Le congrès virtuel du Parti conservateur du Canada (PCC) n’a pas amélioré l’appui du PCC dans la population. Dans les prévisions publiées le 21 mars par Qc125, le PCC perd un point, son appui dans les intentions de voter s’établit désormais à 29,9 % alors que deux semaines plus tôt il était encore de 30,7 %.
Certains prétendront que c’est le fait que la base n’a pas accepté la proposition sur la réalité du changement climatique. Les gros médias s’en sont régalés : voyez ces rétrogrades anti-Science. Ceci nous semble un raccourci, car l’opposition portait à notre sens plutôt sur les politiques proposées ou suggérées dans le corps de la résolution.
D’autres attribueront cette baisse au fait que M. O’Toole a aliéné sa base en faisant preuve d’un manque de charisme, d’absence de défense de la liberté d’expression, de politique pro-famille, de volonté de compromis avec un pan entier de sa famille politique et en soutenant des manigances et magouilles multiples pour évincer ses rivaux qui ne l’ont pas grandi. Au lieu de vouloir faire la morale à sa base en voulant étouffer tout débat sur le climat (« le débat est clos ! »), il aurait manqué d’habilité et n’aurait pas incarné le conservatisme pro-famille, pro-liberté d’expression. Il aurait dû arrondir les angles et ne pas chercher la confrontation avec sa base sur plusieurs sujets : notamment l’avortement ou le climat (*).
Rappelons que le PCC avait déjà une politique dans le domaine de l’environnement qui abordait les changements climatiques dont voici un extrait :
la modification de politique sur le climat mise aux voix ajoutait ceci :Nous croyons que le Canada devrait établir un programme de crédits d’impôt afin de promouvoir des solutions écologiques dans les domaines du transport et de l’innovation entrepreneuriale, par exemple.
Nous croyons que les gouvernements fédéral et territoriaux devraient faire des investissements conjoints afin d’étudier l’adaptation aux changements climatiques dans le Nord et d’y donner suite.
Nous reconnaissons que les changements climatiques sont réels. Le Parti conservateur a la volonté d’agir.
Nous croyons que l’on doit responsabiliser les entreprises canadiennes, catégorisées super-polluantes, à mettre en place des mesures qui vont réduire leurs GES avec une imputabilité de résultat.
Nous croyons qu’il faut soutenir l’innovation en technologies vertes. Il faut devenir un leader mondial et s’en servir comme levier de développement économique.
Ceci est apparu à de nombreux délégués avec lesquels nous avons parlé comme un succédané du discours libéral de Trudeau : « on aurait cru lire du Biden ».
C’était une proposition malhabile qui ne pouvait que braquer les climatosceptiques ou ceux qui subodorent des dépenses massives (des subventions, des taxes et des impôts) pour créer une industrie verte sous perfusion (est-ce que cela réussit à l’Allemagne ?) ou encore ceux qui préfèrent parler d’adaptation aux changements climatiques, changements qui n’ont pas que des désavantages pour un pays glacé comme le Canada. [Voir Les miraculeux emplois verts s’effondrent en Allemagne et Écologie : L’échec allemand].
Les médias ont affirmé que les délégués ont rejeté la réalité des changements climatiques. Mais, comme le note Cosmin Dzsurdzsa : « En vérité, les congressistes étaient en désaccord avec l’amendement pour plusieurs raisons, notamment un manque de clarté quant à sa portée, la nature trop large de l’amendement et son impact sur les entreprises du secteur privé, et la suspicion de soutenir les programmes de technologies vertes tels que ceux introduits par les gouvernements libéraux précédents de l’Ontario qui ont causé des dégâts économiques importants. »
Un Erin O’Toole plus avisé aurait évité un affrontement aussi direct que contreproductif. En voulant plaire à la médiacratie et au commentariat progressiste, il a offert l’image d’un parti divisé, d’un chef mal aimé par sa base, sans imagination et à la remorque du prêt-à-penser progressiste. Le chef du PCC aurait dû refuser de créer un abcès sur ce point. Nous pensons qu’il a trop écouté ceux qui lui soufflaient à l’oreille qu’il fallait emboîter le pas des progressistes sur les thèmes sociétaux. Pourtant, M. O’Toole aurait pu contenter sa base conservatrice morale par quelques mesures symboliques (comme savent le faire les gauchistes) : condamner l’euthanasie sans cesse plus facilement disponible, refuser l’avortement sélectif (qui peut justifier que l’on tue des filles à naître à cause de leur sexe ?) et se concentrer sur des mesures économiques profamille, sur des politiques proliberté d’expression (*), des propositions pour réindustrialiser le pays (aucun fabricant de vaccin Covid au Canada, quel scandale !) et enfoncer le clou dans le domaine de l’autonomie forte des provinces (Alberta et Québec) dans toute une série de domaines dont la langue, l’immigration et la fiscalité (une seule déclaration fiscale). Bref, se distinguer des progressistes sans aliéner sa base. Au lieu de cela, il a préféré axer sa campagne sur les changements climatiques ! En 2021… O’Toole a tort de croire qu’il peut battre les Libéraux en adoptant les politiques libérales.
M. O’Toole pourra-t-il rattraper la sauce ? On peut en douter.
Nous le regrettons, car nous pensons que la meilleure façon pour que le Québec obtienne plus d’autonomie (ce qui lui permettrait de décider davantage de sa politique migratoire, fiscale et linguistique) est de soutenir le discours décentralisateur prôné par le PCC actuellement, de profiter du besoin de l’Ouest conservateur d’un allié au Québec. Que ce soit avec un PCC majoritaire comprenant une très grande délégation québécoise ou (sans doute mieux) d’une coalition de deux partis minoritaires faite du PCC et du Bloc Québécois pour obtenir ainsi la majorité au parlement. Encore faudrait-il que ce BQ préfère davantage d’autonomie pour le Québec à davantage de politiques progressistes au Canada y compris au Québec…
(*) L’establishment du PCC a également tenté de faire supprimer ce paragraphe : « Nous sommes en faveur d’une législation retirant le pouvoir de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal canadien des droits de la personne de réglementer, de recevoir, d’enquêter sur ou de juger les plaintes relatives à l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ». La mesure n’a été battue que par 50,60 % des membres. Ce paragraphe faisait suite au combat épique de Mark Steyn et Ezra Levant contre « cette parodie de tribunal » qu’est le Tribunal canadien des droits de la personne. Aucune justification par écrit à cette suppression étonnante n’avait été fournie.
Notons au passage que les délégués ont approuvé massivement (à 88 %) une mesure qui s’oppose à la culture du bâillon (cancel culture), mais de manière incompréhensible M. O’Toole n’a pas pris cette perche tendue pour rallier ses troupes. La politique en question se lit : « Le Parti conservateur du Canada favorisera le financement fédéral des universités canadiennes qui appliquent les principes de Chicago. En vertu de cette mesure, les établissements devront respecter et protéger la liberté d’expression comme le définit la Charte. Les établissements qui ne protègent pas la liberté d’expression perdront leur financement fédéral. »
Billet originel du 20 mars
Un de nos correspondants est délégué au congrès du parti conservateur du Canada (PCC). Voici son rapport.La deuxième journée du congrès du PCC qui rassemble en ligne quelque 3500 délégués s’est terminée par un discours de Erin O’Toole (ci-contre, à droite).
Erin O’Toole a déclaré que le Parti conservateur du Canada qu’il dirige depuis août 2020 doit « changer » s’il désire remporter les prochaines élections parce que le Canada a changé. C’est une vieille ficelle rhétorique, les circonstances changent toujours. Elle peut servir à justifier n’importe quelle politique : accompagner ce changement et donc abandonner ses anciennes valeurs ou lutter contre ce changement et revenir à une position plus ferme, plus conservatrice dans ce cas-ci. Pour le Parti conservateur du Canada, il s’agit toujours de courir après les libéraux et d’être moins conservateurs.
Dans un discours à ses militants, vendredi soir, M. O’Toole a déclaré que son parti peut battre les libéraux de Justin Trudeau (à gauche, ci-contre) aux prochaines élections, mais uniquement s’il change ses façons de faire et présente de nouvelles idées pour rallier les Canadiens.
O’Toole a déclaré que le parti doit faire plus que changer ses positions politiques — il doit également faire tout ce qui est en son pouvoir pour accueillir les Canadiens de toutes les origines raciales et ethniques et les membres de la communauté LGBTQ.
Manque de courage et de pédagogie
Le manque de courage d’Erin O’Toole était frappant, il semble se résigner à accompagner le mouvement que la gauche impose à la société. Il ne cherche pas à convaincre les Canadiens de la justesse des politiques conservatrices, à faire preuve de pédagogie, il n’envisage aucune mesure ambitieuse pour renverser la table, changer le discours médiatique et promouvoir des valeurs conservatrices dans la société. Aucune ambition de déplacer un tant soit peu la fenêtre d’Overton vers la droite conservatrice sur n’importe quel sujet sociétal. Rien.
Pas un mot sur l’immigration
Erin O’Toole a bien raison : le Canada a changé. Il a par exemple connu un afflux massif d’immigrants, à tel point que ses métropoles ont vu leurs compositions ethniques et culturelles bouleversées. Or Erin O’Toole n’a pas abordé cette question, pas un mot, aucune proposition de politiques dans ce sens soumise aux délégués. Pourtant le Canada a changé, ne serait-il pas temps de réviser la politique migratoire de celui-ci ?