samedi 30 juillet 2016

Alaska — Retrait reconnu comme un droit et restrictions sur qui peut enseigner l'éducation sexuelle

Hier, un projet de loi est devenu loi en Alaska. Il permet aux parents de décider que leurs enfants ne doivent pas participer à certains tests normalisés. La nouvelle loi restreint aussi qui peut donner des cours d’éducation sexuelle et donne aux parents un outil puissant pour s’opposer au programme de « tronc ou socle commun » (common core) cher à l’administration Obama.

Le programme « socle commun » est une initiative éducative aux États-Unis qui précise ce que les élèves de la maternelle à la 12e année d’études devraient savoir en anglais langues et en mathématiques à la fin de chaque année scolaire.

Critiques

En 2012, Tom Loveless de la Brookings Institution s’est demandé si ces nouvelles normes auront un effet bénéfique. Il a également déclaré que les normes passées « avaient peu fait pour égaliser la réussite scolaire au sein des différents États » de l’Union. Certains conservateurs ont attaqué le programme comme une tentative de mainmise fédérale « par le haut » sur les programmes d’éducation locaux et des États. Le gouverneur de la Caroline du Sud Nikki Haley a affirmé que son État ne devrait pas « abandonner le contrôle de l’éducation au gouvernement fédéral ni le céder au consensus des autres États. »

Plus d’une centaine universitaires ont signé une lettre ouverte qui critique le socle commun parce qu’il diminue la place des sciences humaines dans les programmes scolaires : le « tronc commun adopte une vision pragmatique de l’éducation qui doit être rentable et le cœur de sa philosophie est, pour autant que nous puissions la comprendre, que trop éduquer les gens est un gaspillage de ressources ». Même si le socle commun ne prescrit officiellement que des normes minimales, les éditeurs concevront leurs manuels pour respecter ces normes minimales et certains craignent que ces manuels distribués sur l'ensemble des États-Unis ne deviennent de facto les normes fédérales et participent ainsi à un nivellement par le bas.

Mark Naison, professeur à l’université Fordham et cofondateur de l’Association des enseignants Badass, a soulevé une objection similaire : « La critique libérale du tronc commun consiste en ce qu’il s’agit d’une entreprise à but lucratif considérable qui coûte aux districts scolaires une énorme quantité d’argent et qui éliminent du cursus scolaire les matières que les enfants aiment, comme l’art et la musique. »

Certains parents craignent non seulement un nivellement par le bas dicté par d’autres États ou le fédéral, mais aussi que ce programme annonce une standardisation croissante de l’enseignement aux États-Unis, non seulement en anglais et en mathématiques, mais également dans d’autres matières comme l’histoire, l’éducation sexuelle et la morale.

Droit de retrait

Le député de l’Alaska Wes Keller a introduit le projet de loi 156 (HB156) l’année dernière. Le texte donne le droit aux parents de l’Alaska de décider de l’éducation des enfants. Une disposition importante de la loi permet aux parents de faire en sorte que leurs enfants ne participent pas aux tests normalisés organisés par l’État.

La loi permet également aux parents de retirer leurs enfants de certaines classes.

Cela ne change pas les normes éducatives de l’Alaska, qui sont essentiellement celles du socle commun, mais il s’agit d’une victoire pour les parents qui désiraient que leurs enfants puissent ne pas participer à certaines évaluations et à certaines classes, comme l’éducation sexuelle.

La chambre (basse) a adopté le projet de loi HB 156 en avril par un vote de 22 à 17. Le Sénat a approuvé une version modifiée de la mesure par 15 voix à 5. Après quelques allers et retours entre les chambres pour concilier les versions de la Chambre et du Sénat, le projet de loi a été adopté le 5 mai et est devenue loi sans la signature du gouverneur Bill Walker, il entrera en vigueur le 26 octobre.

Parents s’opposant à ce que Planned Parenthood participe à l’éducation sexuelle de leurs enfants à l’école (« Halte à la promiscuité planifiée »)

Restrictions sur qui peut enseigner le programme d’éducation sexuelle

Le projet de loi HB 156 exige également que toute personne qui enseigne des cours ou des programmes d’éducation sexuelle ait un certificat d’enseignement valide et qu’il soit employé par l’école ou qu’il soit supervisé par quelqu’un qui l’est. Le conseil scolaire local devra également approuver le matériel utilisé pendant le cours d’éducation sexuelle et l’instructeur surveillé par un enseignant. Les parents doivent être en mesure de prendre connaissance des titres de compétence de l’instructeur en éducation sexuelle et du matériel pédagogique utilisé par celui-ci.

L’ACLU déçue

La très « progressiste » Union américaine pour les libertés civiques (ACLU) s’est déclarée déçue de ces libertés et droits accordés aux parents. Elle a regretté la décision du gouverneur Walker de ne pas opposer son veto au projet de loi HB 156. Selon l’ACLU, le droit au retrait des enfants rendra plus difficile l’apprentissage de faits médicaux précis, fondés sur des données probantes, relatifs à la santé sexuelle et aux relations saines. En réalité, les parents en faveur du droit de retrait ne s’opposent pas aux faits médicaux précis, mais plutôt à l’idéologie sous-jacente à certains programmes ou activités présentées lors de la classe sur l’éducation sexuelle : l’hédonisme, la sexualisation précoce plutôt que l’abstinence à l’école, l’avortement comme un « choix banal », l’homosexualité comme une exploration normale, etc.

L’ACLU est également déçue que Planned Parenthood (principalement connue pour ses cliniques de contraception et ses avortoirs, voir liens ci-dessous) voie sa présence potentiellement limitée dans les classes de l’Alaska.

Mouvement de retraits à New York

New York est un exemple de l’efficacité d’une campagne de retraits individuels contre les programmes de test du socle commun. Les militants de base ont commencé un mouvement qui s’est répandu dans l’ensemble de l’État.

Le New York Post a rapporté que 20 pour cent des parents ont choisi de retirer leurs enfants des tests liés au socle commun l’année dernière. Dans la vallée du Bas-Hudson, le nombre de retraits signalés cette année était encore plus élevé, selon USA Today :

Certains responsables scolaires ont publié de leur propre chef mardi le nombre de retraits ; d’autres ont refusé, affirmant que ces chiffres devraient d’abord être signalés à leurs conseils scolaires ; d’autres enfin maintiennent un strict silence. Ceux qui ont répondu étaient responsables de près de 44 000 élèves, dont près de 10 000 avaient refusé de passer les tests, soit un taux de 24 pour cent.

Le Washington Post a signalé que le nombre de retraits était également élevé dans d’autres régions.

Quatre-vingt-six pour cent des élèves admissibles aux tests dans le district de Long Island de Comsewogue ont refusé de passer le test, alors que 89 pour cent des élèves à Dolgeville dans la vallée Mohawk ont dit « non ».

Newsday
informait que 49,7 pour cent de tous les élèves de Long Island ont refusé de se soumettre aux tests même si le comité de rédaction de Newsday a exhorté à plusieurs reprises les parents à ce que leurs enfants s’y soumettent.

Imposition par subventions fédérales interposées

Le Socle commun a pour but de créer des normes d’éducation à l’échelle nationale des États-Unis. Bien que le Socle commun ait été présenté comme une initiative de la National Governors Association (NGA) et du Conseil des chefs scolaires des États (CCSSO), le ministère fédéral (démocrate) de l’Éducation des États-Unis a été fortement impliqué dans les coulisses. Jusqu’à récemment, ce ministère liait l’octroi de dérogations au « No Child Left Behind Act » (« Aucun enfant laissé pour compte ») à l’adoption du socle commun.

La Loi « Chaque élève réussit » votée par le Congrès fédéral (à majorité républicaine) cette année interdit désormais le ministère de l’Éducation fédéral de tenter « d’influencer, d’encourager ou de contraindre l’adoption par un État de normes du socle commun ou d’autres normes scolaires communes à un nombre important d’autres États ». Mais la nouvelle loi fédérale stipule encore que les États doivent se conformer aux normes « Prêts pour une carrière et l’université », fondées sur le Socle commun, comme condition pour recevoir certains fonds fédéraux. Elle exige également que le ministre fédéral de l’éducation approuve les programmes de chaque État en matière de normes et d’évaluations.

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