jeudi 12 mars 2009

Aiguiser l'esprit critique en chassant les hérétiques

Amusant de contradictions ce mouvement lancé à Sherbrooke par un professeur de philosophie, Philippe Langlois, contre la tenue après les heures de cours d'une conférence par un créationniste dans une salle du cégep de la ville.

Quelles étaient les raisons invoquées par ce professeur et ses partisans ?
  1. Le regroupement estime que le cégep est un établissement laïc ;
  2. que l'établissement doit favoriser l'enseignement scientifique et l'éveil de l'esprit critique ;
  3. que les jeunes gens sont trop jeunes pour pouvoir démêler le vrai du faux dans cette matière et que cela pourrait causer une certaine confusion.
Sans vouloir discuter du darwinisme ici (voir Wikipédia sur le sujet et la BBC : The Danger of worshipping Darwin), il faut souligner quelques contradictions dans ce nouvel épisode de la ToléranceMC laïque.

  1. Les écoles et cégeps invitent régulièrement des conférenciers qui parlent de leur foi (plus c'est exotique, mieux c'est dans ces cas-là !) ;
  2. la laïcité de l'établissement était sauve, la conférence se tenait après les heures de cours ;
  3. il est ironique qu'un professeur de philosophie ose parler de sujet « scientifique » et rejette les « croyances » alors que certains pourraient considérer la philosophie comme étant justement un domaine très spéculatif ;
  4. n'est-il pas contradictoire de parler d'éveiller l'esprit critique et de ne pas permettre les élèves qui le désirent d'entendre un autre point de vue que celui que chérissent leurs professeurs habituels et que ces jeunes gens puissent se faire une opinion ?;
  5. les cours d'éthique et de culture religieuse parlent des récits de la création divine du monde, plusieurs fois plutôt qu'une, et ceci à l'école (mais cela serait acceptable car purement transmis comme une connaissance mythologique alors ?) ;
  6. il y a une certaine ironie à oser parler d'un risque de confusion chez les jeunes gens de 17-19 ans à la simple exposition volontaire à une conférence hors des heures de cours sur la création alors que, dès six ans et par décision gouvernementale, des élèves bien plus jeunes sont exposés à plusieurs religions et récits de la création du monde, et là les « laïques » pro-ECR nous disent qu'il n'y aucun risque de confusion !


Addendum de 12 mars

Extrait d'un article du Devoir qui s'intéresse dans ses rares pages à cette affaire.
Clairandrée Cauchy

La contestation aura eu raison de la conférence sur le créationnisme, qui devait avoir lieu ce soir au cégep de Sherbrooke. Le groupe d'étudiants évangélistes à l'origine de la conférence a choisi de la tenir dans une église de Sherbrooke plutôt qu'au cégep. La porte-parole du cégep a pris soin de préciser que le groupe d'étudiants évangélistes avait pris la décision « par lui-même » [sic] de changer le lieu de la conférence de Michel Couillard, fondateur du groupe Origine Création. Le professeur de philosophie Philippe Langlois, qui menait avec une quarantaine de ses collègues la contestation, se réjouissait de voir le caractère laïque du cégep préservé. La victoire n'était cependant pas totale [c'est la journaliste « neutre » qui parle !] puisque la décision est venue du groupe d'étudiants et non de l'administration du cégep. « On va continuer à communiquer avec l'administration pour faire en sorte que ce genre de situation ne se reproduise plus, ou à tout le moins pour établir des critères clairs », a affirmé M. Langlois. La direction du cégep justifiait hier encore sa décision de permettre la conférence créationniste. « Cela respecte la charte. On laisse libre cours à de gens qui veulent exprimer leurs opinions et croyances. On espère que ça permettra aux étudiants de se faire une idée sur le créationnisme. Les étudiants sont à même de se faire leur propre idée », a fait valoir la responsable des communications, Marie-Claude Dupoy. Sur le site Internet du groupe fondé par M. Couillard, on ne cache pas que ses conférences visent à « équiper les chrétiens pour les rendre capables d'offrir une défense crédible de la Genèse et pour qu'ils sachent que la Bible est le seul fondement pour l'interprétation de tous les aspects de la réalité ». Ainsi, il soutient que la « vraie science » confirme « l'interprétation des origines telle qu'établie dans la Bible ». Pour les enseignants opposés à la conférence, les étudiants ne sont pas assez outillés pour accueillir un tel discours avec un nécessaire esprit critique. « Dès qu'on offre une tribune aux créationnistes, on leur donne un peu de crédibilité. […] Ils tentent de présenter leurs croyances comme ayant une valeur scientifique », ajoute M. Langlois, qui se préparait hier matin à donner la réplique au conférencier [quoi, un débat !?, non le philosophe Langlois ne peut penser à cela], s'il s'aventurait dans l'enceinte de la maison d'enseignement, par définition laïque [dixit la journaliste « neutre »].
Addendum 13 mars

Lettre ouverte sur le sujet publiée dans la Tribune de Sherbrooke.
Une conférence sur le créationnisme devait être présentée au Cégep de Sherbrooke, vite on se mobilise pour faire annuler l'événement !

Ce que l'on enseigne à vos enfants dans les Cours d'éthique et de culture religieuse (ÉCR), c'est scientifique je suppose ?

Il faudrait tolérer que l'État oblige l'enseignement de toutes les religions à nos enfants, mais lorsque mon voisin chrétien ose parler publiquement de la Bible, alors là la tolérance prend le bord. On essaie par tous les moyens de le faire taire.

La conférence présentée donnait pourtant libre choix à chacun d'y participer ou non. Peut-on en dire autant pour les cours d'ÉCR ?

Peut-on encore se sentir libre de vivre selon notre foi au Québec en 2009?

Cette foi qui n'a absolument rien à voir avec la science apporte pourtant le salut de l'âme à celui qui la possède. Votre science peut-elle en faire autant ?

Christine Plante
Magog

Complément volet éthique du cours d'ECR — en marge de la journée de la femme

Petit débat d'actualités politiques sur la télé française auour de la journée internationale de la femme, du statut de beaux-parents, de l'homoparentalité, de la diminution constante du rôle du père dans la société moderne et de la maternité censément « la plus pure » (l'adoption) désirée par Mme Sarkozy-Bruni.




Mise en garde pour les lecteurs québécois : il ne s'agit pas du ronron progressiste consensuel auquel Radio-Canada et la presse québécoise les auront habitué. Certains lecteurs progressistes québécois pourraient être choqués par la franchise des propos. On peut cependant regretter le manque de temps et le rythme trop saccadé de cette émission (c'est aussi ça le règne de la télévision).