|
Cette diversité met en évidence l’augmentation du vote pro-Trump parmi les Latinos, les noirs et les Asiatiques en novembre par rapport à 2016 (voir graphique ci-dessous), malgré son opposition à l’immigration illégale. Oui, les électeurs de Trump sont en grande majorité des blancs (comme le sont les États-Unis pour l’instant), mais un quart à un tiers des électeurs latinos ont voté pour Trump en 2020.
L’un des organisateurs du mouvement « Stop the Steal » (Mettre fin au vol) est Ali Alexander, un partisan de Trump qui s’identifie comme noir et arabe. Le président des Proud Boys est Enrique Tarrio (en photo ci-dessous avec le maillot noir), un Latino élevé à Little Havana à Miami, il s’identifie comme afro-cubain ; lorsqu’il est arrivé à Washington pour le 6 janvier, il a été arrêté pour avoir prétendument brûlé une bannière Black Lives Matter prise dans une église noire le mois précédent. (On attend les nombreuses arrestations pour les mois d’émeutes au nom de BLM.)
Ce genre de statistiques et de faits trouble la gauche (woke ou simplement progressiste).
Pour cette gauche, il est exclu que ces minorités partagent des intérêts avec l’électorat blanc (l’immigration illégale fait pression à la baisse sur les salaires des immigrants récents peu qualifiés comme sur les salaires des « petits blancs »). Il est inconcevable que les minorités approuvent l’insistance sur la loi et l’ordre (alors que ce sont ces minorités qui pâtissent le plus de l’insécurité, pas les blancs aisés dans leurs communautés résidentielles closes et gardées). Il est inadmissible que ces minorités partagent des valeurs familiales conservatrices (patriarcales, horresco referens) avec les électeurs blancs de Trump et que les priorités extrémistes LGBTQ2SAI+ leur soient insupportables.
Non, tout cela est impensable, ces minorités ethniques doivent ne pas comprendre leurs intérêts. Elles doivent être le jouet de la suprématie sociale et idéologique des blancs. C’est « la blanchité multiraciale » comme le titre dans la photo ci-dessus le Washington Post, un organe très progressiste depuis son rachat par le magnat d'Amazon, Jeff Bezos. Cette « blanchité multiraciale » (on parle aussi de blanchitude) est en réalité un concept racialiste condescendant envers ces minorités qui osent sortir de leur réserve ethnique et s’écartent du rôle que leur assigne la gauche woke et progressiste.
Pour la militante Judith Katz, les éléments qui caractérisent cette blanchité sont :
- un individualisme farouche, basé sur l'autonomie et l'indépendance, avec l'individu comme unité de base, qui est supposé contrôler son environnement (« on reçoit ce qu’on mérite »),
- une forte orientation à la compétition et à l'envie de victoire, avec une orientation à l'action et une prise de décision majoritaire (là où les Blancs sont la majorité),
- une justice basée sur le droit anglais, protégeant la propriété et les droits, où l'intention compte,
- une communication polie et non intrusive, évitant le conflit et la démonstration d'émotions,
- des congés basés sur les religions chrétiennes, l'« histoire blanche » et des leaders masculins,
- une histoire focalisée sur l'expérience des immigrants américains issus d'Europe du Nord, avec une focalisation forte sur l'Empire britannique et une primauté des traditions occidentale (gréco-romaine) et judéo-chrétienne,
- une éthique du travail protestante, où le travail est la clé du succès, il faut travailler avant de jouer et un échec est mis sur le compte d'un manque d'efforts,
- un accent sur la méthode scientifique, notamment une pensée objective, rationnelle et linéaire, avec des relations de cause à effet, et un accent quantitatif,
- une forte valorisation de la richesse, une identification de l'individu avec son travail, un respect de l'autorité,
- une vision du temps comme une ressource et des plannings rigides, une tendance à faire des plans pour l'avenir, à chercher le progrès et à s'attendre à « des lendemains meilleurs »,
- une famille à structure nucléaire avec mari, femme et 2 ou 3 enfants, un mari qui gagne l'argent et une femme au foyer, des enfants indépendants avec si possible leur propre chambre,
- une esthétique basée sur la culture européenne, une beauté féminine basée sur la blondeur et la minceur, une attractivité masculine basée sur le statut économique, le pouvoir et l'intelligence,
- une vision de la religion avec le christianisme comme norme et les religions non judéo-chrétiennes comme étrangères, et un refus de la déviation du concept de dieu unique.
S'assimiler à la société américaine historique et majoritaire ou adopter la méthode scientifique « occidentale » ce serait faire preuve de blanchité et être un suppôt du suprématisme blanc... Bienvenue au monde des tribus et des groupes ethniques essentialisés.
Voir aussi
Pourquoi la culture, et non l’économie, détermine la politique américaine
Élections américaines — propagande, chaos, fraudes, urnes et tradition…
Préférences ethnique et culturelle dans le choix de colocataires parmi les millénariaux
On retrouvera ci-dessous les résultats de sondages de sorties des urnes à l'élection présidentielle de 2020. On y indique le glissement du vote en faveur de Trump ou de Biden comparé aux résultats des élections de 2016. +4 pour Biden dans la première rangée signifie que Biden a amélioré le resultat d'Hillary Clinton de 4 % chez les hommes, il est cependant toujours dépassé par Trump (amélioration de +1 %) dans cette catégorie