dimanche 8 mai 2022

Adaptation fulgurante des élèves russophones en France, ils y apprennent vite le français

Le Nègre du Narcisse de Joseph Conrad change de nom...

Les éditions Autrement — qui ont par ailleurs fait un remarquable travail de réédition de l’œuvre immense du polonais anglophone Joseph Conrad — ont décidé de transformer le titre du célèbre Nègre du narcisse en un insipide Les enfants de la mer. C’est certes le titre de la version américaine du livre, mais qui pourrait aussi être celui de 98 % des romans se passant sur un bateau, de Hornblower à O’Brian.

Dans le texte aussi, la main du correcteur a frappé : quand il n’est pas dans les dialogues, le mot « nigger » a été remplacé dans la traduction française par « noir ». À l’heure où le discours dominant sur l’art de la traduction met en avant la nécessité de coller au plus près au texte original, on a dans ce cas choisi l’inverse. À moins de supposer que Conrad — dont le roman, faut-il le préciser, n’a absolument rien de raciste — choisissait ses mots au petit bonheur la chance ?

Alexandre Civico, éditeur chez Autrement et lui-même écrivain, défend son choix. « En relisant le livre, j’ai pensé que le mot “nègre” pouvait être offensant. Je l’ai remplacé par le mot “noir” partout où il était présent dans le texte narratif, et ne l’ai laissé que quand il était prononcé par un personnage, et aidait alors à caractériser ce personnage. Considérer uniquement le respect du patrimoine me semblait contre-productif pour ce texte, que je voulais faire partager au plus grand nombre. Ce remplacement ne fait rien perdre au livre d’un point de vue politique ou littéraire. C’est une décision que nous avons beaucoup discutée, et dont je ne suis pas certain qu’elle était forcément la meilleure. Disons que j’ai essayé d’avoir une position au milieu du gué. »

On peut entendre ces arguments (même si cette peur permanente d’offenser devient consternante…), mais pourquoi miser sur la bêtise du lecteur plutôt que sur son intelligence ? Quelques mots de contextualisation, expliquant l’évolution du mot « nègre » de 1897, date de la première édition du livre, à notre époque, ne pouvaient-ils suffire ? Ne pouvait-on faire jouer la pédagogie plutôt que la censure ? Jusqu’où faudra-t-il réécrire le passé pour en expurger tout ce qui pourrait choquer en 2022 ?

Et faudra-t-il demain corriger les corrections quand elles seront passées de mode, ou à l’inverse jugées trop timides ? Va-t-il falloir faire passer sous le couperet des censeurs les Contes nègres pour les enfants des blancs de Blaise Cendrars, Faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer de Dany Laferrière, Le Nègre du Surinam de Voltaire, Rue cases-nègres, le film d’Euzhan Palcy, les écrits d’Aimé Césaire… ? Si vous voulez lire Conrad comme il a été écrit, n’achetez pas cette édition. Ça ne vous empêchera pas de réfléchir à l’usage des mots à travers les âges. Mais vous le ferez par vous-mêmes ; comme des adultes.

Les éditions Autrement ne font qu’imiter les susceptibilités des éditeurs politiquement corrects américains, avec un certain retard. Elles ont peut-être une guerre de retard quand on considère qu’en 2009, les éditions WordBridge ont publié une nouvelle édition du Nègre du Narcisse avec le titre censuré The N-Word of the Narcissus (Le Mot-en-N du Narcisse) et qui a totalement expurgé le mot « nègre » du texte. Selon l’éditeur, le mot « nègre » aurait conduit les lecteurs à éviter le livre. Les mêmes arguments que les éditions Autrement. Combien de temps avant qu’un éditeur français ne suive la grande avancée des éditions WordBridge ?

Le texte non modifié se trouve encore dans les collections « L’imaginaire » et « Bibliothèque de la Pléiade » chez Gallimard. 
 
 

Voir aussi

Fin des Dix Petits Nègres

 
 
 
 

Cégep anglophone : hostilité peu subtile au français

« La loi 96, c’est la fin d’un Québec bilingue » brandit un opposant à la loi 96. Si seulement cela pouvait être le cas…

Article intéressant de Radio-Canada (une fois n’est pas coutume) sur le rejet des cours de français dans les cégeps (fin du lycée pour les Français) anglophones désormais majoritairement fréquentés par des allophones et des francophones.

Après des tergiversations, le ministre Simon Jolin-Barrette a finalement convenu que les « ayants droit », c’est-à-dire les élèves issus des réseaux primaires et secondaires anglophones, devront suivre trois cours de français durant leurs études collégiales. Mais les autres jeunes des cégeps anglophones, c’est-à-dire les francophones et les allophones, devront, eux, suivre trois cours de leurs matières dans la langue officielle du Québec.

Si l’ajout de trois cours de français dans un cégep anglophone comme John Abbott pose tant problème, c’est que :

  • ces élèves ont été mal formés au secondaire, 
  • ne sont pas ces bilingues dont on nous rabat les oreilles depuis des années,
  • considèrent le français comme inutile,
  • qu’ils n’ont nulle intention de travailler en français et
  • pour eux, imposer l’anglais au Québec est quelque chose de naturel, un droit.

Où est le problème ? Simple : le bilinguisme c'est bon pour les petits, les sans-dents, les francophones, pas pour le peuple oint, l'élite anglo-saxonne, les gens assimilés à l'anglais.


 

 Les arguments présentés par les anglo-allophones sont peu convaincants :

Je ne connais pas le français bien que né au Québec, mais tout le monde ne peut être un champion de hockey (le prof d’anglais)
Mais dans une société normale, tout le monde parle la langue locale, pas uniquement les champions. Toute personne née au parle l’anglais, nul besoin d’être doué ou un linguiste hors pair.

Loi raciste (le prof d’anglais et affichette)
Ridicule, les anglophones de souche sont de la même race caucasienne que les francophones de souche…

Défendre les droits des anglophones du Québec (Noah Kaufman)
Ignorer le français serait un droit ?

Avec cette nouvelle loi, ça va faire beaucoup plus difficile pour passer le cégep (Noah Kaufman, direction)
Tout va dépendre du niveau des cours de français qui seront imposés. Seront-ils plus difficiles que les cours de français de l’école secondaire anglophone au Québec qui ne permettent pas aux anglophones de parler couramment le français ?

Ça va faire baisser notre cote R (Ivana Riveros-Arteaga)
Ce n’est en rien garanti et puis pourquoi favoriser, comme aujourd’hui, ceux qui ne connaissent pas le français et leur faire croire qu’ils sont bons avec une forte cote R ?

Autochtone du Québec ne connaît pas le français
Il faut qu’ils l’apprennent pour leur intégration dans la société du Québec. Notons que les Amérindiens anglophones menacent le gouvernement du Québec s’il mettait en œuvre sa loi 96.

Le niveau en français des diplômés du secondaire même francophones est lamentable
Raison de plus pour imposer davantage de français, il faut également améliorer le niveau en français au primaire et au secondaire et cesser de ne penser qu’à ajouter de l’anglais intensif.

Le français est inutile, je vais déménager en Ontario pour ne pas parler français
Pourquoi subventionner des études en anglais dans des cégeps publics québécois à ces gens qui ne contribueront en rien à l’économie du Québec ?

On entend aussi parfois que la loi 96 est discriminatoire, car elle distingue les ayants droit (les privilégiés anglophones) et les autres (assujettis à la loi 101). 
 
Nous sommes d’accord, il faudrait éliminer les privilèges accordés aux anglophones et allophones assimilés à l’anglais. Il faut mettre un terme à ce privilège qui rehausse le prestige associé à l’appartenance à ce groupe d’ayants droit. Il faut que tous connaissent nettement mieux le français. Pour le reste nous sommes pour une liberté quant à la pédagogie et au contenu des formations. Rappelons qu’en Flandre belge, les écoles, lycées, athénées et universités francophones, relativement nombreuses à une époque, ont tout simplement été fermées et néerlandisées. Mais voilà la démographie en Flandre et en Belgique favorisait les Flamands. L'immigration, quand cette néerlandisation a été effectuée, était bien inférieure à celle que connaît le Québec depuis des décennies.

 
Un des profs fataliste conclut : « ça fait 400 ans qu’ils veulent qu’on disparaisse, alors on est habitués, que voulez-vous… » L’ennui c’est que les Québécois ne font désormais plus d’enfant (environ 1,5 par femme ce qui amène à une contraction rapide à terme du bassin de Québécois de souche) et que l’immigration est très importante et très attirée par l’anglais. Jamais ces deux forces n'ont joué ensemble aussi fortement.


Une centaine d’étudiants et de professeurs ont manifesté contre le projet de loi 96 sur le campus du Cégep John Abbott dans l’ouest de l’île de Montréal.

Will McClelland, 43 ans, est professeur d’anglais au Cégep John Abbott. Il est fier de dire que sa famille est établie au Québec depuis 1834. Il regrette, par ailleurs, que son français ne soit pas assez bon pour répondre à nos questions dans cette langue qu’il trouve trop difficile à maîtriser.

Je n’ai pas très très bilin [gue], dit-il. Pourquoi ? je demande. You could also ask: why don’t I play hockey better? Well, not everyone can be Guy Lafleur! (Vous pourriez aussi me demander pourquoi je ne suis pas meilleur au hockey, mais tout le monde ne peut pas être Guy Lafleur), ironise-t-il, derrière ses lunettes fumées.

Monsieur McClelland, comme beaucoup de professeurs du cégep, est venu manifester contre le projet de loi 96 en compagnie d’une centaine d’étudiants qui scandent des slogans sur le campus avec beaucoup de conviction. NO 96! Fuck that shit! (Non à 96 ! À bas cette merde !)

Mis à part cet événement lié à l’actualité, l’endroit semble figé dans le temps. Un magnifique campus à l’allure britannique, des pelouses déjà vertes devant un lac Saint-Louis scintillant.

Le Cégep John Abbott, dans le West Island, est entouré de vieilles demeures élégantes rappelant que ce coin de l’île de Montréal constituait, au début du 20e siècle, un refuge champêtre pour les familles les plus riches du Québec. Les Angus, les Morgan, les Abbott, etc.

Le professeur d’anglais tient fièrement une pancarte sur laquelle on peut lire : Bill 96, une autre loi raciste. Pourquoi raciste ? La réponse du professeur évite la question. En fait, dit-il, il en a contre l’ampleur de la loi : Ce n’est pas une loi, c’est une loi omnibus de 290 pages. C’est beaucoup trop gros.

Il pose avec sa pancarte contre le projet de loi 96.

Will McClelland, 43 ans, est professeur d’anglais au Cégep John Abbott.

Malgré le fait qu’il ne parle pas vraiment la langue, le professeur McClelland célèbre le fait français au Québec. Il évoque de jolies filles québécoises qui l’ont gentiment aidé à pratiquer un peu. Will McClelland affirme que le Canada tire sa richesse de sa dualité linguistique. Nous ne voulons pas que le Québec devienne La Nouvelle-Orléans, assure-t-il. Mais la loi 96 ? Ça, c’est non. Il y a des moyens plus amusants et plus sexy que cette loi pour protéger le français, pense-t-il.

Depuis 2001, les anglophones sont minoritaires dans les cégeps de langue anglaise comme John Abbott. En 2018, selon le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, près de 40 % de leurs étudiants étaient allophones, 21 % étaient francophones. Pour freiner la tendance qui voit de plus en plus d’étudiants francophones et allophones se diriger vers les cégeps anglophones, le projet de loi 96 propose un gel des places dans le réseau anglophone.

En outre, à la suggestion du Parti libéral du Québec, la loi prévoit l’ajout de trois cours additionnels de français dans le réseau collégial anglophone pour les ayants droit, c’est-à-dire les anglophones [le plus souvent des immigrés de longue date assimilés à l’anglais, comme les juifs achkénazes de Montréal, comme probablement Noah Kaufman ci-dessous] du Québec. Pour les étudiants allophones et francophones dans le réseau anglophone, le ministère prévoit plutôt que des cours y soient donnés en français. Le projet de loi prévoit aussi que les étudiants francophones et allophones passent dorénavant l’épreuve uniforme de français pour obtenir leurs diplômes. Les ayants droit en seront dispensés.

Pourtant, Noah Kaufman, 19 ans, est complètement paniqué. Noah fait partie des ayants droit. Issu de la communauté anglophone du Québec, il a fait ses études secondaires en anglais à Pointe-Claire. Le jeune homme scande sa colère contre la loi 96 bien en avant dans le cortège d’étudiants. La manifestation est filmée par les réseaux de télévision anglophones CBC et CTV.

Avec cette nouveau loi, ça va faire beaucoup plus difficile pour passer le cégep. On doit opposer cette loi beaucoup, dit-il dans un français laborieux, mais compréhensible. Noah insiste : il aime et respecte les francophones, mais il veut défendre les droits des anglophones du Québec.

Fête des mères en 2022