jeudi 14 décembre 2017

L'État québécois impose son programme d'éducation à la sexualité car les écoles ne l'ont pas adopté volontairement

Tous les élèves québécois du primaire et du secondaire devront obligatoirement suivre des cours d’éducation sexuelle à compter de septembre prochain, selon ce qu’a appris La Presse canadienne mercredi.

L’information a été confirmée par le Premier ministre Philippe Couillard, au cours d’un entretien exclusif avec l’Agence de presse canadienne à ses bureaux de Québec, en présence de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Condition féminine, Hélène David.

Au cours des deux dernières années, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a bien tenté, sur la pointe des pieds, d’implanter graduellement, sur une base volontaire, l’éducation sexuelle à l’école, mais sans grand succès.

La grande majorité des écoles n’a pas suivi, tandis que les syndicats d’enseignants ont dénoncé sur tous les tons le manque de formation et l’approche retenue par Québec.

Sébastien Proulx affirme avoir pris la décision de rendre le cursus obligatoire devant la réticence de nombreuses écoles à participer au programme volontaire lors du projet-pilote. «L’adhésion de tous les milieux n’est pas là aussi facilement que je le crois nécessaire», souligne-t-il. À la Commission scolaire de Montréal, une seule école, sur près de 150, offre le cours, illustre le ministre. «Il y a des gens qui étaient réticents à le faire», dit-il.

Mais voilà que le gouvernement Couillard décide de ne plus tergiverser dans ce dossier : dès septembre, toutes les commissions scolaires, toutes les écoles, devront offrir des cours d’éducation sexuelle, et ce, de la première année du primaire à la cinquième secondaire.

Imposition

Au total, environ un million de jeunes « auront donc accès » [novlangue typique, entendre « se verront imposer »], dès la prochaine rentrée scolaire, à de l’information, modulée d’après le ministère de l’Éducation « selon leur âge », sur la sexualité, l’anatomie, l’image corporelle, les rôles sociaux, les agressions sexuelles, la vie affective et amoureuse, les relations sexuelles, les stéréotypes [en quoi est-ce l’affaire de l’État plutôt que des parents ?], les maladies transmises sexuellement, etc. Aucun jeune ne sera exempté. C’est cela le Québec : toujours une seule solution au nom de la diversité, de la tolérance, de l’adaptation aux différences familiales et toutes ces belles choses.

« J’ai l’impression que la vaste majorité des Québécois souhaite ça », a commenté le Premier ministre, convaincu qu’au Québec « on est rendus là, clairement ». [Laissez-les choisir alors !]

Il ne s’agira pas d’un « cours » comme tel, mais plutôt « d’activités insérées dans le parcours de l’enfant », a-t-il précisé, à l’intérieur de ses cours de français ou de mathématiques, par exemple, conformément à la formule déjà testée depuis deux ans. [Et quels sont les résultats de ces classes-pilotes ?]

Québec a décidé de foncer, même si le Premier ministre est bien conscient qu’il s’agit encore en 2017 d’un sujet délicat, controversé, qui « provoque certaines tensions sociales ».

Car ce ne sont « pas toutes les familles qui sont enthousiastes devant l’idée » de voir leur enfant entendre parler de sexe à l’école, convient-il.

Pour des raisons morales ou religieuses, certains parents résistent à l’idée de voir l’école offrir ce type d’apprentissages.

Mais la vague récente de dénonciations massives d’agressions sexuelles, un phénomène très médiatisé, a contribué à accentuer la pression sur Québec pour agir dans le sens de prévenir les agressions en misant d’abord sur l’éducation. [Prétexte, comme d’habitude. Que faut-il enseigner au primaire pour éviter les « agressions sexuelles » ? On profitera plutôt de ces classes pour faire passer des messages plus sociologiques, plus politiques et féministes sur le rôle des femmes dans la société (surtout pas à la maison, pas trop d’enfants, hein...) Un prétexte, comme la crise des accommodements raisonnables a abouti sur la recommandation de Bouchard-Taylor en faveur du programme multiculturaliste d’Éthique et de culture religieuse.]

Le ministre de l’Éducation devrait en faire l’annonce officielle jeudi, dans le cadre du forum sur la lutte aux agressions sexuelles, qui se tient au Centre des congrès de Québec.

Des contenus qui dérangent

D’après le bilan établi sur les écoles pilotes où avait été mis en place ce programme à l’automne 2015, des ajustements doivent prendre place pour la suite du programme. « Globalement, les directions d’écoles primaires et, surtout, les directions d’écoles secondaires étaient peu à l’aise avec le contenu des apprentissages en éducation à la sexualité », indique le document. La formation sur les agressions sexuelles — en première, en troisième et en cinquième année du primaire — provoque un malaise chez la plupart des intervenants, y compris chez les enseignants. L’apprentissage intitulé Globalité de la sexualité (enseigné au primaire et au secondaire) suscite aussi un questionnement, tout comme des éléments du programme secondaire : vie affective et amoureuse, agir sexuel, violence sexuelle, infections transmissibles sexuellement et par le sang, ainsi que grossesse. Certaines écoles ont omis d’enseigner ces contenus aux élèves parce qu’elles manquaient de personnel compétent. Les enseignants sont mal préparés pour aborder ces enjeux délicats en classe. Les deux tiers des enseignants du primaire et la moitié de ceux du secondaire qui participent au projet-pilote n’ont aucune formation en sexologie (à part les sessions offertes par le MEES, les commissions scolaires ou les directions d’école), note le bilan.

Dans son rapport, le ministère ne se demande pas, toutefois, si c’est le rôle de l’État de prescrire une philosophie sur la « globalité de la sexualité » ou des conseils en termes de « vie affective et amoureuse » ou sur l’« agir sexuel » (qu’est-ce à dire ?)...

Peu d’écoles intéressées

En 2015-2016, un projet pilote d’éducation sexuelle dans 15 écoles du Québec avait soulevé la grogne des syndicats, qui jugeaient le programme improvisé et la formation déficiente. En 2016-2017, le ministre avait rendu le programme disponible à toutes les écoles, mais sur une base facultative. Or, à peine 240 écoles (et aucune à Montréal) sur une possibilité de quelque 3000 à travers le Québec se sont montrées intéressées. [Et le ministre prétend que la demande est là...]

Il était prévu 5 heures par année au primaire et 15 heures au secondaire.

M. Couillard promet d’« impliquer les enseignants » dans le processus pour assurer le succès de l’initiative, désormais étendue à tout le réseau scolaire.

Le ministre Proulx devra certainement amadouer les syndicats d’enseignants, dans les mois qui viennent. Depuis deux ans, ils multiplient les sorties pour rejeter l’idée de parler de sexualité pendant l’apprentissage d’autres matières. Ils dénoncent aussi le manque de formation et le manque de matériel mis à leur disposition pour prodiguer un enseignement de qualité de la sexualité.

Points saillants :

– Éducation sexuelle obligatoire pour tous les élèves à compter de septembre 2018

– Clientèle visée : élèves du primaire et du secondaire

– Sujets abordés au primaire : rôles sexuels, situations d’agression sexuelle, conception, stéréotypes sexuels, changements associés à la puberté, sexisme, homophobie, éveil amoureux et sexuel.

– Sujets abordés au secondaire : orientation sexuelle, notion de consentement, relations amoureuses, désir et plaisir sexuel, relations sexuelles non protégées, infections transmises sexuellement.

– Approche : « exploration de nouvelles valeurs et normes en matière de sexualité, au-delà de celles de la famille »



« Improvisation »


De son côté, le Syndicat de l’enseignement de la région de Québec (CSQ) s’étonne de l’empressement du gouvernement Couillard à rendre obligatoires les cours d’éducation sexuelle dès l’an prochain.

Le président du syndicat, Denis Simard, trouve que le gouvernement agit dans la précipitation et l’improvisation. Il déplore que les enseignants n’aient pas été consultés.

C’est toujours l’école à la pièce. C’est là-dessus qu’on en a. Sur le fond, donner des cours d’éducation sexuelle, je pense que c’est important, mais c’est fait un peu à la va-vite.
Denis Simard, président du Syndicat de l’enseignement de la région de Québec

Grille saturée

M. Simard ne voit pas d’un bon œil l’intention du gouvernement de permettre aux écoles d’intégrer les cours d’éducation sexuelle dans différentes matières.

« Ce n’est pas un cours comme on donne un cours de français, un cours de mathématiques. Quand on avait le cours de formation personnelle et sociale, c’était intégré dans un cours, il y avait des périodes pour cela », rappelle le président du syndicat.

Il ajoute que la grille-matières du régime pédagogique est déjà suffisamment remplie. « Depuis trois, quatre ans, ils ont ajouté des cours de toutes sortes, des cours qu’ils avaient enlevés […] Un moment donné, ça ne fonctionne pas. Ça ne rentre plus dans la grille-matières. »

Sources : La Presse Canadienne et Radio-Canada

Voir aussi
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Cours d’ECR : les enseignants « marchent sur des œufs »

Du grand journalisme : « Les Ontariens et le sexe »

Québec — Le nouveau programme d’éducation sexuelle prônerait l’exploration sexuelle...?

La censure sur les campus du Canada

Conférenciers hués, manifestations bloquées, groupes étudiants censurés... La liberté d’expression des étudiants et de certains professeurs est mise à mal par une nouvelle mobilisation des groupes minoritaires. Emmanuelle Latraverse et Benoit Giasson se sont penchés sur la question.




Si la vidéo ne démarre pas, voir ici.

La chronique Mathieu Bock-Coté à ce sujet :

Le reportage du Téléjournal de Radio-Canada sur la censure à l’université a probablement choqué ceux qui s’imaginent encore qu’elle valorise la liberté intellectuelle. Mais ceux qui sont familiers avec elle ne pouvaient pas feindre la surprise.

D’un côté, on trouvait une jeune fille plutôt à droite subissant la censure d’une association étudiante.

De l’autre, on trouvait la porte-parole­­­ de cette association, pratiquant fièrement la censure.

Censure

Ce qui est dramatique, c’est que cette dernière est assez représentative de la nouvelle génération militante à gauche qui prétend redéfinir le débat public en en excluant ceux qui ne se réclament pas de ses dogmes.

Quelques exemples. On trouve ainsi des militants antiracistes qui veulent décider qui aura droit ou non à la parole publique. Leur objectif : en priver les racistes. Certains diront : pourquoi pas ?

Sauf que l'onconstate que nos antiracistes ont une définition très large du racisme. Vous critiquez le multiculturalisme ou l’immigration massive ? Vous vous demandez dans quelle mesure l’islam parvient à s’intégrer aux sociétés occidentales ? On pourra à tout moment vous traiter de raciste.

Pire encore : si vous contestez l’idée que le racisme systémique structure notre société, on pourra aussi vous accuser de racisme. Il faut voir le monde comme ces militants endoctrinés ou se condamner à l’ostracisme médiatico-politique.

Je parle de l’antiracisme qui devient fou, mais je pourrais aussi évoquer le féminisme radical qui voit du sexisme partout. Ou encore, la mouvance trans, en croisade contre une supposée transphobie généralisée, et qui balance des injures à ceux qui voient le monde autrement.

Partout, en toutes circonstances, les indignés professionnels surveillent la parole publique, à la recherche de propos à dénoncer. C’est la dictature des minorités haineuses.

Ces censeurs fiers de l’être dénaturent l’université, souvent avec la complicité des autorités universitaires, trop lâches pour défendre leur institution, et la collaboration de professeurs-militants qui confondent savoir et idéologie.

Ces censeurs sont tellement ivres de vertu et tellement convaincus d’avoir le monopole de la vérité que la simple expression d’un point de vue différent du leur semble être un scandale.

Ils nous disent : la liberté d’expression ne doit pas servir à exprimer des idées qui pourraient être offensantes pour telle ou telle minorité. En gros, ils veulent nous imposer leur définition du blasphème identitaire.

Certains, pour jouer les grands équilibristes, nous disent qu’on doit trouver un équilibre entre la liberté d’expression et l’encadrement des propos controversés.
C’est une fausse sagesse.

Politiquement correct

Car qui distinguera entre les propos controversés et ceux qui ne le sont pas ? Les minorités idéologiques hysté­riques pour qui le désaccord est une offense ? Une autorité surplombante composée d’experts partiaux ?

Et les propos controversés des uns sont souvent les propos lumineux des autres.

Il faut en revenir au simple bon sens : les universités doivent prendre les moyens nécessaires pour restaurer un climat intellectuel propice à la liberté intellectuelle et faire comprendre aux sectes idéologiques que leur règne est terminé.

Mais cela exigera du courage. Car c’est toute la société qui est soumise au politiquement correct.

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