vendredi 17 décembre 2010

Le gouvernement québécois ne veut plus de religion dans les garderies communautaires

L'enseignement religieux sera désormais interdit dans les centres de la petite enfance (CPE) et les services de garde subventionnés au Québec. Il existe, en effet, une centaine de garderies communautaires catholiques, coptes, musulmanes et juives qui enseignent quelques rudiments religieux aux jeunes enfants qui les fréquentent. D'après nos renseignements, au moins 3 garderies seraient tenues par des communautés religieuses catholiques. Ce sont des CPE à 7$. Deux appartiennent aux sœurs salésiennes dans l’Est de Montréal.

La ministre de la Famille (!), Yolande James, a fait l'annonce de cette nouvelle politique, ce vendredi matin, lors d'un point de presse. « On n'enseignera pas de dogme ou de croyance ou de pratique religieuse spécifique aux enfants de 0 à 5 ans et ce, peu importe la religion », a déclaré la ministre.

« On ne sortira pas les sapins de Noël des CPE ».
Mme James explique que peu de services de garde dispensent actuellement un enseignement religieux. Elle évalue ce nombre à une centaine de garderies.

Les services de garde subventionnés par l'État et les CPE auront jusqu'au 1er juin 2011 pour se conformer à cette directive. S'ils refusent, ils se verront « suspendre, réduire ou carrément annuler leurs subventions ». Par contre, il n'est pas pour l'instant question de supprimer les subventions des écoles privées confessionnelles qui elles aussi pourtant enseignent des pratiques religieuses et sont subventionnées.

Le gouvernement québécois a déclaré qu'il n'hésitera pas à sévir.

La directive n'interdit pas l'explication d'une « manifestation culturelle liée à une fête à connotation religieuse », comme la crèche sous le sapin ou la ménorah, ni l'enseignement de la diversité des croyances religieuses. Les garderies peuvent conserver des objets religieux en autant qu'ils ne soient pas trop nombreux — qui jugera ? — et ne soient pas utilisés dans les activités d'apprentissage. Un ministre du culte peut faire des activités pour les enfants, en autant qu'elles n'aient pas de caractère religieux. Les employés peuvent prier, tout comme les enfants, en autant qu'ils ne soient pas « supervisés » par les éducatrices.

Les responsables de garderies apprendront qu'il ne sera plus toléré qu'on « encourage, supervise, fasse mémoriser ou réciter une prière, un chant religieux ou une bénédiction afin d'amener les enfants à intégrer une croyance liée à une religion spécifique ».

Selon l'ancienne ministre de l'immigration, « Il y a une différence entre enseigner la religion et souligner une tradition culturelle. Avec cette directive, il sera toujours permis de souligner les aspects culturels d'une fête. »

« Autrement dit, on ne sortira pas les sapins de Noël des CPE », conclut Mme James.

Quarante inspecteurs et un comité de plus

Il reste à savoir si la nouvelle orientation sera respectée et appliquée. À cette fin, le ministère est en train de procéder à l'embauche d'une quarantaine d'inspecteurs, qui s'ajouteront aux 18 déjà en fonction. Ils recevront tous une formation spéciale destinée à les rendre aptes à déceler les manquements à la directive.

Un comité spécial tranchera les cas litigieux.

Certaines garderies appartiennent à des organismes religieux et sont dirigées par eux. Ils pourront les conserver, en autant qu'ils adaptent leur programme éducatif aux nouvelles exigences « laïques ».

Pour l'heure, après avoir mené au cours des derniers mois une série de consultations auprès des premiers intéressés, le gouvernement du Québec dit ne pas s'attendre à ce que sa directive soit défiée ou contestée en cour, a-t-on appris.

Selon La Presse Canadienne, certains ont quand même dit craindre l'arrivée d'une « police religieuse ».

Brèches

L'Association québécoise des CPE (AQCPE) a salué les mesures annoncées par Québec. Selon l'AQCPE, les mesures « pourront corriger un bon nombre de situations problématiques existantes ».

L'Association soutient que la directive laisse toutefois une importante brèche, car « elle ne s'applique pas aux services de garde en milieu familial subventionnés », qui représentent près de la moitié des places dans la province.

L'AQCPE soulève également la question de l'admission des enfants et qu'il sera possible pour une garderie de privilégier l'entrée d'enfants sur une base confessionnelle ou ethnique.


Craintes d'une application inepte et maladroite

Dans un article du National Post intitulé « Les tout-petits peuvent voir des symboles religieux, mais ils ne peuvent demander qu’on les leur explique », Daniel Weinstock, professeur de philosophie à l'Université de Montréal, déclare qu'il est logique que les enfants qui fréquentent une garderie subventionnée par l'État [en réalité par des contribuables dont ces parents] ne soient pas endoctrinés dans une religion particulière, même si c'est ce que leurs parents le souhaitent. Ces parents perdent ainsi tous les droits à choisir l’enseignement de leurs enfants parce que leurs impôts transitent par le fisc avant d’être distribués à leur garderie…

Toutefois, M. Weinstock craint une mise en œuvre « bureaucratique, exagérée et maladroite » lorsque les inspecteurs visiteront les garderies à la recherche de preuves d’instruction religieuse. « Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire, non seulement du Québec, mais également du Canada, que de bonnes intentions tournent mal à cause d’une mise en œuvre stupide par une politique à taille unique » a déclaré le professeur.

Contestation en justice à venir ?

Le Conseil musulman de Montréal espère contester en justice cette nouvelle politique : « Nous considérons qu’il s’agit d’une discrimination explicite des droits des communautés religieuses d’éduquer leurs enfants conformément aux valeurs et préceptes qui leurs sont chers » de déclarer Salam Elmenyawi, le président du conseil.

Addendum semaine suivante

Religion à la garderie : membres d'un comité-conseil disent avoir été ignorés

Répression religieuse plus sévère dans les garderies que dans les écoles

« Les chiens du gouvernement québécois vont surveiller la religion dans les garderies »

Religion banned in Quebec’s government-funded daycares


Documents officiels

DIRECTIVE sur les activités ayant pour objectif l’apprentissage d’une croyance, d’un dogme ou de la pratique d’une religion spécifique dans un centre de la petite enfance ou une garderie subventionnée

GUIDE d’application de la Directive relative aux activités ayant pour objectif l’apprentissage d’une croyance, d’un dogme ou de la pratique d’une religion spécifique dans un centre de la petite enfance ou une garderie subventionnée




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