vendredi 14 mai 2021

Nouveau coup de la Brinks ? Cette fois, c'est l'exode des cerveaux !


Nouvelle version du coup de la Brinks ? Cette fois, c’est l’exode des cerveaux cégépiens [lycéens de première et terminale en France] déçus de ne plus pouvoir être aussi nombreux à étudier en anglais aux frais du contribuable québécois. C’est la fable que répand la Presse (vos impôts à l’œuvre). Préparez vos mouchoirs et tremblez !

Le projet de loi 96 déposé jeudi propose de « geler la proportion des étudiants dans le réseau collégial anglophone ». Québec veut garder la proportion des étudiants dans le réseau collégial anglophone à 17,5 % et par la suite s’assurer que celle-ci « ne puisse être qu’égale ou inférieure à celle de l’année précédente ».

Les directeurs généraux des cégeps anglophones de l’île de Montréal estiment que ce plafonnement des inscriptions « ne répondra pas aux désirs de nombreux jeunes Québécois(es) de fréquenter [leurs­] établissements ».

« De nombreux parents d’ici souhaitent que leurs enfants deviennent bilingues dans un Québec français. Limiter notre capacité à servir ces étudiant(e)s dans le secteur public en encouragera plusieurs à quitter la province », écrivent les directions de ces cégeps.

Comme l’a montré Frédéric Lacroix dans Pourquoi la Loi 101 est un échec les élèves ne vont pas au cégep anglais pour y apprendre l’anglais (ils le connaissent déjà, sinon ils y seraient perdus). Ils y vont le plus souvent pour étudier à partir de là en anglais, puis travailler en anglais au Québec et participer à l’anglicisation du Québec.

Ce carnet pense que la mesure annoncée par la CAQ qui consiste à accorder 17,5 % des places disponibles dans les cégeps aux cégeps anglophones est bien trop généreuse alors que les anglophones de naissance au Québec ne représentaient, en 2016, que 8,1 % de la population. Plus de deux fois moins !

La moindre des choses aurait été d'appliquer la loi 101 aux cégeps. Dans des pays bilingues comme la Belgique où il existe en réalité des unilinguismes territoriaux, il n'y a plus d'établissements publics (primaires, secondaires, universitaires) en français depuis environ 50 ans en Flandre belge. Rappelons que la Constitution canadienne n’impose pas que le Québec subventionne un réseau d'éducation post-secondaire en anglais, mais uniquement un réseau scolaire jusqu’au secondaire.

Limiter à 17,5 % les places en cégeps anglophones ne peut que renforcer la sélection qui y est déjà pratiquée, augmentant ainsi l’attirance vers ces cégeps perçus comme plus prestigieux. Il faut plutôt briser cet appétit délétère en appliquant la loi 101 aux cégeps tout en augmentant la qualité des cégeps français en les dotant plus généreusement que les cégeps anglophones. L’inverse de ce que la CAQ a pratiqué avec le collège Dawson en finançant son agrandissement au coût de 100 millions de dollars. 

On pourrait aussi encourager certains cégeps francophones à être plus exigeants que d'autres cégeps, notamment pour certains programmes dont ils deviendraient l'établissement de pointe, afin de favoriser une image d'établissements collégiaux sélectifs. Redorant ainsi l'image de l'éducation en français. Réduit à sa seule clientèle anglophone, le secteur collégial anglophone deviendrait un petit secteur forcé d'accepter tous les anglophones pour éviter de fermer trop de classes et de programmes. Ces cégeps anglophones deviendraient alors moins sélectifs et moins prestigieux.



Le coup de la Brink’s se réfère aux événements du dimanche 26 avril 1970 quand du matériel du siège montréalais de la Royal Trust fut dramatiquement chargé et emporté à Toronto sous haute surveillance armée dans 9 fourgons blindés de la Brink's. Le lendemain, l’événement fit la une de tous les grands journaux et soulèva l’idée d’une possible fuite des capitaux advenant l’élection d’un gouvernement souverainiste au Québec.

Le lundi matin, la nouvelle était donc partout au Québec, au Canada, et même aux États-Unis. Le Chicago Tribune titrait « L’argent commence à fuir le Québec par peur d’une victoire séparatiste ». Des décennies plus tard, Jacques Parizeau se souvint : « Les Québécois ne savaient pas ce que c’était que des actions d’entreprises » et non pas du numéraire (billets de banque ou métaux).

Tous les médias reprirent l’information de l’article initial de The Gazette diffusée par l’agence de Presse canadienne, selon lequel chacun des neuf camions de la Brink’s était assuré pour 50 millions. Voilà de quoi impressionner les électeurs puisque ces 450 millions de 1970 valaient 3,1 milliards de nos dollars de 2021.

Conrad Harrington, président du conseil du Royal Trust, qualifiera les allégations de fuite de capitaux du Québec vers l’Ontario de « non-sens complet » puisqu’en tant que plus importante société fiduciaire au Canada, le Royal Trust effectuait continuellement des transferts de cet ordre, sans la moindre motivation politique.

Voir aussi

Québec — Un réseau collégial de plus en plus anglophone

Les enfants de la loi 101, l’école en français : une immersion forcée, ensuite ruée vers l’anglais

« Fuir le Québec » : Radio-Canada prise en flagrant délit de désinformation ?

La Presse de Montréal : « Cégep en anglais, mais pas pour la vie. » Vraiment ?

Pourquoi la loi 101 est un échec 

Étude — La conversion des Européens aux «valeurs de droite»

Des majorités de « droite » sont aux commandes de la plupart des gouvernements nationaux en Europe.

Le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) a effectué une étude pour sonder l’évolution des Européens (Français, Britanniques, Italiens et Allemands) sur plusieurs thèmes politiques. Le diagnostic d’un déplacement vers la « droite » de la société se fonde ici sur l’assimilation de valeurs à la culture de droite, dont le nationalisme via la question identitaire, le libéralisme économique et le libéralisme politique indexé à l’individualisme.

  1. En moyenne, dans les quatre démocraties étudiées, 39 % des répondants s’autopositionnent à droite (entre 6 et 10 sur l’échelle), 27 % à gauche (entre 0 et 4) et 20 % au centre (5).
  2. L’autopositionnement à droite est en tête dans chacun des quatre pays de l’étude : 44 % des Italiens se situent à droite (31 % à gauche), 40 % des Britanniques (25 % à gauche), 38 % des Français (24 % à gauche) et 36 % des Allemands (26 % à gauche).
  3. Alors que les seniors sont réputés voter traditionnellement plus à droite que les jeunes, nos données montrent que les nouvelles générations sont les plus nombreuses à s’autopositionner à droite. Dans l’ensemble des pays, 41 % des 18-24 ans et 41 % des 25-34 ans se positionnent entre 6 et 10 sur l’échelle, soit un niveau comparable à celui des 65 ans et plus (40 %), mais supérieur de 5 points à celui des 50-64 ans (36 %).
  4. En cinq ans, la proportion de Français se situant à droite de l’échiquier politique s’est accrue de manière continue, passant de 33 % en 2017 à 38 % en 2021. Sur la même période, la proportion des citoyens se situant à gauche est restée stable (25 % en 2017 et 24 % en 2021), malgré une légère baisse en 2020 (22 %).
  5. La perception de l’immigration est dominée par un jugement négatif. En moyenne, six citoyens sur dix (60 %) sont d’accord avec l’affirmation « il y a trop d’immigrés dans notre pays » (contre 36 % et 4 % qui ne répondent pas).
  6. Plus de la moitié des répondants (56 %) pensent que leur pays doit se fermer davantage sur le plan migratoire, moins d’un quart (23 %) s’ouvrir davantage et 21 % prônent le statu quo. Les Français (63 %) apparaissent comme les plus réfractaires à l’ouverture, devant les Allemands (54 %), les Italiens (54 %) et les Britanniques (53 %).
  7. Dans les quatre démocraties étudiées, les sympathisants des partis de gauche sont plus nombreux à être « pro-fermeture » que « pro-ouverture » ou en faveur du statu quo — à l’exception des sympathisants Parti démocrate (Partito Democratico) italien.
  8. En France, 62 % des citoyens estiment que l’islam représente une menace pour la République.
  9. En France, la crainte de l’islam est largement partagée par les personnes qui se situent dans le bloc de droite (81 %). Le bloc de gauche apparaît très clivé sur cette question : près d’une moitié des sympathisants de gauche (45 %) est d’accord avec l’item « l’islam représente une menace pour la République », l’autre moitié (52 %) n’est pas d’accord et 3 % des personnes questionnées n’ont pas répondu.
  10. Une majorité des répondants (54 %) considèrent que « pour faire face aux difficultés économiques », il faut « que l’État fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté ». L’option « que l’État contrôle les entreprises et les réglemente plus étroitement » est choisie par 41 % des personnes interrogées (5 % répondent ne pas savoir).
  11. La confiance portée aux entreprises est inversement proportionnelle à leur taille. La confiance envers les petites et moyennes entreprises (PME) est très élevée (74 %) et elles font même partie des institutions qui suscitent le plus de confiance, mais celle exprimée à l’égard des grandes entreprises, publiques (45 %) et privées (44 %) reste minoritaire.
  12. La portée médiatique du discours de l’écologisme punitif et de la décroissance connaît des limites de propagation au sein de l’opinion. Pour 76 % des personnes interrogées, « on peut continuer à développer notre économie tout en préservant l’environnement pour les générations futures ». Les Italiens sont les plus nombreux (84 %) à penser que croissance et protection de l’environnement sont compatibles. Ils sont suivis par les Allemands (74 %), les Britanniques (74 %) et les Français (72 %).
  13. Les sympathisants des différents partis des quatre démocraties répondent majoritairement que l’« on peut continuer à développer notre économie tout en préservant l’environnement pour les générations futures ». C’est notamment le cas chez les sympathisants du Parti socialiste (73 %), d’Europe Écologie-Les Verts (67 %) et du PCF/FI (67 %) en France ; des Grünen (80 %) et du SPD (73 %) en Allemagne ; du Labour Party (73 %) et du Green Party of England and Wales (69 %) au Royaume-Uni ; du Partito Democratico (88 %) en Italie.
  14. Nos données montrent que l’individualisme, à droite comme à gauche, est érigé en norme sociale. Une large majorité des répondants estiment que « les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions » (80 %), que « les gens de leur pays ont la possibilité de choisir leur propre vie » (69 %), et, dans une moindre mesure, qu’ils ont « une liberté et un contrôle total sur leur propre avenir » (63 %).
  15. Près de trois quarts de l’ensemble des citoyens (71 %) jugent que « beaucoup de personnes parviennent à obtenir des aides sociales auxquelles elles n’ont pas contribué ». C’est 46 points de plus que les répondants n’étant pas d’accord avec cet item (25 %). Une analyse par pays montre que c’est en France, où 57 % des ménages ne paient pas d’impôt sur le revenu, que les citoyens sont les plus nombreux (73 %) à juger que beaucoup de personnes touchent des aides sociales auxquelles elles n’ont pas contribué. Ils sont suivis par les Britanniques (72 %), les Italiens (72 %) et les Allemands (68 %).
  16. Plus de la moitié des répondants (55 %) considèrent que « les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment » (contre 42 % qui « ne sont pas d’accord » avec cette proposition). En un an, la proportion des individus considérant que les chômeurs profitaient du système est restée stable en France (passant de 50 % en février 2020 à 51 % en février 2021) et en Allemagne (de 61 à 60 %), tandis qu’elle s’est effondrée de 22 points au Royaume-Uni (de 78 % à 56 %).
  17. L’effort individuel est mis en avant par les personnes interrogées. Plus des deux tiers d’entre elles (68 %) estiment en effet qu’« en faisant des efforts, chacun peut réussir ». Une importante majorité des répondants se situant à gauche (58 %) de l’échiquier politique abonde dans ce sens, même si les répondants sont encore plus nombreux à droite (71 %). Notons que les différences entre les États sont significatives : 74 % des Britanniques, 69 % des Allemands, 68 % pour les Français et 55 % pour les Italiens.