mercredi 22 avril 2009

La société moderne

« Le monde moderne, c’est la multiplication des seuls. »

Paul Valéry


Pour en finir avec une imposture : la « laïcité ouverte »

Extraits d'un article de Charles-Philippe Courtois dans l'Action nationale. Les intertitres sont de nous.

Au nom de quoi, sur certaines questions touchant l’avenir de la nation, les choix politiques ne devraient-ils pas exprimer des préférences collectives  ? Comme si, concernant ces questions, les « bons sentiments » pouvaient remplacer une pensée politique […] les nouveaux Tartuffe ne font guère qu’exercer et renforcer leur pouvoir symbolique. Sans considération pour l’avenir de leur nation.

Pierre-André Taguieff

« Le Québec s'est donné » ou le rapt du Québec par des multiculturalistes

Qu’est-ce que la « laïcité ouverte  » ? Dans un récent texte, visant à répondre à la question « l’école québécoise est-elle laïque ? », Rachida Azdouz évoque « la notion de laïcité ouverte telle que prônée par le Québec » (L’école, la diversité et la laïcité, L’État du Québec 2009, Montréal, Fides-INM, 2008, p. 283). Comment, par le Québec ? Le Québec est-il au courant ? Le peuple québécois a-t-il opté pour la « laïcité ouverte » après avoir délibéré de cette question ? Je crois que l’écrasante majorité de nos concitoyens serait bien en peine d’expliquer cette nouveauté et ce néologisme. L’État québécois a-t-il adopté une grande politique officielle de «  laïcité ouverte » ? Force est de répondre trois fois « non ». Il s’agit bien plutôt de la créature d’une certaine tribu d’intellectuels : ceux-là mêmes qui étaient en majorité dans les comités d’experts de la commission Bouchard-Taylor et dont le rapport reflète les opinions. Or ce concept est avant tout une supercherie intellectuelle. En effet, de quoi parle-t-on sinon d’une laïcité qui n’en est pas une ?

La laïcité censément ouverte indissociable du programme d'ECR

Pour décrire ce nouveau concept, il faut revenir aux recommandations du rapport Bouchard-Taylor. Il est, de plus, impossible de dissocier cette « laïcité ouverte » du cours d’Éthique et de culture religieuse (ECR), autre créature de la même tribu d’intellectuels, et qui vise précisément à la promouvoir. Dans son plaidoyer pour ce programme d’ECR, Georges Leroux fait de l’acceptation de la « laïcité ouverte » par tous les « jeunes », donc par l’ensemble des citoyens de demain, l’objectif du cours, avouant même explicitement qu’il s’agit de s’assurer que tout le monde, à l’avenir, soit d’accord avec la décision de la Cour suprême sur le kirpan. Bref, la finalité de ce cours n’est autre que d’imposer onze années de conditionnement idéologique aux enfants québécois, en faveur de la rectitude politique et spécialement de la « laïcité ouverte ». Jocelyn Maclure, dans « Les raisons de la laïcité ouverte », un texte d’une franchise qui demeure trop rare parmi ses défenseurs, distinguait trois positions quant à ce cours et à l’enseignement religieux dans les écoles : la position conservatrice, la position libérale-pluraliste à laquelle Maclure s’associait et associait le cours d’ECR, et enfin la position républicaine. La position conservatrice revient en fait à vouloir conserver le statu quo ante la laïcisation des commissions scolaires  ; de façon sous-jacente, elle pourrait sans doute renvoyer pour certains de ses partisans au maintien d’une définition de l’identité canadienne-française et catholique à l’ancienne, mais pas nécessairement, impliquant simplement de maintenir les droits acquis des catholiques et des protestants (l’écrasante majorité). La position républicaine, bien sûr, est celle qui s’associe à la laïcité. Si la laïcité comme politique officielle existe dans une démocratie occidentale dont elle est emblématique, c’est la République française. La logique de ce modèle implique une séparation entre l’Église et l’État, reléguant la religion à la sphère privée et dégageant un espace public libre du pouvoir des divers clergés. Contrairement au cas québécois, l’école laïque ne dispense ni catéchèse, ni « culture religieuse », mais plutôt une éducation civique, et des connaissances historiques en matière de religion qu’il y aurait peut-être lieu de développer davantage. La position « libérale pluraliste » est donc sous-jacente au concept bâtard de « laïcité ouverte  » et non la position républicaine, dont relève pourtant de la laïcité historique.

[On voit ici une réappropriation assez typique d'anciens symboles valorisés par les partisans du cours, M. Georges Leroux avait déjà voulu faire de Locke un partisan du cours ECR !]

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Créer une culture publique commune ou un amalgame multi-ethnico-religieux ?

Partant, en accord avec le multiculturalisme, le dessein particulier de cette prétendue « laïcité ouverte » n’est pas d’établir un régime de laïcité, mais bien un régime de diversité ethnoreligieuse, au détriment de la culture commune ; autrement dit, au détriment du principe de « culture de convergence » défendu par le Québec, en matière d’immigration, aussi bien que sur le plan de la vie civique commune. Son objectif est de dissoudre le principe de majorité et d’atténuer ses effets concrets qui, par la force des choses, sont intégrateurs et assimilateurs. Comment expliquer sinon qu’une laïcité soi-disant ouverte au fait religieux, ce qui serait contraire à la laïcité connue, implique pour ses tenants d’extirper de la Cité toute référence culturelle aux coutumes issues du christianisme de la majorité ?

S'effacer devant d'infimes minorités

Le rapport Bouchard-Taylor allait jusqu’à suggérer des modifications au calendrier officiel, celui en vigueur au Québec – comme en Occident d’ailleurs, France laïque comprise bien sûr – étant trop marqué par l’héritage culturel du catholicisme… La même rectitude politique en induit plusieurs à s’interdire, sans craindre le ridicule, de dire « sapin de Noël » ou « joyeux Noël » dans des manifestations officielles, comme nous avons pu le constater à l’Assemblée nationale ces dernières années. Le faux problème de Noël relève entièrement des apôtres de la rectitude politique et de la laïcité ouverte : en quoi un Québécois, non-croyant ou pratiquant d’une autre religion, qui le plus souvent fête Noël lui-même, est-il exclu par la reconnaissance d’une pratique on ne peut plus répandue au Québec  ? N’est-ce pas là tout simplement un reflet, dans nos institutions publiques, des coutumes du peuple représenté, dans une parfaite logique démocratique ? Les mêmes qui voudraient qu’on reconnaisse plus officiellement des coutumes religieuses qui concernent des minorités de 0,5 ou 1 % de la population, voudraient que nous cessions de reconnaître des coutumes passées dans le patrimoine commun, au-delà des confessions de chacun, connues de tous et concernant l’écrasante majorité des Québécois.

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La vraie laïcité n'implique en rien l'effacement de la majorité

La laïcité, en revanche, n’implique en rien l’effacement du patrimoine culturel national. Dans le cas français, le patrimoine culturel historique de la nation, qui est largement catholique, n’est nullement remis en cause par la Ve République — qui possède par exemple les églises catholiques et protestantes du pays, ainsi que certaines synagogues, à titre de patrimoine et de biens collectifs historiques. Il ne s’agit pas de s’interdire de prononcer « sapin de Noël » ni d’autres simagrées de ce genre. Une très nette séparation des sphères des Églises et de l’État fait que l’espace public est entièrement laïc. Cependant, la vitalité du catholicisme et l’acceptation de la place qui lui revient dans le patrimoine culturel national contrastent avec le cas québécois, où, simultanément à ces pudeurs ridicules quant à Noël, le patrimoine chrétien bâti n’est que très médiocrement préservé.

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« Laïcité ouverte », le nouveau nom du multiculturalisme

Mais pourquoi diantre donner ce nouveau nom au multiculturalisme, qui porte à confusion, plutôt que de parler de positions conservatrices, républicaines et multiculturalistes ? Pourquoi ne pas avancer à visage découvert en tant que partisan du multiculturalisme ? On sait qu’au Québec le multiculturalisme canadien fait consensus contre lui. Le seul avantage qu’offre ce néologisme est de mystifier les tenants de la laïcité au sens propre et de rendre les prises de position dans les débats nébuleuses : mon voisin, qui parlait de laïcité, prônait-il en fait la laïcité ouverte ? Peut-être même le faisait-il sans le savoir, s’il s’avérait qu’il ne connut pas le terme... Bref, la « laïcité ouverte » n’est qu’un terme de plus au service de l’imposition d’une hégémonie idéologique du multiculturalisme au Québec. Son utilité est d’avancer à mots couverts une logique en harmonie avec la politique canadienne officielle de multiculturalisme.

Détournement de mots

De fait, force est de constater que les thuriféraires québécois du multiculturalisme s’emploient à détourner le sens d’une série de termes qui semblent faire consensus dans notre démocratie québécoise, et qui relèvent davantage d’une conception de la démocratie relevant du modèle républicain, c’est-à-dire accordant une importance politique à la nation, à sa culture commune et à la souveraineté du peuple – en d’autres termes à la majorité. Ces termes sont notamment nation civique, interculturalisme et laïcité. [Ainsi que société civile.] Ajoutons que le sens du terme démocratie est lui aussi détourné par plusieurs avocats de l’approche « cosmopolite », pour ne plus signifier l’autodétermination d’un peuple, mais exclusivement les droits de l’homme, sans considération des droits civiques (c’est-à-dire de la différence entre droits de l’homme, universels, et droits de citoyenneté, forcément, nécessairement particuliers). Droits de l’homme compris, de surcroît, dans le sens l’égalité différenciée et de droits identitaires communautaristes.

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Détournement du sens du terme interculturalisme 

De même, les bien-pensants s’emploient à détourner le sens du terme interculturalisme : dans le rapport Bouchard-Taylor, les commissaires expriment très clairement cette volonté d’infléchir l’interculturalisme québécois dans le sens du multiculturalisme canadien. Daniel Weinstock a d’ailleurs confirmé que dans cette optique, il n’y aurait plus de différence entre le modèle canadien et le modèle québécois, sinon la loi 101  : « le rapport Bouchard-Taylor, écrivait-il, propose à la société québécoise un modèle de gestion de sa diversité interne qui est somme toute assez canadien ». En d’autres termes, on voudrait maintenir certaines dispositions en vigueur en faveur du français, mais en éviscérant notre modèle d’intégration et la langue commune de la « convergence culturelle ». L’interculturalisme québécois, tel que décrit dans les documents du gouvernement québécois – qui visait à répondre à la politique du multiculturalisme canadien et à en exempter le Québec – est une politique d’intégration favorisant l’insertion de l’immigré dans la culture nationale commune, ce que ces documents nomment la « convergence culturelle ». Certes, la politique elle-même répondait au multiculturalisme sur son propre terrain, en concédant du terrain au culte du pluralisme. Mais en réaffirmant la «  convergence culturelle  », elle maintenait l’orientation du modèle québécois, dans l’esprit de la loi 101.

Or, les commissaires Bouchard et Taylor ont jugé que cette «  assimilation douce  » était déplacée et qu’il fallait que les Québécois acceptent non pas d’être la communauté de souche définissant la culture nationale, mais une communauté culturelle parmi d’autres, de façon à ce qu’il n’y ait pas de contenu culturel à la culture nationale commune (sic), afin qu’elle repose uniquement sur des valeurs abstraites. On sent bien l’absurde de la chose, son impossibilité radicale, et que ses effets concrets ne feraient qu’affaiblir la capacité des Québécois d’établir leur culture à titre de culture commune sur leur territoire plutôt que celle de leurs voisins anglo-américains et spécialement celle du Canada. La nature ayant horreur du vide. Néanmoins, force est de constater la remarquable conjonction entre cette volonté d’éradiquer toute «  assimilation douce  » à la majorité québécoise et les principes de la laïcité dite « ouverte ».

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L'art de mettre en boîte

Au sujet de la laïcité et du cours d’ECR, Rachida Azdouz classe les diverses positions dans le débat comme suit : la position laïque radicale, la position laïque modérée et confessionnelle modérée, la position confessionnelle radicale, et la position multiconfessionnelle. Ici, la position républicaine devient la position « laïque radicale » et la position conservatrice devient la position « confessionnelle radicale » — du coup, on aura deviné sans peine qu’elles sont déplacées. La position multiconfessionnelle équivaut en somme au multiculturalisme structurel des Pays-Bas. La position mitoyenne, « laïque modérée » et « confessionnelle modérée », n’est rien d’autre que celle qui correspond à la logique du cours d’ECR et, quant aux principes d’intégration, à la politique du multiculturalisme canadien. C’est ce qu’on appelle l’art de mettre en boîte.

Réal Gaudreault sur le cours d'éthique et de culture religieuse

Capsule 20 — Le Parti libéral et la désinformation



Notre premier ministre Jean Charest ainsi que sa ministre de l’Éducation Mme Michelle Courchesne s’y connaissent bien en désinformation. M. Charest a prétendu que le cours ÉCR reçoit l’appui d’une large majorité de citoyens au Québec. Que dire de Mme Courchesne qui juge que ce cours est bon alors qu’elle n'a pas prouvé en savoir grand-chose dans ses déclarations précédentes ?
  1. 72 % des parents québécois en faveur de la liberté de choix en éducation morale et religieuse (octobre 2008)
  2. Louis O'Neill sur le 72 % des parents québécois en faveur de la liberté de choix en éducation morale et religieuse
  3. 57 % de la population serait d’accord pour que les parents « aient le choix entre l’enseignement religieux confessionnel et le cours d’éthique et de culture religieuse » (décembre 2007)

Capsule 21 — Le Comité sur les affaires religieuses



En 2000, on assiste à la déconfessionnalisation des structures scolaires québécoises (dans le public). Arguant de cette déconfessionnalisation, il n’y aurait donc plus de cours de religion dans les écoles au Québec. Pourtant, la même année, le gouvernement crée le Comité sur les affaires religieuses, un groupe de travail qui publie des textes sur la religion dans les écoles. Étrangement, en 2008, on nous ramène un cours de religion (ÉCR). Plutôt drôle, non ?

La semaine dernière, le 15 avril, le Comité sur les affaires religieuses, présidé par Jacques Racine, l'un des pères du cours ÉCR, avait demandé à la Table de concertation protestante de rencontrer quelques parents protestants pour discuter de l'« implantation » du programme d'ÉCR.

Guère plus de 20 personnes se sont déplacées. La réunion ne s'est pas déroulée comme les fonctionnaires s'y attendaient. Des parents mécontents ont clairement exprimés leur désaccord au sujet du cours ÉCR de telle sorte que même ceux qui, au départ, appuyaient le cours ÉCR n'étaient plus aussi certains à la fin de la soirée. M. Racine, vexé de la tournure des évènements, a annulé la période de questions prévue.

Commission permanente de l'éducation du 19 mars 2008

Mme Malavoy du Parti québécois et M. Michel David du Devoir, deux phares du correctivisme politique, d’appeler à l’interdiction des écoles confessionnelles.

Capsule 22 — Mme Marois et Mme Malavoy, même parti, même délire



Dans les années 90, les députés et les ministres du P.Q. ont travaillé très fort à la déconfessionnalisation du système scolaire québécois. Or, comme il leur manquait de bons arguments, ils ont cru bon en inventer de toutes pièces. Les plus savoureux sont ceux de Mme Marois et de Mme Malavoy qui, ensemble, battent tous les records de déclarations tordues et mensongères. Pauvres Québécois ! car elles veulent en plus prendre le pouvoir au Québec.

Rappelons que Mme Pauline Marois avait solennellement déclaré le 26 mars 1997 à l'Assemblée nationale :
« L'école publique se doit donc de respecter le libre choix ou le libre refus de la religion, cela fait partie des libertés démocratiques. »

« Le libre choix entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux catholique et protestant continuera d'être offert, en conformité avec la Charte québécoise des droits et libertés. »

« Cette école devra être capable d'offrir le libre choix aux parents qui la fréquenteront... c'est-à-dire aux parents des enfants qui la fréquenteront, soit la possibilité d'une formation religieuse catholique, protestante ou une formation morale. »

« Je répète, M. le Président, que l'école publique doit respecter le libre choix comme le libre refus de la religion qu'expriment les parents. »