samedi 23 juillet 2011

France — laboratoire d'idées socialiste contre la politique familiale française, en faveur d'une politique plus québécoise

Terra Nova, le laboratoire d'idées proche du Parti socialiste français, veut s’attaquer à la politique familiale à la française. Sous couvert d’égalitarisme social, la fondation met à mal les mesures visant à développer la natalité considérée comme importante pour assurer le renouvellement des générations et même favoriser une certaine croissance économique.

Plus grande étatisation de la garde des tout-petits

Terra Nova avait déjà fait parler d'elle en soupçonnant les ouvriers d'être devenus réactionnaires et de voter Front national. Dans sa dernière étude, on peut se demander s’il fait confiance aux familles et  aime que les Français fassent des enfants. Dans son rapport, le laboratoire d'idées de gauche propose une série de mesures politiques. Dans une première partie, la fondation propose notamment de créer un « service public de la petite enfance », similaire au programme ruineux, inéquitable et discriminatoire des garderies québécoises dites à 7 $ (en réalité plus proche de 50 $ quand on considère les subventions), afin de s’occuper des enfants en moins de trois ans.

Fin de la politique familiale universelle, place à une politique sociale sélective

Terra Nova propose également de remettre en cause le fondement de la politique familiale à la française. Cette dernière, n’a pas seulement pour objectif de réduire les inégalités entre riches et pauvres mais aussi et même surtout d’inciter les gens à faire des enfants, pour faire face au vieillissement de la population. C’est pour cette raison que les allocations familiales ne sont soumises à aucune condition de ressources, contrairement au Québec ! Qu’on soit riche ou pauvre, le pouvoir d’achat doit être maintenu malgré l’agrandissement de la famille. Le Québec pour sa part favorise la naissance d'enfants nés dans des familles pauvres.

La politique fiscale française actuelle a de quoi faire rêver les parents québécois. Les revenus sont taxés non à titre personnel, mais sur une base familiale. Tous les revenus de la famille sont regroupés puis divisés par le quotient familial. Celui permet d’ajouter des parts et de faire diminuer son revenu imposable en fonction du nombre d’enfants à charge. Chaque adulte dans la famille compte pour une part, les deux premiers enfants à charge pour une demi-part et chaque enfant à charge supplémentaire pour une autre part entière. Une fois le revenu familial divisé en autant de parts que permis, chaque part est imposée selon un même barème. Exemple : on divise les revenus d'un célibataire ou divorcé sans enfants et sans personnes à charge par 1 (sa part d'adulte). Un couple marié sans enfants : 2 parts, avec 2 personnes à charge : 3 parts, avec 3 personnes à charge : 4 parts, avec 4 personnes à charge : 5 parts. Le père peut par exemple être le seul à travailler et très bien gagner sa vie avec quatre enfants, sa famille paiera 5 fois l'impôt d'un célibataire gagnant 5 fois moins ce qui, étant donné la nature « progressive » de l'impôt qui impose très peu (ou pas) les revenus modestes et très fortement les revenus importants est très avantageux. Nettement plus avantageux pour les familles qui paient l'impôt que la fiscalité québécoise.

Mais voilà, Terra Nova souhaite mettre fin au quotient familial pour le remplacer par un crédit ou une réduction d’impôt, comme au Québec ! Certes, cette mesure profitera désormais aux ménages non imposables et l’avantage sera augmenté à partir de trois enfants. Mais la fondation reconnaît que « touchant beaucoup plus de ménages, (la mesure) conduit, pour un même montant global, à distribuer un montant par enfant bien plus faible qu’une réduction d’impôt » (page 58). Bref, on transformerait une mesure à visée nataliste universaliste en un politique sociale, comme au Québec.

Pire, le rapport propose carrément de remettre en cause les majorations de pensions pour les parents de plus de trois enfants, encore une politique qu'ignore le Québec. La raison de ces majorations se trouvait dans la volonté de venir en aide aux parents de famille nombreuse dont le nombre d'enfants a souvent un impact négatif sur l'avancement ou même la carrière au complet (les femmes restant par exemple à la maison).

L'institut de réflexion1 socialiste juge ces pensions majorées « particulièrement critiquables » (page 65). Le rapport affirme que ces majorations « relèvent plus d’une logique de récompense que de compensation des charges ou d’incitation ». [??] Pour lutter contre cette infamie pour un socialiste nouveau, le rapport propose donc la suppression progressive de ces majorations pour les nouveaux retraités ainsi que le gel et la prise en compte de ces dernières dans le calcul de l’impôt sur le revenu des actuels retraités.

Il n’est jamais venu à l’idée du rapporteur qu’élever une famille nombreuse représente non seulement un coût financier lorsque les enfants sont encore à charge mais aussi un obstacle dans la carrière (congés maternité, difficultés à rester tard au travail...), donc pour le niveau du salaire et in fine de la retraite. Sans compter que l'on peut considérer qu'élever une grande famille représente un véritable travail autrement plus usant que bon nombre d'emplois de fonctionnaire.

La fondation admet toutefois que les charges pour un enfant de 14 ans sont plus élevées que pour un enfant de trois ans, ne serait-ce que pour la scolarité. Pour remédier à cela, Terra Nova propose une « prestation complémentaire » pour ces enfants, mais « sous conditions de ressources ». Transformant à nouveau une politique familiale universelle en une politique sociale qui favorisera les pauvres avec enfants et punira, en comparaison, les familles aisées qui ont autant d'enfants.

Politique antinataliste

La visée antinataliste des propositions des penseurs socialistes est confirmée aux pages 60 et 61 de leur rapport. En effet, la fondation précise que l’aide apportée aux familles face au « coût » d’un enfant « ne signifie pas que l’État encourage la constitution de familles nombreuses. Les fratries nombreuses semblent avoir un effet assez défavorable sur la scolarité des enfants et leur trajectoire sociale, particulièrement en ce qui concerne les filles » (page 60). Les cerveaux bobos ne semblent pas considérer que ces résultats se concentrent dans les familles nombreuses pauvres et immigrées.

Le rapport concède qu'« Il incombe évidemment aux parents de décider le nombre d’enfants qu’ils désirent. » Mais il ajoute ensuite que « La puissance publique, à travers les services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI) notamment, intervient pour aider les femmes qui subissent des grossesses non désirées. On pourrait également imaginer que les PMI aient une action de sensibilisation auprès des parents sur les difficultés en terme d’éducation et des vies professionnelles des mères que peut provoquer le choix d’avoir un 4ème enfant ou davantage » (page 61). Notons au passage le nom orwellien d'un service de « protection infantile » qui recommande l'avortement et donc l'élimination d'enfants. Étrange protection pour ces enfants à naître.

Est-ce une façon subtile de dire que les mères qui seraient enceintes d'un quatrième enfant seraient incitées à avorter ?

L'État aurait-il dû décourager les parents Dion dès leur 4e enfant ?

Terra Nova préconise donc l’idée que la croissance et le progrès social d'un pays est en lien avec son niveau de la natalité. Certes, l’indice de fécondité en France est un des plus élevés d’Europe (2 enfants par femme), mais il demeure faible face aux défis à relever : financement des retraites, de la dépendance, renouvellement de la main-d'oeuvre, croissance économique… L’apport de l’immigration est loin d’être une solution miracle à ces problèmes, mais elle constitue bien un avantage électoral pour le parti socialiste qui y trouve un électorat fidèle une fois naturalisé. Par dogmatisme, la fondation Terra Nova attaque donc un atout majeur de la France, sa politique familiale universelle pour adopter une politique  plus sociale ciblée, plus proche de celle du Québec dont l'indice de fécondité est sensiblement inférieur.

Voir aussi

Suisse — référendum pour une justice fiscale envers toutes les familles



[1] Le dictionnaire franglais-français propose comme néologisme pour think-tank d'autres mots comme boîte à idées, pensoir, réflexoir, cogitarium, cogitoir, phosphoroir, vivier d'idées, société de pensée, athénon et réseau pensant bien sûr composé de roseaux pensants pascaliens.