mardi 29 juin 2021

Le gouvernement canadien, responsable des conditions des pensionnats amérindiens comme celui de Kamloops

Pensionnat résidentiel de Fort Resolution dans les Territoires du Nord-Ouest.

De sombres accusations ont été portées contre l’Église catholique après la découverte récente des tombes non marquées de 215 enfants du pensionnat de Kamloops, autrefois géré par elle. Pourtant, un rapport du début des années 1900, rédigé par un inspecteur médical à l’époque, révèle des taux excessivement élevés de tuberculose chez les enfants autochtones et un manque important de soutien financier de la part de l’État.

Chargé de ce dossier peu après le début du 20e siècle, cet inspecteur médical canadien a rédigé un rapport explosif, que le gouvernement a refusé de publier, documentant les lacunes des pensionnats financés par l’État et la manière dont les manquements de l’État permettaient aux infections tuberculeuses de se propager largement.

Le Dr Bryce et les pensionnats

En janvier 1904, après une carrière médicale déjà remarquable, le Dr Peter H. Bryce a été nommé Inspecteur médical du ministère de l’Intérieur et des Affaires indiennes du Canada et s’est vu confier spécifiquement les dossiers de santé des peuples autochtones du Canada.

Dans le cadre de ses fonctions, le Dr Bryce a étudié les problèmes de santé des bandes autochtones et rédigé un rapport annuel. En 1907, il a effectué une inspection spéciale de 35 pensionnats autochtones et a rédigé un rapport détaillé et accablant sur les conditions de vie.

Toutefois, les recommandations qu’il formula dans son rapport n’ont pas été publiées par le gouvernement, qui en jugea le contenu trop embarrassant parce qu’il présentait un résumé détaillé de la « condition sanitaire » des écoles. Bryce a fait des révélations choquantes et a ensuite publié ses conclusions en 1922 dans un petit livre intitulé « The Story of a National Crime » [Le récit d’un crime national]. Son rapport et ses recommandations ont également été divulgués à la presse après la tentative de dissimulation de l’État.

Les écoles sont décrites comme étant dans un « état sanitaire défectueux » à cause du manque d’exercice régulier, d’une ventilation insuffisante ─ spécialement pendant l’hiver, par économie ─ et de l’admission d’élèves « déjà infectés par des maladies contagieuses ». Bryce n’a pas hésité à condamner les écoles financées par le gouvernement.

C’était « presque comme si les conditions propices à l’apparition d’épidémies avaient été délibérément créées », écrivait-il.

Des taux élevés de tuberculose

En effet, cette description s’est vérifiée dans les chiffres de mortalité qu’il a rencontrés, en particulier en ce qui concerne la tuberculose. Son rapport notait que « sur un total de 1 537 élèves déclarés, près de 25 % sont morts ; que dans une école dont la déclaration est absolument exacte, 69 % des anciens élèves sont morts, et que partout la cause de la mort presque invariablement mentionnée est la tuberculose. »

Une étude subséquente des pensionnats de Calgary, achevée deux ans plus tard, a révélé que « la tuberculose était présente de façon égale chez les enfants de tous âges » et que « dans aucun cas un enfant en attente d’admission à l’école n’a été trouvé exempt de tuberculose ». Bryce fait référence à une « mortalité excessive » chez les enfants âgés de 5 à 10 ans, notant que l’infection était principalement contractée dans les familles et se propageait ensuite dans les écoles.

Le Canada connaissait déjà un taux de mortalité infantile élevé, le taux pour les enfants de moins de cinq ans étant de 296,75 décès pour 1 000 naissances en 1900. Les peuples des Premières Nations eux-mêmes ont toujours été moins résistants aux maladies infectieuses, telles que la grippe, la rougeole et la variole.

Des recommandations ignorées

Bryce recommandait d’agrandir les installations scolaires, de déplacer les écoles pour les rapprocher des familles des élèves et d’avoir des infirmières formées à la lutte contre la tuberculose.

De manière significative, cependant, il a demandé que le gouvernement prenne en charge « l’entretien et le contrôle complets des écoles, puisqu’il avait promis par traité de les assumer ». Un tel souhait de changement est significatif, car, comme l’a noté LifeSiteNews dans un article récent sur le cas de Kamloops, alors que les attaques actuelles sont dirigées contre l’Église catholique, c’est en fait le manque de financement adéquat de la part de l’État qui a conduit à une mauvaise nutrition, à la mauvaise qualité des bâtiments et à des taux d’infection élevés.

Les enquêtes du Dr Bryce sur les effets des conditions scolaires ont été entravées à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les enseignants et les responsables des écoles étaient réticents à travailler avec lui ou à fournir des détails sur la condition des anciens élèves. Cependant, sa principale opposition provenait des personnes du ministère qui l’avaient chargé de faire un rapport sur les écoles et qui ont manifesté à Bryce une « opposition active ».

Les supérieurs du Dr Bryce ont non seulement refusé de publier ses recommandations, mais aussi d’y donner suite, ce qui signifie que les conditions que Bryce avait été si choqué de voir perduraient tout simplement. Les représentants du gouvernement étaient « conscients du coût potentiel, tant en dollars fédéraux qu’en critiques et maux de tête parlementaires et peut-être publics ».

L’inaction politique, face aux preuves de Bryce sur les taux de mortalité élevés et à ses avertissements sur les décès futurs, a simplement démontré ce qu’il a décrit comme « l’indifférence des politiciens aux besoins des populations autochtones ».

En fait, l’accent mis sur les économies de coûts a été mentionné par le National Post, qui a noté que le « ministère des Affaires indiennes du gouvernement refusait d’envoyer chez eux les corps des enfants pour des raisons de coûts ».

Invité à CTV News, l’historien et professeur à l’Université Trent, John Milloy, a décrit Bryce comme un lanceur d’alerte qui a « fait l’erreur » de documenter avec beaucoup de précision les fautes de l’État. M. Milloy a souligné que M. Bryce a été « persécuté » par ses supérieurs pour « le reste de sa carrière » après sa dénonciation.

Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, a également souligné l’importance du travail de Bryce et le résultat dévastateur de son rejet par le gouvernement, en déclarant à CTV : « Si on l’avait écouté, je pense qu’il est juste de dire que des milliers de vies d’enfants auraient pu être sauvées. »

Les demandes de Bryce pour un changement dans le système n’étaient pas financièrement déraisonnables, loin de là. En fait, le financement des soins de santé accordé aux seuls citoyens d’Ottawa était environ trois fois plus élevé que celui accordé à tous les membres des Premières Nations au Canada.

« Le Dr Bryce a pris la parole pour tenter de sauver la vie des enfants. Cela aurait coûté 15.000 dollars sur un budget national de plus de 100 millions », écrit Mme Blackstock. « Le Canada a dit non. »

Nouvel éclairage sur la controverse de Kamloops

La redécouverte récente de l’avertissement centenaire du Dr Bryce sur la mauvaise gestion des pensionnats par l’État éclaire sous un nouveau jour la découverte récente de 215 tombes au pensionnat de Kamloops car il permet d’en connaître les conditions [de vie]. Le pensionnat a été ouvert de 1890 à 1969 et, à son apogée, Kamloops comptait plus de 500 enfants inscrits dans les années 1950 et était autrefois le plus grand pensionnat du réseau.

Malgré la taille des écoles et le taux élevé de mortalité infantile à l’époque, le Centre national pour la vérité et la réconciliation n’a retrouvé que 51 dossiers documentés d’enfants décédés à Kamloops entre 1900 et 1971, ce nombre étant bien inférieur aux 215 corps récemment découverts.

Le rapport du Dr Bryce devrait inciter les reportages actuels sur Kamloops à réexaminer la question et à s’intéresser aux mauvaises conditions scolaires promues par l’État avant d’attaquer l’Église catholique. Pour l’instant, les 215 corps n’ont pas encore été correctement examinés, et on ne sait rien des enfants qui y sont enterrés. Mais avec des informations supplémentaires sur la situation historique, les circonstances de leur mort pourraient commencer à être mieux comprises.

Source : CQV


Histoire du premier réseau d'écoles publiques aux É.-U.

Samuel Blumenfeld dans son livre Is Public Education Necessary? — ouvrage sur lequel nous reviendrons — nous rappelle comment le premier réseau d'écoles publiques vit le jour aux État-Unis.

Couverture de Is Public Education Necessary?,
enlèvement par la police d'un enfant éduqué
à la maison sous les yeux effarés de sa mère.
Vers 1817, un mouvement apparut à Boston dont le but était d’étendre le système d’écoles financées par les contribuables aux écoles primaires. Pour déterminer si un tel réseau se justifiait le Comité scolaire de Boston commanda une enquête.

« [L']enquête eut lieu en novembre 1817, elle révéla que Boston, alors peuplée d’environ 40 000 habitants, avait 8 écoles publiques [qui n’accueillaient que les enfants sachant déjà lire, leur fréquentation était libre, en partie payante et était en partie contrôlée par les parents], y compris l’École latine, une école africaine pour les enfants des Afro-Américains et une école dans l’Hospice pour les enfants des pauvres. L’effectif total de ces 8 écoles était de 2 365 élèves. Il s’agissait là d’approximativement 33 pour cent de la population d’âge scolaire. L’enquête révéla également que 154 écoles privées pour garçons et filles avec un effectif total de 3 757 étaient réparties à travers toute la ville. Il existait également 8 « écoles gratuites de la charité » avec un effectif de 365 élèves. Tout compris, plus de 4 000 étudiants âgés de 4 à 14 ans fréquentaient des écoles privées d’un type quelconque au prix total de près de 50 000 $ payés par les parents. L’enquête signalait que seuls 283 enfants âgés de 7 ans et moins ne fréquentaient aucune école. Ainsi, un pourcentage étonnant des enfants de la ville fréquentait bien l’école et les quatre pour cent qui n’en fréquentaient pas, pouvaient aller aux écoles de la charité si leurs parents le voulaient » (p. 43 de Is Public Education Necessary?)



Le grand architecte Bulfinch déclara en conclusion de ce rapport que l’imposition d’un système d’écoles primaires publiques complet pour y inclure les premières années d'apprentissage était inutile. En effet, non seulement 96 % des enfants fréquentaient déjà une école à l’époque, mais, au besoin, il vaudrait mieux aider financièrement les parents des 4 % restants, la plupart pauvres, à fréquenter une école de leur choix grâce à des bourses plutôt que de mettre en place un nouveau système d’écoles publiques financé par les contribuables, système dispendieux qui dédoublerait le réseau des écoles déjà en place. Bulfinch expliquait que « la plupart des parents qui envoient leurs enfants à l’école privée payante ne considèrent pas cette dépense comme une charge : il paie volontiers les frais, mus par l’amour de leur progéniture et par un sens du devoir. Ceci en fait de meilleurs parents. Ils sont, en effet, plus enclins à se préoccuper des affaires liées à l’éducation quand ils doivent verser une petite contribution que lorsque cette dépense est complètement prise en charge par le trésor public. » Bulfinch laissait, en outre entendre, que l’utilisation d’argent public pour usurper une compétence manifestement du domaine privé ne pouvait mener qu’à la dégénérescence morale. La solidarité familiale serait affaiblie par l’action d’un gouvernement qui prendrait en charge ce qui revenait de droit aux familles. Il ne faut pas oublier – devait-il ajouter – que la charge d’éducateur revient aux parents et que ceux-ci ne délèguent au maître d’école qu’une partie du rôle de parent et des droits afférents.

Malgré ce rapport et cette analyse de Bulfinch, la ville de Boston, principalement à l'instigation des unitariens, se décida à étendre le réseau des écoles publiques subventionnées par les contribuables pour y inclure désormais des écoles élémentaires.

L’instauration du premier système d’école publique aux États-Unis, celui de Boston, ne trouve donc pas sa cause dans un échec des nombreuses écoles publiques et privées qui couvraient Boston pas plus que dans une défaillance du libre marché. Il s’agit plutôt du résultat de l’action conjointe – et en apparence contradictoire – de plusieurs groupes de pression qui cherchaient tous à utiliser l’éducation publique pour accroître leur influence politique ou pour renforcer la puissance de l’État, qu’ils espéraient maîtriser. Les conservateurs religieux, les unitariens (des hérétiques ariens pour les calvinistes et les congrégationalistes) et les socialistes considéraient tous que l’éducation publique était une prise idéale dont il fallait à tout prix se rendre maître. Chacun de ces groupes avait plus à cœur de modifier les sentiments et les idées des enfants de leurs concitoyens selon des normes gouvernementales (qu’ils édicteraient) que de prodiguer un enseignement de base de qualité à ces enfants.