle baisse au Canada. C’est que le français ne sert à rien au Canada alors que l’anglais s’impose à tous, même à la majorité des francophones du Québec (où on l’exige parfois à tort et à travers pour de nombreux emplois).
 
Le taux de bilinguisme français-anglais augmente au Québec et diminue hors Québec depuis 2001
 
 
Le fait que les anglophones (unilingues) gagnent nettement plus que les francophones (unilingues) au Québec montre bien que c’est l’anglais qui prime. Les personnes qui utilisent uniquement l’anglais au travail gagnent annuellement en moyenne 46 047 $, comparativement à 38 346 $ pour celles qui utilisent seulement le français. Les personnes qui disent utiliser les deux langues au travail gagnent un peu plus (51 294 $) que les anglophones unilingues en moyenne. Cependant, ceux qui gagnent le plus au Québec sont souvent des anglophones de naissance unilingues alors que la moyenne salariale « anglophone » baisse à cause d’un grand nombre de travailleurs pauvres immigrants récemment installés au Québec qui ne parlent pas français, mais bien la langue des vrais patrons.
 

 

L'importance déterminante de l'anglais au Québec est encore illustrée par le fait que les francophones qui utilisent seulement le français au travail gagnent 38 737 $, ceux utilisant le français et l'anglais gagnent 55 021 $ tandis que ceux utilisant seulement l'anglais gagnent 56 439 $. Un peu plus de 20 % de ces emplois se trouvent dans le secteur de la santé, enseignement, droit et services sociaux, communautaires et gouvernementaux (20,8 %). Secteur qui pourrait être francisé puisqu'il n'implique pas le contact avec l'étranger.


Une solution partielle : le Québec devrait imposer l’emploi du français dans la correspondance avec l’administration publique du Québec et la tenue des dossiers des hôpitaux, des assureurs, des avocats, des ingénieurs, des architectes, des professions de la santé et des services sociaux. Mettre fin au financement public des cégeps et universités anglophones. Plus de services de l’administration en anglais, plus de « Press ‘9″ for English ». Faire comme la Flandre en Belgique vis-à-vis du français.

« La jeunesse queer et fière de Trois-Rivières »

Les murs du local sont bardés d’affiches qui prônent l’ouverture, l’estime de soi et le partage. Au centre de la pièce, une quinzaine d’élèves de 12 à 16 ans sont rassemblés autour d’une grande table. Tous et toutes font partie de la communauté LGBTQ+. Et on ne les empêchera certainement pas d’exister…

« Je suis bisexuelle, sauf que mes parents ne l’acceptent pas. Je me fais intimider par ma propre famille ! Ici, au moins, je suis libre. »

« On me dit qu’à 12 ans, je suis trop jeune pour savoir quoi que ce soit sur ma sexualité, mais c’est faux ! Ça dépend de chaque personne et de l’ouverture de la société dans laquelle on évolue… »

« J’aimerais expliquer à ma mère comment je fais pour savoir que je suis non binaire, mais je n’y arrive pas. Je suis née fille, mais je ne me sens pas fille. Ni gars. Je me sens… non binaire ! »

Je ne passerai qu’une heure avec les élèves du comité LGBTQ+ de l’école secondaire des Pionniers, à Trois-Rivières. Le temps d’un dîner de cafétéria englouti entre deux cloches. Pourtant, je quitterai l’endroit avec une pléthore de témoignages qui ne feront qu’augmenter l’admiration que je voue à la jeunesse queer d’aujourd’hui… [une journaliste objective et non militante… qui s’appellerait « Rose-Aimée Automne T. Morin », sérieux !]

Quand j’avais leur âge, personne n’était ouvertement gai dans ma cohorte. Encore moins pansexuel ou aromantique… C’était le début des années 2000, c’était aussi une petite ville. Difficile alors de trouver la sécurité et l’espace nécessaires pour s’affirmer. Les temps ont changé, heureusement. Reste qu’il y a encore peu de comités LGBTQ+ dans les écoles secondaires du Québec. J’étais donc curieuse de découvrir ce qui se tramait, en ce début d’année scolaire, à Trois-Rivières…

« Je n’aurais jamais cru fonder un comité LGBTQ ! », me confie Line Desgagné, tandis qu’on attend l’arrivée du groupe. L’animatrice de vie spirituelle et engagement communautaire [l'ancienne pastorale « modernisée »] me raconte qu’il y a quatre ans, un élève de 4e secondaire lui a demandé un coup de main : « Il voulait créer un comité parce qu’il était homosexuel et que son coming-out était fait, mais qu’il connaissait des personnes en questionnement qui se sentaient isolées. Environ cinq élèves ont assisté aux premières rencontres… À la fin de l’année, il y en avait 15 ! Cette année, on a déjà une trentaine d’inscriptions et ça vient tout juste de commencer. Un record ! »

Line m’indique que la plupart des jeunes impliqués sont bisexuels, que quelques-uns sont gais, qu’il y a aussi des élèves non binaires, des personnes trans et d’autres en questionnement sur leur genre. Sans oublier les alliés hétérosexuels, là pour soutenir leurs amis.

Ce qui me frappe le plus chez les jeunes de la communauté LGBTQ, c’est à la fois leur ouverture et leur solitude. Plusieurs de ceux que tu vas rencontrer aujourd’hui ne parlent pas de leur situation avec leur famille. Ça ne passerait pas nécessairement…

C’est d’ailleurs pourquoi les élèves m’ont demandé de préserver leur anonymat dans la présente chronique. J’ai évidemment acquiescé en essayant de leur transmettre beaucoup d’amour avec mon regard.

Appui (subventionné ?)

Lorsqu’elle a créé le comité, Line Desgagné a pu compter sur l’appui du GRIS Mauricie — Centre-du-Québec. L’organisme a pour mission de favoriser l’émergence de groupes LGBTQ+ et d’accompagner les établissements scolaires dans le déploiement d’actions concrètes.

Sarah Lemay, intervenante aux services d’écoute et de soutien au GRIS, m’explique, en entrevue téléphonique, que les pronoms font partie des enjeux souvent nommés par les jeunes : « Je comprends les directions d’être un peu mélangées. Contrairement à nous, elles ne sont pas plongées chaque jour dans les préoccupations des personnes de la diversité ! Mais le GRIS peut les aider à être plus neutres. Par exemple, plutôt que de faire des équipes de gars ou de filles, pourquoi ne pas diviser un groupe entre élèves nés de janvier à juin et de juillet à décembre ? »

Dans le même esprit de neutralité, la question des toilettes non genrées est également une priorité pour bien des élèves, m’explique Sarah. D’ailleurs, il en est question, lors du dîner auquel j’assiste…

« Ça fait longtemps que je sais que je suis un gars. Mais comme j’ai un sexe féminin, il faut quand même que j’aille aux toilettes des filles…

— Moi aussi ! Pourtant, c’est assez simple de passer à une toilette non genrée ! Tu changes juste le logo… Pas besoin de mettre un bonhomme de garçon ou de fille ; c’est une salle de bains, tout le monde peut l’utiliser. »


Suite


Cet article a suscité l’indignation de deux commentateurs « droitards » dans la vidéo ci-dessous.

Voir aussi

 « À l’école de mon fils, ils n’ont pas arrêté de leur rabâcher les oreilles avec les différences sexuelles » 

 Voici le cours de citoyenneté qui remplacera celui d’Éthique et culture religieuse     

« Animation spirituelle et ECR » : deux piliers du multiculturalisme à l’école québécoise  

Colombie-Britannique — Un père emprisonné pour avoir qualifié sa fille biologique de fille et utilisé le pronom féminin « elle » (m à j)

Angleterre — La clinique de transition de genre Tavistock « serait poursuivie par 1 000 familles »

Santé publique anglaise critiquée pour avoir donné des bloqueurs de puberté alors que la plus célèbre clinique trans ferme

 

« Nous irons dans les écoles pour entamer un dialogue » sur le racisme systémique au Québec

« Jour de l’Émancipation » et le Québec

Grande-Bretagne — enfants autistes poussés à s’identifier comme transgenres ?

Fonctionnaires contre père : qui décide si un enfant mineur peut subir une thérapie de transition de genre ? (le cas en Cour d’appel)

Explosion de jeunes ados qui se disent « transgenres » à l’école… Épidémie psychologique à la mode ?

Enquête sur l’invasion LGBTQ2SAI+ à l’école

Malgré la pression sociale progressiste, garçons et filles semblent toujours préférer les jouets traditionnels associés à leur sexe  

Colombie-Britannique : un serveur dédommagé de 30 000 dollars, son patron n’utilisait pas le pronom que ce trans exigeait 

Couple homosexuel invité en cours de mathématiques, euh ECR, exercice de « français » sur le prétendu mariage homosexuel 

Lutte à « l’hétérosexisme » [penser que l’hétérosexualité constitue la norme sociale] : manque de modestie constitutionnelle du gouvernement québécois

Un plan de lutte contre l’homophobie méprisant pour la population (4 philosophes)

Le Monopole de l’Éducation au service des lobbies dits progressistes avec vos sous

Pas de classiques de la littérature, mais la lutte contre l’hétérosexisme en classe de français, d’anglais, d’histoire et de mathématiques

École québécoise : l’homoparentalité expliquée aux enfants du primaire par l’État

Comment créer une majorité en faveur de l’homoparentalité… dans les médias (philosophe français)

Cahier ECR : « Beaucoup de travail à faire aux groupes religieux pour accepter les homosexuels »

 

mercredi 17 août 2022

La fin du projet de Fukuyama ?

Un texte de Patrick J. Deneen, professeur de sciences politiques à l’Université Notre-Dame. Il est l’auteur de « Pourquoi le libéralisme a échoué » (Éditions de L’Artisan, 2020), qui a été traduit dans plus d’une douzaine de langues.

Francis Fukuyama fonde ses fantasmes sur l’avenir du libéralisme, sur la grandeur passée des États-Unis en tant que puissance mondiale hégémonique. Ces temps sont révolus depuis longtemps, une nouvelle phase de l’histoire a commencé. Le projet de la « fin de l’histoire et du dernier homme » ne peut plus se justifier.

[Notons en passant que Fukuyama n’est pas le premier à avoir décrété cette fin de l’histoire. Les Anglo-saxons ignorent trop souvent les auteurs européens comme le franco-russe Alexandre Kojève, mort à Bruxelles en 1968. Kojève insistait déjà sur la question de la fin de l’histoire. Dans son
Introduction à la littérature d’Hegel recueil de ses cours donnés à l’École des hautes études entre 1932 et 1939, il développa l’idée que l’émergence du savoir absolu constituait l’ultime évènement historique qui marquait « la fin du Temps, de l’Histoire et de l’Homme ». Émergence qui s’ouvrait sur une post-histoire qui ne connaîtrait plus d’évènements d’importance comme les guerres, les révolutions ou les mutations religieuses.]

J’ai récemment assisté à une conférence de Francis Fukuyama à la Michigan State University. La conférence, parrainée par le LeFrak Forum on Science, Reason and Modern Democracy, était consacrée au Libéralisme et ses malaises, titre du dernier livre de Fukuyama. Ce panel a discuté du contraste saisissant entre un point de vue qui cherche à justifier le libéralisme et un point de vue qui espère l’enterrer. Il est juste de dire que nous avons rempli les rôles qui nous étaient assignés, en étant fondamentalement en désaccord sur la cause et le sort de nos déclarations.

J’ai commencé par souligner notre situation profondément malheureuse en mettant en évidence les griefs : dus à l’inégalité économique profonde et omniprésente à gauche et à la dégradation culturelle qui a conduit à un nombre sans cesse croissant de « morts du désespoir » à droite — et j’ai relié ces deux « revendications » directement aux conséquences attendues des principales dispositions du libéralisme sur la nature humaine et la nature de l’ordre politique et social. Fukuyama a fait l’éloge du libéralisme comme étant peut-être le régime le plus humain et le plus décent qui ait jamais existé. Il a affirmé qu’il n’existait aucune alternative susceptible de séduire les personnes qui valorisent la prospérité, la dignité, le respect de la loi, les droits individuels et la liberté. Il était d’accord avec ma description de nos « mécontents », mais ne pensait pas qu’ils étaient propres au libéralisme. En bref, nous avons examiné le même problème et sommes arrivés à des conclusions très différentes sur ce que nous y avons vu.

Fukuyama a avancé trois propositions principales, qui selon lui ne sont pas tirées de domaines complexes de la théorie politique (dans une conférence dominée par les théoriciens politiques de Strauss), mais basées sur des observations empiriques du monde. Ses trois principales propositions étaient les suivantes :

  1. Le libéralisme est apparu après la Réforme comme une solution après les guerres de religion et a fourni un moyen d’atteindre la paix et la stabilité politique sans exiger le consentement métaphysique ou théologique du peuple.
  2. Ce que nous voyons aujourd’hui comme les maladies du libéralisme (économique et social) sont en fait des pathologies qui ne découlent pas nécessairement d’un ordre libéral sain. Elles sont plutôt aléatoires et dépendent d’autres facteurs, et peuvent donc être soignées sans tuer le patient.
  3. Le libéralisme doit chercher dans ses nombreux succès passés une garantie pour ses réalisations futures. En abandonnant les efforts pour atteindre le « bien commun », le libéralisme a permis aux biens individuels de s’épanouir, aboutissant à un ordre politique riche, tolérant et pacifique. Sa capacité à apporter la prospérité et la paix a été prouvée par l’histoire.

Les trois points sont interconnectés. Parce que le libéralisme était fondé sur le rejet du concept de bien commun (proposition 1), et qu’il reposait au contraire sur un modus vivendi de tolérance et de gouvernement limité protégeant les droits de propriété, il a permis au monde entier de vivre dans la prospérité et le bien-être (proposition 3). Ses « maux » actuels peuvent être soignés en limitant les excès du libertarisme économique, du wokisme et du conservatisme post-libéral (proposition 2). Le vrai libéralisme se situe immédiatement dans notre avenir, mais il peut également être vu dans notre passé récent où ces trois éléments n’étaient pas aussi proéminents ou absents.

Fukuyama prétend être un politologue et un réaliste historique parmi les penseurs éphémères. Il fonderait ses affirmations sur des preuves réelles de l’acceptabilité des coûts du libéralisme sur fond de ses énormes avantages. Pourtant, les tentatives pour valider empiriquement ses affirmations suggèrent le contraire. 

Ces trois affirmations témoignent d’efforts acharnés pour mettre leur perception de la réalité en conformité avec les exigences de leur théorie. Qu’il s’agisse d’une histoire sélective, d’un vœu pieux ou d’une fantaisie nostalgique sur la façon dont l’avenir imitera un moment particulier du passé, Fukuyama s’avère être tout sauf un réaliste. Son libéralisme fantaisiste repose en fin de compte sur une réinterprétation tendancieuse et très sélective des preuves du passé et du présent pour extrapoler une vision de l’avenir qui est à la fois peu plausible et qui occulte la nature vicieuse du régime libéral.

Voici mes réponses, brièvement et sur chaque point :


1.
Fukuyama, comme de nombreux participants à la conférence, a fait appel à l’histoire familière des origines du libéralisme comme « solution de paix » en temps de lutte fratricide sur le plan religieux et en temps de guerre. Cet argument vieux comme le monde a été utilisé par des penseurs tels que Judith Shklar, John Rawls et Richard Rorty, et est maintenant repris en masse par la communauté libérale. Il s’agit d’un récit typique du triomphe du libéralisme, avec des histoires de temps sombres d’où le véritable salut a surgi sous la forme du Deuxième traité et d’un Essai sur la tolérance de John Locke.

Le problème est qu’il s’agit d’une histoire simpliste qui est répétée si souvent qu’elle est devenue une sorte de credo du libéralisme. Une recherche historique minutieuse de la période au cours de laquelle les contours de l’État moderne se sont dessinés montre au contraire que les « guerres de religion » étaient le plus souvent une couverture utilisée par le pouvoir politique pour parer à la fois aux conditions restrictives de l’Église d’en haut et au pouvoir limitatif des diverses formes aristocratiques d’en bas. De nombreuses batailles de ce que l’on appelle les « guerres de religion » n’ont pas été livrées pour des questions de croyance ou, comme les libéraux ont coutume de le voir, pour des questions de foi personnelle et irrationnelle, mais plutôt pour des questions de pouvoir politique.

L’histoire de la politique moderne peut être racontée de différentes manières, mais les faits de base soulignent la consolidation du pouvoir politique sous une forme totalement nouvelle : l’État moderne. Afin de promouvoir la forme moderne de l’État, des efforts considérables ont été déployés pour séparer le pouvoir « profane » (ou « séculier ») du pouvoir « religieux » (termes qui ont été réattribués pour ce projet). Parmi les écrits les plus succincts et les plus convaincants qui remettent en question ce récit libéral, je citerai à titre d’exemple un essai lapidaire de William T. Cavanaugh : Assez de feu pour consumer une maison : les guerres de religion et la montée de l’État moderne. L’essai de Cavanaugh revisite, de manière démonstrative, le récit libéral habituel.

Avec moult détails, en grande partie tirés des récits d’éminents historiens du début de l’ère moderne (tels que Richard Dunn et Anthony Giddens), Cavanaugh décrit comment cette théorie a été construite pour protéger les intérêts d’une nouvelle génération de penseurs libéraux, où elle a été truquée, et décrit aussi les principales motivations des acteurs historiques. En bref, dans la quête de la création d’un État libéral moderne — l’entité politique la plus puissante jamais connue dans l’histoire de l’humanité — on a raconté l’histoire du « gouvernement limité » qui exigeait le retrait de la « religion » à la sphère privée. On assista à un « repositionnement de marque » : ce qui était autrefois des batailles politiques est devenu des guerres « religieuses ». Il n’est pas surprenant que l’émergence de l’État whig, en particulier le parti bourgeois moderne et la classe politique qui l’accompagne, ait nécessité l’interprétation « whig » de l’histoire.

D’un autre point de vue, le classique Du pouvoir de Bertrand de Jouvenel (1949) reste parmi les meilleures histoires de la consolidation du pouvoir politique à cette époque. Contrairement à l’affirmation libérale selon laquelle le libéralisme représente le progrès historique mondial sous la forme d’un « gouvernement limité », Jouvenel montre dans son livre influent que l’État moderne a assidûment démantelé le véritable « fédéralisme » de l’ère prémoderne en dissolvant divers « domaines » concurrents — qu’il s’agisse du clergé ou de la noblesse. Cette centralisation du pouvoir a été largement réalisée en faisant appel aux masses, au « peuple » à qui l’on promettait la libération de l’ancienne aristocratie. Retraçant la même histoire racontée en termes économiques par Karl Polanyi dans La Grande Transformation, Jouvenel examine les raisons pour lesquelles la libération des formes politiques décentralisées a pris fin avec la consolidation et le renforcement du pouvoir centralisé de l’État moderne. Cependant, en s’appropriant et en redéfinissant des termes tels que « liberté », « gouvernement limité » et « fédéralisme », l’État moderne a transformé son pouvoir croissant et consolidé en ce que nous reconnaissons aujourd’hui comme l’État centralisé libéral moderne.

Les principales idées de l’analyse de Jouvenel ont été exprimées sous une forme puissante et persuasive par Robert Nisbet dans son texte classique de 1953, The Quest for Community. Comme Jouvenel, mais en tenant compte de l’expérience des régimes totalitaires du XXe siècle, Nisbet est arrivé à la conclusion que l’État moderne est fondé sur la dissolution ou la redéfinition effective de diverses affiliations et communautés qui servaient autrefois de principales formes d’identité communautaire — familles, églises, syndicats, communautés, collèges, etc. Alors que Nisbet attribuait la montée des régimes totalitaires fascistes et communistes à la « recherche de la communauté » moderne, il prédisait que la même dynamique s’appliquerait aux démocraties libérales. L’État moderne, la forme politique de la nation moderne, était une fusion de l’individualisme libéral et de la centralisation.

Rien n’était donc « juste comme ça », comme le montre la version déformée de Fukuyama sur la naissance de l’État moderne. Ses prétentions à l’empirisme se heurtent à une montagne de suppositions non vérifiées et de déclarations tendancieuses destinées à rassurer ses auditeurs que tout recul du libéralisme nous ramènera aux âges sombres de la guerre civile, de l’intolérance et de l’oppression.

À la fin de notre conversation, je lui ai dit que nous devrions effectivement être très prudents quant aux affirmations selon lesquelles le libéralisme ouvrirait une ère de tolérance et de paix sans précédent. Au contraire, les preuves empiriques montrent que la principale incarnation politique du libéralisme, les États-Unis, a rarement, voire jamais, toléré un ensemble constant, mais changeant d’éléments « inacceptables », des indigènes de son continent aux enfants non désirés, qui sont libérés (de la vie) au nom de la liberté et du choix. Il ne faut pas non plus penser que ce pays est un modèle pour le monde face à l’ennemi actuel (volatile, mais omniprésent) du libéralisme. Les États-Unis ont été en état de guerre presque continuellement tout au long de leur existence, selon certaines estimations, 92 % du temps. Pourtant, pour une raison quelconque, nous devons croire que le libéralisme nous a apporté les avantages indéniables de la « paix ».

2. Fukuyama affirme que les « malaises » du libéralisme actuel — économiques et sociaux — bien que réels sont néanmoins négociables. Il considère l’Europe comme un antidote au « néo-libéralisme » anglo-américain qui est devenu la marque politique de la droite depuis l’ère Reagan et Thatcher et qui s’est poursuivi avec Clinton et Blair jusqu’à aujourd’hui. Considérant cela comme la principale cause du « mécontentement » économique, il croit que l’on s’éloigne déjà du fondamentalisme du marché autrefois promu par Hayek et Friedman et que l’on tente de restaurer le modèle de démocratie sociale économique de l’Europe occidentale.

Il reconnaît la déchéance sociale qui se produit à la racine même du libéralisme. Elle reconnaît la gravité de l’affaiblissement des liens sociaux, des structures morales et des institutions éducatives, qui est l’une des principales conséquences du « succès » du libéralisme. Il cite des penseurs comme moi-même, Sohrab Ahmari et Adrian Vermeule parmi ceux qui insistent sur ce point. Mais, il fonde son argument sur le fait qu’il n’y aurait pas de retour en arrière possible. Comme en économie, le libéralisme peut finalement tempérer ces excès en permettant à la nature humaine de s’affirmer.

Comme il l’a écrit dans un essai qui a servi de prélude à son livre, « le libéralisme, correctement compris, est parfaitement compatible avec les impulsions communautaires et est devenu la base de l’épanouissement de diverses formes de société civile ».

La partie remarquable dans sa déclaration est le « bien compris », l’échappatoire du rêveur quand on lui présente des données empiriques contradictoires. Seul le libéralisme sans les pathologies qui l’accompagnent est le vrai libéralisme, c’est-à-dire le libéralisme « correctement compris ». Le libéralisme qui est à l’origine de notre profond mécontentement est simplement basé sur un « malentendu ».

Dans notre panel, j’ai mis Fukuyama au défi de nommer une seule société libérale qui ne connaît pas une forme extrême de « mécontentement » dont il reconnaît l’existence, mais dont il croit avec confiance qu’elle peut être détachée du libéralisme lui-même. Si nous devons faire confiance aux preuves empiriques, et pas seulement à la théorie, je lui ai demandé de citer une nation libérale qui ne connaît pas les mécontentements qu’il croit être simplement temporaires ou accidentels.

En réponse à ma question, il a souligné les efforts européens pour tenir à distance le néolibéralisme économique — mais a omis de noter tout pays qui s’efforce d’y parvenir d’une manière ou d’une autre est également confronté à des formes extrêmes de dégradation sociale, qu’il s’agisse de la destruction de l’institution familiale, de la crise de la natalité, du déclin de la conscience religieuse et de la vulnérabilité généralisée des institutions de la « société civile ». Si l’on s’en tient aux faits, il est impossible d’éviter la conclusion que nos « mécontentements » ne sont pas le fruit du hasard, mais qu’ils sont caractéristiques du libéralisme. Maintenir cette expérience politique éphémère fondée sur le « mythe » de l’individualisme et de l’autocréation revient simplement à provoquer de nouvelles maladies. Ce que Fukuyama décrit comme une pathologie est plus correctement compris comme une maladie génétique au sein même du libéralisme.

3. Et s’il y avait eu une époque où le libéralisme s’était développé sans ces pathologies ? Cela ne prouverait-il pas que nous pouvons avoir tous les avantages et aucun des effets négatifs ?

Oui, on peut contrer l’affirmation précédente en faisant référence à la domination antérieure du libéralisme, lorsqu’il ne présentait ni inégalité économique extrême ni décadence sociale. Comme de nombreux libéraux américains, Fukuyama est attaché au libéralisme qui semble s’être brièvement épanoui dans les premières décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Dans son essai, il écrit : « La période de 1950 à 1970 a été l’âge d’or de la démocratie libérale dans le monde occidental ». Il se félicite de l’état de droit, des progrès en matière de droits civils, de l’égalité économique relative, ainsi que de la forte croissance économique et de l’expansion du système de protection économique de la classe moyenne.

En réponse à des critiques tels que moi-même, Ahmari et Vermeul qui, selon lui, veulent faire revivre une certaine forme de christianisme médiéval, Fukuyama écrit que nous ne croyons pas nous-mêmes que l’on peut « remonter le temps ». Pourtant, en pointant du doigt les deux décennies durant lesquelles le libéralisme a connu son « âge d’or », Fukuyama offre comme argument empirique que le libéralisme peut s’épanouir sans qu’aucun ressentiment évident ne l’accompagne, de… remonter le temps ! Ni l’inégalité économique radicale ni la désintégration sociale n’étaient aussi évidentes aux États-Unis au cours de ces décennies avant que le libéralisme ne commence apparemment, bien qu’accidentellement, à s’estomper.

Fukuyama est suffisamment érudit pour admettre que l’exemple de ces décennies est erroné. Nous n’avons en effet pas tort d’être nostalgiques de l’apogée du siècle américain, mais avec le bénéfice du recul il appert clairement qu’il s’agit d’un instant unique — et temporaire. L’Amérique sortait vainqueur d’un conflit mondial, sa vie économique et sociale était relativement intacte à un moment où une grande partie du reste du monde développé avait été réduite en décombres. Il a brièvement joui du butin unique de la victoire, libéré de toute concurrence économique et produisant des biens et des ressources désespérément nécessaires au reste du monde. Elle a créé un système économique international très favorable à ses propres intérêts économiques et politiques, aujourd’hui de plus en plus fragile. Les États-Unis jouirent d’une hégémonie économique et politique incontestée pendant ces années, gouvernant dans les faits au moins la moitié du globe. [Ajoutons que l’immigration extra-européenne était alors virtuellement nulle et que les États-Unis, grâce à un ralentissement de l’immigration avant-guerre, avaient réussi à assimiler les enfants des immigrants européens dans un creuset américain commun.]

Les années 1970, reconnues par Fukuyama comme étant la fin de cet « âge d’or », ont marqué le début de la fin de l’hégémonie américaine, les limites de sa domination militaire ayant été révélées. La position économique autrefois unique des États-Unis est aujourd’hui compromise par sa dépendance au pétrole du Moyen-Orient (et la crise qui s’ensuivra dans les prochaines décennies), sa brève harmonie politique intérieure brisée par la désintégration sociale motivée par la réussite matérielle, le démantèlement de l’héritage des institutions et l’arrogance. [Et un changement important de population ?] Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que nous vivons le crépuscule d’un bref moment impérial unique dans l’histoire du monde. Et Fukuyama offre cet ordre ancien comme une panacée pour le libéralisme, croyant qu’il peut résister à tous ses problèmes.

Cet ordre politique hautement suspect ne pouvait fonctionner que dans ces conditions historiques uniques, idéales et temporaires. S’il n’a suffi que de vingt ans pour que les troubles éclatent alors que le monde, et même l’Amérique, n’étaient pas encore libéraux avant 1950, quelle conclusion pouvons-nous et devons-nous tirer de ce moment de l’histoire ? Il ne semble pas que ce soit la conclusion à laquelle Fukuyama nous appelle, car elle contredit ce qui apparaît clairement à nos propres yeux : que le libéralisme a les ressources internes et la capacité de surmonter le mécontentement qu’il génère. Au contraire, l’évidence, non entachée de vœux pieux et de nostalgie vaporeuse, suggère que Fukuyama est bien plus un « théoricien » que l’empiriste pur et dur qu’il prétend être.

Fukuyama semble avoir finalement reconnu les limites de sa propre prétention à démontrer la supériorité inhérente du libéralisme, tant dans notre conférence que dans son essai, faisant appel au spectre des alternatives illibérales et anti-libérales comme principale raison de venir en aide au libéralisme. Dans son essai, il cite des pays comme l’Inde, la Hongrie et la Russie comme exemples d’alternatives illibérales qui, malgré les imperfections de l’Amérique, devraient nous aider à éviter un destin illibéral. Ces pays, écrit-il, utilisent le pouvoir de l’État pour « détruire les institutions libérales et imposer leurs propres points de vue à la société dans son ensemble ». (Notons, une nouvelle fois, que les faits réels montrent que l’ordre libéral n’est guère plus à l’abri de telles formes d’imposition politique et sociale. Mais cela nous éloigne de la principale conclusion que l’on peut tirer de son raisonnement.)

Lors de notre conférence, il (et d’autres) a qualifié à plusieurs reprises la Russie et le conflit en Ukraine de spectre qui devrait hanter les libéraux pusillanimes. Si le libéralisme a pu une fois de plus tenter de surmonter ses difficultés, c’est grâce à notre engagement commun à combattre la menace que représente le rival mondial illibéral qu’est la Russie dans un avenir proche et la Chine qui se profile à l’horizon.

Ici encore l’invocation des « beaux jours » du libéralisme des années 1950-1970 est instructive. Ce furent les décennies non seulement d’une condition unique pour les États-Unis, mais de la consolidation de l’Amérique comme l’une des deux superpuissances mondiales qui se disputaient l’hégémonie idéologique mondiale. L’Amérique a pu tenir à distance les mécontentements politiques en grande partie non seulement à cause de sa richesse, mais à cause de la menace existentielle incarnée par un ennemi extérieur. Il s’avère que le libéralisme a prospéré lorsqu’il avait un ennemi.

Le paradoxe est ironique : Fukuyama s’est fait un nom et une réputation de penseur audacieux en affirmant que la chute du mur de Berlin en 1989 était « la fin de l’histoire ». L’histoire aurait pris fin parce que la plus vieille énigme politique a été résolue : les événements de 1989 ont répondu à la question « quel régime est le meilleur ? » par « la démocratie libérale ». Il n’y avait plus de rivaux au libéralisme. Ses rivaux, le fascisme et le communisme du XXe siècle ont été vaincus, et le seul régime survivant qui répondait aux besoins politiques fondamentaux de l’homme était la démocratie libérale. S’il reconnaissait qu’il resterait des récalcitrants discrets à cette conclusion incontestable, aucun ne constituait une véritable menace pour la victoire du libéralisme.

Trente-trois ans plus tard, Fukuyama fonde ses espoirs pour le libéralisme sur notre reconnaissance commune d’un ennemi commun. L’espoir d’arrêter l’histoire a été de courte durée. Rétrospectivement, 1989 n’a pas été la victoire finale du libéralisme, mais une illusion de victoire… Nos « malaises » actuels devenaient déjà manifestes à ce moment-là, la mondialisation économique et la financiarisation de notre économie commençaient à générer une condition historique mondiale d’inégalité économique, alors que toutes les mesures de la santé sociale s’effondraient dans tout l’Occident développé.

Ainsi, 1989 n’était pas la fin de l’histoire, c’était le début de la fin du libéralisme.

Fukuyama ne savait pas mieux lire les augures en 1989 qu’aujourd’hui. Cependant, il sait maintenant que le libéralisme doit être soutenu par tous les moyens disponibles, et si une mauvaise interprétation tendancieuse des preuves est nécessaire, il est à la hauteur de la tâche. Le problème, c’est que nous ne sommes pas en 1989, encore moins en 1950. Les années 2000 nous ont certainement montré que l’histoire n’était pas terminée. Mais des preuves incontestables suggèrent que le projet de « fin de l’histoire » de Fukuyama a, lui, pris fin.

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Voir aussi 

Le mythe de la violence religieuse