jeudi 2 juillet 2015

Pour Le Devoir, les écoles privées sont moins touchées par l'austérité. La FEEP répond.

« La cure d’amaigrissement imposée au réseau public aurait dû avoir pour effet de relancer le débat sur le financement des écoles privées, moins touchées par l’austérité, et dont l’attrait ne peut qu’être encore renforcé. »

— Michel David, « L’inégalité des chances », Le Devoir, 2 juin.

Extraits de la réponse de Jean-Marc St-Jacques, président de la Fédération des établissements d’enseignement privés :

Les Règles budgétaires 2014-2015 ont en effet imposé des restrictions financières sévères aux établissements agréés, en concrétisant le budget déposé par le gouvernement du Québec le 4 juin 2014. C’est du jamais vu depuis près de 20 ans, dans la mesure où les écoles privées sont touchées beaucoup plus durement que les écoles qui relèvent des commissions scolaires.

En plus de subir les mêmes compressions que l’école publique pour le financement gouvernemental des services éducatifs, elles se sont vu couper différentes allocations qui n’ont pas été coupées aux écoles publiques (allocations pour le transport scolaire, la lutte contre la toxicomanie, l’accueil de stagiaires en classe, l’intégration des technologies, l’orientation scolaire, etc.).

Ces coupes brutales, annoncées quelques semaines avant la rentrée scolaire, s’ajoutent à cinq ans de compressions successives. Depuis 2009, le financement gouvernemental des écoles privées et publiques québécoises n’augmente pas au même rythme que le coût de la vie, ce qui représente un manque à gagner. Les écoles publiques ont augmenté les taxes scolaires pour compenser. De leur côté, les écoles privées sont limitées quant à leur capacité à demander davantage d’argent aux parents par la réglementation et par la capacité de payer des parents.

Les écoles privées sont durement touchées par l’austérité et ont dû revoir leur façon de faire pour s’adapter à cette réalité. Dans certains cas, les écoles ont dû demander une baisse de salaire à tout leur personnel afin de ne pas se trouver en situation de déficit.

Pas la plus généreuse

Le Québec n’est pas la province la plus généreuse envers les écoles privées. Voici à ce sujet un extrait d’un rapport des économistes Pierre Fortin de l’UQAM et Marc van Audenrode de l’Université de Sherbrooke.

« La plupart des pays intègrent un réseau d’écoles indépendantes dans leur plan d’ensemble, parfois pour de simples raisons historiques, parfois pour répondre à la diversité des préférences des familles en matière de confession religieuse, d’orientation pédagogique, d’encadrement disciplinaire, de choix parascolaires, etc. Le financement public de ces écoles privées varie en importance et en modalités d’un pays à l’autre et d’une région du Canada à l’autre. Aux Pays-Bas, en Belgique flamande, au Royaume-Uni, en Suède, au Danemark et en France, les subventions de l’État au privé équivalent à un pourcentage de 80 % à 100 % de subventions au public. Au Québec, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique, les subventions des provinces couvrent de 40 % à 50 % des coûts des écoles privées. En Grèce et dans les provinces canadiennes de l’Atlantique et de l’Ontario, les écoles privées reçoivent très peu de subventions, une exception étant les écoles séparées de l’Ontario (les Roman Catholic Schools), qui sont financées à 100 % par la province. »

Aux États-Unis, on assiste à l’émergence des Charter Schools dans les villes où les taux de décrochage sont les plus élevés ; ce sont des OBNL autonomes qui fonctionnent selon le même modèle que nos écoles privées subventionnées, sauf que tous les frais éducatifs sont subventionnés, ce qui les rend accessibles à tous. En Ontario, où les subventions aux écoles privées ont été coupées, on assiste à un déplacement des familles de la classe moyenne dans les quartiers où il y a des écoles d’immersion qui sélectionnent les élèves et demandent des montants importants en frais afférents. Le modèle américain et le modèle ontarien, avec des écoles privées non subventionnées réservées à une petite élite, ne répondent pas aux attentes des parents.

Réflexions sur la « victoire » du collège Loyola


Quelques réflexions intéressantes extraites du dernier Convivium.

L’éditeur écrit :
Un des arguments de la partie adverse, en faveur de l’imposition du programme Éthique et culture religieuse, même à une école privée catholique, était le besoin d’avoir un moment où pourrait s’opérer ce qu’on appelle la dissonance cognitive. Pourtant, il est évident que l’école Loyola est cette dissonance cognitive par rapport à la culture ambiante. Elle est l’occasion de dire : « Attendez, un instant. Que dites-vous là ? » En effet, la foi religieuse elle-même, dans la culture contemporaine, est cette dissonance cognitive, n’est-ce pas ? La foi religieuse consiste à se demander : « Quoi ? En quoi croyez-vous ? De quoi s’agit-il ? »

Le Père Raymond de Souza écrit pour sa part :

Cette victoire consiste en une décision unanime (7-0) permettant à l’école catholique d’enseigner le catholicisme d’un point de vue catholique. Pardonnez-moi si je ne saute pas de joie parce qu’un peu de bon sens a enfin prévalu. Mais une majorité des juges n’a pu se résoudre à déclarer que Loyola avait le droit d’enseigner tout son programme d’un point de vue catholique. Il y a une manière catholique d’enseigner la musique, la littérature et, oui, les religions comparées et l’éthique. Une majorité des juges (4-3) a statué que Loyola devait enseigner, disons, l’islam, l’athéisme ou la sorcellerie d’un point « neutre » de vue. Pour une école catholique être neutre quand on aborde la sorcellerie ce n’est ni être fidèle à sa religion ni respecter sa liberté. La minorité des juges penchait pour donner davantage de liberté à Loyola, mais la majorité n’a su concéder un droit à la liberté religieuse qu’en forme de requête particulière, à savoir que les catholiques ne doivent plus faire semblant d’être neutres quand ils parlent du catholicisme. Malgré les cris de « victoire totale » de nos amis à Loyola peu après le jugement, il ne s’agissait que d’une défaite différée. [La société et les tribunaux continueront à limiter la liberté de religion, une défaite plus complète pourrait bien encore survenir.]


Cérémonie Wicca tenue lors d’un cours ECR dans une école de Montréal (Lasalle) dans le cadre de l’étude des « nouvelles spiritualités » dans le programme ECR


Un regret dans ce numéro de Convivium consacré en grande partie à la Cour suprême et à l’affaire Loyola : nous n’avons vu aucune réflexion sur comment élargir cette « victoire » de Loyola. Comment faire en sorte que d’autres écoles puissent bénéficier de cette nouvelle liberté, malgré tout très restreinte ? Comment faire pour accroître cette liberté et aller au-delà du droit de pouvoir enseigner la doctrine de sa propre religion de manière conforme à sa religion ? Quel est l’impact de ce jugement sur les parents éducateurs à la maison, sur les écoles privées qui n’enseignent pas le programme ECR de manière neutre (parfois clandestinement) ? Rien. En fait, on a l’impression que l’on ne veut pas vraiment en discuter. On ne veut pas faire de vagues. Peut-être est-ce lié au fait que la victoire de Loyola consiste à devoir retourner devant le Monopole de l’éducation et à le convaincre que le programme proposé est vraiment équivalent et donc à être encore une fois en position de demandeur qui veut plaire au Monopole de l'Éducation.