vendredi 10 mai 2013

France — La morale laïque de Peillon, un ultra-moralisme obligatoire

Ruwen Ogien est un éthicien non chrétien que certains pourraient cataloguer comme un relativiste, non kantien ; il se dit « minimaliste ».

Il est intéressant de voir ce « moderne » chouchou des plateaux critiquer la « morale laïque » que le ministre socialiste français de l'Éducation, Vincent Peillon, veut imposer à l'école. Il lui reproche d’imposer une liste de commandements et de choses à faire ou ne pas faire.



Le projet de faire revenir la morale à l’école part du postulat que la morale peut s’enseigner au moyen de cours et d’examens, comme si c’était une connaissance théorique du même genre que la physique – chimie ou l’histoire – géographie.

Il ne tient pas compte du fait que ce postulat n’a rien d’une vérité d’évidence, et qu’il est disputé depuis l’antiquité. La morale peut-elle s’enseigner ? Et si son enseignement est possible, doit-il se faire de façon magistrale au moyen de cours et d’examens ? Ne consiste-t-il pas plutôt à montrer l’exemple, et à donner l’envie de le suivre ? Les examens de morale devront-ils vérifier, la connaissance de l’histoire des idées morales, celle des principes de la morale, ou la moralité des conduites de l’élève ? L’élève devra-t-il seulement montrer qu’il sait ce qu’est la vertu, ou devra-t-il prouver qu’il est devenu vertueux grâce au programme ?

Toutes ces questions philosophiques se ramènent en fait à une seule plus terre-à-terre : l’enseignement de la morale laïque devra-il ressembler à celui des sciences naturelles ou de la natation ? Savoir nager ne consiste évidemment pas à être capable de décrire les mouvements de la brasse sur une copie d’examen ! Et si apprendre la morale laïque, c’est comme apprendre à nager, si c’est la transformation des conduites de l’élève qui est visée, comment sera-elle évaluée ? En soumettant l’élève à des tentations (tricher, voler, mentir, tromper, etc.) pour voir s’il y résiste ? En instaurant une surveillance permanente des élèves en dehors de l’école par des agents spécialisés ? En construisant des confessionnaux « laïques » où l’élève devra avouer au professeur de morale ses péchés contre le « vivre ensemble » ou le « bien commun » ?


Extrait d'un film mettant en scène l'expérience de Milgram que Ruwen Ogien évoque

On peut retrouver chez Peillon la morale des devoirs chère au XIXe siècle.

Celle ci s’oppose à la morale aristotélicienne, qui subordonne le jugement sur les actes humains au fait qu’ils favorisent ou détruisent les bonnes relations entre les hommes et à la morale évangélique où le secours de la grâce divine permet de répondre aux exigences de la Loi divine.

Ruwen Ogien critique aussi dans la morale laïque à la sauce Peillon un moyen de « guerre contre les pauvres », de stigmatisation des banlieues et d’imposition d’un autoritarisme républicain.

Voir aussi

L'école doit-elle enseigner le bien et le mal ? La morale laïque ? Laquelle ? (vidéo)

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Un ouvrage universitaire présente méthodes constructivistes et méthodes explicites d'enseignement

« L’objectif premier de cet ouvrage est de proposer aux enseignants la synthèse la plus claire possible (des) recherches sur la pédagogie et le travail enseignant. Non pour prescrire ce qui devrait être fait mais pour baliser le débat et permettre aux enseignants de s’appuyer sur ces travaux de manière plus lucide et efficace ». C’est un but à la fois ambitieux et modeste que se sont fixés Vincent Dupriez et Gaëtane Chapelle en publiant ce nouvel ouvrage de l’excellente collection « Apprendre » des Puf.

Ambitieux parce qu’il invite à un panorama des recherches sur la pédagogie. Effectivement, les auteurs invitent, dans la seconde partie de l’ouvrage, les représentants des différentes théories pédagogiques à s’exprimer. Les spécialistes de l’enseignement explicite, Clermont Gauthier au premier plan, y trouvent une (trop ?) large tribune où ils affirment détenir les clés de l’enseignement efficace, même si Étienne Bourgeois relativise quelque peu leurs propos. On sait qu’ils ont lutté contre la réforme québécoise et participé, avec la droite, à la "contre réforme" pédagogique genevoise. Mais les constructivistes sont représentés : Marie-Françoise Legendre explique ce que le socioconstructivisme apporte aux enseignants. Mariane Frenay et Benoît Galand présentent l’apprentissage par problèmes. Il revient à Marcel Crahay d’ouvrir une nouvelle voie avec "l’enseignement en spirale".

Que tirer de ces visions parfois opposées ? La science peut-elle proposer une pédagogie efficace ? Pour Claude Lessard, « la science n’est pas un monde enchanté au-dessus des autres mondes, susceptible de produire une vérité incontestable ». Aussi « si la recherche évaluative peut aider à identifier des pratiques plus adéquates que d’autres, il n’existe pas en éducation de "one best way" qui s’imposerait à tous. »

D’autant qu’il faudrait s’entendre sur ce qu’est l’efficacité en matière scolaire, rappelle Pascal Bressoux. Et G. Chapelle et V. Dupriez conviennent que "il n’existe pas de best practice universelle mais plutôt une série de savoirs, théoriques et pratiques, sur les conditions d’efficacité des pratiques pédagogiques".

L’ouvrage donne quelques pistes simples. Mais son principal apport consiste dans la confrontation des théories. Elle a l’avantage de montrer la complexité de l’enseignement. Elle apporte également aux enseignants des réflexions susceptibles de l’aider à prendre de la distance dans ses pratiques. C’est ainsi l’ouvrage nous aide à agir.

Enseigner
par Vincent Dupriez et Gaëtane Chapelle
Publié aux Presses universitaires de France (Puf)
en 2007,
collection Apprendre,
230 pages.

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À propos de « Enseigner » - rencontre avec Vincent Dupriez

« Enseigner » c’est ce que font déjà les professeurs, avec plus ou moins de bonheur, chaque jour. N’est ce pas prétentieux ou vain de leur proposer un livre sur ce sujet ?

Vincent Dupriez — Ce sont les enseignants qui devront répondre à cette question ... après avoir lu le livre. Plus sérieusement, je pense que beaucoup d’enseignants ont une attitude un peu ambivalente par rapport à la recherche sur l’enseignement. À la fois, ils marquent leur distance, ce qui est aussi une manière de définir leur propre territoire de praticiens de l’enseignement, et en même temps ils sont curieux. Ils sont curieux car ces recherches leur parlent de leur travail quotidien, et comme tout le monde, ils ont envie de savoir ce que l’on raconte sur eux et sur leur métier. Mais cette curiosité repose aussi sur l’espoir de trouver dans ces recherches des pistes et des suggestions pour mieux assumer leur métier.

Il est clair aussi que les enseignants ne lisent pas la littérature scientifique en éducation avec le même regard que des médecins consultant la littérature médicale. Et ce constat nous ramène à ce métier face auquel il existe peu de certitudes. À ce niveau, les enseignants savent bien qu’ils ne doivent pas attendre de la littérature scientifique des solutions technologiques définitives aux questions qu’ils se posent. C’est aussi cela que nous disons dans cet ouvrage.

Aujourd’hui la question de l’efficacité de l’enseignant est posée un peu partout. Ici, en France, un des candidats aux présidentielles, envisage de récompenser les professeurs selon les résultats qu’ils obtiennent. Est-ce efficace ? Peut-on mesurer l’efficacité du professeur ? Ou doit-on considérer l’enseignement comme un acte collectif ?

—  Personnellement, je pense qu’il est légitime de s’intéresser à l’efficacité de l’enseignement et des enseignants. Si l’Etat définit un certain nombre d’objectifs pour l’école, il est normal qu’il se préoccupe de l’atteinte de ces objectifs. Mais il faut être très prudent car, en même temps, un principe d’obligation de résultats ne me semble pas raisonnable en éducation. Tout simplement parce que l’apprentissage dépend d’un trop grand nombre de paramètres sur lesquels l’enseignant n’a pas aisément prise : la motivation de l’élève, sa disponibilité cognitive, sa disponibilité affective ou émotionnelle, etc.

Dès lors, il me semble fondamental d’inventer des dispositifs nouveaux où l’information issue de telles évaluations externes soit mise au service d’un travail réflexif dans les écoles et d’une analyse collective des pratiques éducatives. Dans ce sens, il s’agit d’apporter une information sur les effets du travail d’une équipe d’enseignants – et pas d’un seul prof, bien sûr –, mais il s’agit aussi d’éviter de tout ramener à une évaluation de l’efficacité des apprentissages. De telles données doivent tenir lieu de principes de réalité – elles disent quelque chose de ce que les élèves connaissent, en comparaison avec d’autres élèves – mais on ne peut réduire l’ensemble du travail dans une école à quelques indicateurs d’efficacité.

Votre ouvrage présente les grandes théories pédagogiques aussi bien le constructivisme que l’enseignement explicite. Ce sont des conceptions qui sont soutenues par des philosophies opposées. La recherche scientifique doit-elle nous amener à en privilégier une ?

Cette question est délicate et complexe. D’une part, je voudrais tout d’abord rappeler une différence importante entre les deux courants auxquels vous vous référez. Le constructivisme est avant tout une théorie de l’apprentissage : il a pour objectif de rendre compte des processus cognitifs mis en œuvre dans l’apprentissage. L’enseignement explicite parle de l’enseignement, plus que de l’apprentissage. Il renvoie donc à l’analyse des dispositifs à mettre en œuvre pour faire apprendre plutôt qu’à l’apprentissage lui-même.

Cela étant dit, vous avez raison de souligner que ces deux propositions, si on les questionne au regard de la philosophie de l’éducation qu’elles véhiculent, ne portent pas la même conception de l’homme et de l’éducation. Le constructivisme valorise la participation de chaque individu dans la construction de ses savoirs ; l’enseignement explicite considère que c’est à l’enseignant à montrer et ensuite à modeler des processus cognitifs chez ses élèves. Dans la durée, le recours systématique à l’un ou à l’autre modèle produirait certainement des individus différents.

Mais résumer ce débat à une opposition philosophique, voire idéologique me semble erroné. Il faut également acter un nombre important de résultats de recherches empiriques (tout le courant de l’école efficace par exemple) qui attirent l’attention sur l’importance d’un enseignement structuré, s’appuyant sur des objectifs explicites, des rétroactions fréquentes et un temps d’exercisation. La voie que nous suggérons dans l’introduction de ce livre, c’est que de telles orientations ne sont d’ailleurs pas nécessairement contraires aux principes constructivistes.

Quels conseils alors peut-on donner aux enseignants ?

La posture que nous avons adoptée avec Gaëtane Chapelle dans cet ouvrage est la suivante : à travers des synthèses de recherche, nous proposons aux enseignants une série de pistes d’analyse et d’action. Nous affirmons également qu’il n’existe pas de « one best way » [sic, la source est hexagonale]. En fonction des objectifs de l’enseignant, du contenu spécifique à enseigner, des élèves à qui on s’adresse, une diversité de stratégies éducatives peuvent être mobilisées. L’enseignant le plus compétent est sans doute celui qui est capable d’alterner les méthodes tout en fondant ses choix, car il a identifié les limites et les apports des différentes alternatives à sa disposition.

Peut-on changer les pratiques enseignantes ? Comment expliquez vous le décalage fréquent entre les travaux des chercheurs et les pratiques en classe ?

Non, ce sont les enseignants qui changeront les pratiques enseignantes. On peut les informer d’une part et les inciter d’autre part. Ce livre contribue à ce travail d’information, en rassemblant dans un seul tome les synthèses de nombreuses recherches sur l’enseignement et les méthodes pédagogiques. Et dans cet exercice de synthèse, nous avons veillé à ne pas occulter les différences, voire les contradictions qui existent entre les chercheurs en éducation. Nous espérons aussi que les textes courts présentés dans ce livre donneront envie aux enseignants d’aller voir plus loin.


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Grande-Bretagne — professeur licencié pour avoir qualifié l’homosexualité de péché

Un professeur de sciences, interdit d’enseigner pour avoir déclaré en classe que l’activité homosexuelle constitue un « péché », a perdu son recours devant la Haute Cour de Londres. Robert Haye, 43 ans, n’avait pourtant fait que répondre à la question d’un de ses élèves du secondaire à la Deptford Green School en Angleterre. On suppose que le jeune homme s’est empressé de dénoncer son professeur pour «  homophobie ». C’est en tout cas un professeur assistant qui est allé se plaindre à la direction. Une campagne sur Facebook s'en est suivie.

D’emblée, Robert Haye a été écarté de toute activité enseignante par l’Agence de l’enseignement pendant une durée indéfinie. La sanction a été confirmée par le ministre de l’Éducation britannique, Michael Gove.

La Haute Cour, invitée pour la première fois à se pencher sur un tel type d’affaires, a refusé de donner raison au professeur en assurant que sa réponse avait été « inappropriée » et qu’il s’était rendu coupable d’une conduite professionnelle inacceptable. Le juge King a souligné que l’école où enseignait Robert Haye avait un cahier des charges obligeant les professeurs à « fournir des informations positives sur l’homosexualité » en vue de « permettre aux élèves de récuser les stéréotypes négatifs et les préjugés ».

Robert Haye, un adventiste du Septième jour, a également expliqué à ses élèves que les chrétiens qui sanctifient le dimanche rendent un culte au démon dans leurs temples et églises, mais cela n’a jamais dérangé personne. Seules ses opinions à l'encontre des activités homosexuelles semblent devoir être punies par les tribunaux.





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