mercredi 31 mai 2023

Les deux tiers des Québécois sont les descendants de 2600 colons français


Il y a 260 ans, la Nouvelle-France s’étendait de la Louisiane jusqu’au nord de l’actuel Québec. Le traité de Paris (10 février 1763), venu sceller la guerre de Sept Ans, cède l’entièreté de ce territoire aux Britanniques (à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon). Au Québec, les descendants des premiers colons français ont conservé une forte identité en continuant de parler français et en maintenant leur culte catholique. Une étude publiée dans la revue Science et menée par une équipe de l’université McGill au Québec, combine données génétiques et d’état civil pour remonter l’arbre généalogique de la population actuelle. La très grande majorité des Québécois aujourd’hui tire ses ancêtres d’environ 8 500 des 10 000 colons qui ont émigré de France aux XVIIe et XVIIIe siècles pour s’installer dans cette région. Chose encore plus impressionnante, les deux tiers du patrimoine génétique canadien-français sont hérités de 2 600 colons seulement.

« C’est un travail d’une grande qualité, commente Évelyne Heyer, professeur en anthropologie génétique au Muséum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN), qui consacre un chapitre au Québec dans son livre, L’Odyssée des gènes. On comprend ici l’importance de la géographie et du fleuve Saint-Laurent sur les structures humaines, et bien entendu l’influence de la langue et de la religion. »

« Guerre de berceau »

Pour raconter cette histoire, les scientifiques ont utilisé l’ensemble des données liées aux actes de mariage catholiques qui ont été numérisées dans le cadre d’un projet de recherche qui dure depuis cinquante ans à l’Université du Québec à Chicoutimi, et baptisé Balsac. « L’Église catholique a eu une forte influence sur la société québécoise depuis le XVIIe siècle, explique Simon Gravel, professeur agrégé au département de génétique humaine à l’université McGill et coauteur de l’article. Les prêtres ont scrupuleusement noté toutes les unions sur le territoire en renseignant les noms des deux époux et de leurs parents. » Une source inestimable qui a été numérisée à partir des années 1970 et qui donne aux scientifiques et chercheurs québécois un outil quasi unique au monde ! « L’objectif de ces registres était en partie d’éviter les mariages consanguins, continue le scientifique. L’Église a appliqué une forte pression nataliste à la société québécoise qui a contribué à un accroissement très rapide de la population. » [C’est en partie faux : au début la croissance démographique des Anglais dans les 13 colonies est similaire, voir le doublement de la population en 25 ans selon Benjamin Franklin. Voir aussi « La légende noire du clérico-natalisme »] La croissance annuelle atteint ainsi un taux de 25 pour 1 000, à comparer aux 3 pour 1 000 à la même période en France : entre 1681 et 1765, la population passe de 10 000 à 70 000 habitants, essentiellement du fait de l’accroissement naturel.

L’équipe de l’université McGill a complété ce recueil par des données génétiques et généalogiques de 20 451 Québécois. « Notre objectif initial était de comprendre la prévalence de certaines maladies génétiques dans le pays, détaille Simon Gravel. Et de comprendre si elles pouvaient être liées au contexte de peuplement. La prévalence de maladies spécifiques à certaines régions québécoises ne se retrouve pas en France. »
 
Moins de 1 % d'ascendance amérindienne
 
Les premiers 2 600 colons français ont contribué les deux tiers du bassin génétique franco-québécois. Les colons français ont occupé un territoire habité et utilisé par les Premières Nations (Indiens) et les Inuits (Esquimaux) depuis des milliers d’années.

« Malgré des croyances populaires impliquant les origines métissées des Canadiens-Français, les études génétiques et généalogiques montrent que les Franco-Québécois portent en moyenne moins de 1% d’ascendance génétique autochtone et une majorité d’ascendance française », souligne l'étude.
 
« Super-fondateurs »

En arrivant en Nouvelle-France, les premiers colons, dont plusieurs étaient originaires du Perche, se sont d’abord installés dans la capitale, à Québec. « Comme la population augmentait très vite, il y a eu une migration vers Charlevoix, où l’érosion d’un cratère d’impact vieux de 400 millions d’années a créé une petite poche de terre fertile au sein d’un terrain autrement montagneux, raconte le chercheur. Là encore la population a augmenté très vite. Les conditions de vie devaient être très difficiles et les gens ont ensuite migré vers la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui était jusque-là une terre de chasse réservée au roi. »

Étonnamment, bien que chaque région ait son événement fondateur près de la ville de Québec, aucune ne partage les mêmes « super-fondateurs », ces individus ayant une très grande descendance et qu’un grand nombre de Québécois partagent comme ancêtre. C’est donc localement que les communautés se sont créées et que des effets régionaux se sont mis en place. « Dans des travaux que j’avais publiés en 1995, nous avions montré qu’un groupe de 50 super-fondateurs se retrouve dans les généalogies de tous les individus du Saguenay–Lac-Saint-Jean, explique Évelyne Heyer. Ils avaient tous plusieurs dizaines de petits-enfants ! »


Source : Le Figaro

Canada — pas de pénurie de main-d’œuvre pour emplois très qualifiés, autres facteurs expliquent nombre élevé de postes à pourvoir

Un nouveau rapport met en doute l’idée que le Canada compose avec une pénurie de main-d’œuvre généralisée et renforce les arguments de certains économistes du travail, selon lesquels le nombre élevé de postes vacants n’est pas dû à une pénurie de travailleurs.


L’analyse de Statistique Canada révèle qu’il n’y a pas de pénurie de main-d’œuvre pour les emplois qui exigent des niveaux de scolarité élevés, ce qui suggère que d’autres facteurs, comme un décalage entre les compétences requises et la rémunération, pourraient être à l’origine du nombre élevé de postes vacants.

Au lendemain de la pandémie de COVID-19, la pénurie de main-d’œuvre a fait la une des journaux d’un océan à l’autre, alors que les entreprises ont annoncé plus d’offres d’emplois que jamais. Les postes vacants ont grimpé en flèche pour atteindre plus d’un million à un moment l’année dernière.

La pénurie de main-d’œuvre perçue à l’échelle du pays a exercé des pressions sur les gouvernements pour qu’ils aident les entreprises à trouver des travailleurs, notamment en augmentant les objectifs d’immigration du Canada.

Le rapport publié la semaine passée compare le taux de chômage et les postes vacants par niveau d’éducation, et brosse un tableau plus nuancé du marché du travail.

« Les choses semblent vraiment différentes selon que vous regardez les postes vacants qui nécessitent un niveau d’éducation élevé, par rapport à ceux qui nécessitent un diplôme d’études secondaires ou moins », a souligné René Morissette, directeur adjoint de la division de l’analyse sociale et de la modélisation à l’agence fédérale.

Le rapport, qui a examiné les données sur le marché du travail entre 2016 et 2022, a révélé que pour les emplois nécessitant un baccalauréat [licence en Europe] ou plus, il y avait toujours eu moins d’emplois disponibles que de personnes pour les occuper.

Par exemple, il y avait 113 000 postes vacants exigeant un baccalauréat [licence] ou des études supérieures au quatrième trimestre de 2022, mais 227 000 personnes qui détenaient une telle formation étaient au chômage au cours de la même période.

Pour les postes exigeant un diplôme d’études secondaires ou moins, la pénurie de travailleurs n’a commencé qu’au troisième trimestre de 2021.

René Morissette a déclaré que les résultats ne signifient pas qu’il n’y a pas de pénurie de main-d’œuvre dans certains marchés, mais que les pénuries pourraient ne pas être aussi importantes qu’on le supposait auparavant.

« Il est certainement concevable qu’il y ait des pénuries locales dans certains postes, a précisé M. Morissette. Ce que nous disons, c’est que les pénuries ne sont peut-être pas aussi répandues qu’on le supposait initialement dans les premières discussions sur les taux d’inoccupation élevés au Canada. »

Pour les employeurs qui tentent de pourvoir des postes vacants nécessitant une formation postsecondaire, le rapport indique que leurs difficultés d’embauche ne peuvent être attribuées à un manque de travailleurs disponibles possédant ces qualifications.

Les difficultés peuvent plutôt résulter d’un décalage entre les compétences requises pour le poste et celles que possèdent les candidats. Un autre facteur pourrait être que les employeurs n’offrent pas des salaires qui correspondent aux attentes des demandeurs d’emploi.

Le rapport met également en doute les difficultés d’embauche auxquelles sont confrontées les entreprises qui tentent de recruter des travailleurs ayant un niveau d’éducation plus faible.

« La question de savoir dans quelle mesure ces emplois vacants peuvent être attribués à des pénuries de main-d’œuvre dans des professions précises peu qualifiées, plutôt qu’à des offres de salaires et d’avantages sociaux relativement bas, ou à d’autres facteurs reste ouverte », indique le rapport.

Jim Stanford, économiste et directeur du Center for Future Work, affirme que le rapport de Statistique Canada défait les « mythes de longue date » sur la pénurie de main-d’œuvre au pays.

« Si vous manquez vraiment de main-d’œuvre et que vous ne pouvez pas trouver quelqu’un pour faire ce travail au salaire minimum dans un restaurant McDonald, alors pourquoi n’augmenteraient-ils pas le salaire ou n’essaieraient-ils pas de remplacer le travail par des machines ? », s’est demandé M. Stanford.

« Ni l’un ni l’autre ne se produisent, ce qui me suggère que les employeurs en général sont assez satisfaits de l’état actuel des choses, peu importe à quel point ils se plaignent de la pénurie de main-d’œuvre », a-t-il ajouté.

Alors, qu’est-ce qui explique le nombre élevé d’emplois vacants ??

René Morissette a évoqué que pour les industries où peu de qualification est nécessaire, les entreprises pourraient choisir de maintenir des salaires bas et d’accepter des taux d’inoccupation d’emplois plus élevés.

« Pour les employeurs qui ont des coûts de formation négligeables, une stratégie de ressources humaines qui combine des salaires relativement bas avec une rotation élevée des travailleurs et certains postes vacants pourrait en fait maximiser les profits », a-t-il déclaré.

Le gouvernement fédéral est resté à l’écoute des groupes d’entreprises qui sonnaient l’alarme au sujet de la pénurie de main-d’œuvre.

Cet automne, Ottawa a annoncé de nouveaux objectifs d’immigration visant à accueillir 500 000 immigrants par an d’ici 2025 au pays. Le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a présenté le nouveau plan comme une solution aux problèmes de main-d’œuvre du pays.

Le Canada a également connu une augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires venant au pays pour aider les entreprises à pourvoir les postes vacants.

L’apparente pénurie de travailleurs peu qualifiés pourrait pousser les décideurs politiques à penser qu’il faut encore plus de travailleurs temporaires, mais M. Stanford a évoqué que ce serait une conclusion « désastreuse » à tirer du rapport.

De nombreux économistes émettent des réserves sur les programmes de travailleurs étrangers temporaires qui, selon eux, peuvent faire baisser des salaires au pays, s’ils sont utilisés de manière excessive.

« L’objectif de la politique d’immigration ne devrait pas être de résoudre les problèmes de recrutement auxquels sont confrontés les employeurs à bas salaires, ou tout employeur d’ailleurs », a-t-il déclaré.


Source : Presse Canadienne

« Transition de genre » : un procès intenté par une jeune Californienne dont les seins ont été coupés

Une jeune Californienne, âgée aujourd’hui de 18 ans, a intenté une action en justice contre les médecins et les professionnels de santé qui ont « pratiqué, supervisé et conseillé l’hormonothérapie et la chirurgie de transition de genre » y compris la mastectomie qu’elle a subie à 13 ans.

Layla Jane, originaire de Central Valley, souffrait « d’anxiété et de dépression, d’anxiété sociale, de dysmorphie corporelle, de troubles alimentaires et a été victime d’intimidation » pendant son enfance et une partie de son adolescence. À 9 ans, son état de santé mentale s’est dégradé au point d’avoir des idées suicidaires.

« Personne, aucun de mes médecins, n’a essayé de faire en sorte que je me sente mieux dans mon corps » regrette-t-elle. Après avoir demandé conseil, elle est orientée vers une clinique spécialisée dans les questions de genre à Oakland, en Californie. Des bloqueurs de puberté lui sont prescrits et six mois plus tard de la testostérone (cf. Genre : la Californie autorise les traitements sur les mineurs).

Un peu plus tard, à 11 ans, souhaitant changer de genre, elle en parle à ses parents qui ne s’y opposent pas. Elle subit alors une mastectomie. Un choix qu’elle regrette aujourd’hui. Au cours de l’année 2021, elle a cessé ses injections de testostérone. Désormais, elle se sent « plus heureuse » et sa « santé mentale commence à s’améliorer ».

Confrontée à un « risque accru d’infertilité », elle poursuit le Permanente Medical Group, Inc. et les Kaiser Foundation Hospitals, ainsi que les médecins qui l’ont suivie, pour « négligence grave » et « consentement éclairé frauduleux » (cf. « Transition de genre » : le mineur apte à consentir ?). Selon elle, tout médecin devrait, avant de prendre une décision, vérifier l’état de santé mentale des patients. […]


Genethique

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Espagne — une première fille trans repentie poursuit la Santé publique

 


Israël, une société tournée vers l'enfant

Traduction par le Courrier International d’un article d’Asahi Shimbun

Alors qu’au Japon la natalité est en chute libre, en Israël le taux de fécondité est de trois enfants par femme — un record dans l’OCDE. Le correspondant du journal « Asahi Shimbun » observe avec un certain enthousiasme les caractéristiques qui rendent la société israélienne si disposée à avoir des familles nombreuses.

Une femme monte dans un tramway bondé en tenant fermement des deux mains une poussette à deux places, qui transporte ce qui semble être des jumeaux. Elle empêche les gens de descendre et roule sur les chaussures de plusieurs passagers, qui font la grimace. Mais loin de se laisser impressionner, elle se fraie un passage à travers la foule. Une fois sa place assurée, elle pousse un soupir.

Cette scène serait-elle possible à Tokyo ? La mère se confondrait probablement en excuses, la tête dans les épaules, et des passagers l’interpelleraient d’un « Eh, faites attention ! Pliez votre poussette ! »

Mais nous ne sommes pas à Tokyo, ni même au Japon. Nous sommes en Israël, au Moyen-Orient. Ici, on ne voit pas de parents contraints de s’excuser. Ici, personne ne s’offusque si des enfants font du vacarme dans les restaurants. Ici, l’enfant est roi.
 

Trois enfants, la normalité en Israël

Avec un taux de fécondité de 3 en 2021 selon le Bureau central des statistiques israélien, le pays fait figure d’exception parmi les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui réunit 38 pays développés. Les études réalisées en 2020 par l’OCDE en matière de natalité permettent d’établir un classement : Israël arrivait en tête avec 2,90, suivi du Mexique, avec 2,08, et de la France, qui, avec 1,79, est considérée comme un « modèle de réussite » en matière de lutte contre la baisse de la natalité. Le Japon, en proie au vieillissement de sa population, n’est qu’à 1,33. [Il n’est que de 1,49 au Québec…]  [Le seuil de renouvellement des générations, en dessous duquel la population décroît, est fixé à 2,1 enfants par femme.]

Alors que nombre de pays développés souffrent d’une baisse de la natalité, comment se fait-il qu’Israël soit si fécond ?

« Si vous n’avez pas d’enfant, on vous demande pourquoi. Si vous avez un enfant, on vous demande : “À quand le deuxième ?” Et ainsi de suite, jusqu’à ce que vous ayez trois enfants ou plus, ce qui est considéré comme “normal” ici. »

C’est ce que m’explique Keren Gil, 44 ans, employée d’une société pharmaceutique qui vit dans la banlieue de Tel-Aviv, la capitale économique du pays. Elle et son mari, Yaron, 45 ans, agent immobilier, élèvent trois enfants : deux garçons, de 15 et 12 ans, et une fille de 7 ans.

L’« oppression » des Israéliennes sans enfants Si, vu du Japon, Israël peut paraître comme un exemple à suivre en matière de natalité, la sociologue féministe israélienne Orna Donath, auteure de « Le Regret d’être mère » (disponible en français chez Odile Jacob), souligne que l’injonction sociale de faire des enfants peut bel et bien se transformer en une « oppression » pesant sur les femmes.

En raison de cette pression sociale, souvent intériorisée, il est « difficile de réfléchir de manière libre » au fait d’avoir des enfants, avance-t-elle dans son interview au journal Asahi. Orna Donath souligne que, dans certains cas, la solitude des parents psychologiquement opprimés entraîne une maltraitance infantile.

Selon elle, pour les Israéliennes, il est compliqué d’être femme sans être mère. « On a tendance à considérer que les femmes sans enfants […] ne sont pas de “vraies femmes” », continue-t-elle. Pour son livre, elle a recueilli des témoignages de mères regrettant d’avoir choisi d’avoir des enfants. Des voix que la société a tendance à bâillonner, en prétextant à un coup de déprime que le temps guérira forcément. « Le choix de ne pas devenir parent. Le regret d’avoir fait des enfants sans avoir vraiment réfléchi si on était prêt. [À travers le livre], je voulais changer la situation actuelle où ces choses sont vues comme tabous », raconte la sociologue à Asahi.

Ce qu’elle dit n’est pas du tout exagéré. Moi-même, homme marié de 42 ans sans enfant, on me demande souvent en Israël, quand j’aborde le sujet de la famille, pourquoi je n’ai pas d’enfant, avant de tenter de me convaincre que « c’est merveilleux d’avoir des enfants ». L’une des personnes avec lesquelles je me suis entretenu a même sorti son téléphone pour me donner les coordonnées d’un hôpital réputé en matière de traitement de la stérilité.

Un état d’esprit

D’où vient cette obsession des enfants ? Il y a d’abord un aspect religieux. Chez les ultraorthodoxes, qui observent strictement les préceptes juifs, [refusent la contraception] et restent fidèles à l’idée que « les enfants sont une bénédiction », il n’est pas rare d’avoir cinq enfants ou plus.

Évolution du nombre de naissances au sein des différentes communautés d’Israël ces quarante dernières années.

Et puis, il y a un lien avec l’histoire des souffrances du peuple juif et de la fondation du pays. L’Holocauste, qui a fait quelque 6 millions de victimes, et les conflits qui opposent Israël aux pays arabes voisins depuis sa création ont imprégné la société israélienne d’un besoin vital d’assurer une descendance.

Comme l’ont confirmé plusieurs experts que j’ai rencontrés, la fécondité exceptionnelle des Israéliens est davantage un « état d’esprit » façonné par l’histoire et la culture du pays que le résultat des politiques du gouvernement.

Autre caractéristique d’Israël, le taux de natalité est également élevé dans les familles laïques, c’est-à-dire peu attachées aux doctrines religieuses, qui représentent une grande partie de la population.

Si, comme dans les autres pays développés, l’éducation des femmes et leur participation dans la société progressent, le taux de natalité ne montre aucun signe de fléchissement significatif. Dans un sondage publié en 2019 par le Bureau central des statistiques israélien, 71 % des femmes juives laïques déclaraient désirer trois enfants ou plus. [En général, en Occident, il y a un écart 0,7 enfant entre le nombre désiré d’enfants et le nombre final d’enfants nés… Ainsi, si
les désirs de chacun en Suisse se concrétisaient, il y aurait une moyenne de 2,2 enfants par femme, soit suffisamment pour renouveler les générations. La moyenne effective avoisine 1,5Alors que seule une Québécoise sur dix, tous âges confondus, ne veut qu’un enfant (11 %), alors que près d’une sur deux rapporte en vouloir deux (48 %) et qu’une sur trois en désire trois ou plus (32 %). En 2011, les Québécoises disaient vouloir 2,11 enfants.]

Éloge de l’entraide

Trouver un bon équilibre entre vie familiale et vie professionnelle est le défi auquel sont confrontés tous les couples à double revenu des pays développés.

Les Gil ont-ils hésité à faire un deuxième ou un troisième enfant ? « Nous n’étions pas inquiets parce que nous savions que nous pouvions compter sur notre entourage », répond Keren. Sa mère, qui vit à proximité, et sa belle-famille, qui habite à une heure de route, viennent fréquemment chez eux pour leur donner un coup de main avec les enfants.

Même lorsqu’elle a repris le travail après ses congés parentaux, Keren n’a subi aucune pression. « En Israël, on ne vous demande pas d’être au bureau à l’heure où il faut aller chercher les enfants à la maternelle, et on vous laisse généralement travailler de chez vous quand cela est possible. »

David Slama (47 ans) et sa femme, Mishal (45 ans), qui vivent à Netanya, au nord de Tel-Aviv, élèvent également trois enfants tout en travaillant tous les deux. Dans leur quartier, qui compte de nombreuses autres familles, il est tout à fait courant de s’entraider entre voisins.

À côté de son travail prenant dans une entreprise de haute technologie et de sa vie familiale, David participe activement à la vie locale en tant que bénévole. « Je le fais surtout parce que j’aime côtoyer les gens mais, pour être honnête, c’est aussi une question de “survie” », confie-t-il.

« Nous ne pourrions pas offrir une bonne éducation à nos enfants si mon épouse et moi-même ne travaillions pas tous les deux et, pour ce faire, nous avons besoin de toute l’aide que peuvent nous apporter aussi bien nos parents que la communauté. » Une certaine idée de l’éducation familiale

Pouvoir compter sur ses proches, et parfois même ses amis et ses voisins, semble idéal. Mais, dans les faits, arrive-t-il que cela ne se passe pas si bien ? Que faire si, par exemple, les personnes qui vous aident à garder vos enfants interfèrent avec la façon dont vous les éduquez ?

Lorsque je demande à Keren si cela ne la dérange pas que ses beaux-parents viennent souvent à la maison, elle semble surprise par la question : « Pourquoi donc ? Si quelque chose nous chiffonne, il nous suffit d’en parler. » Yaron se rappelle avoir eu un léger désaccord avec sa belle-mère sur l’éducation des enfants. Sa femme a alors dit à sa mère sans détour : « Ce n’est pas notre manière de faire. »

En Israël, proches et amis se réunissent souvent nombreux pour le shabbat — repos prescrit par le judaïsme du vendredi soir au samedi soir — et les jours de fête, entretenant la solidarité et les liens sociaux, que l’on dit avoir perdu au Japon.

Mais, comme je l’ai appris en rencontrant des familles israéliennes, pour que ce réseau fonctionne, une condition est nécessaire : pouvoir dire ce qu’on pense. « Tu te trompes, Maman », « Tu ne comprends rien, Papa »… À table, les enfants, même les plus jeunes, n’hésitent pas à contredire leurs parents. Ces derniers répliquent alors et la discussion s’anime naturellement. Les enfants qui grandissent dans un tel environnement parlent avec leurs parents d’égal à égal et gardent ce franc-parler à l’âge adulte.

Avec le soutien de tous, celles et ceux qui désirent des enfants peuvent en avoir en Israël. Un couple d’Israéliens a récemment attiré l’attention des médias en ayant un petit-enfant avec le sperme prélevé sur leur fils mort et l’ovule d’une mère porteuse. Dans le pays, une société où même les personnes incapables de faire des enfants peuvent en avoir est en train de voir le jour.
 
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