dimanche 16 février 2020

«  Chroniques de Richard Martineau alimentent l’islamophobie, selon une étude » lue par Radio-Canada

La SRC titrait, dans un texte de Luc Chartrand de l’émission radio-canadienne Enquête que « Les chroniques de Richard Martineau alimentent l’islamophobie, selon une étude ».



L’article de la SRC — qui ne définit jamais ce qu’est l’islamophobie — commence ainsi :
Les textes du prolifique chroniqueur du Journal de Montréal Richard Martineau ont fait l’objet d’une étude en sociologie. Un mémoire de maîtrise déposé en 2015 à l’UQAM par Mélanie Beauregard analyse des centaines de ses chroniques. Résultat : le chroniqueur participe à l’islamophobie, estime-t-elle.

« Les discours sur l’islam et/ou les musulmans publiés au sein des chroniques de Richard Martineau [...] participent à l’islamophobie », conclut l’étude qui se penche sur 438 textes, parus entre 2006 et 2014, signés par le commentateur, que l’on peut aussi voir à la télévision et entendre à la radio.

Malgré cette conclusion générale, l’analyse de la chercheuse — qui poursuit aujourd’hui des études de doctorat en sociologie — est assez nuancée.

« Richard Martineau ne fait pas preuve d’un racisme évident, mais il y a une islamophobie ambiante dans ses textes. »
Mélanie Beauregard

Le professeur Guillaume Marois est allé lire le mémoire en question, et force est de constater, selon lui, que sa portée a été nettement exagérée, non seulement par les activistes qui la brandissent, mais aussi par les médias qui l’ont rapporté.

Dans les termes de M. Marois :

D’abord, malgré ce que plusieurs rapportent, l’objectif du mémoire n’était pas de mesurer si les personnes lisant Martineau devenaient plus islamophobes [note du carnet : alimentent l’islamophobie selon la SRC], mais plutôt d’analyser si le discours de Martineau relève de l’islamophobe. Pour ce faire, elle a lu les chroniques et essayé de voir si elles cadrent avec certains procédés associés à l’islamophobie. Ce qu’elle a fait relève donc plus de l’analyse discursive ou littéraire. Scientifiquement, pour mesurer l’effet des chroniques sur le sentiment islamophobe, il aurait fallu mesurer les sentiments islamophobes d’un groupe de personnes avant et après lecture des chroniques, et comparer idéalement avec un groupe témoin à peu près identique, mais n’ayant pas lu les chroniques. Ce ne fut pas fait (et ce n’était pas l’objectif).

Ensuite, la conclusion tirée par l’auteure est très loin d’être sans équivoque. Je la cite : « Enfin, suite aux divers résultats obtenus, nous pouvons comprendre que nos hypothèses [que les chroniques étudiées relèvent de l’islamophobie] ne sont pas tout à fait corroborées ». Elle conclut également que Martineau n’utilise pas les stéréotypes généralement associés aux musulmans, mais qu’il procède en retour à une hiérarchie de musulmans et que par conséquent, son discours est à la fois islamophile et islamophobe. Mais bien honnêtement, rendu là, du moment qu’on distingue les islamistes des musulmans, on procède à ce genre de hiérarchisation, et tout le monde aurait à la fois un discours islamophile et islamophobe. On rentre ici dans les exagérations sémantiques typiques de certains courants en sciences sociales.

Finalement, j’aimerais préciser que les critères pour qu’un mémoire de maîtrise soit accepté sont nettement moindres que les critères pour une publication scientifique. Le mémoire de maîtrise sera généralement accepté si le candidat fait preuve de certaines compétences qu’on juge nécessaires à l’obtention du diplôme dans la discipline. Les évaluateurs d’une publication scientifiques de leur côté doivent s’assurer qu’il n’y a aucune lacune méthodologique ou erreur d’interprétation. Autrement dit, un mémoire de maîtrise n’a pas du tout la même portée qu’une étude scientifique publiée dans une revue à comité de lecture.

Quand même étrange que l’auteure ait accepté de recevoir un prix [en argent, 1000 $] d’Adil Charkaoui.


La gauche intellectuelle progressiste et la pédophilie, retour sur une histoire trouble

Après Mai 68, une partie de l’intelligentsia libertaire a défendu les pires dérives de la révolution sexuelle. En théorie et en pratique. Rappel utile d’Amaury Brelet.

La bombe à retardement aura mis 30 ans pour éclater enfin. Au grand jour. Dans le bruit et la fureur. Vanessa Springora témoigne dans son livre Le Consentement (Grasset), paru le 2 janvier, des abus pédocriminels présumés de l’écrivain Gabriel Matzneff. L’image de l’écrivain dandy et libertin part en fumée. En 1990, Denise Bombardier avait pourtant allumé la mèche dans l’émission Apostrophes, diffusée sur Antenne 2. « Je me croyais sur une autre planète, parce que dans mon pays, il serait en prison, confie sa consœur canadienne. J’étais la pièce pyrotechnique qui faisait sauter le plateau. »



Puis, plus rien. Un pétard mouillé. Tombé dans l’oubli. « Une clique tenait le haut du pavé. Ils avaient le pouvoir de publier, de critiquer, de donner des prix, ajoute-t-elle. D’où le silence jusqu’à aujourd’hui. » Pire, il fut même une époque, pas si lointaine, où « l’amour des enfants » était non seulement débattu, mais défendu.

« Il est patent que le discours pro-pédophilie a des racines dans la Révolution culturelle que fut Mai-68 qui en appelait à la libération des corps et des sexualités », explique l’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu. Il est « temps de décriminaliser l’amour », proclame alors une partie de l’intelligentsia de gauche.

Dans les années 70 et 80, le romancier Tony Duvert l’assure : « Les gamins aiment faire l’amour comme on se mouche. » Le philosophe René Schérer le jure : « Le pédophile traite l’enfant qu’il désire ou qu’il aime comme un véritable partenaire sexuel. » Et le journaliste de gauche Guy Hocquenghem l’espère : « L’avenir est à la partouze généralisée » car « nous sommes des machines à jouir ». À jouir sans entraves, dit le slogan.

Malgré la marginalité de leur combat, les défenseurs de la pédophilie bénéficient alors de la complicité de la presse progressiste. En janvier 1977, Le Monde et Libération relaient complaisamment une tribune retentissante alors que s’ouvre à Versailles le procès de trois hommes, jugés pour « attentats à la pudeur sans violence sur mineurs » et placés en détention préventive depuis trois ans. « Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit », dénonce le texte, rédigé par Gabriel Matzneff, qui évoque « une simple affaire de “mœurs” ».



Parmi les 69 signataires figurent Louis Aragon, Francis Ponge, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Patrice Chéreau, Gilles Deleuze, André Glucksmann, Guy Hocquenghem, Bernard Kouchner, Jack Lang, Catherine Millet, Jean-Paul Sartre, René Schérer et Philippe Sollers. « Aujourd’hui, je ne la signerais pas et je pèserais mes mots », se reniera en 2001 ce dernier, prétendant même n’avoir « jamais défendu la pédophilie ». Sa revue L’Infini continuera pourtant à promouvoir la pédophilie jusqu’en... 1997. Contacté par nos soins, Jack Lang, lui, n’a pas souhaité s’expliquer. Quant aux prévenus, ils ont été finalement condamnés à cinq ans de prison avec sursis (et donc libérés) pour leur crime, fait de masturbations et fellations réciproques, d’orgies et de sodomies sur des enfants de 12 et 13 ans.

Deux ans plus tard, Libération récidive et publie, en mars 1979, une autre pétition de soutien à Gérard Roussel, un pédophile qui attend depuis dix-huit mois son procès, « enfermé pour crime d’amour » pour avoir abusé de fillettes de 6 à 12 ans. La lettre, qui le présente comme « la véritable victime dans cette affaire » et souligne que « le désir et les jeux sexuels librement consentis ont leur place dans les rapports entre enfants et adultes », est notamment signée par Gabriel Matzneff, Tony Duvert, Georges Moustaki, Luc Rosenzweig, Guy Hocquenghem, René Schérer, Catherine Millet et… Pascal Bruckner.

« J’assume, mais je n’ai jamais rien écrit en faveur de la pédophilie, bien au contraire, réagit le philosophe aujourd’hui. Il y avait à l’époque une ambiance de laxisme et de tolérance, il fallait en finir avec tous les tabous. Ce mouvement s’inscrivait aussi dans une tradition littéraire avec Gide et Montherlant, qui ont fait de l’amour des enfants un motif de création et de récréation. Nous sommes là dans la conséquence extrême de la révolution sexuelle et de Mai 68, dans la vision totalement libertaire de la permissivité, où rien ne doit échapper au désir. »

[Avec Matzneff, on est passé de l’euphémisme de Gide et Montherland à l’explicite pour le plus grand plaisir d’un certain nombre de lecteurs germanopratins tout émoustillés. Mais une fois épuisée la force transgressive de ses aveux, il reste peu à puiser dans son œuvre. Cela explique sans doute, en partie, l’oubli de son œuvre et son lâchage par l’élite intellectuelle.
 
Cette dérive libertaire à la défense de la pédophilie vaudra alors à Libération une avalanche de poursuites judiciaires.]