mardi 20 janvier 2009

Du fond de mon rang : « Je ne parlerai plus de religion à l'école qu'en présence de mon avocat... »

Témoignage d'une institutrice suppléante après son premier cours d'éthique et de culture religieuse paru ce mercredi 21 dans la Terre de chez nous.
Je poursuis encore cette année mes activités de suppléance dans deux écoles primaires. Le fait de remplacer les professeurs, souvent à la dernière minute, comporte parfois des surprises. La semaine dernière, le professeur absent me demandait de donner le premier cours de l'année d'éthique et de culture religieuse à sa classe de cinquième. Depuis septembre, ce programme remplace les cours d'enseignement religieux et moral dans toutes les écoles du Québec. Pour vous expliquer le contexte, un groupe de parents de la région de Drummondville ont recours aux tribunaux afin d'exiger que leurs enfants soient exemptés. Une école catholique privée de Montréal a entrepris une démarche similaire.
Deux procès ! Bravo. Cette dame est mieux informée que beaucoup de journalistes, même ceux spécialisés en éducation comme M. Pinneault du Journal de Montréal.
Ces causes n'ont pas encore été entendues. Les spécialistes du ministère de l'Éducation ont pris dix ans pour pondre ce cours. Moi, j'ai eu dix minutes pour en prendre connaissance. Dès que j'ai eu annoncé qu'on allait parler d'éthique et culture religieuse, une petite fille a réclamé de sortir. Ça commençait bien ! Elle s'est installée dans le corridor au pupitre près de la porte et a tenu à me rassurer : « Je vais faire mes devoirs. De toute façon, moi non plus je ne veux pas participer à ce cours. » Dans le propos, je sentais le poids de l'opinion des parents. Fais-toi en pas, me suis-je dit en mon for intérieur, vu l'état de mes connaissances, on ne va certainement pas parler de grand-chose ! De retour en classe, j'ai expliqué aux enfants que dans les grandes villes, il y avait beaucoup d'immigrants et plusieurs religions. Le dialogue permettait de mieux comprendre les diverses coutumes et traditions religieuses.

— « On a notre immigrant dans la classe », a tenu à me rappeler un élève.

J'ai jeté un coup d'œil circulaire, mais je ne voyais pas.

— « Ben voyons, notre Chinois ! »

Franchement, j'avais tout bonnement cru que l'élève asiatique avait été adopté par des parents québécois. Alors, je lui ai demandé s'il voulait parler des fêtes religieuses dans sa famille.

— « Moé ?! J'ai pas de religion », a dit le Chinois.

Franchement, la discussion n'allait pas loin. Jusqu'à ce qu'un garçon lève la main et dise que sa famille était membre des Témoins de Jéhovah. Deux autres élèves de la classe l'étaient également. Alors, ils se sont mis à parler de leurs traditions religieuses, de buissons ardents, de Moïse et de Jéhovah. Ils étaient intarissables. Alors que dix minutes plus tôt, j'insistais pour que les jeunes s'expriment, maintenant je ne savais plus comment diriger la discussion. Je sentais la pente glissante, j'imaginais ce que les enfants allaient raconter à leurs parents le soir en rentrant à la maison. Alors, j'ai décrété la fin du cours : « Maintenant, on fait des math ! Vous reparlerez de religion en présence de votre professeur. » Quant à moi, je ne reparlerai de religion à l'école qu'en présence de mon avocat.