Des milliers d’élèves supplémentaires débarqueront cet automne sur les bancs des cégeps [collège d’études préuniversitaires, le diplôme des cégeps = bac en France], lesquels sont forcés dans certains cas d’installer des classes modulaires et d’allonger les périodes de cours pour affronter la hausse de l’effectif scolaire. Au moins un établissement a dû refuser des élèves, faute d’espace.
Le collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, a installé sur son terrain deux complexes modulaires abritant une vingtaine de salles de classe. |
La Fédération étudiante collégiale du Québec s’inquiète sérieusement de cette situation.
« Quand un cégep en arrive à refuser 1000 demandes par manque d’espace, ce n’est pas simplement un problème local, c’est un signal d’alarme pour tout le réseau », estime son président, Antoine Dervieux.
Ce genre de situation montre clairement que nos cégeps sont à bout de souffle et qu’ils ne peuvent plus répondre aux besoins croissants des étudiants.Antoine Dervieux, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec
« Nos installations permanentes sont insuffisantes », explique le directeur général du cégep Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, Philippe Nasr.
Cet automne, l’établissement compte 450 élèves de plus qu’à la dernière rentrée. Et 800 de plus qu’il y a deux ans. D’ici 2029, il s’attend à accueillir 7500 élèves, soit 1000 de plus qu’en ce moment.
« C’est une très grande progression », souligne M. Nasr.
Des cours du soir y seront donnés pour la première fois, cet automne. Le but : éponger la hausse du nombre d’élèves en prolongeant les périodes de cours.
L’an prochain, un plus petit projet d’agrandissement permettra l’ajout d’une trentaine de salles de classe.
En attendant, le cégep doit multiplier les solutions créatives pour compenser l’espace manquant, y compris la location de locaux à l’extérieur.
« On a pas mal exploré toutes les options possibles. On veut quand même offrir des installations adaptées », poursuit M. Nasr.
Le cégep Édouard-Montpetit, à Longueuil, mise aussi sur les classes modulaires.
L’effectif de l’établissement de Longueuil a bondi de près de 1000 élèves par rapport à l’an dernier, une hausse de 9 %.
Sur son site web, le cégep assure que ses classes modulaires sont « lumineuses, climatisées et technologiques » pour accueillir les étudiants.
Dans un mémoire déposé ce mercredi, la Fédération étudiante collégiale du Québec dit craindre que les fameuses « roulottes » ne deviennent une réponse permanente au problème.
« On pense que ça devrait rester temporaire », dit Antoine Dervieux.
Avec 300 élèves supplémentaires attendus à l’automne, le cégep du Vieux Montréal a lui aussi atteint sa limite.
« On est à la limite de ce qu’on peut accueillir », indique sa directrice générale, Mylène Boisclair.
Voyant venir la vague, l’établissement avait déposé il y a plusieurs années une demande de projet d’agrandissement. À la place, Québec lui a accordé des fonds pour la location de locaux.
« On a beaucoup parlé de la vétusté des établissements d’enseignement primaire et secondaire, mais c’est aussi le cas pour beaucoup d’établissements collégiaux », souligne Mme Boisclair.
Les établissements qui débordent n’ont pas vu le pire. D’ici 2032, plus de 24 000 élèves supplémentaires débarqueront sur les bancs des cégeps, une hausse de 14 %.
Selon les plus récentes prévisions du ministère de l’Enseignement supérieur, le sommet de la vague devrait être atteint en 2026 et se concentrer dans les cégeps du Grand Montréal, la croissance devant ensuite ralentir graduellement.
La Presse attribue cette hausse aux naissances de petits-enfants de baby-boomers
Il y aura donc 6437 d’élèves supplémentaires prévus dans les cégeps à l’automne 2024 par rapport à 2022, soit une hausse de 3,7 %.
La Presse n’ose pas parler de l’immigration pour expliquer cette augmentation. Pour elle, cette hausse est due à « L’arrivée des petits-enfants des baby-boomers se fait sentir dans le réseau collégial, où les classes modulaires se multiplient depuis l’an dernier pour absorber la hausse de l’effectif. »
Puis, citant Antoine Dervieux, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, « Le baby-boom a pris tout le monde par surprise au primaire. Ç’a été la même chose au secondaire. Là, [les mêmes élèves] arrivent au cégep. On aurait dû être préparés. »
Aucun essor des naissances au Québec n’explique bien sûr cette hausse de 6500 élèves supplémentaires. Il y a eu près de 20 000 naissances de moins au Québec en 2005 (âge de nombreux cégépiens) qu’en 1990 par exemple. Bien qu’il soit vrai qu’il y ait une assez grande fluctuation des naissances dans les années 90 et 2000.
Étrangement, cet afflux d’élèves supplémentaires semble se concentrer dans la région de Montréal, centre de forte immigration, à très faible taux de natalité (1,16 enfant/femme en 2023)… L’article nous apprend ainsi que le « cégep de Saint-Félicien, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, […] est pourtant en surplus d’espace. » Ailleurs en région, à Chicoutimi, le cégep attire 300 étudiants issus de l’extérieur du pays, ce qui correspond à 15 % de l’ensemble de ses inscriptions…
Il se peut qu’une partie des problèmes soit liée à une augmentation de la natalité passagère du début des années 2000 conjuguée à un déplacement des familles vers des banlieues plus éloignées. Mais cela n’explique pas le manque de places au cégep du Vieux-Montréal ni la prévision que « d’ici 2032, plus de 24 000 élèves supplémentaires débarqueront sur les bancs des cégeps, une hausse de 14 %. » alors que les naissances sont en baisse constante depuis 2009 (88 891 naissances en 2009, 83 855 en 2017, 77 950 en 2023).
Il se peut aussi que plus de jeunes entament des études au cégep, mais il nous semble étonnant, c’est le moins qu’on puisse dire, de ne pas mentionner la hausse due aux élèves nés à l’étranger, cause qui est admise par tous dans le cas de l’école primaire ou secondaire.