lundi 20 janvier 2014

Documentaire Secondaire V : pas rassurant d'envoyer son enfant à l'école publique québécoise

Sophie Durocher est allée voir Secondaire V:

Si vous avez des enfants qui fréquentent l’école publique québécoise, vous devez absolument aller voir le film Secondaire V de Guillaume Sylvestre qui prend l’affiche au Québec, le 17 janvier.

Quand vous déposez vos enfants à l’école, vous n’avez aucune idée de ce qui se déroule entre les murs des classes.

Guillaume Sylvestre lui le sait. Il a posé sa caméra dans les salles de classe de l’école Paul-Gérin-Lajoie pendant un an.

Et la réalité qu’il donne à voir n’est pas rassurante pour ceux qui pensent que l’éducation doit rimer avec excellence.

Des professeurs de français qui font des fautes de français grossières, une prof d’histoire de 24 ans qui peine à expliquer à ses élèves le conflit israélo-palestinien, un directeur d’école qui négocie avec ses étudiants comme si c’étaient des égaux.

Mais la scène la plus étourdissante de ce film d’une heure trente se déroule pendant un cours d’Éthique et culture religieuse et Monde contemporain [Note du carnet: ce sont en réalité deux cours différents]. Le professeur, qui parle à ses étudiants comme si c’étaient des amis avec qui il prend une bière dans un bar, leur parle de sexualité. Et leur donne des conseils d’hygiène. [Note du carnet: Sophie Durocher est sans doute une catho ultraréac coincée qui n'a pas eu la chance de se voir « offrir » le programme ECR dans sa jeunesse.]

Après leur avoir parlé de fellation et de cunnilingus, il aborde la question de l’anulingus (massage de l’anus avec la langue). « Lavez-vous sinon vous allez comprendre le sens de l’expression Mange de la marde. »

La grande classe, non ?

Et les élèves ? Avachis, effondrés sur leurs pupitres, avec des béquilles “genre”, “comme”, aux deux mots, qui s’effondrent d’ennui pendant une chanson de Jacques Brel. Mais ces mêmes étudiants se prennent pour Che Guevara et jouent aux dictateurs dans la cour d’école pendant le printemps 2012.

Je suis sûre qu’une partie des parents, des syndicats, des éducateurs, des commentateurs qui vont voir le film de Guillaume Sylvestre vont trouver ça « chill ».

Je suis sûre que je vais avoir le droit à des « C’est trop cool, man, dans les écoles, comme, genre, les élèves peuvent vraiment s’exprimer, genre, même sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas pantoute, faque, c’est quoi ton problème, yo ? ».

Je vais sûrement me faire traiter de bourgeoise, de snob. Peu importe.

Il faut le dire haut et fort : ce qu’on voit dans ce documentaire, si c’est représentatif de ce qui se passe dans les autres écoles publiques du Québec, est une catastrophe. Et PGL est une école d’Outremont! Imaginez Montréal-Nord!

Comment peut-on espérer que ces jeunes, incapables de se présenter en classe à l’heure, traités en enfants-rois par les adultes, qui n’acquièrent que des approximations de connaissance, vont pouvoir, demain, être des citoyens éclairés, capables de réfléchir à des questions complexes ?

C’est un désastre. Ils sont en secondaire V. Comment vont-ils pouvoir faire leur entrée au CÉGEP avec des connaissances aussi fragmentaires ? Une attitude aussi jemenfoutiste ?

Une scène révélatrice : une jeune fille se fait coller une retenue par un prof. Il doit inscrire dans son agenda la case horaire qui sera consacrée à la retenue. Alors que le prof lui demande gentiment quelle case horaire lui conviendrait le mieux, elle répond : « Je m’en fous, de toute façon, j’irai pas. »

« Secondaire V » nous montre un univers infantilisant, où l’on parle aux étudiants comme si on était dans une émission de Passe-partout, où même leurs phrases les plus bancales sont accueillies par un : « C’est très bien exprimé ce que tu viens de dire ».

On valorise leur médiocrité, on négocie avec eux au lieu d’user d’autorité.

Mais pour l’entretien de leur anus, par contre, il ne faut pas s’inquiéter. Il sera tout propre.





Nathalie Petrowski se veut plus sereine (tout en commençant son article par des remarques ad hominem assassines):

Guillaume Sylvestre, 36 ans, n'a jamais été un élève modèle. Qu'il soit le fils de Denise Bombardier n'y a rien changé. Renvoyé du collège Marie de France, puis du Collège de Montréal, il a réussi de peine et de misère à faire un an d'université avant d'envoyer promener ses études et de terminer avec un bac en rien.

Pourtant, c'est ce même cancre qui détestait l'école qui vient de passer une année complète avec sa caméra entre les murs de l'école secondaire Paul Gérin-Lajoie (PGL), à Outremont, une école qui, depuis sa fusion avec l'Outremont High School, accueille une forte population immigrante de Côte-des-Neiges et de Côte-Saint-Luc.

[C'est en fait assez représentatif de ce que la politique migratoire du Québec a fait de Montréal, pour mémoire :

53 % — Proportion des élèves fréquentant l'école publique dans l'île de Montréal qui sont issus d'un ou de deux parents immigrants.

25 % Proportion des élèves fréquentant l'école publique dans l'île de Montréal qui sont issus d'un ou de deux parents immigrants.

25 % Un quart des élèves des commissions scolaires de Montréal et Marguerite-Bourgeoys sont nés à l'étranger.]

[...]


Les jeunes sous sa loupe, issus pour la majorité des communautés culturelles, sont bruyants, brouillons, indisciplinés, insolents, opiniâtres et semblent se foutre éperdument de l'école. Pour les intéresser à la moindre matière, les pauvres profs multiplient les pirouettes et les accommodements pédagogiques.

Champions des opinions, souvent toutes faites, ces jeunes excellent dans les débats et les argumentations. Mais ils ne savent pas écrire et sont dramatiquement nuls en orthographe. Bref, ces jeunes sont un peu désespérants, sauf à la fin du film où, au moment de quitter PGL, ils se montrent enfin vulnérables et touchants. Avant ce moment d'émotion, il faut faire de grands efforts pour les aimer.

« Ça t'énerve peut-être, ce que tu vois dans le film, mais c'est la réalité, me lance Guillaume Sylvestre. C'est exactement ce qui se passe dans les écoles publiques aujourd'hui à Montréal. Je n'ai pas essayé d'embellir la situation. »

Ce n'est pas tout à fait ce que pense Gaétane Marquis, directrice de PGL. Elle reproche à Sylvestre d'avoir ciblé un petit groupe d'élèves avec des troubles de comportement et d'avoir ignoré la majorité d'élèves polis, studieux et respectueux qui fréquentent une école réputée pour son programme d'art dramatique, dont il n'est nullement question dans le film.

Deux élèves [représentatifs ?] donnent raison à la directrice dans un texte publié sur l'internet. Dans une longue réplique impeccablement écrite [sans être relue par des tiers ?], Alexandre Petitclerc et Mattis Savard affirment que ce documentaire est à l'école publique ce que le film porno est à la sexualité.

« Dans ton film, Guillaume, ajoutent-ils, tu as fait de nous des objets servant à faire passer ton idéologie... Tu fais ce que les médias ont fait tout au long de la grève : nous descendre et nous salir. »

Le cinéaste se défend d'avoir fait le procès de qui que ce soit. Il affirme qu'il n'a pas choisi les personnages de son film, mais que ce sont eux qui se sont imposés à lui en cours de tournage. Loin de lui l'idée de les juger.

« Bien franchement, ces jeunes ne sont pas si terribles que ça, dit-il. Ils sont beaucoup plus ouverts sur le monde que je ne l'étais à leur âge, et ils sont plus au courant de ce qui se passe à l'étranger que bien des Québécois de 50 ans. Ils s'intègrent mieux à la société québécoise qu'on le pense et puis, souvent, ils parlent un meilleur français que bien des Québécois de souche. »

Le fameux esprit critique

Le politiquement correct Voir ressort les stéréotypes sur le bel esprit critique de ces jeunes, on se console comme on peut, ces jeunes discutent beaucoup, répètent des idées souvent politiquement correctes sur les sujets d'actualité, mais n'ont pas une grande culture générale :

N’écoutez pas les mauvaises langues qui accusent Guillaume Sylvestre de démagogie et qui voient dans Secondaire V une entreprise de démolition de l’école publique. Ceux-là ont visiblement l’esprit mal tourné. On peut certes critiquer le choix d’avoir réalisé un film d’observation qui ne propose pas beaucoup de recul et de perspective et qui ne remplit pas les trous dans le dialogue politique sur l’enseignement public au Québec. Mais si on observe ce film pour ce qu’il est, on verra un regard tendre sur une adolescence en plein bouillonnement et en pleine métamorphose. Moins de soumission à l’autorité et moins d’obéissance aveugle aux enseignements et aux évaluations ne signifie [sic] pas que l’éducation ne suit pas son cours. Au contraire, c’est une génération apte à développer son sens critique et à interroger le monde sous toutes ses coutures que ce film dévoile bellement, malgré les fautes de syntaxe ou les emportements émotifs de ces attachants ados. Il y a, dans le discours de ces jeunes tel que le capte Guillaume Sylvestre, une admirable ouverture sur le monde et sur l’altérité, ainsi que de la pensée en action et du plaisir à débattre, malgré une maîtrise inégale de la dialectique. La caméra ne trahit rien ni rien n’embellit. Le montage, s’il insiste sur quelques moments violents (qui ont paru sensationnalistes aux yeux chastes), ne s’y complaît guère. Le film insiste vraiment sur la vitalité de la parole de ces finissants. Et cette parole est si peu entendue qu’on ne peut que tendre l’oreille.








Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)