samedi 1 juin 2024

Ottawa s'attaque au « racisme environnemental »

Le ministre fédéral Steven Guilbeault annonçait tout « fièr » [sic] :

Le Canada s’apprête à se doter de sa première législation contre le « racisme environnemental ». Le projet de loi C-226 de la chef du Parti vert, Elizabeth May, fera bientôt l’objet d’un dernier vote au Sénat. Il vise à éviter que des sites toxiques soient installés près des collectivités autochtones, des collectivités racisées ou marginalisées.

Il y a la contamination au mercure de la Première Nation de Grassy Narrows dans le nord de l’Ontario causée par des rejets d’eaux usées d’une usine de pâtes et papiers, les usines pétrochimiques qui entourent celle d’Aamjiwnaang dans le sud de l’Ontario, le gazoduc Coastal GasLink qui traverse les terres des Wet’suwet’en en Colombie-Britannique, l’ancien site d’enfouissement qui a pollué la communauté noire de Shelburne en Nouvelle-Écosse pendant 75 ans et même le dépotoir illégal de Kanesatake, au Québec, qui, bien qu’il appartienne à deux membres de la communauté amérindienne locale visée.

Il semble donc que peu importe si les dépotoirs s'installent près des communautés de pauvres blancs.

Conservateurs et bloquistes contre

Le texte législatif était toutefois loin de faire l’unanimité à la Chambre des communes. Il a obtenu l’appui des libéraux et des néo-démocrates lors du vote en troisième lecture, mais les conservateurs et les bloquistes s’y sont opposés pour des raisons différentes.

« Nous avons déjà un cadre réglementaire compliqué pour ce qui est de la réalisation des projets au Canada », avait fait valoir le député conservateur de l’Ontario Kyle Seeback, lors des débats en chambre. En comité parlementaire, son collègue Gérard Deltell avait rappelé que le projet d’oléoduc Northern Gateway de l’Alberta vers la Colombie-Britannique avait l’appui de plusieurs communautés autochtones avant qu’il soit stoppé par le gouvernement en 2016.

Le Bloc québécois aurait préféré que le concept de racisme environnemental soit remplacé par celui de justice environnementale. « Si nous instituons de nouvelles politiques fondées sur de nouveaux droits, tel le droit à un environnement sain, tout le monde devrait en jouir, sans exception », avait argumenté la députée Monique Pauzé.

Elle avait donné à titre d’exemple le quartier de Limoilou, à Québec, où les habitants respirent les poussières générées par le transbordement de minerais au port de Québec, de compétence fédérale, peu importe leur origine ethnique. « La particularité de ce quartier est d’avoir des revenus très bas », avait-elle souligné.


Source : La Presse

Ce qui ne va pas dans la formation des futurs profs

Extraits d'un long texte de Joseph Facal publié dans le Journal de Montréal cette semaine : 

Le 21 mai, dans nos pages, une chargée de cours à l’UQAM, Pascale Bourgeois, a fait sauter une bombe.

Elle s’en prenait à la faible qualité de la formation des futurs enseignants dans nos facultés d’éducation, à la faible qualité moyenne des étudiants aussi, et à leurs effets combinés sur tout notre système scolaire.


On trouve deux niveaux dans ce propos de Mme Bourgeois qui a soulevé l’ire du milieu.

À un premier niveau, elle ne fait que constater.

Il y a certes de formidables exceptions, mais les étudiants qui deviendront professeurs dans nos écoles primaires et secondaires sont, dans l’ensemble, de faible niveau, remarquablement peu curieux, et agissent en enfants gâtés plus qu’en adultes responsables.

C’est ainsi parce que les critères d’admission sont très bas et parce que ces jeunes sont eux-mêmes les produits du système éducatif et de la société tels qu’ils sont.

Les facultés d’éducation, dit-elle, réagissent en abaissant leurs exigences et en offrant des formations pauvres en contenu intellectuel, surtout axées sur des techniques de gestion de classe.

Comment en sommes-nous arrivés là? C’est le deuxième niveau de sa charge.

Dans sa lettre-coup de poing du 21 mai, Pascale Bourgeois ne se contente pas de montrer du doigt le peu de motivation et de curiosité intellectuelle de beaucoup d’étudiants qui se destinent à la profession d’enseignant.

Elle met aussi en cause la doctrine dominante dans les facultés qui les forment, ici comme ailleurs.

Les deux aspects sont liés dans un cercle autoreproducteur: ces étudiants sont partiellement le produit de cette doctrine éducative, qu’ils apprennent maintenant, et qui fondera leur pratique professionnelle ultérieure.

Doctrine

Je vous ai parlé samedi de la façon assez traditionnelle dont j’enseignais, qui était celle que j’avais connue comme écolier. Nous sommes rendus ailleurs et je n’y vois pas un progrès.

Que mange en hiver cette doctrine – appelée constructivisme, et dont il existe plusieurs variantes – qui domine désormais dans les facultés d’éducation? Voici en gros.

Chacun construit ses connaissances. L’enseignant est donc moins là pour transmettre un savoir objectif et préexistant, mais davantage pour accompagner l’enfant dans sa quête personnelle.

Tout est centré sur l’enfant et ses besoins. Tout devient personnel, donc subjectif et relatif, d’autant plus qu’il n’y a pas deux enfants pareils. C’est l’environnement scolaire qui doit s’ajuster à lui et non l’inverse.

Forcément, si les désirs ou les «besoins» de l’enfant priment, on marginalise, voire on évacue souvent, des notions comme l’efficacité, les moyennes de groupe, la validation par l’expérimentation, les évaluations comparées, etc.

Quand il arrive à l’université, ce jeune est tout étonné de voir qu’on n’y fonctionne pas comme à l’école qu’il connaît depuis la maternelle. Il se met alors à exiger que l’environnement s’adapte à lui... et obtient souvent gain de cause.

Cette doctrine prédomine non seulement dans les facultés d’éducation, mais au ministère, chez les conseillers pédagogiques, les syndicats, les organismes chargés de conseiller les élus, etc.

Dans le monde universitaire, ceux qui ne la partagent pas auront du mal à trouver des postes ou à obtenir du financement pour leurs recherches.

S’y opposer, c’est évidemment être «nostalgique», «réactionnaire», de «droite», «élitiste», adepte du «bourrage de crâne», etc.

On comprend donc la levée de boucliers suscitée par la décision de Bernard Drainville de créer un institut d’excellence qui recenserait les pratiques éducatives les plus efficaces en se fondant sur des données probantes.

Suites

Incidemment, pour ce qui est des résultats impressionnants des enfants québécois aux tests PISA, ils sont à prendre avec un grain de sel de gros calibre en raison des hauts taux de non-participation de beaucoup d’écoles publiques et de la difficulté à réconcilier ces scores avec des taux de diplomation beaucoup moins spectaculaires.

[Voir aussi:
 
PISA évaluerait-il plus l'intelligence que les acquis ?

  
 

 ]

Espérons que la sortie de Mme Bourgeois déliera les langues, secouera cette orthodoxie, permettra de faire entrer de l’air frais.

Il faut aussi souhaiter qu’elle ne subisse pas de conséquences fâcheuses pour avoir dit le fond de sa pensée.

La liberté académique et la loi 32, il faut que cela veuille dire quelque chose pour vrai.

Plus de lois raciales aujourd'hui en Afrique du Sud qu'au pic de l'apartheid ?

La législation raciale est bien vivante en Afrique du Sud. C'est une chose que la plupart des Sud-Africains savent, même si, étonnamment, ce n'est pas le cas de tous. Mais une grande partie du reste du monde pense que la discrimination par la loi a pris fin en 1994.


L'Index des lois raciales recense les nombreuses lois sud-africaines - à l'heure actuelle, uniquement les lois du Parlement - qui font (ou ont fait) de la race, de la couleur de peau ou de l'appartenance ethnique des sujets de droit des éléments pertinents en droit, généralement en créant des handicaps et des fardeaux raciaux. L'index couvre la période allant de la création de l'Union sud-africaine en mai 1910 à nos jours.

L'index est une initiative de l'Institut sud-africain des relations raciales (SAIRR).

L'index a été mis à jour pour la dernière fois le 24 octobre 2023, de sorte que toutes les références à son état actuel se rapportent à cette date.

À cette date, 141 lois du Parlement sud-africain pouvaient être considérées comme des lois raciales.

Au total, le Parlement a adopté 313 lois raciales entre 1910 et aujourd'hui.

37 % d'entre elles, soit 116, ont été adoptées pendant et depuis 1994.

Bien entendu, nombre de ces 313 lois ont été abrogées. Mais, à l'heure actuelle, il y a 141 lois du Parlement qui font référence à la race ou à la couleur de peau. Cela représente 45 %, soit près de la moitié, de toutes les lois raciales jamais adoptées.

Une partie de ces lois sont donc antérieures à 1994.

Quelques notes sur ces chiffres.

Pendant l'apartheid, l'année 1980 a été l'année où le plus grand nombre de lois raciales du Parlement figuraient dans le corpus législatif, à savoir 123 lois raciales.

Depuis 1980, le nombre de lois raciales du Parlement a commencé à diminuer régulièrement, reflétant le gouvernement du Parti national dans sa phase réformiste.

La législation raciale en vigueur en Afrique du Sud a atteint son point le plus bas en 1996, lorsqu'il n'y avait « que » 52 lois raciales du Parlement.

Mais depuis 1996, le nombre de lois raciales a augmenté de façon spectaculaire, l'année 1998, deux ans plus tard, étant la pire année de l'histoire de l'Afrique du Sud en termes de nombre brut de lois raciales adoptées.  Vingt (20) lois raciales ont été adoptées cette année-là par le nouveau corps législatif aux mains de l'ANC.

L'année 2000 est la deuxième année la plus prolifique en termes d'adoption de lois raciales dans l'histoire sud-africaine, avec 17 lois du Parlement qui font de la race une réalité juridique.

L'année 1976 arrive en troisième position, avec « seulement » neuf lois raciales adoptées au cours de cette année. 1976 est l'année au cours de laquelle le gouvernement de l'apartheid a adopté le plus grand nombre de lois raciales. 1998 et 2000 sont les années au cours desquelles le gouvernement ANC a adopté le plus grand nombre de lois raciales.

En 2007, on a atteint à nouveau le pic de 1980, avec un total de 123 lois raciales du Parlement dans le livre. Depuis, le nombre de lois raciales a grimpé jusqu'à atteindre le niveau actuel: 141 lois raciales adoptées par le Parlement sud-africain qui pourraient être décrites comme des lois « opérationnelles » ou « actives ».

Il convient toutefois de noter qu'il n'existe aujourd'hui aucune loi sur l'enregistrement de la population permettant de classer les Sud-Africains en fonction de leur race, de sorte que ce système discriminatoire est largement tributaire de déclarations des intéressés, comme l'est la discrimination « positive » aux États-Unis.

De la complexité du comptage des lois raciales

La construction de l'index des lois raciales a constitué un exercice complexe.

Cette complexité pourrait expliquer pourquoi l'Index des lois raciales est la première initiative de ce type dans l'histoire de l'Afrique du Sud. Après tout, l'Afrique du Sud est et a été un haut lieu mondial du droit racial depuis au moins un siècle, et pourtant aucune tentative n'a jamais été faite pour rendre compte de manière exhaustive des lois raciales en vigueur dans ce pays.

La Fondation Nelson Mandela a effectué un travail sur les lois raciales antérieures à 1994, mais ce travail n'a guère qu'effleuré la question et n'a répertorié que les « grandes » lois de l'apartheid. Après 1994, le professeur Koos Malan et le Dr James Myburgh ont également effectué un travail utile sur la comptabilisation des lois raciales importantes de la soi-disant nouvelle Afrique du Sud, mais ces exercices ont également omis un grand nombre de lois moins importantes.

Trouver toutes les lois raciales n'a pas été une mince affaire. Même aujourd'hui, il est possible que l'index omette certaines lois raciales du Parlement.

Toutefois, si on souhaite consulter l'index, il faut le faire de manière holistique. Si vous le faites sans enthousiasme, vous risquez de vous faire une fausse idée de la réalité du droit racial en Afrique du Sud.

Prenons un exemple.

La loi sur l'insolvabilité a été adoptée en 1936. Il s'agissait alors d'une loi non raciale du Parlement.

Toutefois, en 2003, la Loi sur l'insolvabilité a été racialisée par le biais d'un amendement.

Cet acte de racialisation ne change toutefois pas le fait que la Loi sur l'insolvabilité est une loi de 1936 qui contient des dispositions raciales.

En d'autres termes, la Loi sur l'insolvabilité est considérée comme une loi raciale antérieure à 1994 dans l'index, même si elle n'a été racialisée qu'après 1994.

Il s'agit là d'un élément à prendre en compte. L'autre concerne le double comptage.

Il y a eu, par exemple, une certaine confusion récemment autour de la Loi d'amendement sur l'équité en matière d'emploi (Employment Equity Amendment Act).

Pour ceux qui l'ignorent, cette loi modifie évidemment la Loi sur l'équité en matière d'emploi. L'amendement a considérablement aggravé les aspects raciaux de cette loi. Certaines personnes ont estimé que cet amendement aurait dû être comptabilisé comme une autre loi raciale.

Mais l'index exclut les lois portant modification, par nécessité.

Une loi d'amendement, dans 99 cas sur 100 - il y a des exceptions, reflétées dans l'index - ne fait qu'introduire de nouvelles dispositions dans des lois déjà en vigueur.

Si l'on comptait à la fois la loi modifiée et la loi qui la modifie, cela signifierait qu'une loi sur les races serait comptée en double. Et si on procédait ainsi, on surestimerait considérablement l'étendue de la législation raciale en Afrique du Sud.

Ainsi, chaque fois qu'une loi d'amendement racialise une loi non raciale, elle est comptabilisée comme une seule loi raciale, et chaque fois qu'une loi d'amendement racialise davantage une loi déjà raciale, comme la loi sur l'équité en matière d'emploi, elle n'est pas comptabilisée du tout.

Voir aussi

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Vivre-ensemble : chef du 3e parti (13 %) en Afrique du Sud chante « Tirez pour tuer, Tuez le Boer, tuez le fermier » devant stade comble

 
 
 
 

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Les langues en Afrique du Sud depuis 1994 (écrit en 2010, ça n’a fait qu’empirer)