vendredi 11 novembre 2022

Trudeau au show travelo

Texte de Mathieu Bock-Côté paru dans le Journal de Québec.

La nouvelle a fait le tour du monde : Justin Trudeau se joindra le temps d’une soirée au jury d’une émission [nous venant d'Ontario et qui célèbre les] drag-queens. [Ces travestis masculins trop maquillés et vêtus de manière exubérante.]

Nulle surprise ici.

[Trudeau à la Cage aux folles]

Le premier ministre Justin Trudeau en compagnie du présentateur de Canada’s Drag Race, Brooke Lynn Hytes (nom de scène de Brock Edward Hayhoe)

Justin Trudeau, avant d’être un homme politique, est un homme de théâtre. Il n’aime rien tant que l’univers du déguisement. Depuis sa première élection, ne joue-t-il pas à être premier ministre ? De tous les déguisements, c’est hélas ! celui qui lui va le moins bien.

L’univers des drag-queens est fait pour lui faire : c’est celui du travestissement le plus extravagant, associé à la culture du cabaret.

[Cabaret, de l'anti-authenticité, une parodie outrée, de l'appropriation de genre]

Mais il y a quelque chose d’usé dans ce grand retour de Justin Trudeau qui mise sur la variété pour se refaire une popularité, comme s’il ne se rendait pas compte que son vieux tour de chant ne fonctionne plus. Le jeune premier qu’il était passera désormais pour un crooner sur le retour, cherchant désespérément un dernier micro pour réactiver un charme qui ne fonctionne plus.

À moins que Justin Trudeau ne mise sur le « buzz » entourant les drag-queens pour se redonner un peu d’éclat ? En Amérique du Nord, elles sont à la mode. On les retrouve partout.

Apparemment, on veut même faire de la drag-queen la nouvelle figure porteuse de la cause LGBTQI2T+, dans la mesure où elle parodie les codes du masculin et du féminin, et révélerait leur caractère artificiel. D’ailleurs, Justin Trudeau ira à cette émission pour faire la promotion de « l’inclusion ».

Notre époque veut croire que rien n’est plus important que de déconstruire ces codes, au point même de chercher à en convaincre les enfants, pour les persuader que leur identité sexuelle biologique importe peu, et qu’ils sont libres de choisir leur genre – autrement dit, de décider s’ils sont hommes, femmes, non-binaires ou autre chose. Nous ne sommes pas loin du jour où un homme né homme et se vivant comme un homme passera en société pour un affreux réactionnaire. Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

La drag-queen donne ainsi un air ludique à la théorie du genre.

Peut-être est-ce pour cela qu’une drag-queen jouera le rôle de la fée des étoiles lors de la parade du père Noël. Il ne faudrait pas manquer une occasion de s’emparer d’un symbole et de la redéfinir selon les codes diversitaires.

Mais revenons à Justin Trudeau.

Quoi qu’on pense de son initiative télévisuelle, n’a-t-il pas mieux à faire qu’aller aux variétés ?

Déconstruction

Je m’en suis souvent moqué en le surnommant la reine d’Angleterre, en disant qu’il régnait, mais ne gouvernait pas. Alors qu’il faisait le beau en nous montrant fièrement les motifs de ses chaussettes, les élites de Toronto et d’Ottawa gouvernaient le pays à leur manière.

Désormais, les choses sont un peu plus compliquées. Car si Justin Trudeau parade encore, on sait désormais que Chrystia Freeland lui succédera.

J’oserais même dire qu’elle lui a déjà succédé de manière officieuse.

Pendant ce temps, il va au carnaval, insouciant. Comme sur un nuage, il y est heureux.


Malaise dans la langue française - Promouvoir le français au temps de sa déconstruction

Pourquoi l'écriture inclusive aboutit-elle à l'exclusion et en quoi, faussement civilisatrice, repose-t-elle sur le barbarisme ? Ce sont Mazarine Pingeot, Boualem Sansal, Matthieu Bock-Côté qui, entre autres, répondent ici à cette question cruciale pour l'avenir du bien commun qui est notre langue.

Lutter contre les discriminations ? Si elles sont souvent réelles, parfois fantasmées, nous voilà aujourd’hui sommés d’adopter un idiome artificiel jugé conforme aux droits des uns et des autres. Pourquoi ? Afin de manifester notre adhésion sans réserve à la cause sacrée de l’« inclusion ». Or, la langue inclusive cristallise tensions et incompréhensions. Seulement, qui oserait la contester tant elle apparaît relever du progrès ?

Les systèmes autoritaires ont toujours voulu contrôler la parole et l’écriture. L’actualité montre qu’il est urgent de protéger la langue française des assauts qu’elle subit. C’est la conviction des douze écrivains et penseurs de premier plan et de tous bords que réunit ce livre. Ils y analysent et combattent ce phénomène de société paradoxal, défendant ensemble l’universalisme républicain. Un ouvrage salutaire.

Préfacé par Annie Genevard, dirigé par Sami Biasoni, cet ouvrage réunit Mathieu Bock-Côté, Jean-François Braunstein, Jean-Michel Delacomptée, Yana Grinshpun, Nathalie Heinich, Anne-Marie Le Pourhiet, Bérénice Levet, Mazarine M. Pingeot, François Rastier, Xavier-Laurent Salvador, Boualem Sansal et Jean Szlamowicz.

Malaise dans la langue française,
par collectif,
publié en septembre 2022,
aux éditions du Cerf,
264 pp.,
ISBN : 9782204145466