Sociologue (Ph.D.) spécialisée sur les questions liées à l’éducation et professeur au cégep de Saint-Jérôme, Joëlle Quérin a réfléchi en profondeur au cours ECR. Il y a quelques années, en 2008 [2009], elle publiait pour l’Institut de recherche sur le Québec une étude majeure qui avait eu un grand écho à propos du cours ECR, où elle explicitait et révélait ses finalités politiques (transparence totale, comme on dit, j’étais et je suis encore associé à l’IRQ). En fait, elle expliquait quels objectifs politiques sert ce cours, en montrant comment il proposait d’instrumentaliser l’école pour faire la promotion du multiculturalisme. Elle revient sur la question dans un chapitre du livre La face cachée du cours Éthique et culture religieuse (Léméac, 2016). Je lui ai posé quelques questions à propos de ce cours.
Q. — Dans le livre La face cachée du cours ECR, vous revenez sur la question des orientations politiques du cours ECR dans un texte très fouillé où vous montrez comment le cours n’est pas exempt d’une volonté d’endoctrinement. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces objectifs politiques ?
Joëlle Quérin — Dès la première fois où il a été question de remplacer l’enseignement religieux confessionnel par un cours d’éthique et culture religieuse, dans le rapport Proulx (1999), l’objectif était clairement annoncé : il s’agissait d’apprendre aux enfants comment se comporter en présence de la diversité religieuse. Cet objectif a été réitéré plusieurs fois dans des rapports émanant du Ministère de l’éducation tout au long des années 2000, et surtout à l’approche de l’implantation du cours en 2008. On était alors en pleine crise des accommodements raisonnables, et les appels se faisaient de plus en plus nombreux de la part d’acteurs institutionnels, tels que le Comité sur les affaires religieuses du Ministère de l’éducation et la Commission Bouchard-Taylor, pour mettre en place ce cours au plus vite. On espérait que celui-ci permettrait à terme de calmer la grogne populaire autour des accommodements, en apprenant aux enfants à accepter toutes les pratiques religieuses qui les entourent. Le professeur de philosophie Georges Leroux parlait du cours ÉCR comme d’une « thérapie » collective devant « inculquer le respect absolu de toute position religieuse », notamment le port du kirpan à l’école. C’est effectivement ce que prescrit le programme ministériel d’ÉCR, qu’on pourrait renommer Accommodement 101 : un endoctrinement multiculturaliste qui s’échelonne du début du primaire jusqu’à la fin du secondaire.
Q. — Plusieurs croient que le cours ECR a néanmoins la vertu de transmettre une solide culture religieuse aux jeunes générations, dans un monde où la religion joue un rôle de plus en plus grand. Est-ce le cas ? Autrement dit, s’agit-il d’un cours d’histoire des religions, ou de culture religieuse?
— Absolument pas. Le titre du cours est extrêmement trompeur à cet égard. On peut comprendre les parents d’avoir d’abord été séduits par un tel cours qui, en apparence, devait offrir à leurs enfants une solide culture religieuse essentielle à la compréhension du monde d’aujourd’hui.
Le programme d’ÉCR l’énonce pourtant très clairement : le volet culture religieuse du cours ne porte pas sur l’histoire des doctrines et des religions. D’ailleurs, le volet éthique du cours non plus ne vise pas à enseigner les doctrines philosophiques. Assimilées à un enseignement « encyclopédique » et ennuyeux, ces connaissances sont explicitement rejetées par les concepteurs du programme, qui les jugent inutiles à l’atteinte des objectifs du cours. Dans le programme, l’accent est mis sur les « attitudes » et les « comportements » que les enfants doivent adopter à l’égard de la diversité religieuse, et non sur la transmission de connaissances.
Q. — Certains répondent : très bien, ECR cause problème, mais par quoi devons-nous le remplacer? Je me permets de reformuler la question : imaginons qu’on parvienne à abolir ECR. Faut-il le remplacer par quelque chose, ou devons-nous simplement redistribuer le temps qui lui est consacré à autre chose ?
— Plusieurs solutions de rechange sont proposées par divers collaborateurs de La face cachée du cours Éthique et culture religieuse.
Pour ma part, je suis ouverte à plusieurs possibilités, mais j’aurais tendance à faire une distinction entre les niveaux primaire et secondaire.
Au primaire, les périodes accordées au cours ÉCR pourraient simplement être redistribuées parmi les matières de bases, comme le français et les mathématiques, mais aussi l’éducation physique, dont les enfants ont grandement besoin. D’ailleurs, certains enseignants le font déjà, lorsqu’ils doivent rattraper du retard dans certaines matières ou lorsqu’ils sont mal à l’aise avec le cours ÉCR.
Q. — Dans le livre La face cachée du cours ECR, vous revenez sur la question des orientations politiques du cours ECR dans un texte très fouillé où vous montrez comment le cours n’est pas exempt d’une volonté d’endoctrinement. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces objectifs politiques ?
Joëlle Quérin — Dès la première fois où il a été question de remplacer l’enseignement religieux confessionnel par un cours d’éthique et culture religieuse, dans le rapport Proulx (1999), l’objectif était clairement annoncé : il s’agissait d’apprendre aux enfants comment se comporter en présence de la diversité religieuse. Cet objectif a été réitéré plusieurs fois dans des rapports émanant du Ministère de l’éducation tout au long des années 2000, et surtout à l’approche de l’implantation du cours en 2008. On était alors en pleine crise des accommodements raisonnables, et les appels se faisaient de plus en plus nombreux de la part d’acteurs institutionnels, tels que le Comité sur les affaires religieuses du Ministère de l’éducation et la Commission Bouchard-Taylor, pour mettre en place ce cours au plus vite. On espérait que celui-ci permettrait à terme de calmer la grogne populaire autour des accommodements, en apprenant aux enfants à accepter toutes les pratiques religieuses qui les entourent. Le professeur de philosophie Georges Leroux parlait du cours ÉCR comme d’une « thérapie » collective devant « inculquer le respect absolu de toute position religieuse », notamment le port du kirpan à l’école. C’est effectivement ce que prescrit le programme ministériel d’ÉCR, qu’on pourrait renommer Accommodement 101 : un endoctrinement multiculturaliste qui s’échelonne du début du primaire jusqu’à la fin du secondaire.
Q. — Plusieurs croient que le cours ECR a néanmoins la vertu de transmettre une solide culture religieuse aux jeunes générations, dans un monde où la religion joue un rôle de plus en plus grand. Est-ce le cas ? Autrement dit, s’agit-il d’un cours d’histoire des religions, ou de culture religieuse?
— Absolument pas. Le titre du cours est extrêmement trompeur à cet égard. On peut comprendre les parents d’avoir d’abord été séduits par un tel cours qui, en apparence, devait offrir à leurs enfants une solide culture religieuse essentielle à la compréhension du monde d’aujourd’hui.
Le programme d’ÉCR l’énonce pourtant très clairement : le volet culture religieuse du cours ne porte pas sur l’histoire des doctrines et des religions. D’ailleurs, le volet éthique du cours non plus ne vise pas à enseigner les doctrines philosophiques. Assimilées à un enseignement « encyclopédique » et ennuyeux, ces connaissances sont explicitement rejetées par les concepteurs du programme, qui les jugent inutiles à l’atteinte des objectifs du cours. Dans le programme, l’accent est mis sur les « attitudes » et les « comportements » que les enfants doivent adopter à l’égard de la diversité religieuse, et non sur la transmission de connaissances.
Q. — Certains répondent : très bien, ECR cause problème, mais par quoi devons-nous le remplacer? Je me permets de reformuler la question : imaginons qu’on parvienne à abolir ECR. Faut-il le remplacer par quelque chose, ou devons-nous simplement redistribuer le temps qui lui est consacré à autre chose ?
— Plusieurs solutions de rechange sont proposées par divers collaborateurs de La face cachée du cours Éthique et culture religieuse.
Pour ma part, je suis ouverte à plusieurs possibilités, mais j’aurais tendance à faire une distinction entre les niveaux primaire et secondaire.
Au primaire, les périodes accordées au cours ÉCR pourraient simplement être redistribuées parmi les matières de bases, comme le français et les mathématiques, mais aussi l’éducation physique, dont les enfants ont grandement besoin. D’ailleurs, certains enseignants le font déjà, lorsqu’ils doivent rattraper du retard dans certaines matières ou lorsqu’ils sont mal à l’aise avec le cours ÉCR.
Voir aussi
Joëlle Quérin répond à ses détracteurs chez Denise Bombardier (vidéo)
Joëlle Quérin explique son étude sur le cours ECR à RDI (vidéo)
Joëlle Quérin sur VTélé (Mario Dumont) au sujet du cours ECR (vidéo)
Livre sur le cours ECR : Au-delà des apparences (Guy Durand)
Livre Regards sur le cours ECR : La Religion sans confession
Le Devoir (Louis Cornellier) : « L'école n'est pas au service des parents. »