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Désormais, les hommes « efféminés » sont bannis de la télévision chinoise.
Après plusieurs scandales liés à des vedettes chinoises, l’Administration nationale de la radio et de la télévision a décidé que les chaînes de télévision et les plateformes en ligne « ne diffuseraient plus de programmes qui développent l’idolâtrie ou des émissions de variétés et de téléréalité ».
Des critères de sélection des acteurs seront à privilégier, comme la bonne conduite politique et morale.
Certains formats d’émissions et des concours de talents ont également été arrêtés. Le régulateur s’est engagé à promouvoir ce qu’il appelle « une image plus masculine des hommes » et critique notamment le maquillage de certaines célébrités masculines.
Tandis que les programmes qui font la promotion de la culture traditionnelle et la culture socialiste avancée, ou encore qui favorisent le patriotisme, seront encouragés. Il s’agit de recentrer la jeunesse sur la vision du Parti communiste.
Ce n’est pas la première fois que l’on assiste à une prise de position comme celle-ci : en 2019, des boucles d’oreilles, des tatouages et des queues-de-cheval de certaines célébrités avaient été floutés à l’écran de télévision.
Comptes bloqués sur les réseaux sociaux
Feng Xiaoyi n’a plus qu’à ranger son pyjama de soie et son rouge à lèvres au placard. Ce coquet blogueur au visage fardé était devenu une vedette éphémère sur la toile chinoise, en commentant ses goûts culinaires d’une voix haut perchée grâce à des vidéos virales sur Douyin, la version chinoise de TikTok. Depuis le 31 août, la puissante plateforme a bloqué le compte du jeune homme, après une cascade de commentaires dénonçant son look « efféminé ».
La jeune pousse pékinoise Bythedance, fondatrice de TikTok, a devancé le couperet d’autorités lancées dans une spectaculaire campagne de « rectification » dans le secteur du divertissement. Il s’agit d’une nouvelle étape de la reprise en main idéologique de la société chinoise sous la houlette du président Xi Jinping. « Il faut fermement interdire le style des idoles efféminées », a décrété le pouvoir, le 2 septembre, accélérant son offensive contre les « célébrités vulgaires », accusées de dissiper une jeunesse qui doit renouer avec les fondamentaux austères du « socialisme » cher au dirigeant le plus autoritaire depuis Mao.
L’Administration nationale de la radio et de la télévision a dévoilé une stratégie en huit points bannissant les émissions formant des idoles, notamment de téléréalité et toute celle « qui n’ont pas une position politique correcte », c’est-à-dire déviant de la ligne du Parti. Le régulateur appelle à établir des critères de beauté « corrects » et à bannir les hommes « efféminés », passant à l’action, après des semaines de mise en garde implicites lancées à l’industrie du spectacle. La « disparition » en ligne depuis fin août de l’actrice vedette Zhao Wei était interprétée également comme un avertissement par les professionnels du secteur, qui avaient déjà assisté avec stupeur à la chute de la super vedette Fan Bingbing, en 2018, pour des motifs de fraude fiscale. Cette fois, Pékin ne prend plus de gants, et dégaine le drapeau de la « moralité » pour « nettoyer » l’antenne et la toile.
« Idoles » du Net dans le collimateur
De multiples célébrités bourgeonnent chaque jour sur le plus grand marché en ligne du monde, arborant souvent des allures inspirées de la K-pop coréenne ou de codes venus d’Occident, et drainent des millions de jeunes admirateurs chinois. Après les dissidents, les avocats, les universitaires, ces « idoles » du net sont à leur tour dans le collimateur du Parti qui veut reprendre en main la jeunesse. L’influence de ces vedettes à l’apparence souvent androgyne est perçue comme un facteur d’affaiblissement de la vigueur de la seconde puissance mondiale, alors que celle-ci subit le vieillissement de sa population en plein bras de fer stratégique avec les États-Unis.
Si nous continuons à nous appuyer sur le grand capital, à nous soumettre au divertissement américain et à laisser nos jeunes générations perdre leur dureté et leur virilité, nous nous effondrerons comme l’URSS
Li Guangman, un commentateur sur WeChat
« Si nous continuons à nous appuyer sur le grand capital, à nous soumettre au divertissement américain et à laisser nos jeunes générations perdre leur dureté et leur virilité, nous nous effondrerons comme l’URSS », prévient un mystérieux commentateur, Li Guangman, dans un billet devenu viral sur WeChat.
Redresser la natalité, louer le modèle traditionnel de la famille
Ce Cassandre aux atours maoïstes a été repris par les grands médias officiels, du Quotidien du peuple à l’agence Xinhua (Chine nouvelle), signalant l’approbation du pouvoir rouge. Alors que le taux de natalité est en berne, comme l’a confirmé le dernier recensement de la population publié au printemps, Pékin multiplie les injonctions aux jeunes pour qu’ils se mettent en couple et enfantent, tressant les louanges d’un modèle traditionnel, tout en assouplissant la politique de l’enfant unique. Mais ces appels peineraient à convaincre une jeunesse découvrant les joies de la nouvelle prospérité, et effrayée par le coût de l’éducation d’un rejeton, ce qui pousse le Parti à s’attaquer à la racine du mal selon lui : la culture du divertissement. L’offensive contre la communauté homosexuelle, dénoncée comme un frein à la natalité, reprend également de la force ces dernières semaines.
Dénonçant les strass et les paillettes, la deuxième puissance mondiale exhorte sa population à embrasser « vigoureusement l’excellence de la culture traditionnelle chinoise et la culture socialiste avancée », en tournant le dos au consumérisme galopant de ses métropoles depuis le décollage économique de la fin du siècle dernier. Cette frugalité est dans la droite ligne du communisme spartiate cher au président Xi, qui, adolescent, forgea son caractère dans une grotte pouilleuse du Shaanxi [Chen-si], où il effectua plusieurs années de « rééducation à la campagne » durant la Révolution culturelle. Une expérience fondatrice pour ce fils d’un compagnon de route de Mao, devenu un chantre du retour aux sources révolutionnaires, tout en remettant au goût du jour les adages confucéens. Le dirigeant exhorte les cadres à « s’endurcir » pour remporter la « lutte » face aux « forces hostiles » occidentales pilotées par Washington.
Le nouvel oukase de Pékin a déclenché un flot de commentaires, souvent critiques, sur la messagerie Weibo. « On veut nous ramener à la dynastie Qing », persifle un internaute, en se référant à la dernière dynastie impériale chinoise qui régna du XVIIe siècle au début du XXe. Si le quotidien Global Times applaudit ces « mesures de nettoyage », d’autres s’inquiètent de cette nouvelle restriction à la liberté individuelle franchissant désormais la frontière de l’intime. « Ils définissent ce qui est beau et ce qui est moche. Ils imposent une seule forme de beauté, c’est ça qui est affreux », ajoute un internaute. « Tout est interdit ! Pas de cheveux teints, pas de clou dans l’oreille, pas de séries sud-coréennes ou américaines… Nous revenons à l’ère féodale », enrage un commentateur sur le Twitter chinois.
La Chine veut censurer les émissions « vulgaires » comme les télé-crochets
Lasse de voir des émissions de divertissement ne véhiculant pas une « énergie positive », Pékin entend sévir contre certaines chaînes.
Les émissions de rencontre de partenaires et les émissions de chant sont-elles vulgaires ? Apparemment oui, pour la Chine.
L’agence de presse Xinhua (porte-parole du parti communiste et considérée par Reporters Sans Frontières comme « la plus grande agence de propagande du monde ») révèle que le gouvernement aimerait faire interdire ces émissions « dérangeantes ».
D’après Xinhua, le rôle de la télé est de transmettre de « l’énergie positive » et d’avoir un but éducatif. Et si la plupart des émissions diffusées sont considérées comme correctes, quelques-unes ne respectent pas les critères de base. Ainsi, celles-ci « subiront de plus en plus de contrôles et celles qui sont vulgaires et nuisibles seront examinées […] jusqu’à être totalement interdites ».
L’agence Reuters rappelle que, par le passé, ce sont les télé-crochets et les émissions de rencontres amoureuses qui ont le plus provoqué la colère du pays. Les premières parce qu’elles attisent (trop) les émotions et les secondes parce qu’elles promeuvent la luxure.
Les Chinois devront donc se contenter d’internet pour profiter des divertissements de ce type.
Le dirigeant chinois veut formater la pensée des élèves avant le congrès de 2022, mais le projet n’est pas sans risques.
Rentrée austère pour les écoliers chinois. Désormais privés de jeux vidéo pendant la semaine, les élèves vont devoir en plus potasser la « pensée de Xi Jinping ». L’apprentissage des doctes paroles du président chinois est désormais obligatoire dès l’école primaire, dès cette rentrée.
« Cher camarade, tu es prié d’apprendre par cœur les phrases d’or de grand-père Xi Jinping, qui sont pleines de sens profond et méritent d’être savourées » annonce l’introduction d’un nouveau manuel destiné aux élèves de 10 ans, truffé de photos du président, et que Le Figaro s’est empressé de commander. Xi gagne ici un nouveau surnom affectueux, pour mieux amadouer les écoliers, relève espérée du Parti communiste chinois (PCC) qui a fêté son centenaire en fanfare le 1er juillet. Dès la première page, le grand homme trône en costume Mao martial à la tribune de la place Tiananmen, saluant la foule d’un sourire débonnaire.
« La pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises » a été ajoutée aux programmes des écoles primaires, et du secondaire à raison d’une session par semaine pour les classes concernées, a annoncé le ministère de l’Éducation, le 24 août. Une nouvelle relayée mezza voce par les médias officiels, comme si cette nouvelle étape dans l’établissement d’un culte de la personnalité risquait de froisser certains parents dont la plupart découvriront cette nouveauté dans les prochains jours. Les élèves doivent « consciencieusement étudier la pensée de Xi pour maîtriser la vérité et écrire un chapitre glorieux de la lutte incessante pour le bien du peuple », explique un manuel destiné aux collégiens. Cette réforme vise à « mouler l’âme des jeunes élèves », a justifié Gu Yuehua, vice-directrice pour l’éducation de la prospère province du Jiangsu.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, la « patrie » est entrée dans une « nouvelle ère » de renaissance, expliquent les manuels. Après avoir mis en valeur le « rêve » chinois, slogan du président, le deuxième chapitre rappelle que « le Parti est la clé du succès de la Chine », pilier central de la vision de Xi. Bien sûr, le pays est une « démocratie », mais la priorité est « la sécurité nationale », explique le manuel, et chaque citoyen doit se mobiliser pour la défendre au quotidien, dans un contexte d’affrontement stratégique sans merci avec les États-Unis. Les écoliers sont ainsi appelés à pointer du doigt les traîtres, à l’image des volontaires de quartier qui quadrillent le district de Xicheng à Pékin pour dénoncer les comportements suspects.
Il s’agit d’un nouveau seuil franchi dans la personnalisation du pouvoir en Chine, un an avant le crucial congrès du Parti de 2022 qui doit propulser le dirigeant de 68 ans vers un troisième mandat sans partage, à l’encontre des règles suivies par ses prédécesseurs. « Tout converge vers la préparation du congrès. L’entrée dans les manuels vise à imposer un autoritarisme personnel », décrypte un universitaire pékinois, qui souhaite garder l’anonymat.
À l’heure de la Révolution culturelle, les jeunes Chinois avaient dû apprendre par cœur les citations du Petit Livre rouge de Mao, et depuis la répression de Tiananmen, ils ont droit à d’énergiques cours « d’éducation patriotique » mais aucun successeur du « Grand Timonier », de Deng Xiaoping à Hu Jintao, n’avait osé s’imposer dans le corpus obligatoire des écoles du pays le plus peuplé du monde.
« Xi est le premier leader depuis Mao à utiliser sa propre image pour imposer son pouvoir » juge Rana Mitter, sinologue à l’université d’Oxford.
« La pensée de Xi Jinping sur le socialisme » a été intégrée dans la Constitution en 2018 à l’issue du précédent congrès, et est devenue omniprésente dans les discours des officiels et dans les institutions, les cadres étant appelés à l’étudier assidûment. Dix-huit centres de recherche consacrés à l’étude de ce texte ont été récemment fondés couvrant l’ensemble des sujets stratégiques allant de la diplomatie à l’écologie, accentuant l’omniprésence de ce « prince rouge », fils d’un compagnon de route de Mao.
Après avoir imposé sa ligne au sein du Parti lors de son premier mandat, Xi affiche son objectif de reprise en main idéologique sur l’ensemble de la société, et sur le long terme. L’université mise au pas, Xi s’attaque aux écoles secondaires et primaires. « Il s’agit d’une campagne de “rectification” de l’éducation, avec pour objectif de créer des masses vouées au système », juge Alex Payette, fondateur du cabinet d’analyses Cercius. Une supervision accrue du secteur de l’éducation est entrée en vigueur le 1er septembre, pour s’assurer que la ligne du Parti est enseignée correctement dans les classes.
Sans surprise, aucune critique directe n’a filtré, depuis l’annonce de la réforme, dans un pays cadenassé par la censure. Mais l’entrée de Xi dans les écoles n’est pas sans risque pour le dirigeant, dans une Chine toujours hantée par les drames de l’ère maoïste. Les parents sont d’abord préoccupés par le succès de leur rejeton dans un contexte socio-économique qui s’assombrit. « Ils préfèrent que leur enfant étudie les maths que l’idéologie. L’éducation patriotique a été un succès, mais s’affirmer fier d’être chinois ne signifie pas qu’on veut se ranger au garde-à-vous derrière une personne. Cela pourrait être contreproductif », pointe William Callahan, spécialiste de l’éducation en Chine à la London School of Economics.
L’interdiction des jeux vidéo pour les mineurs en semaine, et limitée à une heure le week-end, décrété fin août s’inscrit également dans une reprise en main des esprits sans précédent depuis des décennies. « Xi veut imposer un culte de la personnalité, mais la société a changé », pointe Alex Payette, qui prédit des retours de bâton.
Médiatiquement, Éric Zemmour est sans doute aujourd’hui le seul éditorialiste à se payer le luxe d’enchaîner des émissions qui, habituellement, exigent la primeur des interventions. Après France Télévisions samedi, chez Ruquier (ci-dessous).
Zemmour enchaînera lundi 13 avec Pascal Praud (CNews) puis RTL (Alba Ventura) et RMC-BFMTV (Jean-Jacques Bourdin). Et encore, ce n’est que la première semaine de sortie de son livre. En parallèle, l’auteur va multiplier les week-ends, les rencontres avec ses lecteurs en province (il commencera par Nice et Toulon, avant Nantes), mais aussi à l’étranger (un déplacement à Budapest est programmé).
Pascal Praud en a lu quelques pages ce jeudi soir (heure de Paris), notamment sur le nouveau décalogue de la religion moderne :
Éric Zemmour révèle dans son livre à paraître la semaine prochaine sa conversation avec Macron
Après l’énorme succès éditorial de son ouvrage Le Suicide français, « j’étais convaincu d’avoir gagné à moi tout seul la bataille des idées. J’avais seulement oublié que je n’avais pas gagné la guerre. J’avais oublié que le propre de l’idéologie est de se radicaliser au rythme où le réel la désavoue », écrit Éric Zemmour en introduction de son dernier livre. « Je me réjouissais d’une consécration sur le front médiatique, voire intellectuel, et je ne m’apercevais pas que mes troupes avaient été enfoncées. J’étais devenu ce “polémiste d’extrême droite multicondamné” dont on ne veut plus prononcer le nom. »
La solution lui a été soufflée par son fils : « Le diagnostic, tu l’as fait depuis longtemps. Maintenant, il faut agir. » La première étape est donc la publication de ce livre qui emprunte aux Choses vues de Victor Hugo. « Longtemps mon livre s’est appelé Choses tues, reconnaît l’auteur. J’ai voulu imiter Victor Hugo, car je suis devenu un acteur de cette histoire. » C’est aussi une façon pour lui de tourner la page de ses années de journalisme, quitte à brûler ses vaisseaux. À plusieurs reprises, il relate ses conversations avec Marine Le Pen ou Xavier Bertrand, qui ne lui pardonneront sans doute pas cette trahison du « off ». Xavier Bertrand : « Je sais bien que je n’ai pas le niveau. Mais plus personne ne l’a aujourd’hui. La présidentielle, ce n’est pas un examen, c’est un concours. C’est le niveau des autres qui compte. » Marine Le Pen sur la présidentielle : « Éric, tu vas faire 3 % et tu ne vas pas m’empêcher d’être au second tour. Mais tu m’empêcheras d’arriver en tête. »
Éric Zemmour raconte aussi pour la première fois sa conversation avec Emmanuel Macron. Après son agression verbale filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, le président de la République l’a appelé. Pendant plus de quarante-cinq minutes, les deux hommes vont échanger sur les « racailles », la République, les banlieues et l’islam. « Je lui dis qu’il y a toujours des individus bons ou méchants, peu importe, mais je crois aux inconscients collectifs qui nous dirigent, et l’inconscient collectif de ces populations musulmanes est de coloniser l’ancien colonisateur, de dominer l’infidèle au nom d’Allah. » À ces mots, selon l’auteur, Emmanuel Macron lui aurait concédé avoir « raison sur ce point », mais que « s’il parle comme moi, on va à la guerre civile ; je lui dis qu’on va de toute façon à la guerre civile si on continue la politique qu’il suit ». Le plus savoureux de cet échange reste le moment où Éric Zemmour lui parle de son projet : « Je lui dis : j’ai un plan si vous voulez, il y a de nombreuses mesures à prendre. » Il me coupe : « Ça m’intéresse. » Et à la fin de la conversation, le chef de l’État le relance : « Au fait, votre plan, faites-moi une note. » Je fais mine de ne pas comprendre : « Quel plan ? » Il enchaîne, amusé de m’avoir bousculé : « Mais voyons, votre plan sur l’immigration, mon secrétariat vous contactera. »
Bien sûr, Éric Zemmour n’en fera rien. Il ne veut pas brûler ses cartouches trop vite. Les garde-t-il pour une candidature à l’élection présidentielle ? Éric Zemmour se refuse à l’évoquer. Trop tôt. Trop d’incertitudes encore aujourd’hui. Ne vaut-il mieux pas attendre l’automne quand les Républicains choisiront leur candidat ? Rien ne sert de se presser et de céder à la pression médiatique. Pour autant, l’organisation se met en place. Des maires reçoivent des demandes de parrainages pour valider sa candidature ; des experts rédigent des notes ; des financiers sont sollicités, quand ce ne sont pas eux qui prennent les devants. De ce point de vue, ceux qui travaillent avec lui racontent leur sidération de voir des expatriés, qui avaient soutenu Emmanuel Macron en 2017, chercher à le joindre pour lui proposer de l’aider financièrement s’il se lance. C’est le cas du trésorier des « Amis d’Éric Zemmour », Nicolas Zysermann, en poste dans un groupe de construction navale. Zyserman s’était engagé lors de la dernière présidentielle pour… Emmanuel Macron ! Il était plus précisément le référent des Jeunes avec Macron à l’Université Concordia de Montréal, selon les courriels internes révélés par WikiLeaks.
Si Zemmour assure vouloir rassembler les Français autour de ce qu’il appelle « les 5 I : identité, immigration, indépendance, instruction, industrie », c’est bien autour de l’immigration que tourne l’essentiel de son propos. « Notre peuple, par référendum, doit décider de sa composition et de son avenir, écrit l’éditorialiste. Il doit pouvoir décider de la fin du regroupement familial, de la suppression du droit du sol, de l’encadrement strict du droit d’asile, sans qu’une oligarchie de juges français et européens l’en empêche. » Face à la « guerre de civilisations menée sur notre sol », Éric Zemmour ne s’embarrasse pas de pudeurs de gazelles et veut « tout faire pour éloigner ces envahisseurs prédateurs loin de nous : expulsion systématique des étrangers pénalement condamnés (25 % des détenus) ; déchéance de nationalité française pour les individus binationaux condamnés pour un crime ou pour une succession de délits, reprise en main par l’État des “zones de non-droit” ».
En appelant à une « renaissance » et une « reconquête française » dans son livre, La France n’a pas dit son dernier mot, l’essayiste admet qu’il ne peut plus se contenter de décrire ce qu’il voit, mais qu’il lui faut agir pour « sauver » le pays. Extraits.
« On n’attire pas les mouches avec du vinaigre »
8 janvier 2007
Son sourire reste accroché un long moment. Il est content de son bon mot. Il observe un instant sur mon visage l’effet produit. Le rôle de cynique qui rit et se joue de tout est sans doute un de ceux qu’il préfère tenir. J’ai retrouvé Alain Minc chez Marius et Janette, un chic restaurant de poisson, avenue George-V. […] Je marque un point décisif en me moquant des discours du candidat Sarkozy qui, sous la plume d’Henri Guaino, multiplie avec lyrisme les références à de Gaulle, Malraux, Jaurès, à la grandeur de la nation, à l’unité du peuple français. Ainsi Sarkozy aurait renié Minc ? Il aurait rejoint la cohorte des « sous-doués » du nationalisme ? J’insiste, je brocarde, je plastronne. Il me laisse venir, me laisse triompher.
Et soudain, d’un coup, d’un seul, il me porte l’estocade : « Oh, vous savez, tout cela, ce ne sont que des mots pour gagner la présidentielle. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Le seul point important : Sarko a annoncé qu’un minitraité institutionnel sur l’Europe sera adopté par le Parlement après son élection. On y mettra tout ce que le référendum de 2005 a rejeté et le tour sera joué. » La phrase, tirée à bout portant, m’a étendu au sol comme un oiseau mort. Mon bar en croûte de sel ne passe plus ; je me tais, le regard absent. Vaincu. Minc n’en finit pas de sourire. Le sourire du vainqueur.
• Du chiffre au nombre
17 février 2008
Quand on les pousse dans leurs retranchements, nos sophistes distinguent entre l’est de l’Europe, ou la nation a émergé avant l’État, et l’ouest de l’Europe, et surtout de la France, ou c’est l’État qui a fondé la nation, d’abord les quarante rois qui ont fait la France, puis la République, et qui ont accouché d’un peuple de citoyens. Distinguo pour le coup un brin manichéen, qui mériterait d’être nuancé, mais qui n’est pas faux sur l’essentiel. Et c’est justement là où la France se retrouve en grand danger. Depuis une quarantaine d’années, la communauté de citoyens se désagrège sous les coups portés d’une société des individus qui ne veulent connaître que leurs droits, et aucun devoir, et ne voient l’État que comme un distributeur de services et de lois pour satisfaire leurs moindres caprices. Des individus sans racines et sans histoire, qui se rêvent « citoyens du monde » détachés de tout ancrage national. Ils ne connaissent ni territoire ni peuple. Ils se côtoient sans se fondre dans un ensemble unifié et cohérent. Ils appellent « république » cette société des individus qui n’a plus rien à voir avec la République des citoyens. C’est dans ce vide abyssal que sont venues se loger des diasporas islamiques, de plus en plus nombreuses, liées par les notions archaïques de famille, de clan, de religion, et qui importent ces archaïsmes au sein d’une postmodernité aveugle qui ne veut voir en eux que des individus isolés. Les plus habiles représentants de ces diasporas ont bien compris l’usage qu’ils pouvaient faire de ce libéralisme pour dynamiter les restes de l’État-nation et de la République, s’émanciper de sa tutelle devenue débile, et imposer a sa place, dans des enclaves étrangères, la loi archaïque d’Allah.
La Seine–Saint-Denis est l’emblème de ce grand remplacement qui n’existe pas. Ce département est le cœur historique de la France, avec la basilique Saint-Denis, ou reposent les tombeaux de nos rois. On recense aujourd’hui dans ce département que deux tiers des naissances viennent d’au moins un parent né à l’étranger et que plus de 60 % des jeunes de moins de 18 ans sont d’origine étrangère. Dans la liste des dix prénoms les plus donnés aux enfants, tous sont musulmans (Mohamed) ou affiliés (Ryan, Ines). Un rapport parlementaire avait signalé en mai 2018 que « l’État ignore le nombre d’habitants » qui résident en Seine–Saint-Denis, que le nombre d’étrangers clandestins, alimenté par l’aéroport Charles-de-Gaulle, tout proche, y est inconnu : « 150 000, 250 000, voire 400 000, soit entre 8 % et 20 % de la population du département. » En Seine–Saint-Denis, 40 % de la population a moins de 29 ans, et 26,1 % de ces jeunes sont au chômage, chiffre qui monte à 40 % dans de nombreuses cités. […]
Ces enclaves étrangères vivent sous le règne d’Allah et des caïds de la drogue qui assurent l’ordre et la vie de tous les jours
Éric Zemmour
Le paysage urbain de la Seine–Saint-Denis est dévasté, les petits commerces traditionnels des villages français ont disparu pour laisser place aux grandes surfaces à l’extérieur des villes, et aux commerces estampillés hallal (boucheries, mais aussi librairies ou encore kebabs), sans oublier les agences de la Western Union, qui transfèrent le produit des allocations sociales françaises ou des divers trafics vers les familles restées au bled. La plupart des cafés sont réservés aux hommes par une loi non écrite, mais appliquée avec rigueur, les femmes voilées, de plus en plus nombreuses, y compris celles vêtues du niqab les couvrant de la tête aux pieds, prohibés par la loi du 11 octobre 2010, interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public que personne n’ose faire respecter, les hommes se rendent à la mosquée en djellaba. Cette colonisation religieuse entraîne une colonisation visuelle qui entraîne une colonisation des âmes. C’est le but. […]
Ces enclaves étrangères vivent sous le règne d’Allah et des caïds de la drogue qui assurent l’ordre et la vie de tous les jours. Après le massacre du Bataclan, en novembre 2015, un commando du Raid, pourchassant un des djihadistes jusque dans son repaire de Saint-Denis, eut la surprise de subir, pendant leur siège, les insultes, voire les coups, de badauds et de voisins solidaires des djihadistes fuyards.
[…] Cette situation paradoxale et explosive — un département riche avec des habitants pauvres — n’a pas empêché le président Emmanuel Macron de comparer la Seine–Saint-Denis à la « Californie sans la mer » ! Plus lucide, et en même temps bien plus lâche, son prédécesseur François Hollande avait confié à des journalistes, quelques années plus tôt : « Tout cela finira par une partition. »
• L’aveu
3 mai 2010
On ôte les micros accrochés à nos vestes et on se passe de fraîches lingettes sur nos visages pour nettoyer les restes de maquillage. C’est la fin de l’émission « Ce soir ou jamais ». À la demande de Frédéric Taddeï, j’y ai défendu mon Mélancolie française. Un de mes contradicteurs s’approche de moi, afin de poursuivre la conversation. Le ton est moins guindé, et le tutoiement s’immisce peu à peu. Il s’appelle Pascal Blanchard. Au cours du débat, on l’a présenté comme historien, spécialiste de la période coloniale. Notre affrontement a été rude à l’antenne, et personne ne renonce à ses idées une fois les lumières éteintes. Avant de me quitter, Blanchard se penche vers moi, et me lance en aparté, d’un air triomphant : « Tu pourras dire ce que tu veux. On s’en fout, on gagnera, on tient les programmes scolaires. »
• Impuissance d’État
23 mai 2011
Claude Guéant est un hôte empressé et sympathique. La discussion court sur ses anciens patrons (Pasqua et Sarkozy) et sur la situation politique à la veille de la présidentielle de 2012. Quand je lui rappelle d’un ton de reproche que le nombre d’entrées légales a atteint sous son ministère les 200 000 étrangers par an quand, dix ans plus tôt, sous Jean-Pierre Chevènement, elles ne grimpaient qu’à 100 000, Guéant, d’un air gêné d’enfant impuissant derrière ses épaisses lunettes de bon élève, me confie : « Vous savez, avec tous les droits accordés aux étrangers, le ministre de l’Intérieur ne peut réduire les flux que de 10 %. »
• La guerre des trains a bien eu lieu
30 janvier 2012
J’ai connu Guillaume Pepy rue Saint-Guillaume, il y a plus de trente ans. Nous n’étions pas amis, même pas « copains », mais nous avions une amie commune. On s’est perdu de vue. À son entrée à l’ENA. […] Pepy m’a appelé après qu’il a entendu une de mes chroniques sur RTL concernant la SNCF. Il veut « rétablir certaines vérités ». Je me rends volontiers au siège de sa maison, dans un immeuble moderne et laid, situé derrière la gare Montparnasse. Son bureau est froid et sans charme, mais nos retrouvailles sont chaleureuses. Il goûte sa posture de patron de gauche converti aux rigueurs de la gestion entrepreneuriale ; d’ancien socialiste qui lutte contre le laxisme syndical. Et puis, soudain, alors que je lui rappelle timidement les souffrances des banlieusards pris dans « l’enfer des transports », il me lâche tout à trac : « Tu sais, le dernier a avoir mis de l’argent dans le RER, c’est Pompidou. La gauche a tout mis sur le TGV pour permettre à la gauche caviar de descendre dans le Luberon. »
Il me regarde de son unique œil qui frise pour mieux observer l’effet produit. Je le sens joyeux de son aveu qui sonne comme une condamnation des siens et de lui-même. Comme soulagé par cette confession imprévue.
• Mamie Trump
6 décembre 2016
Je l’ai laissée attendre dans le hall du Figaro un long moment, mais elle me sourit sans un reproche quand j’arrive enfin, me faisant honte de ma goujaterie. C’est une vieille dame apprêtée avec soin. Elle ressemble à ces Américaines des années 1950, avec bigoudis dans les cheveux au volant d’une grosse voiture. Elle est française pourtant, mais a longtemps été mariée à un riche américain. Elle m’explique qu’elle était responsable des sections féminines pour l’élection de Trump. Elle l’appelle drôlement « le Donald ».
Cela fait des mois qu’on a étudié la situation en France. On a bien vu les différences avec l’Amérique. On a tout compris. Le Trump français, c’est vous
La responsable des sections féminines pour l’élection de Trump
Elle a un message à me délivrer et est pressée de s’exécuter. Je m’assois en face d’elle sur le canapé sans dossier. Elle débite son discours de son ton aigu auquel j’ai décidément du mal à m’habituer : « Voilà, il faudrait en France la même chose que chez nous. Il vous faudrait le même que le Donald pour donner un grand coup de balai. Cela fait des mois qu’on y pense. On a cherché en France parmi les grands patrons qui pourraient tenir le rôle qu’a tenu le Donald. Mais on n’en a pas trouvé. »
Je m’apprête a lui asséner des banalités sur le rapport différent que nous entretenons en France avec l’argent, les patrons, le capitalisme, mais aussi la politique, la littérature, lorsqu’elle me coupe de sa voix stridente : « Cela fait des mois qu’on a étudié la situation en France. On a bien vu les différences avec l’Amérique. On a tout compris. Le Trump français, c’est vous. »
• Le copain de Dany
13 mai 2019
J’ai la nuque raide et douloureuse. La climatisation excessive m’a transformé en automate. Trois heures de débat sur l’Europe m’ont chauffé l’esprit, mais glacé le corps. Je m’empresse de ceindre mon cou d’une écharpe que mon fils me donne sans un mot. Daniel Cohn-Bendit me tend, sans me regarder, le torse déjà tourné vers la sortie, une main aussi froide que la soufflerie du studio de LCI. David Pujadas me tape sur l’épaule en guise de remerciement. Je m’apprête à partir lorsqu’un grand gaillard se plante devant moi. Je le reconnais aussitôt : C’est Romain Goupil. Il est venu dans les bagages de Dany, son vieux complice de Mai 68. Il n’a plus le lumineux visage d’ange qu’il arborait à l’époque, mais son physique massif en impose encore. Il m’interpelle abruptement d’une voix vibrante de colère : « Tu auras beau dire, tu auras beau faire, on a gagné. La France, c’est fini. »
« Oui malheureusement. L’islam va tirer les marrons du feu. »
« C’est vrai, mais on s’en fout. »
• La guerre à Macron
13 mai 2019
Longtemps j’ai pensé que Macron était un Sarkozy en moins vulgaire ; pour la première fois, je comprends qu’il n’est qu’un Hollande en mieux vêtu. « Nous sommes en guerre… Nous sommes en guerre… Nous sommes en guerre… » Six fois dit et répété. Sans craindre l’emphase ni le ridicule. La même anaphore belliqueuse que l’Autre, qu’il avait pourtant juré de n’imiter en rien, et même de prendre comme repoussoir absolu. « Nous sommes en guerre. » Hollande l’avait proclamé devant le Congrès, réuni à Versailles après les sanglants attentats du Bataclan en novembre 2015. Macron retrouvait cette inspiration cinq ans plus tard, face à un virus. Des deux, Macron était le plus grotesque. Au moins, les djihadistes étaient-ils des soldats, certes d’une guerre asymétrique, mais qui tuaient et risquaient leur peau ; et on sait désormais que Hollande a donné l’ordre aux services spéciaux d’exécuter chacun des membres du commando : actes de guerre s’il en est.
Suzy Kies était coprésidente de la Commission des peuples autochtones du
Parti libéral du Canada. On la voit ici en photo avec le Premier ministre Justin Trudeau, en 2018.
Mis sous pression par une controverse qui a fait le tour de la planète, le Conseil scolaire catholique (CSC) Providence annonce la révision de son processus de retrait d’ouvrages jeunesse jugés néfastes aux Autochtones et la mise sur pause de son projet de cérémonies pour brûler les livres.
Près de 200 livres dont le contenu était encore à évaluer échapperont, pour le moment, à une éventuelle destruction. Selon la liste détenue par Radio-Canada, on y retrouve des albums de Tintin (L’Oreille cassée, Tintin et les Picaros), huit BD de Lucky Luke et le roman du film Avatar.
Par ailleurs, pour ne pas nuire à la campagne de Justin Trudeau, Suzy Kies (de père luxembourgeois) qui se proclame « gardienne du savoir » autochtone a quitté son poste juste avant le débat des chefs.
Suzy Kies n’est plus coprésidente de la Commission des peuples autochtones du Parti libéral du Canada. Dans une déclaration transmise aux médias, elle annonce qu’elle démissionne, dans la foulée de la controverse sur sa fausse identité autochtone et le tollé causé par sa participation au projet de brûler des livres dans des écoles ontariennes.
« Je refuse […] que l’on se serve de mon histoire pour nuire à Justin Trudeau et notre parti », écrit Suzy Kies.
Radio-Canada révélait mercredi que Suzy Kies n’est pas Autochtone. Elle n’a pas de statut d’Indien en vertu de la loi, elle ne figure pas dans les registres des conseils de bande abénakis, dont elle se réclame, et on ne lui trouve aucun ancêtre autochtone sur sept générations, jusqu’à au moins l’année 1780.
Malgré ces informations, Suzy Kies affirme que sa famille a effectué des recherches généalogiques, au début des années 1990. Ces recherches, explique-t-elle, « ont confirmé que nous étions d’ascendance abénakise. Cela a confirmé ce que ma grand-mère nous avait toujours dit. »
Les deux conseils de bande abénakis d’Odanak et de Wôlinak rejettent l’appartenance de Mme Kies à leur communauté.
Billet du 8 septembre
On ne trouve aucun ancêtre autochtone sur sept générations à la coprésidente de la Commission autochtone du Parti libéral du Canada.
La « gardienne du savoir » autochtone gardait aussi certains secrets. Suzy Kies, la coprésidente de la Commission autochtone du Parti libéral du Canada, n’a pas de statut d’Indien en vertu de la Loi, elle ne figure pas dans les registres des conseils de bande abénakis et on ne lui trouve aucun ancêtre autochtone jusqu’à au moins l’année 1780.
Celle qui a « accompagné » le Conseil scolaire catholique Providence dans la destruction controversée de 5000 livres jugés néfastes aux Amérindiens dénonçait pourtant les Blancs qui s’approprient l’Histoire des Premières Nations.
En entrevue avec Radio-Canada, Suzy Kies nous a dit avoir un parent européen et un parent autochtone.
Selon les registres d’état civil, son père est effectivement né au Luxembourg, mais sa mère est classée d’ » origine raciale française ».
« La famille de ma mère sont de plusieurs communautés », affirme-t-elle. » Du côté de mon grand-père, c’est les Malécites, de St-Mary’s, au Nouveau-Brunswick, il y a aussi les Laporte qui sont Innus [Montagnais]. Et ma grand-mère, elle, était Abénakise, d’Odanak.
« Elle n’est pas sur notre liste de bande », indique Jacques Thériault-Watso, élu au Conseil des Abénakis d’Odanak, après avoir fait des vérifications auprès de la registraire.
Même si elle avait un seul grand-parent abénakis, Suzy Kies aurait dû apparaître sur cette liste, explique-t-il.
Suzy Kies n’apparaît pas non plus sur la liste de l’autre bande abénakise, de Wôlinak.
Un ancêtre autochtone au XVIIe siècle
« La Madame, elle en beurre épais. Elle n’a aucun ancêtre autochtone sur au moins sept générations », lance Dominique Ritchot, coordonnatrice de la Société généalogique canadienne-française, qui a collaboré avec Radio-Canada à titre de chercheuse indépendante.
Elle a fouillé dans les actes d’état civil de baptêmes, mariages et sépultures, ainsi que les recensements. Résultat : aucun ancêtre autochtone avant au moins 1780. Toutes les branches ont été analysées jusqu’à la période contemporaine. S’ils étaient Autochtones, ça serait écrit.
La seule ascendance autochtone qu’elle lui a trouvée est Marie Manitouébéouich, une Algonquine qui a intégré la nation huronne au XVIIe siècle. Cette ancêtre se retrouve dans l’arbre généalogique de milliers de Canadiens français, précise Dominique Ritchot.
Je suis la petite fille des pins, je viens du territoire de la Confédération des Wabanakis [Abénakis] et je suis du clan de la Tortue.
Suzy Kies en introduction d’une vidéo réalisée pour le compte du conseil scolaire Providence
C’est un chaos absolu. Je ne connais personne de la communauté d’Odanak qui se souvient de son clan familial, dit Éric Pouliot-Thisdale, recherchiste pour le département de démographie de l’Université de Montréal, lui-même Autochtone, spécialiste de la démographie autochtone.
Éric Pouliot-Thisdale rappelle qu’il faut une différence maximale de trois générations avec un Autochtone pour avoir droit au statut reconnu légalement.
Jacques T. Watso, du Conseil de bande d’Odanak, lui reproche une fausse représentation et une appropriation de la culture autochtone.
C’est une autre personne qui a joué sur le fait qu’il y a peu d’Autochtones dans le milieu politique et institutionnel et le Parti libéral n’a pas fait ses devoirs, en la croyant sur parole.
Jacques Thériault-Watso, élu au Conseil des Abénakis d’Odanak
Suzy Kies n’a pas répondu aux courriels et appels de Radio-Canada, mardi. Le Parti libéral du Canada (PLC) a indiqué en soirée que « Madame Kies s’identifie elle-même comme Autochtone non inscrite ». Il n’a toutefois pas été possible d’obtenir plus de commentaires, ni de savoir si cette situation convient au parti.
La femme de 61 ans occupe le rôle de coprésidente de la Commission autochtone du PLC depuis 2017. Le site web du parti la présente comme « une autochtone urbaine de descendance abénaquise et montagnaise ».
Selon le PLC, la Commission « représente et fait valoir les intérêts des membres autochtones du Parti libéral, et encourage la participation active et à part entière des Autochtones à tous les niveaux de la structure du parti ».
Justin Trudeau ne veut pas que les non-Autochtones décident pour les Autochtones
Dans le cadre du retrait des livres des écoles du conseil scolaire, Suzy Kies a défendu l’idée de brûler tous les ouvrages, en 2019, lors de cérémonies à faire dans chaque école. La pandémie a finalement réduit le projet à une seule cérémonie où 30 livres ont été brûlés.
Invité à réagir, mardi, au tollé provoqué par l’initiative, le chef libéral Justin Trudeau a critiqué le choix de brûler des livres, mais il a tenu à ajouter : » Ce n’est pas à moi, ce n’est pas aux non-Autochtones de dire aux Autochtones comment ils devraient se sentir ou devraient agir pour avancer la réconciliation.
Billet du 7 septembre 2021
Une grande épuration littéraire a eu lieu dans les bibliothèques du Conseil scolaire catholique Providence, qui regroupe 30 écoles francophones dans tout le Sud-Ouest de l’Ontario. Près de 5000 livres jeunesse parlant des Autochtones ont été détruits dans un but de réconciliation avec les Premières Nations, a appris Radio-Canada.
Une cérémonie de purification par la flamme [comprendre un autodafé, étymologiquement un acte de foi en portugais] s’est tenue en 2019 afin de brûler une trentaine de livres bannis, dans un but éducatif. Les cendres ont servi comme engrais pour planter un arbre et ainsi tourner du négatif en positif.
Une vidéo destinée aux élèves explique la démarche : nous enterrons les cendres de racisme, de discrimination et de stéréotypes dans l’espoir que nous grandirons dans un pays inclusif où tous pourront vivre en prospérité et en sécurité.
Extrait d’une vidéo destinée aux élèves dans laquelle on voit une partie
de la cérémonie où des cendres de livres ont été déposées dans un trou pour planter un arbre.
Des cérémonies semblables devaient se tenir dans chacune des écoles, mais la pandémie les a reportées. L’idée initiale de brûler tous les livres a aussi été écartée, par crainte de susciter un tollé chez les parents d’élèves et les enseignants.
Ces livres ont été recyclés ou sont en voie de l’être, explique la porte-parole du Conseil scolaire Lyne Cossette. Elle ajoute que les ouvrages retirés des bibliothèques avaient un contenu désuet et inapproprié.
Il s’agit d’un geste de réconciliation avec les Premières Nations, et un geste d’ouverture envers les autres communautés présentes dans l’école et notre société.
Lyne Cossette, porte-parole du Conseil scolaire catholique Providence
Le Conseil scolaire catholique Providence accueille près de 10 000 élèves, au sein de 23 écoles primaires et 7 écoles secondaires francophones, réparties majoritairement dans les régions de Windsor, London et Sarnia. [Combien d’élèves amérindiens ?]
Reportage audio
Un document de 165 pages, que Radio-Canada a obtenu, détaille l’ensemble des titres éliminés, ainsi que les raisons invoquées. On y retrouve des bandes dessinées, des romans et des encyclopédies.
Un comité formé de membres du conseil scolaire et d’accompagnateurs autochtones a analysé des centaines de livres jeunesse au sujet des Premières Nations. Des représentants du ministère de l’Éducation de l’Ontario y auraient aussi participé, selon le conseil scolaire, mais le ministère assure n’avoir joué « aucun rôle » dans ce projet.
Le retrait des livres en chiffres
155 œuvres différentes ont été retirées, 152 ont été autorisées à rester en place et 193 sont en évaluation actuellement. Au total 4716 livres ont été retirés des bibliothèques du conseil scolaire, dans 30 écoles, soit une moyenne de 157 livres par école.
L’auteure de la vidéo destinée aux élèves est Suzy Kies, présentée comme une gardienne du savoir autochtone. Elle fait partie de ceux qui ont accompagné le conseil scolaire dans sa démarche, à partir de 2019 dans son cas. Suzy Kies se dit être une autochtone d’origine abénakise et montagnaise.
Elle dénonce les personnages autochtones présentés dans les livres pour enfants comme peu fiables, paresseux, ivrognes, stupides…. Quand on perpétue ce genre d’image dans la tête des jeunes, c’est difficile de s’en débarrasser. [Ces bandes dessinées sont pleines de caricatures : les Belges parlent mal, mangent trop, les Corses sont paresseux, les Espagnols trop orgueilleux, les Bretons trop flegmatiques, snobs, etc.]
Les gens paniquent avec le fait de brûler des livres, mais on parle de millions de livres qui ont des images négatives des personnes autochtones, qui perpétuent des stéréotypes, qui sont vraiment dommageables et dangereux.
Suzy Kies, « gardienne du savoir » autochtone qui a « accompagné » le conseil scolaire
Selon elle, le simple titre du livre Les Cowboys et les Indiens, publié en 2011, a justifié son retrait des bibliothèques. C’est vraiment atroce, dit-elle.
Qui est Suzy Kies ?
Suzy Kies et Justin Trudeau (LinkedIn)
Suzy Kies se présente comme une chercheuse indépendante. Elle offre des formations aux écoles à travers l’Ontario. Le Conseil scolaire Providence note qu’elle possède des connaissances approfondies sur plusieurs différentes nations autochtones.
Elle est aussi coprésidente de la Commission des peuples autochtones du Parti libéral du Canada depuis 2016. Le site du parti de Justin Trudeau la présente comme une Autochtone urbaine de descendance abénakise et montagnaise.
Selon le Conseil scolaire Providence, ce comité autochtone [est] consulté par le Premier ministre du Canada Justin Trudeau.
Suzy Kies affirme travailler avec d’autres conseils scolaires ontariens qui veulent s’inspirer du projet.
Tintin en Amérique, un livre raciste ?
Le Conseil scolaire reproche à la bande dessinée Tintin en Amérique un langage non acceptable, des informations erronées, une présentation négative des peuples autochtones et une représentation fautive des Autochtones dans les dessins.
Dans la BD d’Hergé, parue en 1932, une des plus vendues de l’auteur dans le monde, on retrouve notamment l’appellation Peau-Rouge. Le Temple du Soleil a aussi été retiré des rayons.
Extrait de la bande dessinée Tintin en Amérique, (re) publiée en 1966.
Le livre Les Esquimaux, publié en 1981, a été retiré parce qu’il utilise un terme aujourd’hui péjoratif [il n’est pas péjoratif ou alors pas plus que Grecs plutôt qu’Hellènes, son étymologie est d’ailleurs contestée (mangeur de viande crue ou simplement étranger)] pour qualifier les Inuit. L’utilisation du mot Indien a aussi été un motif de retrait de nombreux livres. Un livre est même en évaluation parce qu’on y utilise le mot « Amérindien ».
Trois albums de Lucky Luke ont été retirés. Un des reproches souvent faits par le comité est le déséquilibre de pouvoir avec les Blancs et les Autochtones perçus comme les méchants.
La Conquête de l’Ouest : Les Amérindiens, les pionniers et les colons a été retiré à cause du mot conquête dans le titre. On veut [r] abaisser une population, écrit le comité d’évaluation pour justifier le retrait.
Le Conseil scolaire reproche au livre Vivre comme les Indiens d’Amérique de ne pas identifier les différentes cultures autochtones, mais de les présenter comme un tout.
Des livres qui présentaient des bricolages qualifiés d’appropriations culturelles ont aussi été retirés. Un livre a été considéré comme un manque de respect envers la culture, car on y proposait une activité baptisée mange, écris, habille-toi comme les Amérindiens.
Ce livre présente une méthode pour confectionner « la parure du chef » et « le bandeau de l’indienne ».
Des auteurs consternés dénoncent une censure
L’auteur de bande dessinée québécois Marcel Levasseur est abattu, lorsque nous lui apprenons que son personnage Laflèche a été retiré des bibliothèques scolaires. Il ressent beaucoup de tristesse, beaucoup d’incompréhension.
En 2011, le livre a été finaliste du prix Tamarac, remis par l’Association des bibliothèques de l’Ontario. En 10 ans, je suis passé de presque gagnant d’un prix à auteur banni.
La BD humoristique se déroule durant la guerre de la Conquête, à l’époque Nouvelle-France, et s’amuse des relations entre les Autochtones et les soldats français et anglais. Le Conseil scolaire lui reproche un langage non acceptable et une représentation fautive des Autochtones dans les dessins.
Couverture de la BD Laflèche, publiée en 2009.
Ce n’est pas un livre d’Histoire, se défend Marcel Levasseur. On se sert de l’Histoire comme toile de fond et on s’en amuse, un peu comme Astérix. En bande dessinée humoristique, on tourne les coins ronds.
Le but de notre BD, c’est de divertir avant tout, ce n’est pas de faire un cours théorique.
Marcel Levasseur, coauteur de la bande dessinée Laflèche
Marcel Levasseur est tellement abattu par la nouvelle du retrait de sa BD qu’il remet en question la production du 4e album, en préparation. De me rendre compte que ça peut être aussi fragile, que ça peut devenir du jour au lendemain un objet de honte… Est-ce que j’ai le goût de continuer à me battre ?
L’auteur raconte qu’il a déjà dû faire face à des critiques, même parmi ses proches, parce qu’un de ses personnages autochtones est alcoolique. D’autres personnages de soldats sont des brutes épaisses, explique l’auteur.
Extrait de la Bande dessinée québécoise Laflèche, publiée en 2009.
Le livre Trafic chez les Hurons, du journaliste André Noël a aussi été éliminé des rayons, entre autres parce que le Conseil scolaire y a remarqué de l’alcoolisme.
Aucun auteur n’a été informé du retrait de son livre. C’est incroyable. De quel droit font-ils une chose pareille ? C’est complètement ridicule, dénonce Sylvie Brien, dont le roman jeunesse L’affaire du collège indien a été retiré.
Le conseil scolaire ne spécifie pas la raison du retrait. Il s’agit d’une histoire qui se déroule en 1920 avec des personnages et des lieux fictifs. Dans l’histoire, une adolescente défend un Autochtone accusé à tort d’un incendie.
L’auteure rejette tout préjugé : Au contraire, j’ai dénoncé des choses qu’on ne disait pas. Elle affirme être une des premières auteurs jeunesse à avoir abordé les horreurs des pensionnats en se basant sur des documents d’époque.
Bibliothèques et archives Canada a déjà écrit à propos de ce livre que Sylvie Brien [y] aborde avec justesse le sujet des pensionnats où les jeunes autochtones, arrachés à leur famille, étaient éduqués loin de leurs parents et de leurs traditions.
Des biographies jetées au recyclage
Deux biographies de Jacques Cartier publiées dans les années 1980 ont été retirées pour des informations jugées désuètes et fausses.
La biographie de l’explorateur Étienne Brûlé, Le Fils des Hurons, a aussi fait les frais du comité, notamment pour fausse information historique. Entre autres, le comité n’a pas aimé le tableau utilisé en couverture du livre.
Tableau du peintre canadien Frederick Sproston Challener, en 1956. Il représente l’explorateur Étienne Brûlé entouré d’Autochtones torses nus.
Les auteurs sont deux diplômés en histoire de l’Université d’Ottawa qui ont enseigné dans des écoles francophones de l’Ontario, Jean-Claude Larocque et Denis Sauvé. Leur travail a reçu plusieurs distinctions.
On a été très rigoureux dans notre recherche et on trouve ça très décevant, réagit Jean-Claude Larocque. Le Fils des Hurons est inspiré de la thèse de doctorat de l’archéologue Bruce G. Trigger. Les travaux de ce dernier ont été tellement appréciés et reconnus qu’il a reçu le titre de membre honoraire de la Nation Huronne-Wendat.
C’est une pure censure ! Sans nous consulter, sans amorcer une discussion.
Jean-Claude Larocque, coauteur du livre Le Fils des Hurons
Est-ce qu’on retourne à l’Index ?, demande Jean-Claude Larocque, en référence à la liste des livres interdits dans les écoles catholiques jusqu’aux années 1960.
Suzy Kies juge que ce sont des histoires écrites par les Européens, d’une perspective eurocentriste et non pas des Autochtones. Elle affirme que les « gardiens du savoir », comme elle, qui mémorisent la connaissance transmise oralement, sont plus fiables que les archives écrites.
C’est ça le problème, ils ont fait des recherches historiques basées sur les comptes rendus des Européens. […] On n’essaie pas d’effacer l’Histoire, on essaie de la corriger.
Suzy Kies, « gardienne du savoir » autochtone qui a accompagné le conseil scolaire
Le comité de révision reproche aussi à la biographie d’Étienne Brûlé une représentation fautive dans les dessins. Leur livre ne contient qu’une seule illustration, sur la page couverture où des Autochtones sont torses nus.
Le torse nu des Autochtones ne passe pas
Des Autochtones torse nu et à cheval font des signaux de fumée. Ils sont appelés « guerriers des Plaines »
Selon le comité formé par le Conseil scolaire, dessiner des Autochtones torse nu constitue de la fausse représentation et a justifié d’éliminer des rayons un livre pour enfants.
Sur cette question, l’avis des spécialistes est moins tranché.
Oui, s’il faisait chaud, les hommes étaient torse nu. Les femmes aussi, à l’occasion, affirme la professeure de sociologie à l’UQAM Leila Inksetter, membre du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones.
Nous avons demandé l’avis de l’anthropologue Nicole O’Bomsawin, membre de la communauté d’Odanak et ex-directrice du musée des Abénakis de 1984 à 2006.
C’est un peu gênant de voir la représentation des Autochtones torse nu dans des contes pour enfants, explique-t-elle. J’imagine mal des guerriers torse nu.
Aller à la pêche ou à la chasse torse nu, ça ne doit pas être facile d’affronter les mouches noires.
La sexualisation des femmes autochtones a aussi dérangé le Conseil scolaire catholique Providence.
Suzi Kies déplore la sexualisation de l’Autochtone qui tombe en amour avec Obélix dans Astérix et les Indiens. La jeune femme est représentée avec un décolleté plongeant et une mini-jupe.
Irais-tu courir dans les bois avec une mini-jupe ? Mais les gens le croient pareil, regrette-t-elle. On a développé ce qu’on appelle la sauvagesse sexuelle, une image des femmes autochtones comme étant des femmes faciles.
Pocahontas, elle est tellement sexuelle et sensuelle, pour nous, les femmes autochtones, c’est dangereux.
Suzy Kies, « gardienne du savoir » autochtone qui a accompagné le conseil scolaire
Pocahontas fait du canot avec un raton laveur
Le livre Pocahontas, tiré du dessin animé de Disney, a été retiré des bibliothèques du conseil scolaire.
Que devrait-on faire avec tous ces livres ? On ne peut pas les enlever. Je ne suis pas certaine que c’est la bonne chose à faire. Ça fait partie d’une époque, répond l’anthropologue autochtone Nicole O’Bomsawin.
Durant sa carrière, elle a visité des centaines d’écoles et rencontré des milliers d’étudiants au Québec pour partager une autre version de l’histoire, faire tomber les préjugés et les stéréotypes et aussi actualiser l’image de l’Amérindien.
Selon Mme O’Bomsawin, il faudrait quand même aviser les bibliothécaires qu’il faut faire attention aux stéréotypes.
Nicole O’Bomsawin fait le parallèle avec les gens qui veulent déboulonner des statues. Il y aurait moyen de faire une mise en contexte sur le lieu et faire en sorte qu’il y ait une explication pour parler de l’Histoire, plutôt que d’effacer l’Histoire.
Les bibliothécaires scolaires du Québec sont de cet avis. Nos valeurs sont d’aller le moins possible vers la censure, car certains enseignants peuvent décider d’aborder des livres controversés comme choix pédagogique de contre-exemple, dit Ariane Régnier, présidente de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires.
Je pense que c’est sain d’avoir toutes sortes de livres dans le milieu [scolaire], même des livres qui peuvent susciter des malaises.
Ariane Régnier, bibliothécaire scolaire et présidente de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires
Des écoles québécoises auraient décidé de garder des livres controversés, mais de les ranger dans un endroit spécial. Selon Ariane Régnier, il n’y a pas de centre de services scolaire au Québec qui a entamé un processus semblable à celui du Sud-ouest ontarien.
La représentante des bibliothécaires scolaires québécois explique que chaque enseignant est libre de retirer ou non un livre de sa classe. Selon elle, c’est aussi la responsabilité de bien accompagner l’élève dans sa lecture, de faire la mise en contexte.
Suzy Kies n’est pas de cet avis. Dans un monde idéal, on pourrait prendre le temps d’expliquer la situation à chaque enfant, avec chaque livre, mais on ne vit pas dans ce monde-là.
Selon celle qui se dit être la gardienne du savoir autochtone, on peut très bien parler des livres en question sans demander aux enfants d’aller les lire. Quand les enfants seront à l’université, ils pourront faire la distinction.
Les enfants dépendent de nous pour leur dire ce qui est vrai ou faux, ce qui est bien ou mal.
Suzy Kies, « gardienne du savoir » autochtone qui a accompagné le conseil scolaire
Couverture d’un livre dont le titre a été jugé inacceptable, de même que la représentation du personnage autochtone.
Un non-Autochtone peut-il écrire un livre sur les Autochtones ?
Une légende qui raconte la création de l’Île-du-Prince-Édouard et la vie des Mi’kmaq a été retirée des bibliothèques du Conseil scolaire Providence, sous le prétexte que les auteurs ne sont pas Mi’kmaq.
Un autre livre intitulé Les Indiens, publié en 2000, a été jeté au recyclage, entre autres parce qu’il s’agit d’un produit de France, sans consultation des communautés autochtones du Canada.
Selon Suzy Kies, un livre sur les Autochtones ne peut pas être écrit par un non-Autochtone, à moins qu’un Autochtone ait révisé ou collaboré à l’œuvre. Jamais à propos de nous sans nous, dit-elle, en citant un principe qui fait de plus en plus son chemin.
Depuis peu, la maison d’édition Prise de parole, en Ontario, fait faire une révision culturelle par des Autochtones des livres qui portent sur des sujets autochtones. Certaines maisons d’édition le font aussi au Québec.
Des auteurs autochtones sont aussi passés à la trappe
Même des auteurs autochtones ou de parents autochtones ont été envoyés au recyclage, à cause de l’usage de mots jugés inappropriés.
Le roman jeunesse Hiver Indien, de Michel Noël a été écarté pour propos raciste, langage plus acceptable, information fausse, pouvoir des Blancs sur les Autochtones, et incapacité des Autochtones de fonctionner sans les Blancs.
Ce portrait peu flatteur étonne le vice-président de la maison d’édition Hurtubise, Arnaud Foulon. Il rappelle que l’auteur, décédé en avril, était d’ascendance algonquine. Ethnologue, Michel Noël a travaillé au gouvernement du Québec pour la défense et la mise en valeur de la culture autochtone, notamment dans les écoles.
Selon Arnaud Foulon, qui est également président de l’Association nationale des éditeurs de livres, l’utilisation du mot Indien dans le roman fait écho à la réalité d’une époque.
Quand aujourd’hui on lit Maria Chapdelaine, il ne faut pas oublier que ça a été écrit avec des mots et un langage qui font écho au début du XXe siècle et non pas au XXIe.
Arnaud Foulon, vice-président d’Hurtubise et président de l’Association nationale des éditeurs de livres
Le représentant des éditeurs reconnaît toutefois que des livres anciens peuvent avoir des erreurs, voire ne plus avoir leur place. Mais il faut faire attention, ajoute-t-il. Un des objectifs des écoles, c’est d’ouvrir les élèves à une variété de points de vue et de connaissances.
Il y a une différence entre intégrer le livre ou pas dans un cours et le retirer d’une bibliothèque. […] Si on fait un élagage massif sur plein de sujets, il ne restera plus beaucoup d’anciens livres et on ne va trouver que des livres récents.
Arnaud Foulon, vice-président d’Hurtubise et président de l’Association nationale des éditeurs de livres
Le philosophe spécialiste de l’éducation Normand Baillargeon amène une réflexion nuancée sur le sujet.
Que le moment soit venu de repenser ce que l’on enseigne sur l’Histoire autochtone, c’est normal et sain, mais que l’on brûle des livres me semble extrêmement troublant, ça a des relents historiques que je n’aime pas du tout.
Selon lui, il peut y avoir des raisons de retirer un livre, par exemple s’il contient des faussetés objectivement constatables. Mais le philosophe précise que les raisons devraient être très sérieuses, étudiées très attentivement.
Normand Baillargeon ajoute d’autres nuances : Ce n’est pas la même chose d’avoir un langage inacceptable dans un récit fantastique, avec un personnage, que dans un livre d’Histoire.
De la même façon, ce n’est pas la même chose d’avoir un dessin fautif quand il s’agit d’une bande dessinée, que quand il s’agit d’une encyclopédie.
Imaginez que tous les groupes sociaux se mettent à réclamer qu’on coupe ce qui ne fait pas leur affaire. Une grande quantité de livres seraient rapidement éliminés des bibliothèques.
Normand Baillargeon, philosophe spécialiste en éducation
Le ministère de l’Éducation de l’Ontario explique que le choix des livres dans les bibliothèques relève de la responsabilité de chaque conseil scolaire.
Ils doivent s’assurer qu’un processus efficace est en place afin de procéder à la sélection et à l’approbation des ressources qui seront utilisées dans les écoles et que les ressources sélectionnées sont exemptes de tout préjugé et de toute forme de discrimination et qu’elles favorisent l’inclusion, explique la porte-parole du ministère, Ingrid Anderson.