Ne pas mettre en œuvre un système de modération efficace des commentaires publiés sur leurs sites pourrait coûter cher aux médias en ligne payants. C’est l’une des leçons que l’on peut tirer de l’arrêt rendu le 16 juin dernier, à Strasbourg, par la Cour européenne des droits de l’homme. Une décision qui suscite l’inquiétude des défenseurs de la liberté d’expression.
L’affaire remonte à 2006. Le site d’info estonien Delfi publie un article sur les pratiques d’une société de traversiers (bacs). Dans les commentaires, quelques internautes se déchaînent. L’un des actionnaires de l’entreprise citée dans l’article est l’objet de messages insultants, assortis de menaces. Il porte plainte et, en 2008, la justice estonienne condamne Delfi, estimant que la plateforme d’info aurait dû se doter d’un système plus performant pour le retrait de commentaires illicites. L’entreprise ne s’était exécutée qu’après avoir reçu une mise en demeure des avocats du plaignant, laissant subsister sur le site les propos injurieux durant de longues semaines.
Certes, la législation européenne exonère les hébergeurs de la responsabilité sur les contenus qu’ils stockent sur leurs serveurs. Mais le tribunal estonien avait balayé cet argument de la défense. Puisque Delfi invite les visiteurs à commenter ses articles, il ne le considère plus comme un hébergeur passif, mais bien comme un éditeur responsable. C’est ce jugement que Delfi a contesté auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Qui ne l’a cependant pas désavoué.
Dans son arrêt, la Cour met en balance la nécessité de l’anonymat sur l’internet, « de nature à favoriser grandement la libre circulation des informations et des idées » avec le refus d’en faire le réceptacle de propos diffamatoires, injurieux ou qui attentent à la vie privée. Mais surtout, et ce surprenant distinguo n’a pas fini de faire couler l’encre, la Cour précise dans un communiqué que l’affaire ne concerne que les portails internet commerciaux qui mettent à la disposition des internautes des outils de publication de commentaires pour leurs contenus. Pour mieux enfoncer le clou, elle ajoute que l’affaire Delfi « ne concerne pas » les forums de discussion sur le Net ou les réseaux sociaux.
Facebook ne serait donc pas concerné par la jurisprudence Delfi. Ce qui promet, à l’avenir, de beaux imbroglios juridiques.
Si la décision aura peu d’impact immédiat sur les législations nationales en vigueur, elle pourrait avoir un effet considérable sur l’exercice de la libre expression sur la Toile. De nombreux médias en ligne pourraient décider de fermer les commentaires qui prolongent la publication de leurs articles, estimant le risque d’un retour de manivelle trop élevé ou n’ayant pas les ressources nécessaires pour faire la surveillance de leurs sites en temps réel. L’effet d’une telle politique – on peut parler sans excès d’autocensure – sera probablement très dommageable, en restreignant de manière sensible l’espace public consacré au débat, fondamental pour l’exercice de la démocratie.
L’affaire remonte à 2006. Le site d’info estonien Delfi publie un article sur les pratiques d’une société de traversiers (bacs). Dans les commentaires, quelques internautes se déchaînent. L’un des actionnaires de l’entreprise citée dans l’article est l’objet de messages insultants, assortis de menaces. Il porte plainte et, en 2008, la justice estonienne condamne Delfi, estimant que la plateforme d’info aurait dû se doter d’un système plus performant pour le retrait de commentaires illicites. L’entreprise ne s’était exécutée qu’après avoir reçu une mise en demeure des avocats du plaignant, laissant subsister sur le site les propos injurieux durant de longues semaines.
Certes, la législation européenne exonère les hébergeurs de la responsabilité sur les contenus qu’ils stockent sur leurs serveurs. Mais le tribunal estonien avait balayé cet argument de la défense. Puisque Delfi invite les visiteurs à commenter ses articles, il ne le considère plus comme un hébergeur passif, mais bien comme un éditeur responsable. C’est ce jugement que Delfi a contesté auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Qui ne l’a cependant pas désavoué.
Dans son arrêt, la Cour met en balance la nécessité de l’anonymat sur l’internet, « de nature à favoriser grandement la libre circulation des informations et des idées » avec le refus d’en faire le réceptacle de propos diffamatoires, injurieux ou qui attentent à la vie privée. Mais surtout, et ce surprenant distinguo n’a pas fini de faire couler l’encre, la Cour précise dans un communiqué que l’affaire ne concerne que les portails internet commerciaux qui mettent à la disposition des internautes des outils de publication de commentaires pour leurs contenus. Pour mieux enfoncer le clou, elle ajoute que l’affaire Delfi « ne concerne pas » les forums de discussion sur le Net ou les réseaux sociaux.
Facebook ne serait donc pas concerné par la jurisprudence Delfi. Ce qui promet, à l’avenir, de beaux imbroglios juridiques.
Si la décision aura peu d’impact immédiat sur les législations nationales en vigueur, elle pourrait avoir un effet considérable sur l’exercice de la libre expression sur la Toile. De nombreux médias en ligne pourraient décider de fermer les commentaires qui prolongent la publication de leurs articles, estimant le risque d’un retour de manivelle trop élevé ou n’ayant pas les ressources nécessaires pour faire la surveillance de leurs sites en temps réel. L’effet d’une telle politique – on peut parler sans excès d’autocensure – sera probablement très dommageable, en restreignant de manière sensible l’espace public consacré au débat, fondamental pour l’exercice de la démocratie.