samedi 14 août 2021

Recensement 2020 aux États-Unis — 5 millions de blancs en moins par rapport à 2010

Les premières statistiques raciales et ethniques publiées du recensement américain de 2020 montre clairement que « l’explosion de la diversité » aux États-Unis se poursuit, bien que dans un contexte de croissance nationale plus lente, en particulier chez les jeunes. Les nouveaux chiffres montrent que, pour la première fois, il y a eu une perte absolue (de 2010 à 2020) du nombre d’Américains blancs qui ne s’identifient pas à d’autres groupes ethniques (certains hispaniques sont blancs). Cela signifie que toute la croissance du pays de 2010 à 2020 est attribuable aux minorités — celles qui s’identifient comme latino ou hispanique, noir, Américain d’origine asiatique, hawaïenne ou insulaire du Pacifique, amérindienne ou métisse. Ensemble, ces groupes minoritaires représentent désormais plus de 40 % de la population américaine.

Alors que les résultats du recensement de 2020 précédemment publiés indiquaient un ralentissement marqué de la croissance démographique nationale, ces derniers chiffres montrent qu’une croissance lente et une diversité accrue sont particulièrement évidentes chez les jeunes. Entre 2010 et 2020, la population des moins de 18 ans du pays a enregistré une baisse absolue de plus d’un million de personnes. Cela résultait d’une perte notable de la population de jeunes blancs qui n’a pas été entièrement compensée par des gains dans d’autres groupes raciaux et ethniques. En conséquence, les Américains blancs représentent désormais moins de la moitié de la population des moins de 18 ans du pays.


 La dernière décennie a vu un ralentissement de la croissance démographique et une diminution en termes absolus de population blanche

Le taux de croissance de 7,4 % du pays de 2010 à 2020 était inférieur à celui de n’importe quelle décennie depuis les années 1930. Il n’est donc pas surprenant que les taux de croissance de certains groupes raciaux et ethniques aient également diminué par rapport à la décennie précédente. C’est particulièrement le cas pour les Latino-Américains ou hispano-américains qui n’ont cru « que » de 23 % entre 2010 et 2020 par rapport à 43 % en 2000 à 2010. La baisse de la fécondité et de l’immigration au cours de la décennie expliquent en très grande partie ce ralentissement.

Pourtant, ce qui frappe le plus c’est le déclin en termes absolus de la population blanche, le premier déclin depuis le tout premier recensement en 1790. Pendant une grande partie de l’histoire des Étas-Unis, la croissance de la population blanche a reflété le taux de croissance national, y compris un ralentissement substantiel pendant la Grande Dépression. Pourtant, depuis les années 1970, la croissance de la population blanche a continuellement baissé, tombant à seulement 1,2 % de 2000 à 2010 pour aboutir de 2010 à 2020 à une perte de -2,6 % du nombre de blancs (ou plus de 5 millions de personnes).

En plus de la baisse de la fécondité et de l’immigration, une grande partie de cette perte est attribuable au vieillissement continu de la population blanche. Moins de naissances et plus de décès ont entraîné un solde naturel négatif (plus de décès que de naissances) pour la décennie 2010, avant même la pandémie de COVID-19. En outre, l’augmentation des mariages multiraciaux a entraîné une augmentation du nombre de jeunes qui s’identifient comme métisses plutôt que comme seulement blancs. Les nouveaux résultats du recensement montrent également une augmentation substantielle du nombre d’Américains qui ont indiqué appartenir à deux ou plusieurs groupes raciaux.

Ces changements aboutissent à une situation où les races et groupes ethniques non blancs représentent tous les gains démographiques de 2010 à 2020 dans la population américaine. Les contributions les plus importantes sont venues d’Américains latinos ou hispaniques, à 11,6 millions, ce qui représente environ la moitié du gain total de la décennie de 22,7 millions. Les Américains d’origine asiatique et les personnes s’identifiant comme deux races ou plus ont également largement contribué au gain de population total de la décennie.

Bien que 35 États aient enregistré des pertes de population blanche au cours de la décennie, seuls trois d’entre eux (Illinois, Mississippi et Virginie-Occidentale) ont enregistré des déclins de population totale. Dans les autres États (y compris la Californie, New York, le New Jersey et le Massachusetts), les groupes ethniques non blancs ont été à l’origine de toute la croissance des années 2010. Un bon exemple est la Californie, qui a dominé le pays sur le plan de la perte de population blanche (1,2 million), mais a bénéficié d’importants gains latinos ou hispaniques (1,5 million) et des gains américains d’origine asiatique (1,2 million). De plus, dans tous les États qui ont gagné en population blanche au cours de la décennie, leurs populations non blanches combinées ont contribué à plus de la moitié de leur croissance. (Washington, D.C., où la croissance de la population blanche a dominé, est une exception.)

Les déclins de la population blanche étaient omniprésents dans de grandes parties du pays, y compris 61 des 100 plus grandes régions métropolitaines ; 196 des 319 villes de plus de 100 000 habitants ; et 2 458 des plus de 3 100 comtés du pays. Pourtant, moins de ces régions ont connu des pertes de population globales (seules trois grandes régions métropolitaines, 37 grandes villes et 1 650 comtés) parce que leurs pertes de personnes blanches ont été plus que compensées par les gains d’autres groupes raciaux et ethniques.

Plus de 40 % des Américains s’identifient désormais comme des personnes de couleur

Plus de 40 % des Américains s’identifient désormais comme appartenant à un ou plusieurs groupes raciaux et ethniques.

Les derniers recensements ont montré une diversité raciale et ethnique accrue au sein de la population américaine. En1980, les résidents blancs représentaient près de 80 % de la population nationale, les résidents noirs représentant 11,5 % et les résidents latinos ou hispaniques 6,4 %. En 2000, la population latino ou hispanique affichait une part légèrement plus élevée que la population noire : 12,5 % contre 12,1 %. À ce moment-là, la part de la population américaine d’origine asiatique était passée à 3,6 %, tandis que la part de la population blanche était tombée à 69,1 %.

Aujourd’hui, 20 ans plus tard, la part de la population blanche est tombée à 57,8 %. Les parts de la population latino-américaine ou hispanique et américaine d’origine asiatique ont augmenté à 18,7 % et près de 6 %, respectivement. Alors que ces groupes ont fluctué au cours des 40 dernières années, soit à la hausse (pour les populations latino-américaines ou hispaniques et asiatiques) soit à la baisse (pour la population blanche), la part des Noirs de la population est restée relativement constante.

Les nouvelles données du recensement montrent que la baisse des parts de la population blanche a lieu dans tout le pays. Au cours de la décennie 2010-2020, la part de la population blanche a diminué dans les 50 États (mais pas à Washington, D.C.) avec des baisses marquées dans plusieurs. Au Nevada, la part de la population blanche est passée de 65 % en 2000 à 54 % en 2010, puis à 46 % en 2020. Les parts de la population blanche ont diminué dans 381 des 384 régions métropolitaines du pays et 2 982 de ses 3 140 comtés.

En outre, le recensement de 2020 montre que la population blanche est minoritaire dans six États et Washington, D.C. C’était déjà le cas du Maryland et du Nevada depuis 2010. En outre, 27 des 100 plus grandes régions métropolitaines ont des populations blanches minoritaires, dont Dallas, Orlando (Floride), Atlanta, Austin (Texas), La Nouvelle Orléans et Sacramento (Californie) qui est devenu à majorité non blanche en 2020.

Les gains et les pertes de population varient selon les États et les régions

Malgré la lenteur de la croissance démographie sur le plan national au cours de la décennie 2010, une grande variation dans les gains existe entre les États pour les différents groupes raciaux et ethniques. Comme indiqué ci-dessus, 35 États ont perdu leur population blanche au cours de cette période. Pourtant, la plupart des États ont gagné des résidents américains latinos ou hispaniques, noirs et asiatiques.

Il existe des différences entre les États les plus peuplés pour chaque groupe ethnique. Les États qui ont enregistré des gains de résidents blancs sont exclusivement situés dans la Sud (la « Ceinture du Soleil »), avec au premier plan l’Utah, le Colorado et la Floride. En fait, les 11 États (y compris Washington, D.C.) avec les plus grands gains de blancs en termes absolus sont tous situés dans les régions du sud et de l’ouest. En revanche, sept des huit États avec les plus grandes pertes de population blanche se trouvent dans le nord-est et le Mid-Ouest, y compris les États très urbanisés de New York, de l’Illinois et du New Jersey. La seule exception dans la Ceinture du Soleil est la Californie, un autre État urbanisé, qui a entraîné tous les autres dans les pertes de population blanche. Tous ces États à la population blanche en déclin absolu votent fortement démocrates.

Les gains de population noire favorisent également le Sud, et tout d’abord le Texas, suivi de la Géorgie et de la Floride. Cela est cohérent avec l’histoire récente des schémas de migration des Noirs vers les États du Sud prospères, à l’inverse de la « grande migration » des Afro-Américains hors du Sud dans la première moitié du XXe siècle. Pourtant, plusieurs États non méridionaux, dont le Minnesota, le Nevada et l’Arizona, ont également attiré des Noirs américains au cours de la dernière décennie. À l’autre extrémité du spectre se trouvent sept États et Washington, D.C., qui ont enregistré des pertes de résidents noirs. Les pertes les plus importantes se sont produites en Illinois, en Californie, au Michigan et à New York. Ce sont parmi les États qui servent aujourd’hui d’origine à la « migration inverse » vers le Sud.

Les États qui ont gagné le plus de résidents latino-américains ou hispaniques et d’Américains d’origine asiatique diffèrent quelque peu des deux groupes précédents. Ces gains se concentrent dans les États qui ont historiquement déjà attiré de nombreux latinos et Asiatiques, notamment le Texas, la Californie, la Floride et New York. Bien que les populations des deux groupes se dispersent à travers le pays, les gains globaux sont encore fortement concentrés dans ces États.

La population de jeunes a diminué dans 27 États et dans l’ensemble du pays

Les nouvelles données du recensement de 2020 permettent d’évaluer la taille et les changements récents de la population nationale des moins de 18 ans (appelée ici la population « jeune »). Un résultat particulièrement remarquable est le déclin global de cette population au cours de la décennie 2010-2020. Dans un pays qui vieillit rapidement, une baisse absolue de la population jeune représente un défi démographique pour l’avenir.

La perte de plus d’un million de jeunes de 2010 à 2020 contraste avec les gains de cette population au cours des deux décennies précédentes. Bien que ce ne soit pas la première décennie à enregistrer une perte de jeunes dans le pays, cela se produit à une époque de vieillissement accru de la population. Cela diffère de la situation dans les années 1960, quand une grande partie de la grande population de baby-boomers avait moins de 18 ans et représentait 35 % de la population totale. Cette part des jeunes a baissé au fil du temps et n’atteint plus désormais que 22 %.

Cela signifie que les jeunes représentent une part démographiquement plus petite de la population alors que la population globale vieillit. À mesure que l’importante population de baby-boomer prendra sa retraite, tant les jeunes que la population en âge de travailler ne connaîtront au mieux qu’une croissance modeste.

La diminution du nombre de jeunes est patente et même exacerbée dans une grande partie du pays. Entre 2010 et 2020, 27 États ont enregistré des baisses absolues de leur population de jeunes. Ces états sont situés dans toutes les régions du pays, mais surtout dans le Nord-Est.

Les personnes de couleur représentent plus de la moitié de la jeunesse du pays

Les immigrants et leurs enfants nés aux États-Unis sont plus jeunes que le reste de la population américaine, l’immigration des dernières décennies en provenance d’Amérique latine, d’Asie et d’ailleurs a contribué à renforcer la taille de la population jeune du pays. Cela est évident dans les contributions de différents groupes ethniques et raciaux au cours de la période de 2010 à 2020, qui montre que les jeunes latinos ou hispaniques, les jeunes Américains d’origine asiatique et les jeunes s’identifiant à deux sont plus de races qui ont contribué à tous les gains de population de ce groupe d’âge.


 

Sans ces groupes ethniques, le déclin de la population des jeunes au cours de la dernière décennie aurait été encore plus important. La population de jeunes blancs est en déclin depuis 2000 en raison du faible niveau de natalité depuis plusieurs décennies et d’une proportion proportionnellement plus faible de femmes blanches en âge de procréer. Et cette population devrait encore diminuer dans les décennies à venir. De même, il y a eu des baisses plus modestes du nombre de jeunes Noirs ainsi que de ceux qui s’identifient comme Indiens d’Amérique et autochtones de l’Alaska.

Cette dynamique s’est produite dans la plupart des États. Tous les États, à l’exception de l’Utah (les mormons…) et du Dakota du Nord (et de Washington, D.C.) ont enregistré des baisses de leurs populations de jeunes blancs de 2010 à 2020. Étant donné que la grande majorité des États affichent également des pertes dans leurs populations de jeunes noirs, Indiens d’Amérique et autochtones de l’Alaska, les gains de jeunes ont tendance à provenir en grande partie des jeunes latinos ou hispaniques, des jeunes Américains d’origine asiatique ou des personnes s’identifiant comme deux races ou plus.

Cette baisse de cinq millions n'est pas attribuable à un changement d'identification


D’aucuns pourraient penser que cette forte diminution (-5 millions de blancs) est due principalement à un changement d’identification des blancs, car s’identifier d’une autre race que blanc confère des avantages dans un pays où la discrimination positive pour les non-blancs (et donc, négative envers les blancs) est commune. Cela est peu probable pour plusieurs raisons :

  • la perte de 5 millions se concentre quasi exclusivement chez les jeunes de moins de 18 ans qui ne s’identifient pas, ce sont leurs parents qui effectuent cette identification lors du recensement. On voit mal pourquoi les couples adultes blancs s’identifieraient comme blancs (or ils auraient aussi avantage selon cette théorie à se dire non blancs), mais identifieraient leurs enfants non métis comme non blancs ;
  • l’identification à un groupe ethnique lors d’un recensement anonyme n’apporte aucun avantage aux termes des politiques discriminatoires ;
  • le taux de natalité des blancs est sous le seuil de reproduction depuis près de 50 ans;
  • les enfants métis (nés de parents de races différentes) existent et leur nombre croît, il ne s’agit pas d’un simple tour de passe-passe identitaire de parents blancs, mais bien de mélange de races qui fait mécaniquement baisser le nombre d'enfants des autres races.

Indice synthétique de fécondité aux États-Unis en 2019, selon l'origine ethnique de la mère(naissances pour 1 000 femmes)


 



 


« Une fabuleuse nouvelle »

La nouvelle a été saluée triomphalement par une chroniqueuse du Washington Post (très à gauche, très pro-Biden). La chroniqueuse du Washington Post, Jennifer Rubin, a célébré jeudi la « fabuleuse nouvelle ». « Une société plus diversifiée et plus inclusive », de déclarer Rubin sur Twitter. « C’est une nouvelle fabuleuse. » « Maintenant, nous devons empêcher la domination blanche minoritaire », a-t-elle déclaré. 

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Selon le Congressional Research Service en 2014, les Blancs représentaient 85,0% des décès de militaires américains en Afghanistan:


 

Entretien de Victor Orban sur Fox News (transcription et sous-titrage en français)

Le Premier ministre hongrois s’est entretenu avec Tucker Carlson de Fox News la semaine passée. Voici la transcription et la vidéo sous-titrée en français de cet entretien qui fait partie d’un documentaire plus long qui sera diffusé ultérieurement par Fox News.

Transcription

Tucker Carlson — Bonsoir. Bienvenue à « Tucker Carlson ce soir ». Sur les près de 200 pays de la Terre L’un d’eux a un chef élu qui s’identifie publiquement comme un conservateur à l’occidentale. Il s’appelle Victor Orban, Premier ministre de Hongrie. La Hongrie est un petit pays au milieu de l’Europe centrale. Elle n’a pas de marine, pas d’armes nucléaires. Son PIB est inférieur à celui de l’État de New York. On pourrait donc penser que les dirigeants à Washington ne prêteraient guère attention à la Hongrie. Pourtant ils le font, de manière obsessionnelle. En rejetant les principes du néolibéralisme, Victor Orban les a personnellement offensés et enragés. Que croit Victor Orban ? Il y a quelques années à peine, ses opinions étaient considérées comme modérées et conventionnelles. Il pense que les familles sont plus importantes que les banques. Il pense que les pays ont besoin de frontières. Pour avoir dit ces choses à voix haute, Orban a été vilipendé. Des ONG de gauche l’ont dénoncé comme un fasciste, un fossoyeur de la démocratie. L’automne dernier, Joe Biden a suggéré qu’il était un dictateur totalitaire. Le Washington officiel méprise si profondément Orban que beaucoup, y compris les néocons, au département d’État et alentour, soutiennent ouvertement les antisémites qui se présentent contre lui aux élections d’avril prochain. Nous avons observé cela depuis les États-Unis et nous nous demandions si ce que nous entendions pouvait être vrai.

Nous sommes donc venus en Hongrie pour voir par nous-mêmes. Nous nous sommes assis avec lui pour avoir plusieurs entretiens. Nous allons vous en montrer un extrait. Vous pourrez ainsi vous faire votre propre opinion à ce sujet.

Tout d’abord, un mot sur la Hongrie. Même si vous comprenez que les médias américains mentent, il est sidérant de constater l’étendue de leur malhonnêteté. Nous avons lu plusieurs fois à quel point la Hongrie est répressive. Freedom House, une ONG de Washington financée par le gouvernement des États-Unis décrit la Hongrie comme moins libre que l’Afrique du Sud, avec moins de libertés publiques. Ce n’est pas seulement faux, c’est insensé.

Si vous habitez aux États-Unis, il est déprimant de constater le contraste entre Budapest et New York. Disons que vous attaquez haut et fort les politiques de Joe Biden, ses politiques sur l’immigration, la COVID ou les athlètes transgenres. Si vous continuez à parler comme ça, vous seriez probablement réduit au silence par les alliés de Joe Biden dans la Silicon Valley. Si vous vous entêtez, vous devrez considérer l’embauche de garde du corps. C’est courant aux États-Unis, demandez autour de vous. Cela n’arrive pas en Hongrie. Les chefs de l’opposition en Hongrie ne craignent pas d’être attaqués violemment pour leurs opinions ni le Premier ministre. Orban conduit souvent sa voiture sans garde du corps. Alors qui est le plus libre ? Dans quel pays êtes-vous plus susceptible de perdre votre emploi pour être en désaccord avec l’orthodoxie ? La réponse est évidente. Aux États-Unis, c’est douloureux de l’admettre.

Sur ce, voici Victor Orbán. Son accent est assez prononcé, mais son anglais est précis. Il vaut la peine d’être entendu.

Monsieur le Premier ministre, merci beaucoup. En 2015, des centaines de milliers de migrants apparaissent à la frontière sud de votre pays, Ils affluent vers l’Allemagne. Les autres pays de l’UE leur disent : « Bienvenue, venez, nous pouvons gérer, nous sommes assez forts. ». Seule la Hongrie dit non. Pourquoi ? Pourquoi avez-vous adopté sur l’immigration une position différente de celle d’autres pays européens ?

Orban — C’était la seule attitude raisonnable. Si quelqu’un franchit nos frontières sans en avoir obtenu l’autorisation de l’État hongrois, nous devons défendre notre pays et leur dire « Eh, les gars, arrêtez-vous ! Si vous voulez franchir cette frontière ou vous installer chez nous, il y a des règles, elles doivent être respectées. Mais vous ne pouvez pas, juste comme ça, entrer sans aucune sorte de restrictions, sans obtenir le moindre permis, sans demander son avis à l’État hongrois, sans aucun contrôle. » C’est dangereux. Nous devons protéger notre peuple de tous les dangers, quels qu’ils soient.

Tucker — Et vous pensez en avoir le droit ?

– Bien entendu. C’est un droit conféré par Dieu, par la nature, Nous avons le bon droit pour nous, parce que c’est notre pays. C’est notre population, notre histoire, notre langue. Cela s’impose à nous.. Bien entendu, si vous êtes en difficulté et que les Hongrois sont les plus proches de vous, il faut porter assistance. Mais vous ne pouvez simplement vous dire : « Ah tiens, c’est un beau pays, j’aimerais bien venir m’y installer, comme ça j’aurai une vie meilleure ». Venir en Hongrie n’est pas un droit de l’homme. Hors de question. Car c’est notre pays. C’est une nation, c’est une communauté, des familles, une histoire, des traditions, une langue.

Tucker — Dire ce que vous venez de dire — même si je pense que cela ira de soi pour beaucoup de nos téléspectateurs — a profondément offensé de nombreux pays d’Europe de l’Ouest, ou leurs dirigeants.

— C’est parce que beaucoup de pays européens ont décidé d’ouvrir un nouveau chapitre dans leur histoire nationale. Ils appellent cela la nouvelle société : c’est une société post-chrétienne et post-nationale. Ils croient dur comme fer que mélanger des communautés différentes — avec, d’une part, de grandes quantités de nouveaux venus, notamment de musulmans et, d’autre part, des autochtones, disons des chrétiens — que ce mélange produit de bons résultats. Sera-ce le cas ? Nous n’en savons rien. Mais je pense que c’est très risqué. Il est évident que cela peut non seulement ne pas tourner bien, mais très mal. Et chaque nation a le droit d’accepter ce risque ou de le refuser. Nous autres, Hongrois, avons décidé de ne pas prendre ce risque du mélange. Voilà pourquoi la Hongrie subit des attaques si dures, et voilà pourquoi on m’a forgé une si mauvaise réputation. On me traite comme la brebis galeuse de l’Union européenne, et malheureusement, parfois la Hongrie tout entière aussi.

Tucker—Cela fait donc six ans que l’Allemagne——ou plutôt Angela Merkel——a pris la décision de laisser entrer des centaines de milliers de migrants.

— Des millions.

Tucker — Des millions qui ne parlent pas allemand, pour la plupart musulmans. Quels effets leur arrivée a-t-elle entraînés en Allemagne ?

— Vous savez, la diplomatie exige une certaine réserve. Mais c’était leur décision : ils ont pris le risque, et maintenant, ils ont ce qu’ils méritent. C’est leur vie. Je préfère éviter de qualifier le résultat de leur décision. J’insiste seulement sur le fait que les Hongrois ont droit à leur propre choix.

Tucker — Votre êtes devenu célèbre à la fin des années 1980, quand encore étudiant, pour votre rôle de premier plan contre l’occupation soviétique. De nombreux Américains vous considéraient comme un héros, à cette époque de la Guerre froide, quand les yeux étaient braqués sur la Hongrie. Le gouvernement américain était de votre côté, et vous du côté du gouvernement américain. Trente ans plus tard, Joe Biden, au cours de sa campagne présidentielle de l’année dernière, vous a décrit — je cite — comme une « brute autoritaire ».

Joe Biden — Vous voyez ce qui se passe de la Biélorussie à la Pologne et à la Hongrie, et la montée des régimes totalitaires dans le monde et aussi ce président embrasse tous les voyous du monde.

Tucker — Ce changement n’est-il pas stupéfiant pour vous ? Et comment répondez-vous à ces qualificatifs ?

— Tout d’abord, la réaction à ce genre d’opinion en Hongrie n’est pas très polie, je pense. Qui est ce gars pour dire ça ? Ah, d’accord. C’est le président des États-Unis. Nous devrions le prendre au sérieux. Enfin… quelqu’un qui ne parle pas notre langue, connaît très peu la Hongrie même au cours des dernières décennies de notre vie, qui bien évidemment ne nous comprend pas. Une telle opinion comme ça, vous savez, c’est une insulte personnelle pour les Hongrois. Mais, étant le président des États-Unis, nous devons être très modestes et respectueux. Et nous devons nous efforcer de faire comprendre que ce qu’il dit est plutôt faux. Nous essayons de le faire de manière polie, car nous respectons les Américains. Nous respectons la démocratie et la culture américaines. Nous ne voulons pas détruire notre relation. Parce que la relation avec les Américains est foncièrement très bonne. Nous coopérons bien en matière de défense, en tant qu’alliés de l’OTAN. La coopération économique est excellente. Vous investissez beaucoup ici, le commerce est florissant. Vos hommes d’affaires trouvent ici beaucoup d’occasions commerciales. Tout va bien sauf la politique quand les libéraux sont au gouvernement à Washington. C’est le problème. Nous devons gérer cela, car la relation américano-hongroise est précieuse, même si les Américains ne la perçoivent pas autant qu’auparavant. Nous devons sauver ce qui peut l’être.

Tucker — C’est un peu bizarre. Je ne pense pas que Joe Biden a jamais dit de Xi Jinping — qui a assassiné plusieurs de ses compatriotes — qu’il était un voyou totalitaire. Il n’en a pas seulement contre vous, il vise aussi le gouvernement polonais.

— Le problème, c’est notre réussite. C’est un vrai défi pour les penseurs libéraux. Ce qui se passe en Europe centrale — en Hongrie, mais aussi en Pologne… peut-être de façon trop explicite en Hongrie — Ce qui se passe ici, c’est la construction d’une société couronnée de succès : sur le plan économique, politique, culturel, nous avons même quelques réussites dans le domaine démographique : notre politique familiale. Bref, ce que vous voyez ici peut être présenté comme un succès. Or les bases de cette réussite sont totalement différentes de ce que souhaitent, pratiquent et créent de nombreux autres pays occidentaux. Voilà pourquoi les libéraux occidentaux ne peuvent pas accepter qu’il existe, au sein même de la civilisation occidentale, une alternative national-conservatrice, qui, au niveau de la vie quotidienne, réussisse mieux que la libérale. Voilà pourquoi ils nous critiquent. Ils se battent, non pas contre nous, mais pour se défendre. Mais notre exemple montre qu’une personne ou un pays misant sur des valeurs traditionnelles, sur l’identité nationale, sur les traditions chrétiennes, peut réussir, parfois mieux même que ceux dirigés par des gouvernements de gauche libérale.

Tucker — C’est intéressant d’assister à cela du point de vue d’un Américain : les médias américains, l’administration Biden, le Département d’État, s’opposent à vous, ils vous qualifient de « brute totalitaire » alors que votre opposition forme une coalition d’anciens communistes et d’antisémites. N’est-il pas étrange de voir la gauche américaine soutenir une coalition qui comprend des antisémites ?

— Disons que, si vous m’aviez demandé il y a plusieurs années s’il était possible que les forces politiques post-communistes s’allient à la droite antisémite pour faire campagne contre un gouvernement pro-Israël, pro-américain, pro-OTAN et tourné vers l’Ouest — ce que nous sommes —, ma réponse aurait été : « Non, c’est impossible. » Mais c’est désormais une chose que la communauté internationale accepte. Je comprends qu’ici, en Hongrie, des partis politiques souhaitent arriver au pouvoir le plus vite possible, Ils s’efforcent donc de former une large coalition contre le gouvernement au pouvoir… mais que cela soit aussi facilement accepté par la communauté internationale… Cela me surprend. Cela me surprend. L’attitude de l’Amérique, particulièrement, est un élément totalement inédit pour moi.

Tucker — On dirait que la Hongrie avance dans une direction complètement différente de celle du reste du continent, voire du reste du monde occidental. Ne pensez-vous pas que, dans vingt ans, ce fossé sera devenu infranchissable ? À quoi tout cela va-t-il mener ?

— Permettez-moi de vous expliquer comment je vois les choses. L’Europe centrale est la région dont les pays ont le plus souffert de l’occupation soviétique et de la dictature communiste. Dans ces pays, ma vision — la méthode hongroise — est très populaire. Dans toutes ces sociétés, nous disposons probablement d’une majorité. Pas seulement en Pologne et en Hongrie — les autres sont plus modérés, mais, si vous comprenez ce qu’ils sont en train de faire, leurs principes et leurs motivations, vous vous rendrez compte qu’ils appartiennent, pour l’essentiel, à la même famille politique.

Tucker — Oui.

— Dans les sociétés occidentales, il y a beaucoup de gens — des millions et des millions — qui désapprouvent la direction politique prise par leur pays hostile à la famille, ou irrespectueuse vis-à-vis des familles, misant davantage sur l’immigration. Qui est davantage une « société ouverte », pour plus d’État-providence, etc.. Je ne dis pas que, dans les sociétés d’Europe occidentale, il n’y ait plus de concurrence politique. J’y vois encore des chances d’évolution, et en ce moment, le pays clé, c’est l’Italie, où l’issue du combat reste totalement imprévisible. À mon avis, il y a donc aussi des chances de voir les pays de l’Ouest changer de politique à leur tour, pour passer du libéralisme au conservatisme, ou de la gauche libérale à la démocratie chrétienne. Cela se peut, mais il nous manque une bonne organisation à l’échelle internationale. Les prochaines années vont donc être passionnantes.

Tucker — Ces dernières soirées, à Budapest, j’ai rencontré par hasard la présence de nombreux Américains qui se sont établis ici parce qu’ils préfèrent vivre entourés de gens qui pensent comme eux, qui pensent comme vous. Considérez-vous Budapest comme une sorte de capitale pour cette école de pensée ?

— Sa capitale, ou l’une de ses capitales, étant donné que d’autres pays européens se montrent aussi très performants dans la production d’idées, et dans l’organisation de ce genre de communautés de penseurs conservateurs et démocrates-chrétiens, comme nous le faisons ici. Nous coopérons avec ces pays, et les réseaux de ce genre sont de plus en plus proches les uns des autres. On voit émerger un véritable — de plus en plus véritable — réseau de l’Europe centrale. Et il ne s’agit pas que de penseurs. On voit aussi des citoyens ordinaires, des citoyens moyens s’installer dans les pays d’Europe centrale. Cette dynamique n’est pas encore massive, mais la tendance est claire. De nombreuses familles chrétiennes et conservatrices qui pensent que l’Europe de l’Ouest n’est plus assez sûre. L’avenir est incertain. L’ordre public n’est plus assuré. Et le cap idéologique de ces pays, les valeurs fondamentales autour desquelles ils s’organisent, tout cela évolue dans une direction qui n’est pas de leur goût, qui ne correspond pas à leurs aspirations. Ils se cherchent d’autres points de chute. Il suffit d’aller dans la campagne hongroise : vous y trouverez des familles d’Europe occidentale qui ont déménagé en Hongrie. D’abord avec une résidence secondaire — grâce à la liberté de circulation dans l’Union européenne. Puis, ils y passent de plus en plus de temps. L’avenir de l’Europe ne peut donc pas exclure une vague migratoire d’un genre nouveau : d’ouest en est.

Tucker—Interne à l’Europe ?

— Les chrétiens et les conservateurs se cherchent une patrie plus accueillante. On ne peut exclure ce scénario.

Tucker — Jusqu’à récemment, la Hongrie — un petit pays de dix millions d’habitants — avait comme alliés deux puissances nucléaires, les États-Unis et Israël. Vous étiez probablement l’allié le plus proche de Nétanyahou en Europe, et vous étiez proche de Donald Trump. L’un et l’autre sont partis. Quel impact cela a-t-il ?

— Ces dernières années, nous n’avons pas eu beaucoup de chance : Donald Trump était un grand ami de la Hongrie, il nous soutenait beaucoup, pas seulement personnellement, mais aussi politiquement — notre amitié était solide. Amitié qui unissait également nos deux pays. L’Amérique d’abord (« America first ») est un message très positif, ici, en Europe centrale. Car si Donald Trump dit « America first », cela signifie pour nous que la Hongrie peut aussi passer en premier. Et coopérons sur cette base ! C’était une très bonne politique étrangère, très efficace et nous nous sommes très bien entendus. De même avec Bibi Nétanyahou, qui était un bon ami des Hongrois. Tant qu’il est resté au pouvoir, il a toujours consacré beaucoup d’énergie au maintien de bonnes relations avec les pays d’Europe centrale. Nous étions très respectés. Mais lui aussi a perdu. C’est ainsi que la pensée des démocrates hongrois chrétiens-conservateurs — judéo-chrétiens — a perdu deux de ses principaux soutiens internationaux. Et leur opposition est arrivée au pouvoir. Cela place la Hongrie dans un environnement totalement inédit. Pour moi, en tant qu’homme politique, gérer ce nouvel environnement est un défi de premier ordre. 

Tucker — Vous allez avoir des élections en avril. Redoutez-vous l’apparition d’ingérences internationales dans le processus électoral hongrois ?

— Il y en aura, oui. Nous ne sommes pas inquiets, car nous nous y sommes préparés. De toute évidence, la gauche internationale fera tout ce qu’elle peut — et probablement même un peu plus — pour que le gouvernement change ici, en Hongrie. Nous le savons, et nous nous y sommes préparés — à recevoir des coups, mais aussi à les rendre.

Tucker — Quand le président des États-Unis vous décrit comme un « voyou totalitaire », des propos assez graves, à mon sens. On est en droit de se demander si la Maison-Blanche et le Département d’État ne vont pas chercher à empêcher votre réélection.

— Je pense que tôt ou tard, les Américains vont comprendre que les problèmes de la Hongrie doivent être résolus par les Hongrois. Et que, même pour des États-Unis conduits par ce gouvernement gauchiste et libéral, un bon partenaire, un gouvernement conservateur, démocrate-chrétien, soutenu à long terme par le peuple hongrois, vaut mieux qu’un gouvernement arrivant au pouvoir avec le soutien de l’Amérique, mais qui le perd quelques mois plus tard, en créant de l’instabilité et de l’incertitude. Un partenaire malaimé, mais stable vaut donc mieux qu’un nouveau partenaire imprévisible. J’espère que les Américains finiront par le comprendre.

Tucker—Pas étonnant qu’ils ne veulent pas que vous entendiez ce qu’il a à dire. Votre pays ne doit pas s’effondrer devant vous. Vous ne devez pas avoir des dirigeants qui haïssent leur population, les poussent à s’opposer les uns aux autres, qui empirent la situation, qui ouvrent les frontières, qui augmentent la criminalité, encouragent les gens à vivre sur le trottoir ou à prendre des drogues. Voilà bien une leçon à tirer de notre entretien avec Victor Orban. La conversation s’est poursuivie un bon moment. Nous avons appris que les efforts en coulisses pour le renverser sont intenses. Nous y reviendrons en détail dans notre prochain documentaire.